Tout en tirant sur sa cigarette, le commander Serge Kovask écoutait le commodore Gary Rice lui expliquer en détail toute l’affaire de l’ambassade du Venezuela. Son chef lui avait raconté les faits dans Tordre chronologique.
— L’opinion intime de l’ambassadeur est qu’il n’a pas été roulé et que l’homme disait bien la vérité, mais qu’un événement imprévu l’a empêché de tenir parole. Inutile de préciser que son entourage, le personnel de l’ambassade, n’est nullement de son avis.
— Pourquoi n’est-il pas allé trouver la C.I.A. ?
Rice sourit.
— Les gouvernements des pays latino-américains se méfient plus de notre service secret que des réseaux castristes. Trop d’erreurs ont été commises, et ce n’est qu’en dernier ressort qu’ils s’adressent à Langley. D’ailleurs, pour l’Amérique latine, le F.B.I. supervise les activités de la C.I.A. Mais l’ambassadeur, Manuel Maderena, est un vieil ami à moi. Il y a une dizaine d’années, j’étais conseiller de la marine vénézuélienne, et c’était à lui que j’avais affaire. Il est officier de marine.
— Ça me le rend très sympathique, dit Kovask.
— Croyez qu’il vous aidera au maximum. Mais je n’ai pas terminé. L’affaire en serait restée à ce point et je ne vous aurais pas dérangé pour si peu, si un fait nouveau n’était intervenue Hier, on a découvert le cadavre d’un homme à l’intérieur d’une Ford en partie immergée dans le Potomac. Cet homme se nomme Carl Harvard, géographe travaillant à la National Géographie Society, porté disparu depuis quarante-huit heures par sa femme.
— Géographe, hein ?
— Liquidé par le coup du lapin. On n’a même pas essayé de maquiller le crime. On a retrouvé près de là une chambre à air et du fil de nylon. C’est ce que dit le journal. J’ai eu Maderena au bout du fil hier au soir, et il m’a certifié que le container aux billets avait été fixé par son envoyé à une chambre à air.
— Son envoyé ?
— L’adjoint au délégué culturel, un certain Carmina. Il est d’ailleurs à notre disposition pour répondre à toutes nos questions.
— Et la carte de la fameuse piste secrète ?
— Disparue, évidemment. Certainement entre les mains des Cubains à l’O.N.U., puisque telle était la menace de Carl Harvard.
— Aucun doute sur sa culpabilité ?
— Aucun… Vous irez également au siège de la société et tâcherez de découvrir les documents qui lui ont permis de reconstituer ce tracé. Son job, c’était la carte photographique, exactement la géodésie aérienne et spatiale.
— Ce n’est pas tout à fait un travail de géographe, mais je suppose qu’il y a des interpénétrations entre les différentes utilisations des renseignements ?
— Oui. Son département reçoit des photographies aériennes du S.A.C., de la Navy et même de compagnies commerciales. Pour l’espace, c’est la NASA. le principal fournisseur, mais aussi certains pays étrangers comme l’Angleterre et la France. Carl Harvard manipulait des centaines de documents. Plus futé qu’il en avait l’air, d’après les premiers renseignements que j’ai pu obtenir, il a trouvé quelque chose de sensationnel. Et, tout de suite, il a voulu le monnayer. Trente mille dollars au Venezuela et autant à la Colombie, mais avec ce dernier pays les tractations n’étaient guère avancées et il devait leur fixer un rendez-vous pour plus tard. Malheureusement, il a été liquidé. Je dis malheureusement, mais en fait ses assassins ont commis une erreur. Ils auraient dû le garder en vie jusqu’à ce qu’il leur ait remis les documents originaux. Ils ont été trop pressés. Kovask réfléchissait tout en l’écoutant.
— On n’a pas retrouvé l’argent, évidemment. L’ambassadeur est-il sûr de ce Carmina ?
— Je n’en sais rien. Vous le lui demanderez vous-même, car vous avez rendez-vous avec lui ce matin, dans une heure très précisément.
— La C.I.A. ?
— Elle ignore tout.
Le Commander regarda son chef de façon assez curieuse.
