Chapitre XX LA GRANDE EXPÉRIENCE

S'il y avait eu besoin d'une preuve pour établir à quel point nous croyions les uns et les autres à l'existence spirituelle de la Reine d'Égypte, elle aurait été trouvée dans le changement survenu en nous dans l'espace de quelques minutes à la suite de la déclaration de négation volontaire faite, nous en étions tous persuadés, par l'intermédiaire de Margaret. Malgré l'approche de l'épreuve terrifiante, dont il était impossible d'oublier la signification, nous paraissions grandement soulagés et nous agissions en conséquence. Nous avions en vérité vécu dans un tel état de terreur pendant la catalepsie de Mr. Trelawny que ce sentiment s'était profondément ancré en nous. Personne ne peut savoir sans l'avoir éprouvé lui-même, ce que c'est que de vivre dans la crainte constante d'un danger inconnu qui peut surgir à tout instant et sous n'importe quelle forme.


Mr. Trelawny demanda aux hommes de le suivre. Nous sommes allés dans le vestibule et nous avons ensuite réussi à descendre dans la caverne une table de chêne, assez longue et pas trop large, qui était appuyée dans le vestibule contre le mur. Nous la disposâmes au milieu de la caverne sous un grand faisceau de lumière électrique. Margaret regarda un instant, puis, aussitôt, elle pâlit et dit d'une voix nerveuse:


– Qu'allez-vous faire, père?


– Défaire les bandelettes de la momie du chat! La Reine Tera n'aura pas besoin ce soir de son Esprit Familier. Si elle en avait besoin, cela pourrait être dangereux pour nous; si bien que nous allons le rendre sans danger. Cela ne t'inquiète pas, ma chérie?


– Oh non! se hâta-t-elle de répondre. Mais je pensais à mon Silvio et à l'impression que j'aurais eue s'il avait été à la place de la momie dont on défait les bandelettes!


Mr. Trelawny prépara couteaux et ciseaux, et mit le chat sur la table. Le déroulement des bandelettes commença.


Ces bandelettes étaient en nombre incroyable; le bruit de déchirure – elles étaient étroitement collées les unes aux autres par du bitume, des gommes et des épices – et le petit nuage de poussière caustique rouge qui s'élevait, tout cela agissait sur nos sens. Lorsque les dernières bandelettes furent ôtées, nous vîmes l'animal assis devant nous. Il était accroupi, ses poils, ses dents et ses griffes étaient intacts. Les yeux étaient fermés, mais les paupières n'avaient pas l'aspect féroce auquel je m'attendais. Les moustaches avaient été serrées par les bandelettes sur le côté de la face; mais lorsqu'elles cessèrent d'être comprimées, elles se redressèrent pour reprendre l'aspect qu'elles avaient dans la vie. C'était une magnifique créature, un chat-tigre de grande taille. Mais tandis que nous le contemplions, notre regard, d'abord admiratif devint terrifié, et nous fûmes tous parcourus d'un frisson; car nous voyions la confirmation de nos craintes.


Sa bouche et ses griffes portaient des traces rouges de sang récemment séché!


Le Dr Winchester fut le premier à recouvrer ses esprits; la vue du sang n'avait en soi rien de bouleversant pour lui. Il avait sorti sa loupe et il examinait les taches sur la gueule du chat. Mr. Trelawny respirait bruyamment, comme s'il avait été délivré d'une contrainte.


– C'est ce à quoi je m'attendais, dit-il. C'est d'un bon augure pour la suite.


Pendant ce temps, le Dr Winchester examinait les pattes tachées de rouge.


– Comme je m'y attendais aussi! dit-il. Il a aussi sept griffes!


Il ouvrit son portefeuille, en sortit le morceau de papier buvard marqué par les griffes de Silvio, et sur lequel était aussi tracé au crayon le diagramme des coupures faites sur le poignet de Mr. Trelawny. Il plaça le papier sous la patte du chat momifié. Les marques coïncidaient exactement.


Quand nous eûmes soigneusement examiné le chat sans rien remarquer d'extraordinaire à part sa merveilleuse conservation, Mr. Trelawny le souleva de la table. Margaret se précipita, en s'écriant:


– Faites attention, père! Prenez garde! Il pourrait vous blesser!


– Pas maintenant, ma chérie! dit-il en se dirigeant vers l'escalier.


Son visage se décomposa.


– Où allez-vous? demanda-t-elle, d'une voix éteinte.


– Dans la cuisine, répondit-il. Le feu fera disparaître tout danger pour l'avenir; même un corps astral ne peut se matérialiser en partant de cendres!


Il nous fit signe de le suivre. Margaret se détourna avec un sanglot. Je m'approchai d'elle, mais elle me fit signe de m'en aller en disant à voix basse:


– Non, non! Allez avec les autres. Mon père peut avoir besoin de vous. Oh! cela ressemble à un meurtre! Le pauvre animal familier de la Reine…


Les larmes ruisselaient entre les doigts de ses mains, dont elle se recouvrait les yeux.


