CHAPITRE VIII DANS LEQUEL JE REGARDE BROSSER UNE GERCE

— Je vous ai demandé de venir, commissaire, parce que ma fille se trouve dans mon appartement et que je ne veux pas parler devant elle. C’est une nature délicate. Une jeune fille sans défense, qui ne sait rien de la vie et que les terribles questions qui nous occupent risqueraient de… Mais qu’avez-vous ? Vous êtes tout pâle ?

— Je… heu… me suis cogné le genou en accourant, et vous savez combien les douleurs au genou…

— Taisez-vous : j’ai joué au rugby dans ma jeunesse !

Le radio est un grand garçon froid et blond, qui pourrait être anglais s’il appartenait à la marine britannique. Il semble indifférent à tout. C’est l’homme-ustensile type. Aussi vivant que son matériel.

— Qu’y a-t-il de nouveau, commandant ?

Le Pacha va pour répondre, mais Pastaga arrive, mandé lui aussi par l’officier. Il s’est inondé de parfum à bon marché, mais continue de charrier néanmoins des remugles excrémentiels.

— Alors ? il demande.

Le Pacha cueille un feuillet et s’en évente avant de le lire.

— Ceci est un câble qu’un passager a voulu faire envoyer.

Il nous regarde, aussi sûr de ses effets qu’un dandy de la belle époque. Puis lit, à haute, belle, noble et intelligible voix : « Faisons escale technique Kebotalkon. Grosse affaire à bord. Envoyer immédiatement renforts. »

Le commandant se tapote les lèvres avec son feuillet.

— C’est adressé au chef de la Sûreté Marseillaise et c’est signé Pastaga, termine-t-il.

Un louftingue silence, véry copieux et coagulant. The surprise. On se dévisage.

Pastaga blêmit au-delà du possible, là que le blanc devient verdâtre à force d’être blanc.

— Mais c’est tonton ! C’est t’ honteux, glamuche le malheureux. J’ai jaja… j’ai mémé… Jamais… Moi !… Adresser un caca… un câble… Je… Escalade où, on fait ?… J’ai pas caca… qualité… Pour déclamer des forains… heu… réclamer des renforts… Oh, mon Dieu ! L’émotion. Je vais pas pouvoir me retenir. Ça y est, je peux plus. L’Algérie, mon commandant ! J’ai l’honneur de vous demander pardon… Oh ! Laissez que j’essaie de me contenir ! Me regardez pas. Ne causez plus… Je serre. Je retiens… Je veux que ça passe. Je… Raoûhaoû ! Impossible ! L’Algérie… C’est plus fort que moi. Je relâche… C’est les muscles rectales…

Un bruit hideux, ponctué d’une odeur qui l’est bien davantage, et voilà Pastaga qui sort, en bredouillant des excuses, d’une démarche de robot dont les piles faiblissent.

L’officier hoche la tête et va ouvrir des portes complices de courants d’airs méditerranéens.

— Il est malade, ce type, grommelle le Pacha. C’est la première fois que je rencontre un flic qui s’oublie dans son froc à tout bout de champ.

Je cueille délicatement le message au bout de ses doigts.

— Permettez ?

Le relis.

Puis, au radio :

— On vous a dicté ce message, je suppose ?

— En effet.

— Depuis où ?

— Cabine 208.

— Il faut savoir qui est le locataire de la 208, dis-je au Pacha.

— Vous pensez bien que j’ai commencé par là.

— Et c’est ?

— Pastaga.

Poum ! Nouvelle douche. Ça devient pas mal, admets ? Cet amphigouri, j’ sais plus où il s’arrêtera. On opère l’immense glissade vers l’inconnu. Ces ordres, ces meurtres, ces gens étranges… Tout ça sur fond de fornication. Copulation monstre. Dames chasseresses. Le rut à bagages. Figne-figne. Encore ! Tu me le, tu me la. Goûte. Goûte l’autre ! Et ça, c’est de l’Amsterdamer ? On délire, tripatouille…

— Vous avez une idée ? me demande le commandant.

