Hi, hi, hi !
Je rêvais que Franck me chatouillait.
Hi, hi, hi ! Mais… euh… arrê-teuh…
Et quand j’ai ouvert les yeux, j’ai compris que je m’étais finalement endormie et que ces petits guilis, ce n’était pas Francky en rêve, mais Bourriquet qui me faisait les poches.
– Ton nouvel ami a envie d’une pomme, on dirait…
Je me suis redressée en grimaçant, toujours à cause de mon bras en vrac et je l’ai vu qui était là, bien tranquille, assis sur un rocher en train de se faire un petit café.
– Le petit déjeuner est servi, il a dit.
– Francky ? C’est toi ? T’es pas mort ?
– Non, pas encore… T’as pas encore réussi ton coup…
– T’as rien de cassé ?
– Si. La cheville, je crois…
– Mais euh… j’avais du mal à remettre les morceaux du puzzle dans le bon sens, là… mais… tu… t’étais pas dans le coma ?
– Non.
– Ben, tu faisais quoi, alors ?
– Je dormais.
’Tain, il était gonflé, lui… Et tout ce souci qu’il m’avait causé alors ?
’Tain, il était gonflé…
’Tain, il était gonflé !
Monsieur dormait…
Monsieur se reposait…
Monsieur ronpschitait à la belle étoile…
Monsieur s’était endormi bien peinard dans les bras de cette petite pute de Morphée pendant que je me goinfrais ma misère…
Monsieur craignait.
Monsieur me décevait.
Toute cette angoisse quand il avait fait semblant de tomber dans les pommes… Et comment j’avais ramé pour nous faire beaux toute la nuit… Et tout ce que j’avais été obligée de remuer comme fumier pour qu’on ait l’air présentables… Et tout ce que j’avais dû faire comme tri en sourdine parce que je préférais inspirer le respect plutôt que la pitié.
Oui, tout ce mikado bien relou avec mes jolis souvenirs d’enfance pour pouvoir récupérer les utiles en ne touchant surtout pas à ceux qui n’auraient servi à rien d’autre qu’à m’enfoncer dans ma nuit encore un peu plus loin.
Tout ce travail de dentellière pour faire du joli avec de la merde…
Tout ce courage…
Toute cette tendresse…
Tout cet amour…
Et comme j’ai eu froid… Et comme je me suis sentie seule… Et comme j’ai été triste… Et tout ce que je m’étais donné comme mal pour nous faire aimer d’une morte… et… et son 3615 Petite Branlette Artistique en plus du reste et…
’Tain, j’avais bien les boules, là…
Bien, bien, bien…
– Et le bourricot, il est venu comment ? j’ai demandé.
– Je ne sais pas. Il était là quand je me suis réveillé…
– Mais il est passé par où ?
– Par le petit chemin là-bas…
– Mais… euh… comment il a fait pour nous retrouver ?
– Ne me demande pas… Encore un âne assez bête pour tenir un peu à toi…
– …
– Tu boudes ?
– Ben, ouais, je boude, mon con ! Je me suis fait vachement de souci, figure-toi ! Et j’ai pas fermé l’œil de la nuit…
– Je vois ça…
Oh, je l’avais mauvaise, dis donc, et son café, il pouvait se le mettre où je pense.
– Tu m’en veux ? il a demandé avec sa petite bouche de faux derche de petit réparateur de bijoux de famille de mes deux.
– …
– Tant que ça ?
– …
– Vraiment tant que ça ?
– …
– Vraiment, vraiment ?
– …
– Tu t’es vraiment fait du souci pour moi ?
– …
– Tu croyais vraiment que j’étais dans le coma ?
– …
– T’étais triste ?
– …
– Très très triste ?
– …
C’est ça. Continue, gros con. Fous-toi de ma gueule encore en plus…
Silence.
Il s’est approché en boitillant et il a posé une tasse fumante à côté de moi avec une tranche de pain d’épice.
J’ai même pas bougé un seul cil.
Il s’est assis comme il a pu avec sa patte raide et il m’a dit d’une voix très gentille :
– Regarde-moi.
Phoque you.
– Billie djinn, regarde-moi.
Bon, crrr… crrr…, j’ai actionné ma nuque de trois millimètres vers le haut.
– Tu le sais, que je t’adore, il a murmuré en me regardant droit dans les yeux. Que je t’adore plus que tout au monde… Tu le sais depuis le temps, n’est-ce pas ?
– …
– Si. Tu le sais. Tu ne peux pas faire autrement, de toute façon… Mais, là, voilà presque quatre nuits d’affilée que tu m’empêches de dormir et… et tu es épuisante, tu sais ? Épuisante, épuisante, épuisante… Tellement fatigante que quelquefois, pour tenir le coup à tes côtés, eh bien, il faut faire semblant de mourir un peu… Tu peux le comprendre, ça, non ?
– …
– Allez, bois ton café, mémère…
Je pleurais.
Alors il a encore rampé jusqu’à moi et il m’a fait un gros câlin du matin, chagrin.
– J’ai-ai cru que t’éé-tais mooor-reuh, j’ai hoqueté.
– Mais non…
– J’ai-ai cru que t’éé-tais mooor-reuh et que j’aaa-llais me tuer au-au-ssi…
– Oh, Billie, tu me fatigues… il a soupiré. Allez, bois ton café et mange un peu. On n’est pas encore tirés d’affaire.
Et j’ai mastiqué mon pain d’épice tout dégueulasse à la confiture de larmes.
Et je pleurais encore plus parce que je-euh dé-éé-testais le pain d’é-pi-ii-ce-euh…