Dans la cuisine, un feu de bois était préparé. Mr. Trelawny en approcha une allumette. En quelques secondes, le bois s'était enflammé et les flammes s'élevaient. Quand le feu fut bien pris, il y jeta le corps du chat. Pendant quelques secondes il resta au milieu des flammes comme une masse sombre, et la pièce fut envahie par une odeur de poils brûlés. Puis le corps desséché prit feu à son tour. Les substances inflammables utilisées dans l'embaumement fournirent un nouvel aliment au feu, et les flammes ronflèrent. En quelques minutes ce fut un embrasement complet, et alors nous avons respiré librement. L'animal familier de la Reine Tera n'était plus!


En retournant dans la caverne, nous trouvâmes Margaret assise dans l'obscurité. Elle avait éteint l'électricité et une vague lueur crépusculaire arrivait à travers les ouvertures étroites. Son père alla vite auprès d'elle et l'entoura de ses bras dans un geste de protection. Elle laissa reposer la tête sur son épaule pendant une minute, et parut réconfortée. Ensuite, elle m'appela:


– Malcolm, donnez de la lumière!


J'obéis et je pus voir que, bien qu'elle eût pleuré, ses yeux étaient secs à présent. Son père le vit aussi, et en parut heureux. Il nous dit sur un ton grave:


– À présent, nous ferions mieux de nous préparer à notre grande œuvre. Cela n'irait pas de garder quelque chose pour le dernier moment.


Margaret devait avoir un soupçon de ce qui allait venir, car c'est d'une voix mourante qu'elle demanda:


– Qu'allez-vous faire à présent?


Mr. Trelawny devait, de son côté, avoir un soupçon sur ses sentiments, car il lui répondit à voix basse:


– Défaire les bandelettes de la momie de la Reine Tera!


Elle vint tout près de lui et lui dit à voix basse, sur un ton suppliant:


– Père, vous n'allez pas la déshabiller! Devant vous tous, des hommes… Et en pleine lumière!


– Mais pourquoi pas, ma chérie?


– Pensez, père, une femme! Toute seule! De cette façon! Dans un tel endroit! Oh! c'est cruel, cruel!


Elle était manifestement bouleversée. Ses joues étaient en feu, ses yeux pleins de larmes d'indignation. Son père vit sa détresse; il y participait et se mit à la réconforter. J'allais m'éloigner, mais il me fit signe de rester. Je saisis l'occasion. Je compris que selon l'habitude des hommes, il désirait s'en remettre à quelqu'un d'autre du soin de s'occuper d'une femme malade d'indignation. Cependant il essaya tout d'abord de faire appel à sa raison.


– Pas une femme, ma chérie; une momie! Elle est morte il y a près de cinq mille ans!


– Qu'est-ce que cela fait? Le sexe n'est pas une question d'années. Une femme est une femme, même si elle est morte depuis cinq mille siècles! Et vous vous attendez à ce qu'elle se réveille de ce long sommeil! Ce ne pouvait pas être une véritable mort, si elle est sur le point de s'éveiller. Vous m'avez fait croire qu'elle reviendrait à la vie lorsque le Coffre serait ouvert!


– En effet, ma chérie; et je le crois aussi. Mais si ce n'est pas de mort qu'il a été question pour elle pendant toutes ces années, c'est de quelque chose qui y ressemble étrangement. Et encore une fois, pense simplement à ceci ce sont des hommes qui l'ont embaumée. On ne connaissait pas les droits de la femme ni les femmes médecins dans l'Égypte antique, ma chérie! Et en outre, continua-t-il avec plus de liberté, en voyant qu'elle admettait son argument, sans y céder, cependant, nous autres hommes, nous sommes habitués à ce genre de choses. Corbeck et moi nous avons déroulé les bandelettes de centaines de momies; et il y avait parmi elles autant de femmes que d'hommes. Le docteur Winchester soigne des femmes aussi bien que des hommes, au point que l'habitude aidant, il n'attache plus d'importance au sexe. Même Ross, dans sa profession d'avocat…


Il s'arrêta brusquement.


– Vous aussi, vous allez venir à la rescousse! me dit-elle en me lançant un regard indigné.


Je ne répondis rien; j'estimais que le silence était préférable. Mr. Trelawny se hâta d'enchaîner. Je pus me rendre compte qu'il était heureux de cette interruption parce que son argument basé sur la profession d'avocat se révélait décidément comme assez faible.


– Mon enfant, tu seras toi-même avec nous. Ferions-nous quelque chose qui soit de nature à te choquer ou à t'offenser? Allons, sois raisonnable! Nous ne sommes pas dans une partie de plaisir. Nous sommes tous des hommes sérieux, qui entreprennent avec sérieux une expérience susceptible de faire revivre la sagesse des temps anciens, et d'étendre à l'infini les connaissances humaines, qui peut mettre l'esprit des hommes sur des pistes nouvelles de pensée et de recherche. Si son intention d'origine s'était accomplie, et si elle était revenue à la vie dans ses bandelettes de momie, cela aurait pu revenir à échanger un cercueil contre une tombe! Elle serait morte de la mort des enterrés vivants! Mais à présent, alors qu'elle a volontairement abandonné pour l'instant son pouvoir astral, il ne peut y avoir aucun doute à ce sujet.