À tout hasard. Car à son ton, on sent bien son scepticisme. Il s’en gaffe que j’ai la gamberge à zéro. Que mes pensées sont voilées. Tu veux bâtir une hypothèse qui se casse pas la gueule, toi ? Demande-moi plutôt de te reconstituer la tour Eiffel grandeur nature avec des cartes à jouer, j’aurai plus de chance d’aboutir.

— Vous avez parlé de l’escale imprévue de Kebotalkon, à Pastaga ?

— Du tout ! Vous fûtes le premier averti, et le seul.

— Donc, c’est quelqu’un de la bande qui a voulu adresser ce câble ? Quelqu’un qui savait en même temps que vous ?

— Évidemment.

— Venez.

Il m’obéit. Bon, v’là que je donne des ordres au commandant, à c’t’ heure. On se retrouve, les deux, sur le dernier pont, tout en haut. Soleil, je crois qu’on l’appelle.

Nous nous accoudons au bastingage, d’un accord commun et regardons un instant flasher les locdus, sur tribord. Qu’ils se gavent à mort du mont Porthos. Lui prennent chaque caillou gris. Ne ratent pas une tuile du monastère. Zoom avant, zoom arrière. La prise de Berg-op-zoom ! Tu les verrais, fiévreux, affairés, pathétiques, crispés à s’en coincer le guignol dans la cage à serin… Clic, clac, clic, clic, clac… Jouant des coudes pour s’assurer le premier rang, faire du plan général sans contrainte. Je te dis qu’ils l’érodent, le mont Porthos, à force de le grappiller. Le bousillent à coup de Canon, Leïca, Kodak… Leurs visées réflexes deviennent meurtrières. Ils dégagent du pernicieux. J’ suis sûr que les popes vont choper la vérole, là-haut. Se commencer des tumeurs connes ou malignes avec toutes ces radiations qu’on leur balance à pleins diaphragmes depuis le Thermos.

— Vous êtes sûr de votre radio, commandant ?

Je lui aurais mis la main aux burnes, il sursauterait moins violemment, ne me roulerait pas d’aussi vilains yeux.

— Vous plaisantez, je pense ?

— Je fais le tour de la question.

— Mes garçons sont irréprochables. Le petit radio que vous venez de voir travaille avec moi depuis cinq ans, et ses supérieurs depuis dix.

— O.K., je n’insiste pas. Comprenez que nous nous trouvons face à une situation qui nous oblige à tout envisager.

Il radoucit.

— Bien sûr.

— Et comprenez également que j’ai raison en vous recommandant de ne pas céder à cette demande d’escale. Nous avons à présent la preuve qu’un membre de l’Organisation se trouve bien à bord. Alors, renversons la situation et gardons-le comme otage, commandant.

— Et s’il a décidé de se sacrifier ?

— Oui, bien sûr. Mais tout ce mic-mac sent trop la machination savamment élaborée. Or l’esprit de sacrifice ne se produit qu’au cœur de l’action. De toute manière, le gouvernement ne lâchera pas les milliards demandés, n’est-ce pas ? Alors de deux choses l’une, ou bien les terroristes nous feront sauter, ou bien ils se dégonfleront. S’ils doivent se dégonfler, votre refus d’obtempérer ne changera rien à la chose. S’ils doivent agir, ce n’est pas en suivant scrupuleusement leur plan que nous nous en sortirons.

— Mais la Compagnie va entrer en conflit avec moi !

— La Compagnie ne se trouve pas à ce bord, commandant. Ici, la Compagnie, c’est vous !

Il frappe du plat de la main la barre vernie du bastingage.

— Vendu ! décide-t-il, je pense que vous avez raison. Je file à la passerelle donner des ordres pour le changement de cap !

« Et vous ? s’inquiète-t-il avant que de s’éloigner.

— Moi, je vais faire un truc qui ne vous plaira pas, mais que je dois faire.

— C’est-à-dire ?

— Puisque vous paraissez me faire confiance, commandant, faites-moi confiance jusqu’au bout.