— Et si je suis obligé d’aller contrôler sur place l’existence de cette fameuse route ?
— Vous aurez la bénédiction des pays en question, et je pourrai même vous adjoindre Marcus Clark qui vient de rentrer du Viêt-nam.
Kovask consentit à sourire.
— Dans ces conditions, l’affaire m’intéresse et je suis disposé à aller jusqu’au bout.
Gary Rice dessinait un éléphant sur son buvard.
— Ça ne veut pas dire que Langley ne sera pas alerté. Ils ont des informateurs dans tous les coins et peuvent vous créer des difficultés. Vous les connaissez. Tant que la mission dont je vous charge se limite à cette histoire de cartes et de documents photographiques, ils ne peuvent trop y faire obstacle puisque c’est également notre spécialité. Mais ensuite, il pourrait y avoir de la bagarre.
Il se leva également pour accompagner le commander jusqu’à la porte.
— Nous avons la réputation d’être très discrets, contrairement aux gens de Langley. La Maison-Blanche verrait d’un bon œil que tout se passe en douceur jusqu’au bout. Cette route tracée en pleine jungle doit être très vulnérable en certains points : traversée des cours d’eau, corniches, marécages. En détruisant quelques-uns de ces points, on la neutralise très facilement. Encore faut-il savoir où elle se trouve.
Manuel Maderena, l’ambassadeur du Venezuela, reçut très aimablement Kovask et lui répéta exactement ce qu’il tenait déjà de la bouche même du commodore.
— Je vais vous chercher le document qu’il nous avait fait parvenir. Vous verrez qu’il contenait des promesses fort intéressantes.
Il revint avec une photographie et une forte loupe.
— Examinez le point blanc qui se trouve ici à droite. Il s’agit d’un camion. Sortant du sous-bois, il traverse une clairière et c’est alors que l’objectif l’a saisi. Examinez-le à la loupe. Vous distinguerez la forme du véhicule.
Kovask s’exécuta, mais il fallait beaucoup de bonne volonté pour distinguer quoi que ce soit.
— Nous avons fait procéder à un agrandissement. Mon secrétaire nous l’apporte.
On frappa tout de suite après et un homme à fortes moustaches noires déposa le document sur le bureau. Un carré de deux centimètres de côté avait été agrandi vingt-quatre fois. Kovask, toujours armé de la loupe, accepta de reconnaître un camion.
— Vous comprenez l’intérêt du restant ? Les avions du S.A.C. pourraient sillonner ces territoires des jours et des jours sans rencontrer des conditions aussi favorables. Les guérilleros éviteront d’expédier un camion quelconque là-bas.
Kovask reposa les deux photographies.
— Puis-je voir José Carmina ?
— Je lui ai demandé de ne pas quitter l’ambassade tant que vous n’étiez pas venu.
Un garçon d’une trentaine d’années, mince et élégant, entra dans le bureau. Kovask le trouva sympathique et eut l’impression de serrer une main franche.
— Commander Serge Kovask. Un ami qui veut bien s’occuper de cette malheureuse affaire, dit l’ambassadeur.
— Excusez-moi à l’avance si je vous fais recommencer une fois encore votre récit.
Carmina s’y prêta de bonne grâce et raconta ce qu’il avait fait lors de la remise de la rançon. Il parla de la chambre à air qui flottait à proximité du ponton.
— Elle était fixée ?
— Lestée, certainement. Depuis que nous avons lu ces articles sur la mort de ce Carl Harvard, je comprends mieux comment il avait opéré. Le fil nylon devait reposer, lesté, au fond du Potomac. Il n’a eu qu’à tirer pour ramener le container et la chambre.
— Vous n’avez rien vu ?
— Je suis rentré directement ici. Ensuite, je suis allé rendre la voiture louée, et de là à une exposition, un vernissage de peinture où je représentais mon pays.
Kovask nota le lieu, l’heure et le nom du peintre. Carmina resta impassible. C’était le point faible de son histoire, mais il espérait que l’officier de marine n’irait pas vérifier. Du moins, pas tout de suite. Plus tard, le souvenir s’estomperait dans l’esprit des gens et personne ne se souviendrait qu’il était arrivé en retard.