– Très bien, père, dit Margaret en l'embrassant. Son visage s'était éclairé. Mais oh! cela me semblait être une affreuse indignité à l'égard d'une reine, d'une femme.


Mr. Trelawny, avec l'aide de Mr. Corbeck et du Dr Winchester, souleva le couvercle d'hématite du sarcophage qui contenait la momie de la Reine. C'était un grand sarcophage, mais cependant pas énorme. La momie était longue, large et haute; et d'un tel poids que ce ne fut pas facile de la sortir, même à quatre. Sous la direction de Mr. Trelawny, nous l'étendîmes sur la table préparée à cet effet.


Alors, et seulement alors, m'apparut soudain toute l'horreur de la scène! Là, en pleine lumière, tout le côté matériel et sordide de la mort nous apparaissait comme affreusement réel. Les bandelettes extérieures, arrachées et relâchées par des manipulations sans délicatesse, avec leur couleur assombrie par la poussière ou éclaircie par le frottement, paraissaient froissées pour avoir été malmenées; les bords hachurés des bandelettes paraissaient effrangés; la couleur s'en allait par place, le vernis s'écaillait. Les couches de bandelettes étaient évidemment nombreuses, à en juger par leur volume une fois déroulées. Mais, au travers, apparaissait une forme humaine impossible à dissimuler qui semblait plus horrible d'être partiellement cachée. Ce qui était devant nous, c'était la Mort, rien d'autre.


Le travail débuta. Le déroulement des bandelettes de la momie du chat nous y avait plus ou moins préparés; mais cette momie était tellement plus grande, plus compliquée, que l'opération avait l'air toute différente. De plus, outre le sentiment toujours présent de la mort et de l'humanité, il y avait dans tout cela quelque chose de plus raffiné. Le chat avait été embaumé au moyen de substances plus rudimentaires. Ici, tout était fait avec beaucoup plus de délicatesse, on s'en aperçut dès que les premières bandelettes eurent été retirées. On aurait pensé que les gommes et les épices les plus fines avaient été employées dans cet embaumement. Mais il y avait la même ambiance, la même poussière rouge et l'odeur caustique du bitume; il y avait le même bruit de déchirement quand on arrachait les bandelettes. Celles-ci étaient en nombre énorme, elles formaient un tas immense. Tandis que les hommes les déroulaient, je me sentais de plus en plus énervé. Je n'y prenais pas part moi-même; lorsque je m'étais écarté, Margaret m'avait lancé un regard reconnaissant. Nous avions joint nos mains, et nous les tenions très serrées. À mesure que se poursuivait le déroulement des bandelettes, les tissus se faisaient plus fins, l'odeur moins chargée de bitume, mais plus caustique. Nous commençâmes tous, je pense, à avoir l'impression d'avoir été pris ou touchés d'une façon particulière. Cependant, cela n'avait pas d'influence sur le travail, qui se poursuivait sans interruption. Quelques-unes des bandelettes intérieures portaient des symboles ou des dessins. Ils étaient quelquefois entièrement vert pâle, quelquefois de couleurs diverses; mais avec toujours une prédominance de vert. De temps à autre, Mr. Trelawny ou Mr. Corbeck montraient un dessin déterminé avant de poser la bandelette sur la pile qui se trouvait derrière eux, qui ne cessait de monter pour atteindre une hauteur énorme.


Finalement nous avons compris que nous arrivions à la fin des bandelettes. La hauteur de la Reine était déjà ramenée à une dimension normale. Elle était pourtant d'une taille au-dessus de la normale. Et à mesure que l'on approchait de la fin, Margaret devenait plus pâle; son cœur battait davantage et avec plus de violence, à tel point que je fus effrayé par la façon dont sa poitrine se soulevait.


Au moment précis où son père retirait la dernière bandelette, il se trouva qu'il leva les yeux, remarquant l'expression douloureuse et anxieuse de son visage pâle. Il s'arrêta, et, croyant son émotion due à la pudeur, il lui dit sur un ton réconfortant:


– Ne sois pas gênée, ma chérie! Regarde! Il n'y a rien qui puisse te choquer. La Reine porte une robe – que dis-je, une robe royale, par surcroît!


Le corps était enveloppé sur toute sa longueur d'un morceau de tissu. Quand on l'eut retiré, apparut une robe très ample de linon blanc, recouvrant le corps du cou aux pieds.


Et quel linon! Nous nous penchâmes tous pour le regarder.


Margaret oublia sa réserve, intéressée comme l'auraient été toutes les femmes par la beauté du tissu. À notre tour, nous l'admirâmes tous, car à notre époque, on n'avait à coup sûr jamais vu pareil linon. Il était aussi fin que la soie la plus fine. Mais on n'avait jamais vu de soie filée ou tissée qui eût des plis aussi gracieux, bien que le tissu eût été comprimé par les bandelettes serrées de la momie, et durci sous l'action des millénaires.