Il sort une pipe de sa fouille, la tapote sur son talon et s’éloigne en la tétant gloutonnement.

* * *

Le radio me considère d’un œil évasif.

— Je comprends mal votre question, monsieur.

— Elle est pourtant simple, mon vieux : quelle pièce essentielle suffirait-il de retirer à tout votre bouzin, là, pour mettre la radio en panne ?

Le garçon blond-froid hausse les épaules.

— Il y en a beaucoup, voyons… Si vous retirez n’importe quel rouage d’une montre…

— J’ai dit essentiel. Irremplaçable, si vous préférez. Il existe bien un organe-clé dont la disparition priverait le Thermos de sa radio jusqu’à ce que nous fassions escale ?

— Naturellement, mais vous vous rendez compte du danger qui…

— Laquelle ?

J’ai parfois l’impatience froide. Mon regard tranchant, ma voix déterminée lui en imposent.

— Il est évident que si on retirait le boffuseur de délégation…

— Ça se trouve où, ce machin ?

Il dépose son casque, dévisse le capot latéral du bloc-radio et me désigne une sorte de bobine rouge qui tient compagnie à 144 657 pièces variées.

— Vous savez jouez aux échecs, Vieux ? questionné-je.

— Bé, oui, pourquoi ?

— Parce que vous allez pouvoir faire quelques parties à tête reposée à compter de tout de suite.

Là-dessus, d’un geste précis, j’arrache la bobine et la coule dans ma vague.

* * *

Sa Majesté le Mage est radieux comme une bite neuve.

On se rencontre au pont Salon où il déambule en louvoyant des clavicules, l’œil rigolard, sa grande carcasse enveloppée dans un peignoir blanc en tissu éponge. On croirait un catcheur en train de gagner le ring.

— Alors, la dame salope ? j’interroge.

Il lève vers le plafond deux bras interminables capables de stopper le Trans Europe Express en pleine course.

— Royale ! Le pote Béru m’a fait un cadeau inestimable. En voilà un, au moins, qui pense aux aminches. Cette ravageuse a du style, de la santé et des inventions rarissimes. La vraie bénédiction. Tu sais, son dada ?

— Vas-y.

— Toi.

— Flatté.

— Paraît que tu l’as laissée quimper en pleine extase. Elle prétend que tu la dégustais en grandes pompes. J’ai essayé de lui faire un petit intermède de menteuse, mais elle m’a loyalement avoué que sur ce chapitre t’ étais imbattable. Berlitz ! Compliments, mec. Va falloir que tu te la termines, la Paméla. Elle est ricaine d’origine, et quand ces grognaces ont décidé de s’envoyer un julot, faut qu’il y passe !

— Rien ne presse ! assure un Sanantonio dont l’organisme se remet péniblement d’avoir été toupie en folie un instant plus tôt.

— On s’humecte ? demande Dieumerci.

Lui, c’est le genre mage pas bléchu. Bon zig. Prêt à tendre la main aux gens qui lui sont sympas et à la foutre sur la tirelire des autres.

Nous v’là à jouer les échassiers sur les hauts tabourets du bar, immensément désert à cette heure. Le podium des musicos avec la bastringuée d’instrument sous housses a un aspect surréaliste. Tu vois la mer par les hublots, bien bleue, tellement calme qu’on se croirait dans un chromo. On a fini le mont Porthos et les pellochards rengainent leurs outils à souvenirs.

J’en fais la réflexion à Dieumerci. Il a un hennissement d’alezan sauvage sur le sentier de la guerre.

— Si j’étais riche, dit-il, je rachèterais le bateau, je débarquerais tout le trèpe dans le premier port venu, à coups de lattes dans le joufflu, pour ne garder que quelques potes. Ce serait chouette, non ? On ferait du vélo et on calcerait les nanas à ciel ouvert.

Il ricane.

— À propos de photos, tu sais que j’ai un cliché qui me carillonne, depuis ce matin, gars ?