En sortant de l’ambassade, Kovask se dirigea vers la National Géographie Society. Il obtint de rencontrer un certain Richardson, directeur du département de géodésie aérienne et spatiale, un homme aux cheveux blancs et au teint rosé.
— Ce pauvre Harvard… Aller se faire assassiner si bêtement. Un crime crapuleux ? Je ne sais pas. Peut-être une histoire de mœurs. Un type si bizarre…
Kovask commença par trouver Richardson assez répugnant. On n’avançait pas de telles méchancetés à la légère.
— Pour moi, il aura embarqué un jeune et… Enfin, vous me comprenez. Une fille ne l’aurait pas tué.
Puis-je rencontrer ses collègues ?
— Je vais les faire appeler.
— Inutile de vous déranger, je vais aller les trouver. Je vous remercie infiniment…
L’autre se dressait, marchait vers la porte.
— Mais laissez-moi…
— Je veux les voir seuls. Désolé, mais ceci est très important, me comprenez-vous ?
— Parfaitement, articula péniblement Richardson.
Heureux de ce contretemps, les subordonnés de Harvard entourèrent Kovask dès qu’il leur eût expliqué le motif de sa visite.
— La police nous a déjà interrogés, dit miss Jane, mais nous n’avons pu dire grand-chose. Campus, je veux dire M. Harvard, ne parlait pas beaucoup et on ne connaissait pas sa vie privée.
— Oui, dit un petit type rigolard. Il n’y avait aucun contact entre nous et lui. Pas un mauvais type, mais à part son travail… D’ailleurs, il était très fort.
— Ça, c’est vrai, dit un troisième plus âgé, et sans lui le département aurait été confié à quelqu’un d’autre… S’il avait été plus intransigeant, moins timide.
Kovask s’installa au bureau d’Harvard, fouilla dans les tiroirs.
— De quoi s’occupait-il en ce moment ?
Les autres se regardèrent avec indécision.
— Exactement… Nous venions de terminer l’exécution d’un plan de travail et il devait en préparer un autre.
— N’était-il pas intéressé par l’Amérique du Sud ? dit-il négligemment.
Miss Jane réagit sur-le-champ :
— Mais si, justement. Il travaillait sur des photographies du S.A.C. et il avait demandé des réductions de documents au chef des travaux… Mais je me souviens des documents en question.
Elle fonça vers le fichier, clama joyeusement :
— Ils sont encore en place.
Puis elle se dirigea vers le classeur mentionné, prit un dossier, l’ouvrit et resta coite.
— Mais il est vide.
— Vous êtes sûre ?
— Regardez.
— Mais pourtant, le fichier…
Seul, Kovask se taisait. Harvard avait dû faire disparaître les preuves de sa culpabilité Pour poursuivre, il faudrait contacter le Stratégie Air Command, c’est-à-dire alerter en même temps la C.I.A.
— Je ne comprends pas, murmurait miss Jane…
— Une erreur de classement ?
— Dans ce cas, fit-elle avec découragement, il faudra bouleverser tout ça. Des milliers de dossiers.
D’un geste ample, elle désignait les classeurs. Il lui tapota gentiment sur l’épaule :
— Aucune importance. Si, à l’occasion, vous remettez la main dessus… Je téléphonerai de temps en temps.
Le chef des travaux, seul, paraissait regretter sincèrement Harvard.
— Nous sommes entrés ensemble ici et c’était un bon copain. Oh ! pas du genre à payer un verre à la sortie, mais pour vous rendre service il était toujours prêt !
— Vous souvenez-vous de ces réductions de photographies qu’il vous avait demandées ?
— Bien sûr. C’était un bûcheur et un intuitif. Il aurait dû être à la tête de ce département.
— Il ne vous reste rien de ces réductions ?
L’autre sourit, découvrant une multitude de dents en or.
— Rien. C’est interdit. Les documents rejoignent vite leurs dossiers. C’est normal, non ?
Kovask se mordait la lèvre, se demandant comment il pourrait y arriver quand même.
— En dehors du boulot, vous le fréquentiez ?