Autour du cou, le tissu était délicatement brodé d'or et de minuscules perles de sycomore, et, autour des pieds, travaillée de la même façon, était enroulée une guirlande sans fin de lotus de hauteurs inégales, qui avaient un air d'abandon plein de grâce de plantes ayant poussé dans la nature.


En travers du corps, mais n'en faisant visiblement pas le tour, était posée une ceinture de pierres précieuses. Une ceinture merveilleuse, qui brillait et étincelait de toutes les couleurs et de toutes les formes du ciel.


La boucle était taillée dans une grande pierre jaune, de forme arrondie, profonde et incurvée, comme un globe malléable qui aurait subi une pression. Elle brillait et étincelait, comme si elle avait contenu un vrai soleil; ses rayons semblaient tout illuminer autour d'elle. Elle était encadrée de deux grandes pierres de lune de plus petite dimension dont l'éclat, comparé au feu de la pierre de soleil, avait la nuance argentée du clair de lune.


Et ensuite, de chaque côté, liées entre elles par des anneaux d'or d'une forme raffinée, il y avait un rang de pierres étincelantes, dont les couleurs paraissaient flamboyer. Chacune de ces pierres semblait contenir une étoile vivante qui scintillait à chaque variation de la lumière.


Margaret leva les mains en signe d'admiration. Elle se pencha pour regarder de plus près; mais elle se recula soudain et se redressa de toute sa hauteur. Elle dit, avec, semblait-il, la conviction de quelqu'un qui sait d'une manière absolue:


– Ce n'est pas un voile d'embaumement! Ce n'était pas destiné à recouvrir une morte! C'est une robe de mariée!


Mr. Trelawny se pencha pour toucher la robe. Il souleva un pli près du cou, et je compris par la façon qu'il eut de reprendre aussitôt sa respiration qu'il avait éprouvé une surprise. Il souleva un peu plus le tissu, puis, lui aussi, recula et, en désignant quelque chose, il dit:


– Margaret a raison. Cette robe n'était pas destinée à être portée par une morte. Regardez: elle n'habille pas le corps, elle est simplement posée dessus.


Il souleva la ceinture de pierres précieuses et la remit à Margaret. Puis, des deux mains, il saisit la large robe et la posa sur les bras que celle-ci avait tendus, dans un mouvement naturel. Des choses d'une telle beauté ne doivent être maniées, comme des objets précieux, qu'avec le plus grand soin.


Nous sommes restés saisis devant la beauté du corps qui, à l'exception du voile recouvrant le visage, était à présent complètement nu devant nous. Mr. Trelawny se pencha et de ses mains tremblantes souleva ce voile qui était de la même finesse que la robe. Il se recula, toute la glorieuse beauté de la Reine se trouva révélée, et en même temps, je me sentis gagné par la honte. Il n'était pas correct que nous soyons là, à contempler de nos yeux irrespectueux, une telle beauté sans voile: c'était indécent; c'était presque sacrilège! Et cette merveille blanche, cette forme magnifique, il y avait de quoi rêver! Cela n'avait rien à voir avec la mort; c'était comme une statue sculptée dans l'ivoire par la main d'un Praxitèle. Il n'y avait là rien de l'horrible ratatinement que la mort semble réaliser en un instant. Il n'y avait rien de la raideur ridée qui semble être une caractéristique essentielle de la plupart des momies. Il n'y avait pas cette dessiccation du corps dans le sable, que j'avais déjà remarquée dans les musées. Tous les pores de la peau semblaient avoir été conservés par quelque moyen extraordinaire. Les chairs étaient pleines et rondes, comme chez un être vivant, et la peau avait la douceur du satin. La couleur paraissait extraordinaire. On aurait dit de l'ivoire, de l'ivoire neuf, sauf l'endroit où le bras droit, avec son poignet brisé et taché de sang et sa main manquante, était resté exposé dans le sarcophage pendant tant de millénaires.


Dans un élan bien féminin, avec une bouche affaissée de pitié, des yeux flamboyant de colère, des joues en feu, Margaret voila le corps de la robe magnifique qu'elle avait sur les bras. On ne voyait plus que le visage. Il était plus saisissant que le corps; car il ne paraissait pas mort, mais vivant. Les paupières étaient baissées, mais les longs cils noirs, recourbés, reposaient sur les joues. Les narines, dressées avec fierté, traduisaient le repos qui surpasse celui de la mort, quand on l'observe sur un être vivant. Les lèvres, pleines et rouges, bien que la bouche n'eût pas été ouverte, laissaient apparaître une rangée des plus petites perles blanches qu'on puisse rêver. Ses cheveux, d'une luxuriante abondance et d'un noir brillant comme l'aile d'un corbeau, étaient rassemblés en grandes masses sur le front blanc, que traversaient quelques mèches bouclées comme les vrilles de la vigne. J'étais stupéfait par sa ressemblance avec Margaret, bien qu'ayant déjà l'esprit préparé par ce que Mr. Corbeck m'avait rapporté des déclarations de son père. Cette femme – je ne pouvais penser à elle comme à une momie ou à un cadavre – était l'image de Margaret, telle qu'elle m'était apparue la première fois que je l'avais vue. La ressemblance était accentuée par le bijou qu'elle portait dans les cheveux, le «Disque et les Plumes», et que Margaret avait elle aussi porté. C'était également un bijou resplendissant: une pierre admirable au reflet de clair de lune, insérée entre deux pierres de lune ciselées.


