Chapitre XV LES INTENTIONS DE LA REINE TERA

» À présent, la Pierre Étoilée! Elle la considérait manifestement comme le plus important de ses trésors. Elle y avait gravé des mots que personne, de son temps, n'osait prononcer.


» D'après les croyances de Égypte antique, il y avait des mots qui, s'ils étaient utilisés convenablement – car la manière de les dire avait autant d'importance que les mots eux-mêmes – étaient capables de commander aux Seigneurs des Mondes d'En-haut et d'En-bas. Le «hekau» ou parole de puissance, était d'une grande importance, dans un certain rituel. Sur la Pierre des Sept Étoiles qui, comme vous savez, est ciselée de manière à figurer un scarabée, sont gravés en hiéroglyphes deux de ces hekau, l'un sur le dessus, l'autre dessous. Mais vous comprendrez mieux en le voyant. Ne bougez pas!


Mr. Trelawny était revenu deux ou trois minutes plus tard. Il tenait à la main une petite boîte d'or, qu'il plaça devant lui sur la table, en reprenant son siège. Quand il l'ouvrit, nous nous penchâmes tous en avant.


Sur un coussin de satin blanc reposait un merveilleux rubis d'une taille immense, presque aussi gros que la première phalange du petit doigt de Margaret. Il était ciselé – il n'était pas possible que ce fût sa forme d'origine, mais les pierres ne laissent pas apparaître la trace de l'outil – dans la forme d'un scarabée, les ailes repliées, les pattes et les antennes serrées sur ses côtés. Étincelant à travers sa merveilleuse couleur «sang de pigeon», il y avait sept étoiles distinctes, ayant chacune sept pointes, dans une position telle qu'elles reproduisaient exactement la constellation du Chariot. Il ne pouvait y avoir aucune erreur dans l'esprit de quiconque avait observé cette dernière. Il s'y trouvait, gravées avec la précision la plus raffinée, quelques hiéroglyphes, comme je pus le constater lorsque ce fut mon tour d'utiliser la loupe que Mr. Trelawny avait sortie de sa poche et nous tendait aux uns et aux autres.


– Comme vous voyez, il y a deux mots, l'un au-dessus, l'autre au-dessous. Les symboles du dessus représentent un seul mot, composé d'une syllabe prolongée, avec ses déterminants. Vous savez tous, je suppose, que la langue égyptienne était phonétique, et que le symbole hiéroglyphique représentait le son. Le premier symbole que vous voyez ici, le hoe, signifie «mer», et les deux ellipses pointées la prolongation de l'«r» final: me-r-r. La figure assise avec la main sur son visage est ce que nous appelons le «déterminant» de la «pensée»; et le rouleau de papyrus celui de l'«abstraction». Nous avons ainsi le mot «mer», amour, dans son sens abstrait, général, et le plus complet. C'est le hekau qui peut commander au Monde d'En-Haut.


» La symbolisation du mot gravé au revers est plus simple, bien que le sens en soit plus abscons. Le premier symbole signifie «men», constant et le second «ab», le cœur. Nous obtenons ainsi «constance du cœur», ou dans notre langue «patience». Et c'est le hekau pour contrôler le Monde d'En-Bas.


Il referma la boîte et, en nous faisant signe de rester où nous étions, il retourna dans sa chambre pour remettre la Pierre dans le coffre. Quand il fut revenu et qu'il eut repris son siège, il continua:


– Cette Pierre précieuse, avec ses mots mystiques, que la Reine Tera tenait sous sa main dans son sarcophage, devait être un facteur important – probablement le plus important – dans le processus de sa résurrection. Dès le début, par une sorte d'instinct, j'ai cru m'en rendre compte. J'ai gardé la Pierre dans mon grand coffre, d'où personne ne pouvait l'extraire; même pas la Reine Tera par son corps astral.


– Son corps «astral»? Qu'est-ce que c'est, père? Qu'est-ce que cela veut dire?


Il y avait dans la voix de Margaret qui posait cette question une vivacité qui me surprit un peu; mais Trelawny eut une sorte de sourire paternel qui vint éclairer sa solennité un peu sinistre comme un rayon de soleil perce un nuage, et il répondit:


– Le corps astral, qui devint un élément des croyances bouddhistes longtemps après l'époque dont nous parlons, et qui est un fait admis par le mysticisme moderne, a pris naissance dans l'Égypte antique; du moins, autant que nous pouvons le savoir. Cela veut dire que l'individu doué de ce pouvoir peut à sa volonté, à la vitesse de la pensée, transporter son corps en tout endroit choisi de lui, par la dissolution et la reconstitution des particules dont il est formé. À propos, dans les croyances anciennes, il y avait plusieurs parties dans l'être humain. Vous pouvez aussi bien les connaître; vous pourrez ainsi comprendre les questions qui y sont relatives ou qui en dépendent à mesure qu'elles se présenteront.