— J’aurais bien aimé, mais sa femme… Oh ! pas méchante, mais molle… Décourageante… Capable de passer la soirée avec vous sans dire deux mots. La mienne, ça ne lui plaît pas… Alors…
— Merci.
Dans la grande salle, il s’approcha du fichier, sourit à miss Jane pour qu’elle le rejoigne.
— Il y a les références au sujet de ces photographies ?
— Les nôtres, oui. Voyez : N.A.S.A., ou bien S.A.C., ou bien encore Navy… Mais pour savoir d’où elles viennent exactement… Peut-être, M. Richardson…
Le directeur paraissait de mauvaise humeur. Il ne consentit à parler qu’à regret.
— La N.A.S.A., le S.A.C. ne nous donnent pas tellement d’indications. Sur les photos, il y avait l’heure, les relevés géographiques, évidemment.
— Avez-vous des fois eu besoin de doubles ? Il leva les bras au ciel.
— On y a renoncé. Cela paraissait suspect, ou bien on nous demandait des mois.
— Alors, à l’arrivée, vous les établissiez vous-même ? Richardson soupirai :
— Oui, dans le mois qui suivait, mais je crois que Harvard n’y a nullement songé. Je vous le dis, il était bizarre et…
Pas songé ? Un oubli volontaire, certainement, pour rester le seul possesseur du secret. La route secrète Fidel Castro. L’équivalent de la piste Ho Chi-minh multipliée par trois ou quatre. Une importance énorme. En quelques mois, l’Amérique du Sud pouvait se trouver à feu et à sang, avec des armes chinoises ou russes débarquées en un point secret et acheminées à toute allure vers le centre du continent. De quoi bouleverser des dizaines de millions d’habitants.
Il prit congé de Richardson, et se préoccupa de trouver une cabine téléphonique pour avertir le commodore Gary Rice du peu de résultat de ses démarches.
— Le plus grave, c’est cette histoire de photographies… Si nous sommes obligés de nous adresser au SAC, la C.I.A. sera alertée immédiatement.
— Mais ne rien faire, c’est courir le risque de reculer pour mieux sauter, et s’assurer ensuite le triomphe de la C.I.A. qui ne manquera pas de flétrir nos atermoiements.
— Je vais aller voir Mrs Harvard. Ensuite, je reviendrai vous voir. Au fait, Marcus Clark est disponible, m’avez-vous dit ? Envoyez-le du côté de l’ambassade. Qu’il surveille un certain Carmina, José Carmina. Une idée qui vient de me venir.
— Il va être ravi d’apprendre que vous l’envoyez jouer les flics, conclut le commodore.
Un mouton gras et indolent, ce fut l’impression que lui procura la vue de Mrs Harvard lorsqu’elle vint lui ouvrir la porte. Elle tenait une revue de cinéma à la main et portait sur elle une odeur de bière et de charcuterie.
— Encore ! dit-elle en gémissant. Mon mari est à la morgue de la police et j’ai été interrogée au moins dix fois. Entrez quand même.
Le bungalow n’était pas très bien tenu. Il demanda à voir le bureau du géographe, certain de ne rien trouver d’intéressant. Il fouilla les tiroirs, les classeurs, tandis qu’elle le regardait d’un air endormi.
— N’avez-vous pas vu une carte photographique de l’Amérique du Sud ? Elle représentait le nord de ce continent, la Colombie et le Venezuela.
— Je ne sais pas, dit-elle. Je ne mets jamais les pieds dans cette pièce, même pas pour le ménage. Carl ne voulait pas. Les policiers ont fouillé partout. Ils cherchaient autre chose.
— Quoi donc ?
Elle prit un air idiot en se dandinant comme une petite fille émoustillée :
— Des livres ou des revues pornographiques. Ils pensaient que Carl avait été victime de ses vices… Vous pensez… Je le connaissais, moi… Il ne pensait qu’à son travail. Ils n’ont rien trouvé, évidemment.
Toujours cette hypothèse du crime apparenté à une affaire de mœurs. Kovask plaignait le petit Campus de se trouver mêlé dans sa mort à une chose de ce genre.