Mr. Trelawny était bouleversé. Il était tout à fait à bout. Lorsque Margaret se précipita dans ses bras pour le réconforter, je l'entendis lui dire d'une voix brisée:


– C'est comme si tu étais morte, mon enfant!


Il y eut un long silence. Je pouvais entendre au-dehors le grondement du vent, qui prenait à présent les proportions d'une tempête, et les vagues qui se brisaient violemment en dessous.


Mr. Trelawny rompit le silence:


– Plus tard, il faudra que nous essayions de découvrir le procédé d'embaumement utilisé. Il ne ressemble pas à ce que je connais. On ne semble pas avoir ouvert le corps pour en extraire les organes; ils ont dû rester intacts à l'intérieur. En outre, il n'y a aucune humidité dans les tissus; mais elle a été remplacée par autre chose, comme si de la cire ou de la stéarine avait été injectée dans les veines par un procédé délicat. Je me demande s'il est possible qu'à cette époque, on ait utilisé la paraffine. Elle aurait pu, par un procédé quelconque, être injectée dans les veines, où elle se serait solidifiée.


Margaret, après avoir jeté un drap blanc sur le corps de la Reine, nous demanda de la transporter dans sa propre chambre, et elle l'étendit sur son lit. Puis elle nous renvoya, en disant:


– Laissez-la seule avec moi. Il y a encore beaucoup d'heures à passer et cela ne me plaît pas de la laisser couchée là, toute nue en pleine lumière. C'est peut-être les Noces auxquelles elle se préparait: les Noces de la Mort. Et au moins, elle portera ses belles robes.


Quand un peu plus tard elle me ramena dans sa chambre, la Reine morte était vêtue de la robe de fin linon aux broderies d'or; tous ses magnifiques bijoux étaient en place. Des bougies étaient allumées autour d'elle, des fleurs blanches étaient déposées sur sa poitrine.


La main dans la main, nous sommes restés un moment à la contempler. Puis, en poussant un soupir, Margaret la couvrit d'un de ses propres draps d'un blanc de neige. Elle se détourna; et après avoir refermé doucement la porte de la chambre, elle vint avec moi rejoindre les autres qui s'étaient réunis dans la salle à manger. Une fois là, nous avons commencé à parler de ce qui s'était passé, et de ce qui allait suivre.


À mesure que les heures se succédaient, le temps s'écoulait de plus en plus lentement. Les hommes commençaient, sans s'en apercevoir, à somnoler un peu. Je me demandais si dans le cas de Mr. Trelawny et de Mr. Corbeck qui s'étaient déjà trouvés soumis à l'influence hypnotique de la Reine, la même torpeur se manifestait. Le Dr Winchester avait des périodes de distraction qui devenaient de plus en plus longues et fréquentes.


Quant à Margaret, cette incertitude l'affectait énormément, comme il fallait s'y attendre chez une femme. Elle devenait de plus en plus pâle; à tel point qu'aux alentours de minuit, je me pris à être très inquiet pour elle. J'obtins qu'elle m'accompagne dans la bibliothèque, et là, j'essayai de la faire rester allongée un petit moment sur le sofa. Comme Mr. Trelawny avait décidé que l'expérience serait tentée à la septième heure après le coucher du soleil, exactement, ce serait donc aussi près que possible de trois heures du matin. En réservant une heure entière aux derniers préparatifs, nous avions encore deux heures à attendre. Je lui promis de rester près d'elle et de la réveiller à l'heure qu'elle me fixerait; mais elle ne voulut pas entendre parler de repos. Elle me remercia avec gentillesse, et en souriant. Mais elle m'assura qu'elle n'avait pas sommeil, et qu'elle était tout à fait capable de veiller jusque-là; que c'étaient seulement l'indécision et l'énervement de l'attente qui la rendaient pâle. Je fus bien obligé de m'incliner, mais je la tins pendant plus d'une heure dans la bibliothèque à parler de choses et d'autres. Si bien qu'à la fin, quand elle insista pour aller rejoindre son père, j'eus l'impression d'avoir au moins fait quelque chose pour l'aider à passer le temps.


Nous trouvâmes les trois amis attendant patiemment dans la salle à manger, silencieux. Avec un courage bien masculin, ils se contentaient de rester sans rien faire, conscients d'avoir fait jusque-là tout ce qui était en leur pouvoir.


Et ainsi nous attendîmes.