— Vas-y…

— Je vois un mort dont le bide continue de vivre…

Il a pas cherché le ton sépulcral pour débiter son topo. Au contraire, il s’est efforcé d’être guilleret, histoire de faire passer sa déclaration sans trop soulever de quolibets.

— Un mort comment ? je demande.

— Un mort, quoi. Masculin. Sa bouille, je la retapisse pas. Il est tout roide, tout clamsé. Et pourtant, son ventre continue d’exister. Tu sais que je finis par pavoiser de la soupente, mézigue, à force de leur étudier le destin, à ces minus. Tous ces turbots préoccupés d’affaires, qui veulent savoir si la Bourse plongera encore, le comportement de l’Eurodollar, le devenir de l’équipement pétrolier. Toutes ces limandes soucieuses de se faire bien fourrer par leurs petits gredins de secours ; est-ce qu’il les aimera longtemps encore ? Et le prochain qu’elle guigne, a-t-il une chopine d’âne, est-il vigoureux du coup de rein ? Faut-il lui céder tout de suite, le pomper d’emblée, dans sa bagnole, au coin du Bois ? Elles veulent un drivage complet, les voraces. Elles pensent qu’au c… Tu les contemples, tu crois voir leur frimousse, eh ben en réalité, c’est leur chagatte que tu regardes. La femme, c’est ça : une chagatte, et rien, absolument rien d’autre !

On écluse deux choses alcoolisées, dans les teintes brunasses. Moi, en arrière-plan, je reste branché sur l’affaire. Je triture la bobine rouge dans ma fouille. Coupé de tout. Le monde est out, pour la durée que je veux. Nous n’avons plus d’ordres à recevoir de personne, du moins de personne d’extérieur. Donc, il va bien falloir que le correspondant de l’Organisation terroriste qui se trouve à bord prenne l’initiative. Il sera contraint de se manifester quand il s’apercevra qu’on n’obéit pas aux injonctions de son équipe.

— T’as l’air ailleurs, Grand ? me demande Dieumerci.

Je lui souris.

— Excuse…

Il ferme un œil, comme lorsque la fumée de ta cigarette te gêne.

— Je te sens de gros problèmes, il dit, le mage.

Ma moue incertaine ne le tarit pas.

— Ils se résoudront. Mais pas de la manière que tu crois. T’ as la solution à portée de la main, seulement tu regardes ailleurs…

Mince, tu sais qu’il m’intéresse, avec son baratin para-professionnel ?

— Qu’entends-tu par là ?

— Rien d’autre que ce que je te dis. Ce serait trop commode. Je te vois emmouscaillé et je devine que tu pourrais régler tes emmerdements facile… C’est tout… Attends… T’ as besoin d’éliminer. Voilà. Éliminer…

— Quoi donc ?

— J’ignore.

— Et d’éliminer de quelle manière ?

— Qu’est-ce que tu veux que je te dise ? Merde, vous êtes tous pareils, vous voudriez qu’on vous lise le futur comme on lit un bouquin ! Je suis pas dieu, je suis mage.

On reboit. Des trucs qui doivent pas être regardables, ce sont les foies des croisés quand ils reviennent de croisière. Non plus que leurs vésicules ! La manière qu’on les surmène, à bord, pour user le temps. S’accommoder de la claustration !

Des passagers commencent à se pointer pour l’apéritif. Bien contents de ce mont Porthos dont ils ont des pleins rouleaux de 36 dans leurs gibernes. Une bonne chose de faite, crois-moi. Un des clous du voyage. Ouf ! Et ils n’ont même pas eu la peine de descendre à terre. On te leur a servi ça sur un plateau ! Bon, ils récapitulent ce qui les attend encore comme turbin : le Temple de mes Zeus, le Cropole, le théâtre de Déconos, la voie sacrée de Dominos pour l’essentiel ; ce qu’il faut coûte que coûte ne pas louper, sous peine de perdre la face, de se voir ôter sa licence de touriste. Bon, ils sont prêts. À bord, on trouve au rayon photos toutes les pelloches possibles imaginables. Sinon, se serait la banqueroute pour la compagnie.