» Tout d'abord, il y a le «Ka»ou «Double», qui, ainsi que l'explique le Dr Budge, peut être défini comme «une individualité abstraite de la personnalité» imprégnée de toutes les caractéristiques de l'individu qu'elle représente. Le Ka est doué d'une existence absolument indépendante. Il est libre de se déplacer sur la terre d'un endroit à un autre, à volonté; il peut pénétrer dans le ciel et parler avec les dieux. Il y a ensuite le «Ba», ou «âme» qui habite le «Ka» et a le pouvoir de devenir à volonté corporel ou incorporel; il a à la fois la substance et la forme… Il a le pouvoir de quitter la tombe… Il peut venir retrouver le corps dans la tombe… Il peut le ranimer et entretenir une conversation avec lui. Ensuite il y a le «Khu», l'«intelligence spirituelle», ou esprit. Il prend la forme d' «un corps resplendissant, lumineux, intangible»… Et puis encore le «Sekhem» ou «pouvoir» d'un homme, sa force ou son énergie vitale personnifiée. Tous ces éléments, avec le «Khaibit», ou «ombre», le «Ren ou «nom», le «Khat» ou «corps physique», et «Ab» le «cœur», dans qui est le siège de la vie, contribuent à faire un homme.


» Vous verrez ainsi, que si cette division des fonctions, spirituelles et somatiques, éthérées et corporelles, idéales et réelles, sont acceptées comme exactes, il y a toutes les possibilités et les capacités de transferts corporels, dirigés toujours par une volonté qui ne peut être enchaînée ou par une intelligence.


» Il y a une autre croyance des anciens Égyptiens que vous devez garder présente à l'esprit: celle qui concerne les statuettes ushaptiu d'Osiris qui étaient mises avec le mort pour faire son travail dans le Monde d'En-Dessous. La généralisation de cette idée aboutit à croire qu'il est possible de transmettre par des formules magiques l'âme et les qualités de n'importe quelle créature vivante à une figure faite à son image. Cela donnerait une terrible extension de son pouvoir à celui qui détiendrait le don magique.


» C'est par la combinaison de ces différentes croyances et de leurs corollaires naturels que j'ai abouti à cette conclusion: la Reine Tera s'attendait à pouvoir effectuer sa propre résurrection au moment, à l'endroit, et de la manière qu'elle voudrait. Qu'elle ait eu en vue un moment précis pour entreprendre cet effort est non seulement possible, mais vraisemblable. Je ne m'attarderai pas maintenant à l'expliquer, mais j'aborderai le sujet plus tard. Avec une âme se trouvant parmi les dieux, un esprit qui pouvait se déplacer sur la terre à son gré, et un pouvoir de transfert corporel, ou un corps astral, aucune frontière, aucune limite n'avait à s'opposer à son ambition. Nous sommes obligés de croire que pendant ces quarante ou cinquante siècles elle est restée dans sa tombe, à attendre, en dormant. À attendre avec cette «patience» qui pouvait commander aux Dieux du Monde d'En-Dessous, pour cet «amour» qui pouvait faire obéir les Dieux du Monde d'En-Haut. Ce qu'elle a pu rêver, nous n'en savons rien; mais son rêve a dû être interrompu par l'intrusion de ce Hollandais dans sa caverne sculptée, et celui qui l'a suivi a violé l'intimité sacrée de son tombeau en commettant cet affreux outrage: le vol de sa main.


» Ce vol, avec tout ce qui a suivi, nous prouve cependant une chose: chaque partie de son corps, bien que séparée du reste, peut être le point central et le lieu d'attraction des particules de son corps astral. Cette main qui se trouve dans ma chambre peut réaliser sa présence instantanée en chair et en os, et sa dissociation aussi rapide.