En entendant sonner deux heures, nous nous sentîmes un peu ragaillardis. Toutes les ombres qui s'étaient accumulées sur nos têtes pendant les longues heures précédentes parurent se disperser instantanément, et nous allâmes tous à nos différentes tâches avec entrain et empressement. Nous vérifiâmes tout d'abord si toutes les fenêtres étaient bien fermées; car à présent la tempête faisait rage au point de nous faire craindre qu'elle ne bouleverse nos plans qui, après tout, nécessitaient un calme complet. Nous préparâmes nos masques respiratoires pour les mettre quand on approcherait du moment fatidique. Nous avions depuis le début décidé de nous en servir, car nous ne savions pas si quelque fumée nocive ne se dégagerait pas du Coffre Magique quand il serait ouvert. L'idée qu'il pourrait ne pas s'ouvrir ne venait en effet à l'esprit d'aucun de nous.


Alors, sous la direction de Margaret, nous transportâmes, de la chambre de cette dernière à la caverne, le corps de la Reine Tera toujours vêtue de sa toilette de mariée.


Étrange spectacle, étrange expérience. Ce groupe d'hommes graves emportant loin des bougies allumées et des fleurs blanches ce corps blanc immobile, qui prit l'aspect d'une statue d'ivoire lorsque, pendant le transport, la robe tomba.


Nous l'étendîmes dans le sarcophage, et nous plaçâmes dans la position convenable sur sa poitrine la main coupée. La Pierre aux Sept Étoiles, que Mr. Trelawny avait extraite du coffre, fut posée sous cette main. Tandis que nous l'arrangions, elle parut flamboyer et étinceler. L'électricité éclairait d'une lumière froide le grand sarcophage préparé pour la tentative finale – La Grande Expérience, aboutissement des recherches de deux savants voyageurs poursuivies pendant toute une existence. De nouveau, la ressemblance frappante entre Margaret et la momie, accentuée par l'extraordinaire pâleur de la première, conférait à l'ensemble une étrangeté supplémentaire.


Quand finalement tout fut en état, trois quarts d'heure s'étaient écoulés car nous ne faisions rien à la hâte. Sur un signe de Margaret, je la suivis dans sa chambre. Là, elle fit une chose qui m'émut curieusement, et me fit sentir le caractère désespéré de l'entreprise dans laquelle nous étions engagés. Une par une, elle éteignit soigneusement les bougies et les remit à leur place habituelle. Quand elle eut terminé, elle me dit:


– Elles ont joué leur rôle. Quoi qu'il arrive désormais – la Vie ou la Mort -, il n'y aura plus aucune raison de s'en servir!


Nous mîmes en place nos masques, et allâmes occuper les places qui nous avaient été assignées. Je devais me tenir à côté des interrupteurs électriques, prêt à éteindre ou à donner de la lumière selon les instructions de Mr. Trelawny. La dernière recommandation qu'il me fit d'exécuter scrupuleusement ses instructions avait presque le caractère d'une menace; il m'avertissait que toute erreur ou négligence de ma part pourrait signifier la mort pour l'un d'entre nous. Margaret et le Dr Winchester devaient se tenir entre le sarcophage et le mur, de manière à ne pas se trouver entre la momie et le Coffre Magique. Ils devaient noter exactement tout ce qui arriverait concernant la Reine.


Mr. Trelawny et Mr. Corbeck devaient veiller à ce que les lampes soient allumées et ensuite prendre leur place, le premier au pied, le second à la tête du sarcophage.


Quand les aiguilles de la pendule furent tout près de l'heure juste, ils se tinrent prêts avec leur queue-de-rat allumée, comme les artilleurs de l'ancien temps avec leur boutefeu.


Pendant les quelques dernières minutes, le temps s'écoula avec une lenteur torturante. Mr. Trelawny était debout, la montre à la main, prêt à donner le signal.


L'heure approchait avec une inconcevable lenteur; mais vint enfin ce bruit d'engrenages annonçant que l'aiguille approche du chiffre. Le son argentin du timbre de l'horloge se répercuta dans nos cœurs comme un glas: Un! Deux! Trois!


Les mèches des lampes s'enflammèrent, je coupai l'électricité. Dans la demi-clarté des lampes qui s'efforçaient de prendre, après la grande lumière de l'électricité, la pièce et tout ce qu'elle contenait prirent une forme étrange, tout parut changer en un instant. Nous attendions, le cœur battant.


Les secondes passaient avec une pesante lenteur. On aurait dit que le monde s'immobilisait. Les silhouettes des autres n'apparaissaient qu'indistinctement; seule la robe blanche de Margaret se distinguait nettement dans la pénombre. Les masques volumineux, que nous portions tous, accentuaient l'atmosphère étrange. Les yeux des deux hommes penchés sur le Coffre paraissaient luire dans le peu de lumière qu'il y avait. De l'autre côté de la pièce, les yeux du Dr Winchester étincelaient comme des étoiles, ceux de Margaret brillaient comme des soleils noirs.


Et si les lampes ne s'allumaient jamais!