Y’ a des gus qui possèdent jusqu’à trois appareils, au cas qu’un ou deux tomberaient en panne. Ils font dans le diapo, la couleur sur papier, le noir et blanc (réputé irremplaçable, les jeux d’ombres et de lumière, si tu n’as pas du blanc et noir sur papier mat, t’es zobé jusqu’à la moelle. Y’ a une poésie du noir et blanc que tu ne retrouves pas ailleurs. Et puis, tiens, va-t’en flasher un pope ou une religieuse en couleur, gros malin. T’obtiendras quoi ?.

— V’là les naufragés du Kodak, dis-je à Dieumerci. Taillons-nous.

— D’autant mieux que Béru nous attend pour sa jaffe privée. On risque d’être un peu à l’étroit dans sa cabine.

Nous nous y rendons gaillardement. Coursive faisant, on croise la Pamela. Tu verrais comment elle s’est fringuée ensorceleuse pour aller déjeuner, Mémère… Une combinaison moulante de plongée sous-marine lui souligne tout ce qu’elle a de bien en escamotant ce qu’elle a de moche. Elle a monté ses tifs en chignon, bien dru sur le sommet de la tête. Guillaume Tell ! Ça lui confère une physionomie dure, sévère. Elle est escortée d’un vieux krouminche podagre qui trottine en lui tenant le bras. Il semble s’affaisser des méninges, le birbe. Se débattre dans le yaourt.

— Très cher ! elle s’écrie, je parlais justement de vous à mon ex-mari ! Vieux chéri, ajoute-elle pour le podagre, en montant le ton jusqu’à lui faire craquer les trompes, je vous présente le commissaire San-Antonio.

Et, re-à moi :

— Mon bel ami, voici le vicomte de Bragelonne. Nous fêtons tantôt notre anniversaire de divorce et nous serions morts de joie si vous vouliez bien venir prendre un drink avec nous dans l’appartement du vicomte. Il occupe la Suite Dorée, sur le pont des Arts. Quinze heures, c’est d’ac ? Dites-moi que c’est d’ac ? Et vous aussi, mage ! Et le cher Béru de même… Et si vous avez des amis amusants, venez tous que nous fôlatrions de concert. Vous vous rendez compte ? Dix ans déjà que nous sommes divorcés, vieux chéri et moi. Cet amour ne s’est jamais remarié.

Elle le baisotte un peu partout. Le fossile paraît ravi. Il fait des « grummm grummm », et puis des « mhrrrran mhrrrran » Et il bave sur sa cravate de soie bleue nuit, plantée d’une perle, comme écrivent des certains qu’un de ces jours je vais bien finir par lâcher leur nom, à ces veaux !

Elle nous fait promettre qu’on ira au Dom Perignon.

On assure qu’ oui.

La v’là repartie avec son attelage de gâtisme.

Elle nous adresse des « adieu, adieu » avec un léger voile rose. Des baisers frivoles du bout de ses doigts jolis.

— Complètement frapadingue, dis-je. Y’ a pas, on fait de chouettes rencontres sur les barlus de plaisance.

Dieumerci me regarde, l’œil en tampon encreur.

— T’es un poulaga, toi ? il demande.

— Quelle idée !

— La morue vient de t’appeler commissaire. C’est toi, le San-Tonio que j’entends causer ?

Je lui prends le bras.

— Bon Dieu, c’est juste ! Comment le sait-elle ?

Mais ma question lui importe peu.

— Un flic, merde ! Et j’ t’ avais pas reniflé. Moi, un voyant ! J’ai rien vu ! Y’a de quoi se poignarder l’oignon avec un pic à glace, j’ te jure ! Qu’est-ce que tu fous à bord ?

— Les poulets ont besoin de vacances comme tout un chacun, camarade.

— Soucieux comme t’as l’air, m’étonnerait que les tiennes soient folichonnes.