» J'arrive au couronnement de mon argumentation. Le but de l'attaque dont j'ai été victime était l'ouverture du coffre, pour que la Pierre sacrée des Sept Étoiles puisse en être extraite. Cette immense porte du coffre ne pouvait arrêter son corps astral qui, dans son entier ou partiellement, peut se reformer aussi bien à l'intérieur qu'à l'extérieur du coffre. Et je ne doute pas que dans l'obscurité de la nuit cette main momifiée ait souvent touché cette Pierre Talisman et tiré de ce contact une inspiration nouvelle. Mais, en dépit de tout son pouvoir, le corps astral ne pouvait faire passer ce joyau à travers les interstices du coffre. Le Rubis n'est pas astral; on ne peut le déplacer que grâce au procédé habituel consistant à ouvrir les portes. Dans ce but, la Reine a employé son corps astral et la force déchaînée de son Esprit Familier, pour approcher du trou de la serrure la clef maîtresse qui s'opposait à sa volonté. Pendant des années je l'ai soupçonné, que dis-je, je l'ai cru; et je me suis également protégé contre les puissances du Monde Inférieur. Moi aussi, j'attendais patiemment d'avoir rassemblé tous les éléments requis pour l'ouverture du Coffre et la résurrection de la Reine momifiée.


Il s'arrêta, et l'on entendit la voix douce et claire de sa fille, chargée d'une émotion intense:


– Père, d'après la croyance des Égyptiens, le pouvoir de résurrection d'un corps momifié était-il général, ou limité? C'est-à-dire: pouvait-il accomplir sa résurrection un grand nombre de fois dans le cours des siècles; ou seulement une fois, définitivement?


– Il n'y avait qu'une seule résurrection, répondit-il. Il y en avait quelques-uns qui croyaient que ce devait être une résurrection bien déterminée du corps dans le monde réel. Mais selon la croyance la plus répandue, l'Esprit trouvait la joie aux Champs-Élysées, où il y avait une grande quantité de nourriture, où l'on n'avait pas à craindre la famine. Où il y avait de l'humidité et des roseaux aux racines profondes, et toutes les joies que peut attendre un peuple vivant sur une terre aride et sous un climat brûlant.


Margaret parla alors avec un sérieux qui traduisait sa conviction intérieure:


– Quant à moi, alors, j'ai la possibilité de comprendre ce qu'était le rêve de cette grande dame de jadis, qui voyait loin et avait une âme élevée; le rêve qui permet à son âme d'attendre patiemment sa réalisation pendant toutes ces dizaines de siècles. Le rêve d'un amour qui pourrait exister; un amour qu'elle sentait qu'elle pourrait, dans certaines conditions nouvelles, inspirer. L'amour qui est le rêve de toute femme; des temps anciens ou nouveaux; païenne ou chrétienne; sous n'importe quel soleil; quel que soit son rang; quelles que soient ses aspirations; quelle qu'aient pu être par ailleurs sa joie et ses peines au cours de son existence. Oh! je connais cela! Je connais cela! Je suis une femme, et je connais le cœur d'une femme. Ce qu'étaient la pénurie ou l'abondance; ce qu'étaient la bombance ou la famine pour cette femme, née dans un palais, avec sur le front l'ombre portée par la Couronne des Deux Égyptes! Ce qu'étaient les marécages couverts de roseaux ou le murmure de l'eau courante pour elle dont les bateaux pouvaient descendre le grand Nil des montagnes jusqu'à la mer! Ce qu'étaient les petites joies et l'absence de petites peurs pour elle qui pouvait d'un geste lever des armées, ou attirer jusqu'aux débarcadères de ses palais le commerce du monde entier! Qui d'une parole, pouvait faire surgir des temples riches de toutes les beautés artistiques des Temps Anciens qu'elle avait pour but et comme plaisir de faire revivre! Sous la direction de qui le roc s'entrouvrait pour lui ménager la sépulture qu'elle avait conçue!


» Je peux la voir dans sa solitude et dans le silence de sa fierté grandiose, rêvant de choses tellement différentes de celles qui l'entouraient. D'un autre pays, loin, très loin sous le dais de la nuit silencieuse, éclairé par la lueur magnifique et glacée des étoiles. Un pays s'étendant sous l'étoile du Nord, d'où soufflent les vents venant tempérer l'air fiévreux du désert. Un pays de verdure pleine de santé, loin, très loin. Où il n'existe pas de clergé aux combinaisons tortueuses; un clergé dont les idées consistaient à accéder au pouvoir par le chemin des temples lugubres et des cavernes, encore plus lugubres, des morts; en suivant un interminable rituel de mort. Un pays où l'amour n'avait rien de vil, mais était une possession divine de l'âme. Où il pourrait y avoir une âme sœur pour lui parler à travers des lèvres mortelles comme les siennes; dont l'être pourrait se mêler au sien dans une douce communion d'âme à âme, tout comme leurs souffles pourraient se mêler dans l'air ambiant. Je connais ce sentiment pour l'avoir éprouvé moi-même. Je peux en parler à présent, depuis que cette bénédiction est survenue dans ma vie. Je peux en parler, puisqu'elle me permet d'interpréter les sentiments, l'âme pleine d'aspirations de cette charmante et ravissante Reine, si différente de ce qui l'entourait, si supérieure à son époque. Dont la nature, mise dans un mot, pouvait contrôler les forces du Monde d'En-Dessous; et dont l'aspiration, traduite dans un nom, bien que gravé sur une pierre précieuse éclairée par les étoiles, pouvait commander à toutes les puissances rassemblées dans le Panthéon des Grands Dieux.