Il fallut à peine quelques secondes pour qu'elles s'éclairent. Une lueur lente à s'établir, régulière, devenant de plus en plus vive, et changeant de couleur, allant du bleu au blanc vif. Cela dura ainsi environ deux minutes, sans changement notable dans le Coffre. Finalement, une lueur délicate commença à apparaître sur toute sa surface. Elle grandit, grandit, jusqu'à ce que le Coffre prenne l'aspect d'une pierre précieuse étincelante; et il devint comme une chose vivante, dont l'essence même était la lumière. Mr. Trelawny et Mr. Corbeck allèrent silencieusement prendre leur place à côté du sarcophage.


Tout d'un coup, il y eut un bruit ressemblant à une petite explosion étouffée, et le couvercle du Coffre se souleva horizontalement de quelques centimètres; il n'y avait pas à s'y tromper, car toute la caverne était à présent inondée de lumière. Alors le couvercle, en restant fixe d'un côté, se souleva lentement de l'autre, comme s'il avait cédé à une pression. Je ne pouvais pas voir ce qu'il y avait à l'intérieur, car le couvercle soulevé m'en empêchait. Le Coffre continuait à briller; il commença à s'en échapper une vague vapeur verdâtre qui se mit à flotter dans la direction du sarcophage comme si elle avait été poussée ou attirée de ce côté. Je ne pouvais sentir nettement l'odeur qui se dégageait à cause de mon masque, mais, même au travers, il me semblait percevoir une odeur étrange et caustique. Au bout de quelques secondes, la vapeur parut s'épaissir et commença à pénétrer directement dans le sarcophage ouvert. Il était à présent évident que le corps momifié exerçait sur elle une certaine attraction; et également que cette vapeur avait un effet sur le corps, car le sarcophage s'illuminait lentement, comme si le corps avait commencé à devenir incandescent. De là où je me trouvais, je ne pouvais voir à l'intérieur, mais d'après l'expression de physionomie des quatre personnes qui regardaient, je compris qu'il se passait quelque chose d'étrange.


J'aurais voulu courir pour jeter moi-même un coup d'œil; mais je me souvenais de l'avertissement solennel de Mr. Trelawny, et je restai à mon poste.


Tout d'un coup, les visages attentifs qui entouraient le sarcophage se penchèrent en avant. L'expression d'étonnement muet qu'on observait dans leurs yeux, éclairés par la lueur surnaturelle qui se dégageait du sarcophage, s'assortissait d'un éclat surnaturel.


Quant à mes yeux, ils étaient presque aveuglés par cette terrible lumière paralysante, si bien que je ne pouvais guère me fier à leur témoignage. Je vis quelque chose de blanc s'élever hors du sarcophage ouvert. Quelque chose qui apparaissait à mes yeux torturés comme un brouillard blanc, léger et transparent. Au cœur de ce brouillard, plus épais et opaque comme une opale, se trouvait quelque chose qui ressemblait à une main tenant une pierre précieuse étincelante lançant toutes sortes de feux. Lorsque la lueur aveugle du Coffre rencontra cette nouvelle lumière vivante, la vapeur verte qui flottait entre elles deux prit l'aspect d'une cascade de points brillants – un miracle de lumière!


Mais, à ce moment précis, intervint un changement. La tempête violente, qui faisait battre les volets des étroites ouvertures, prit le dessus. Avec le bruit d'un coup de pistolet, l'un des lourds volets rompit son attache et fut renvoyé contre le mur, en pivotant sur ses gonds. Un coup de vent violent entra dans la pièce, soufflant et faisant dévier çà et là les flammes des lampes, entraînant la vapeur verte dans une autre direction.


À cet instant, intervint un changement dans ce qui se dégageait du Coffre. Il y eut pendant un moment une flamme rapide et une explosion étouffée, et une fumée noire commença à se dégager. Elle s'épaissit de plus en plus avec une terrifiante rapidité, son volume et sa densité ne cessaient de s'accroître. Jusqu'au moment où toute la caverne commença à s'obscurcir, où l'on cessa de voir ses limites. Le vent mugissant se mit à souffler et à tournoyer à l'intérieur. Sur un signe de Mr. Trelawny, Mr. Corbeck alla refermer le volet et le maintint au moyen d'un coin.


J'aurais aimé faire quelque chose pour aider. Mais je devais attendre des instructions de Mr. Trelawny qui gardait indéfectiblement sa place à la tête du sarcophage. Je lui fis un signe de la main, mais il m'écarta d'un geste. Peu à peu les silhouettes de ceux qui se tenaient près du sarcophage étaient rendues indistinctes par la fumée qui formait autour d'eux d'épaisses vagues nébuleuses. Finalement je les perdis complètement de vue. J'avais un désir terrible de me précipiter près de Margaret; mais de nouveau, je me retins. Si cette obscurité digne du Styx se maintenait, la sécurité exigerait qu'on donne de la lumière; et c'était moi qui en étais le gardien! Je me maintenais à mon poste, mais mon angoisse devenait intolérable.


Le Coffre était à présent redevenu sombre; les lampes faiblissaient, comme si elles avaient été neutralisées par l'épaisse fumée. Nous allions bientôt être plongés dans l'obscurité complète.


