Chapitre XVI POUVOIRS ANCIENS ET NOUVEAUX

Le temps passait avec une merveilleuse lenteur de certaines façons, avec une merveilleuse rapidité dans d'autres. Margaret restait divinement calme. Je crois que je l'enviais, tout en l'admirant et en l'aimant pour cela. Mr. Trelawny était nerveux et anxieux, comme à dire vrai les autres hommes. Avec lui cela prenait la forme du mouvement – du corps et de l'esprit. À ces deux points de vue, il était agité, il allait d'un endroit à un autre avec ou sans motif, ni même un prétexte; et il passait d'une pensée à une autre. De temps en temps il laissait entrevoir la grande anxiété qui avait pris possession de lui, par son désir manifeste de constater chez d'autres membres de notre groupe des dispositions analogues. Il ne cessait d'expliquer les choses. Et, dans ses explications, je pouvais voir la façon qu'il avait de retourner dans son esprit tous les phénomènes, toutes les causes possibles, tous les résultats éventuels. Une fois, au milieu d'une très savante dissertation sur les progrès de l'astrologie égyptienne, il s'aiguilla sur un sujet différent, ou tout au moins sur une ramification ou un corollaire du même sujet.


– Je ne vois pas pourquoi la lumière des étoiles ne peut pas avoir quelque qualité subtile qui lui appartienne en propre. Nous savons que les autres lumières ont des forces spéciales. Les rayons Rœntgen ne représentent pas la seule découverte à faire dans le domaine de la lumière. Le soleil a ses propres forces qui n'appartiennent pas aux autres lumières. Il réchauffe le vin; il active la croissance des champignons. Les hommes ont souvent l'esprit dérangé par la lune. Pourquoi n'y aurait-il pas dans la lumière des étoiles, une force peut-être moins active et moins puissante, mais plus subtile? Ce serait une lumière pure pour nous parvenir à travers une telle immensité et ayant ainsi les qualités d'une force pure et animée d'une faible impulsion. L'époque où l'astrologie sera admise sur une base scientifique n'est peut-être plus si éloignée. Dans la renaissance de cet art, bien des nouvelles expériences seront effectuées; bien des aspects nouveaux de la vieille sagesse apparaîtront à la lumière des découvertes récentes et fourniront des bases à un raisonnement nouveau. Les hommes pourront découvrir que ce qui passait pour des déductions empiriques résultait en réalité d'une intelligence plus élevée et d'un savoir plus grand que les nôtres. Nous savons déjà que l'ensemble du monde vivant est plein de microbes de puissances variables et de modes d'action antagonistes. Nous ne savons pas encore s'ils peuvent rester à l'état latent jusqu'au moment où ils seraient activés par quelque rayon lumineux qui ne serait pas encore identifié comme force distincte et particulière. Jusqu'à présent, nous ne savons rien de ce qui s'apprête à créer ou à susciter l'étincelle active de la vie. Nous n'avons aucune connaissance des méthodes de conception, des lois qui gouvernent la croissance moléculaire ou fœtale, ou des influences finales qui président à la naissance. Année par année, jour après jour, d'heure en heure, nous apprenons; mais le but est lointain, très lointain. Il me semble que nous en sommes actuellement à ce stade de progrès intellectuel où la mécanique destinée aux découvertes est en train d'être inventée. Plus tard, nous serons en possession d'un assez grand nombre de principes élémentaires qui nous aideront à améliorer notre équipement propre à étudier vraiment l'intérieur des choses. Alors nous parviendrons peut-être à la perfection de moyens pour atteindre un but que les savants du Vieux Nil avaient atteint à une époque où Mathusalem commençait à se vanter du nombre de ses années, quand peut-être les arrière-petits enfants d'Adam en arrivaient à considérer le vieil homme comme «un vieux jeton». Est-il possible, par exemple, que le peuple qui a inventé l'astronomie n'ait pas finalement utilisé des instruments d'une extraordinaire précision; que l'optique appliquée n'ait pas été cultivée par quelques-uns des spécialistes dans les Collèges du clergé thébain? Les Égyptiens étaient essentiellement des spécialistes. Il est vrai que, autant que nous pouvons en juger, leurs études se limitaient aux sujets ayant un rapport avec leurs buts consistant à assurer leur suprématie sur la terre. Mais peut-on imaginer que, par les yeux des hommes, sans l'aide de lentilles d'une extraordinaire excellence, l'astronomie ait été amenée à un tel niveau de perfection que l'orientation exacte des temples, des pyramides et des tombeaux ait suivi sur quatre mille ans les déplacements des systèmes planétaires dans l'espace. Si l'on demande un exemple de leur connaissance de la microscopie qu'on me permette de risquer une conjecture. Comment se fait-il que dans leur écriture hiéroglyphique ils aient pris comme symbole ou déterminant de «chair» la forme même que la science d'aujourd'hui, se fondant sur les révélations d'un microscope grossissant des milliers de fois, attribue au protoplasme – cet élément de l'organisme vivant qui a été isolé sous le nom de «Flagellum». S'ils pouvaient faire une analyse comme celle-ci, pourquoi n'ont-ils pas pu aller plus loin? Dans cette merveilleuse atmosphère qui était la leur, où un soleil brûlant brille tout le jour dans une atmosphère limpide, où la sécheresse de l'air et de la terre assure une réfraction parfaite, pourquoi n'auraient-ils pas appris les secrets de la lumière qui nous sont cachés par l'épaisseur de nos brouillards septentrionaux? N'est-il pas possible qu'ils aient appris à stocker la lumière, exactement comme nous avons appris à stocker l'électricité?