» Et elle sera sûrement satisfaite de trouver le repos dans la réalisation de ce rêve!


Nous autres, les hommes, nous étions restés sans rien dire, pendant que la jeune fille donnait sa magistrale interprétation des desseins ou des buts de cette femme du temps jadis.


Quand nous fûmes tous redescendus sur terre, chacun à notre façon, Mr. Trelawny, tenant dans sa main celle de sa fille, poursuivit son exposé:


– Voyons maintenant quel moment la Reine Tera avait l'intention de choisir pour sa résurrection. Nous touchons ici aux calculs astronomiques concernant l'orientation exacte. Comme vous le savez, les étoiles changent de positions relatives dans le ciel; mais bien que les distances réellement parcourues dépassent la compréhension ordinaire, les effets, tels que nous les observons, sont réduits. Néanmoins, ils sont susceptibles d'être mesurés, non pas par années, en vérité, mais par siècles. C'est par ces moyens que Sir John Herschel est arrivé à déterminer la date de l'édification de la Grande Pyramide – date fixée par le temps nécessaire pour que l'étoile du vrai nord passe du Dragon à l'Étoile Polaire, calcul vérifié grâce à des découvertes ultérieures. De ce qui précède il résulte sans doute possible que l'astronomie était une science exacte chez les Égyptiens mille ans au moins avant l'époque de la Reine Tera. À présent, les étoiles constituant une constellation changent avec le temps de positions relatives, et le Chariot en est un exemple notoire. Les changements dans la position des étoiles même en quarante siècles sont trop faibles pour être constatés par un œil non entraîné à des observations minutieuses, mais ils peuvent être mesurés et vérifiés. Avez-vous, au moins l'un de vous, remarqué l'exactitude avec laquelle les étoiles dans le Rubis correspondent à la position des étoiles dans le Chariot; de même qu'à la position des zones translucides dans le Coffre Magique?


Nous acquiesçâmes tous. Il continua:


– Vous avez entièrement raison. Ils correspondent exactement. Et cependant, quand la Reine Tera fut couchée dans son tombeau, ni les étoiles de la Pierre, ni les zones translucides du Coffre ne correspondaient à la position que les étoiles occupent aujourd'hui dans la Constellation.


«Voyez-vous le sens de tout cela? Est-ce que cela ne met pas en lumière les intentions de la Reine? Elle était guidée par les augures, la magie, la superstition, et elle a naturellement choisi pour sa résurrection une époque qui semblait avoir été désignée par les Grands Dieux eux-mêmes, qui depuis d'autres mondes, avaient envoyé leur message par la foudre. Lorsqu'une telle époque était fixée par la sagesse céleste, le comble de la sagesse humaine n'était-il pas de s'y conformer? Il arrive ainsi ceci – ici sa voix devint plus grave et trembla sous l'effet de ses sentiments intenses – que c'est à nous et à notre époque qu'est donnée l'opportunité de ce merveilleux coup d'œil que nous pouvons jeter dans le monde ancien, comme personne d'autre n'a eu à notre époque le privilège d'en risquer un, occasion qui ne se reproduira peut-être jamais.


«D'un bout à l'autre les inscriptions mystérieuses et le symbolisme du merveilleux tombeau de cette femme merveilleuse abondent en lumières révélatrices; et la clef de bien des mystères se dissimule dans ce merveilleux Joyau qu'elle tient dans sa main morte sur son cœur mort, qui, elle l'espérait et le croyait, battrait à nouveau dans un monde nouveau et plus noble!