J'attendais, j'attendais, prêt à chaque instant à entendre l'ordre de redonner de la lumière; mais il n'arrivait pas. Je restais sans bouger, je regardais avec une intensité épuisante les nuages de fumée qui continuaient à s'échapper du Coffre, dont la luminosité s'affaiblissait. Les lampes baissèrent, puis s'éteignirent les unes après les autres.


À la fin, il n'y eut plus qu'une seule lampe allumée, elle était vaguement bleuâtre et elle vacillait. Je gardais les yeux fixés sur Margaret, dans l'espoir qu'une légère atténuation de la demi-obscurité me permettrait de l'apercevoir. C'était à présent pour elle que j'éprouvais toute cette anxiété. Je pouvais juste voir sa robe blanche au-delà de la forme vague du sarcophage.


Le brouillard noir devenait de plus en plus profond et dense, son odeur caustique me donnait des picotements dans les narines et dans les yeux. À présent la fumée se dégageant du Coffre paraissait diminuer de volume et devenir moins dense. De l'autre côté de la pièce, je vis, à l'endroit où se trouvait le sarcophage, quelque chose de blanc qui bougeait. Il y eut plusieurs autres mouvements de ce genre. Je pus juste apercevoir un rapide reflet blanc à travers l'épaisse fumée, dans la lumière déclinante; car, pour l'heure, la dernière lampe elle-même commençait à vaciller et à avoir ses derniers sursauts avant l'extinction complète.


L'ultime lueur disparut. Je sentis que le moment était venu de parler. J'ôtai donc mon masque et dis à voix haute:


– Dois-je donner de la lumière?


Il n'y eut pas de réponse. Avant d'être étouffé par la fumée, j'appelai de nouveau, mais d'une voix plus forte:


– Mr. Trelawny, dois-je donner de la lumière? Répondez-moi! Sauf avis contraire de votre part, j'allume!


Comme je n'obtenais toujours pas de réponse, je tournai le bouton. Je fus horrifié, car je n'obtins aucun résultat; il y avait quelque chose de détraqué dans l'électricité. Je me déplaçai, dans l'intention de grimper l'escalier pour aller rechercher la cause de cette panne, mais je n'y voyais absolument pas, il faisait noir comme dans un puits.


Je cherchai mon chemin à tâtons à travers la pièce jusqu'à l'endroit où je pensais trouver Margaret. En marchant, je trébuchai sur un corps. D'après son vêtement, je pus sentir qu'il s'agissait d'une femme. Mon cœur cessa de battre; Margaret avait perdu connaissance, elle était peut-être morte. Je soulevai son corps dans mes bras et j'allai droit devant moi jusqu'au moment où je touchai un mur. Je le contournai jusqu'à ce que j'arrive à l'escalier, je montai les marches aussi vite que je le pus, ralenti comme je l'étais par ce cher fardeau. L'espoir aurait pu faciliter mon effort; mais, plus j'allais, à mesure que je sortais de la caverne, plus le poids que je portais paraissait s'alourdir.


Je déposai le corps dans le vestibule, allai en tâtonnant jusqu'à la chambre de Margaret, où je savais trouver des allumettes, et les bougies qui avaient été placées à côté de la Reine. Je frottai une allumette. Quel bien cela faisait de voir de la lumière! J'allumai deux bougies, j'en pris une dans chaque main, et me précipitai dans le hall où je croyais avoir laissé Margaret.


Son corps n'y était pas. Mais à l'endroit où je l'avais déposé, se trouvait la robe de mariée de la Reine Tera, et autour, il y avait la ceinture de merveilleuses pierres précieuses. Là où s'était trouvé le cœur, était posée la Pierre aux Sept Étoiles.


Le cœur défaillant, en proie à une terreur sans nom, je descendis dans la caverne. Mes deux bougies trouaient à peine l'impénétrable fumée de deux points lumineux. Je me replaçai sur la bouche le masque respiratoire qui pendait à mon cou, et j'allai à la recherche de mes compagnons.


Je les trouvai là où ils s'étaient placés. Ils s'étaient écroulés sur le sol, et leurs yeux qui regardaient vers le plafond étaient figés dans une expression d'indicible horreur. Margaret avait posé les deux mains sur son visage, mais le regard vitreux de ses yeux entre ses doigts était plus terrible qu'un regard à découvert.


J'ouvris les volets de toutes les fenêtres pour laisser entrer le plus d'air possible. La tempête se calmait aussi vite qu'elle s'était élevée, elle se réduisait à quelques bouffées de vent sans suite. Elle pouvait bien s'apaiser d'ailleurs, son œuvre était accomplie!


Je tentai tout ce que je pus pour mes compagnons, mais en vain. Là, dans cette maison solitaire, loin de toute aide, rien ne pouvait donner de résultat.


C'était une bénédiction, mais la peine d'avoir à espérer m'était épargnée.


(1903)


[1] Sic. Le passé simple du verbe extraire n’existe pas. [Note du correcteur.]


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