— Mais on ne sait jamais, bien sûr, ajouta le petit mouton frisé. Il paraît que les gars comme ça, on ne soupçonne rien, même ceux qui vivent avec tout le temps.
Il haussa les épaules : elle appelait ça vivre avec… D’un seul coup d’œil, il se rendait compte qu’elle avait pu être la solitude de Carl Harvard. Sa tentative pour négocier des documents importants avait dû lui apparaître comme un coup de chance, l’occasion de vivre un peu plus intensément et d’échapper à cette grisaille.
— Ils vont m’autoriser à l’enterrer bientôt ?
— Certainement, dit-il. Votre mari n’a jamais reçu de coup de téléphone mystérieux, ici ?
— Jamais. Qui vouliez-vous qui l’appelle ?
— Le jour où il a disparu, il vous a dit qu’il allait au travail comme d’habitude ?
— Bien sûr.
— Vous ne vous êtes douté de rien, n’avez rien remarqué ?
— Si. Il était nerveux… Et plus ça va, plus je me demande s’il n’avait pas rendez-vous.
Un peu plus tard, il quitta Washington en suivant la rive gauche du Potomac. Il avait repéré sur une carte routière l’endroit où le corps et la voiture avaient été retrouvés. Il s’orienta assez facilement, trouva le chemin, les traces nombreuses laissées par les voitures de police et les pompiers. On avait également pataugé dans les joncs et tout autour de l’endroit.
Il fuma une cigarette, puis, à tout hasard, alluma sa radio, pensant que Marcus Clark voudrait communiquer avec lui. Il appela le centre des télécommunications de l’O.N.I., mais on lui dit que le lieutenant ne s’était pas encore manifesté.
— Mais, dites donc, dit Kovask, est-ce vous qui envoyez une modulation comme un satellite ?
— Certainement pas, lui répondit l’opérateur. Le temps est parfait pour un échange radio.
Kovask baissa la tonalité. L’espèce de bip-bip continuait. En fait, il y avait trois brèves et une longue, trois brèves, une longue. Pris d’un pressentiment, il sortit de la voiture, inspecta soigneusement le dessous, pensant à un couineur collé par aimantation à sa carrosserie.
— Où ont-ils pu le planquer ? ronchonna-t-il en ne trouvant rien. Il continua ses recherches pendant une demi-heure avant de remonter sans sa voiture.
Il régla son poste émetteur-récepteur, puis démarra lentement. Lorsqu’il arriva à proximité d’un groupe d’arbres, il eut l’impression que le signal devenait beaucoup plus fort.
— On dirait une balise, pensa-t-il à voix haute.
Voulant en avoir le cœur net, il recula lentement et le son décrut peu à peu, s’amplifia lorsqu’il repartit en marche avant, pour s’étouffer au fur et à mesure qu’il s’éloignait du groupe d’arbres. Une fois sur la route, il n’entendit plus rien.
Cette fois, il n’hésita plus et rentra en communication avec le centre.
— Le lieutenant Marcus Clark n’a pas appelé, lui dit l’opérateur.
— Ecoutez, envoyez-moi une équipe gonio. Je suis sur la rive gauche du Potomac, à hauteur de Quantico. Quelque chose de discret. Je les attendrai sur la route. Une Jaguar grise métallisée.
— Tout de suite, Sir.
— Dites-leur qu’il peut s’agir d’une petite balise genre couineur, de portée assez faible.
— Entendu, Sir.
Durant les trois quarts d’heure d’attente, Kovask piétina d’impatience. Tout était une question de temps. Il ne croyait pas aux coïncidences, et pensait que ce signal radio avait un rapport direct avec la mort de Carl Harvard.
— L’argent, peut-être… L’argent dans le container… Mais, nom d’une pipe, pourquoi n’y ai-je pas pensé ?… Carmina était seul… Une heure avec le container à sa disposition. Une balise radio pour situer son correspondant, et le tour était joué.
Puis son visage se rembrunit. Comment expliquer qu’il ait rejoint Carl Harvard à cet endroit ? Impossible durant sa mission officielle, puisque l’attaché d’ambassade le chronométrait. Et Harvard n’avait pas attendu sur place une fois en possession de l’argent.