Bien plus, n'est-ce même pas possible qu'ils l'aient fait? Ils devaient avoir une forme quelconque de lumière artificielle qu'ils utilisaient dans la construction et la décoration de ces vastes cavernes creusées dans le roc massif qui devinrent de vastes cimetières pour les défunts. Certaines des cavernes, avec leurs labyrinthes de couloirs sinueux et interminables, leurs chambres, le tout sculpté, gravé et peint avec une richesse de détails absolument confondante ont dû demander des années et des années pour être achevées. Et cependant il n'y a aucune trace de fumée, alors que des lampes ou des torches n'auraient pas manqué d'en laisser. De nouveau, s'ils savaient stocker la lumière, n'est-il pas possible qu'ils aient appris à comprendre et à en séparer les éléments constitutifs? Et si ces hommes de l'ancien temps étaient parvenus à ce point, ne le pouvons-nous pas nous aussi quand les temps seront révolus? Nous verrons! Nous verrons!


Il y a aussi une autre question, sur laquelle de récentes découvertes scientifiques projettent une certaine lumière. Pour le moment, c'est seulement une lueur; une lueur suffisante pour illuminer des probabilités, plutôt que des réalités, ou même des possibilités. Les découvertes des Curie, de Laborde, de Sir William Crookes et de Becquerel, peuvent avoir des résultats de grande portée sur les recherches concernant l'Égypte. Ce nouveau métal, le radium, ou plutôt ce vieux métal que nous ne connaissons que depuis peu, était peut-être connu des anciens. À dire vrai, il a pu être utilisé il y a des milliers d'années à un degré supérieur à ce qui paraît possible aujourd'hui. Jusqu'à présent l'Égypte n'a pas été citée comme un pays où l'on peut trouver du pechblende, qui, autant que nous le sachions, contient du radium. Et cependant il est plus que probable qu'il existe du radium en Égypte. Ce pays possède peut-être les plus grandes masses de granit qu'on puisse trouver dans le monde; et le pechblende se trouve sous forme de veines dans le granit. Dans aucun endroit, à aucune époque, le granit n'a été extrait en aussi grandes quantités qu'en Égypte sous les premières dynasties. Qui peut dire que de grandes veines de pechblende n'ont pas été découvertes dans les opérations gigantesques d'extraction des colonnes destinées aux temples, ou de grandes pierres pour les pyramides? Eh bien, des veines de pechblende, d'une richesse inconnue dans nos mines modernes de Cornouailles, de Bohème, de Saxe, de Hongrie, de Turquie, du Colorado, ont pu être trouvées par ces vieux carriers d'Assouan, ou de Turra, ou de Mokattam, ou d'Élephantine.


En outre, il est possible que çà et là, parmi les vastes carrières de granit aient été découvertes non seulement des veines, mais des masses, ou des poches de pechblende. Dans ce cas la puissance à la disposition de ceux qui savaient comment l'utiliser a dû être fantastique. La science était en Égypte gardée par les prêtres, et dans leurs vastes congrégations il devait y avoir des hommes d'un grand savoir; des hommes qui savaient comment mettre en œuvre et avec le maximum d'avantages, ainsi que dans la direction qu'ils souhaitaient, les forces terrifiantes auxquelles ils commandaient. Et si le pechblende existait et existe en Égypte, ne pensez-vous pas qu'une grande quantité a dû être libérée par l'usure et l'érosion des roches granitiques? Le temps et les intempéries réduisent toutes les roches en poussière; l'accumulation même de sables du désert, qui, à travers les siècles, ont recouvert quelques-uns des plus majestueux monuments édifiés par l'homme, en fournit la preuve. Si donc le radium est divisible en particules aussi ténues que le disent les savants, il a dû lui aussi être, avec le temps, libéré de sa prison de granit et laissé libre d'agir dans l'air. On pourrait presque hasarder une suggestion: le choix du scarabée comme symbole de la vie n'était peut-être pas dénué de toute base empirique. N'aurait-il pas été possible que les Coprophages aient eu le pouvoir, ou l'instinct, de se saisir des minuscules particules de ce radium qui donne du courage, la lumière – et peut-être la vie, et de les enclore avec leurs œufs dans ces boules de matière qu'ils roulent si assidûment, et qui leur ont donné leur nom ancien, Pilularia. Dans les milliards de tonnes de débris du désert, se trouve sûrement mélangée une certaine proportion de chacune des terres, des roches et des minéraux de leur zone; et, la nature adapte ses êtres vivants à chacun de ces milieux pour qu'ils puissent se développer sur ceux qui sont privés de vie.


» Les voyageurs nous disent que du verre abandonné dans les déserts tropicaux change de couleur et fonce sous le soleil de feu, comme il fait quand il est soumis à l'influence des rayons du radium. Cela n'implique-t-il pas une sorte de similitude entre les deux forces, qu'il reste à identifier?


Ces discussions scientifiques – ou pseudo-scientifiques – m'avaient apaisé. Elles détournaient mon esprit des rêveries sur les mystères de l'occulte, en attirant mon attention sur les merveilles de la nature.

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