«À présent, voyons cette boîte de pierre, que nous appelons le Coffre Magique. Comme je l'ai dit, je suis convaincu qu'elle ne peut s'ouvrir qu'en obéissant à quelque principe contenu dans la lumière ou grâce à l'exercice de quelques-unes de ses forces à présent inconnues de nous. Il y a ici beaucoup de place pour les conjectures et l'expérimentation; car, jusqu'à présent, les savants n'ont pas complètement différencié les genres, les puissances et les degrés de la lumière. Sans analyser les différents rayons nous pouvons, je crois, admettre comme certain qu'il y a diverses qualités et puissances de lumière; et ce vaste terrain d'investigation scientifique est presque vierge. Nous connaissons jusqu'à présent si peu de chose des forces naturelles que l'imagination peut se donner libre cours pour concevoir les possibilités de l'avenir. En quelques années nous avons fait des découvertes qui, il y a deux siècles, auraient fait périr leurs auteurs sur le bûcher. La liquéfaction de l'oxygène; l'existence du radium, de l'hélium, du polonium, de l'argon; les différentes propriétés des rayons de Rœntgen, cathodiques et de Becquerel. Et de même que nous pouvons prouver finalement qu'il y a différentes sortes et qualités de lumière, de même nous pouvons découvrir que la combustion est capable d'avoir ses possibilités de différenciation; qu'il y a dans certaines flammes des qualités qui n'existent pas dans d'autres. Il est possible que certaines des conditions essentielles de la matière soient continues, même dans la destruction de leurs bases. J'y réfléchissais la nuit dernière et je me disais que de même qu'il y a dans certaines huiles des qualités qui ne se trouvent pas dans les autres, de même il peut y avoir certaines qualités semblables ou correspondantes ou certains pouvoirs dans les combinaisons de chacune d'elles. Je suppose que nous avons tous remarqué une fois ou l'autre que la lumière de l'huile de colza n'est pas tout à fait la même que celle du pétrole, ou que les flammes du gaz de houille et de l'huile de baleine sont différentes. On le constate dans les phares! Il m'est tout de suite venu à l'esprit qu'il y a peut-être quelque vertu spéciale dans l'huile qui a été trouvée dans les jarres lorsque le tombeau de la Reine Tera a été ouvert. Ces récipients n'avaient pas été utilisés pour conserver les intestins, ils ont dû être mis là dans un but différent. Je me rappelais que Van Huyn avait commenté la façon dont ces jarres étaient scellées légèrement, mais efficacement. On pouvait les ouvrir sans déployer de force. Les jarres étaient elles-mêmes conservées dans un sarcophage qui, bien que d'une grande résistance et hermétiquement scellé, pouvait être facilement ouvert. En conséquence, j'allai immédiatement examiner les jarres. Un peu – très peu – d'huile y était resté, mais elle s'était épaissie depuis les deux siècles et demi que les récipients étaient restés ouverts. Cependant, elle n'était pas rance; en l'examinant je découvris que c'était de l'huile de cèdre, et qu'il restait quelque chose de son odeur d'origine. Cela me donna l'idée qu'elle devait être utilisée pour garnir les lampes. Celui, quel qu'il fût, qui avait mis l'huile dans les jarres, et celles-ci dans le sarcophage, savait que la quantité pourrait diminuer avec le temps, même dans des vases d'albâtre, et en tint largement compte; car chacune des jarres aurait permis de remplir les lampes une demi-douzaine de fois. Avec une partie de l'huile qui restait je procédai en conséquence à quelques expériences qui pouvaient donner des résultats utiles. Vous savez, docteur, que l'huile de cèdre, qui était largement utilisée dans la préparation rituelle des morts chez les Égyptiens, a un indice de réfraction qui ne se trouve pas dans les autres huiles. Par exemple, nous l'employons dans nos préparations microscopiques pour donner une netteté supplémentaire. Hier soir, j'en ai mis un peu dans l'une des lampes que j'ai placée près d'une zone translucide du Coffre Magique. L'effet fut considérable; la lueur intérieure était plus complète et plus intense que je n'aurais pu l'imaginer, alors qu'une lumière électrique placée d'une façon analogue n'avait que peu d'effet. J'aurais essayé avec d'autres lampes parmi les sept dont nous disposons, mais j'avais peur d'épuiser ma provision d'huile. Mais il va y être remédié. J'ai commandé de l'huile de cèdre et j'espère en avoir bientôt une ample provision. Quoi qu'il puisse arriver sous l'effet d'autres causes, notre expérimentation n'échouera en tout cas pas de ce fait. Nous verrons! Nous verrons!


Le Dr Winchester avait évidemment suivi le processus logique qui s'était déroulé dans l'esprit de Mr. Trelawny, car son commentaire fut le suivant:


– J'espère bien que lorsque la lumière sera en mesure d'ouvrir la boîte, le mécanisme ne sera pas détérioré ou détruit.


Le doute qu'il formulait fit naître l'anxiété chez certains d'entre nous.

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