Ce matin, il ne pleut plus. Mais une brise mordante circule dans Paris, rapide comme une mauvaise nouvelle.
Le jour se lève lorsque j'arrive rue de la Glacière, devant l'immeuble de Marie-Jeanne.
Une force mystérieuse m'a conduit là. En fait, elle n'a pas quitté ma pensée un instant, cette petite. Je la porte en moi, comme je porte mon cœur.
Y a déjà de la lumière chez elle. C'est vrai qu'elle se lève tellement tôt pour aller gagner sa pauvre croûte frugale.
Alors je monte et frappe à la porte.
Cœur battant, Antoine. Un collégien ! C'est le printemps qui chante en moi, comme ça disait dans j'sais plus quelle goualante à la noix.
Un glissement léger. Sa chère menue voix demande :
— Qui est-ce ?
— Un grand con de flic ! je réponds.
La porte s'entrouvre. Elle est là, en petite culotte et minuscule soutien-loloches. Seigneur ! Je me jetterais dessus si je m'écoutais et la boufferais toute crue.
— Bonjour, chuchote-t-elle, ça va ?
— Succès complet, ma chérie. J'ai suivi tes conseils et tout s'est passé merveilleusement.
— Ah bon !
Elle reste plantée dans l'entrebâillement, sans penser à me faire entrer. C'est Bibi qui hasarde, désignant l'intérieur :
— Je peux ?
Elle ne bronche pas, finit par bredouiller :
— C'est-à-dire que… j'ai reçu un camarade de la fac, hier, et il est resté.
Putain, cette chute en piqué ! Ce baquet d'eau froide !
Quelle drôle de bouille je dois avoir : épuisé par les événements, la nuit blanche, tout ça…
— Oui, oui, je comprends, fais-je. Ça n'a aucune importance, j'étais juste monté te demander l'heure. Ma tocante retarde. Pourtant, ces montres Cartier c'est pas de la camelote, hein ? Comment tu expliques ça ?
Elle me répond qu'elle n'explique pas et qu'il est 5 heures 10.