Il s’enferme dans ce que M. Chabran-Laumanche appelait des morosités, avant d’en être atteint et bien contaminé de partout, le pauvre, qu’était pas antipathique après tout, surtout la manière qu’il gravissait en courant les escaliers nationaux, mais qu’est-ce tu veux, c’est la vie : on ne peut pas être et avoir tété les mamelles de la France.

Et puis on débarque (si je peux ainsi causer à bord d’une unité de la marine de Kodak) chez Béru.

Cette surprise !

Ce qu’il arrive à faire avec les deniers de l’État, Alexandre-Benoît !

J’ sais bien que, détaxé, le caviar s’humanise, mais là, vrai, il a pas chignolé sur la quantité, le gros bougre.

Une vraie montagne. L’Annapurna caviardeux ! L’Everest ! Tu aurais un seau et une petite pelle, ce caviar, tu pourrais en faire des pâtés.

Il a déguisé sa commode en buffet. Outre ces œufs d’esturgeons, sont accumoncelés des poulets froids, du foie gras, des tartes au chibre, aux quetsches, au citron, ainsi que quelques camemberts très à leur aise dont le fumet emplit la cabine, laquelle pour le coup pue la prise d’otages au bout du cinquième jour.

Le professeur Gahna est déjà là, bioutifoul en vrai dans sa chemise bleue en dentelle. Il a apporté son Kodak à flash Electre-au-nique pour nous prendre bien comme il faut en train d’empiffrer.

Déjà il s’est attelé à une boutanche de vodka. Y’en a pas moins de six dans un seau à glace, et je te passe les quilles de beaujolpif qui montent la garde le long de la cloison, déjà débouchées, fringantes et prêtes pour les manœuvres en Méditerranée.

Pour ménager un maximum de place dans ce local exigu, le Gravos a déboulonné son plume et l’a dressé contre la paroi. Il explique qu’on va se vautrer sur la moquette. À la romaine !

Je le refoule dans la salle de baths.

— Dis-moi, Raspoutine, t’ as raconté à Paméla qui je suis ?

Il prend son majeur droit et s’en vrille la tempe.

— T’as lu ça dans les astres, Mec. Moi, m’affaler avec une vieille pouffe sous le prétesque que je lui tartine la friandise ! Y raconter des secrets d’état parce que j’embroque cette personne avec effervescence ? Non, mais tu te roules dans le stupide, mon gamin ! Tu gambades de la coiffe.

On se regarde bien directo la prunelle.

On se comprend : il ne me bourre pas la caisse.

— Elle sait qui je suis, pourtant, articulé-je. Elle me présente à cor et à cris : « Vous connaissez le commissaire San-Antonio ! »

Bérurier secoue ses nobles épaules de lutteur.

— Demandes-y d’où qu’elle tient c’ t’ informe. Tu verras que j’y suis pour rien. D’ailleurs on s’est pas dit trois mots, cette gosse et moi. On a brossé, voilà tout. À la sauvage, à la salingue. La grosse troncherie mémorable, tu comprends ? Bon, puisqu’on papote, que je t’esplique : y’ a ici plusieurs bouteilles de vodka, fils. Une seule a une étiquette verte, tu boiras de celle-ci, uniquement. Surtout gaffe-toi de pas toucher aux autres, compris ?

— Que manigances-tu ? bondis-je.

Il a un sourire angélique.

— Laisse licebroquer le mérinos, Sana, un peu d’initiative du surbordonné, ça mange pas de bred. De la sorte ainsi, tu pourras te garder chouillet en réserve de la République. Fais relâche pendant cette petite bouffe chez moi. Je prends tout sur ma responsabilité limitée, petit homme. Si y’ aurait un os, il serait pour mes pinceaux, et j’ m’emporterais pas plus mal.

Dès lors, pour couper court, il me refoule à l’intérieur de la cabine où, justement, Yuchi et son poireau viennent de se pointer.

Une curieuse partie va commencer, bouge pas. Décroche ton téléphone et fais répondre que t’ es pas là si on sonne, je vais te raconter.

Au début, tout se déroule admirablement. Béru se montre un hôte actif, empressé, disert. Il met tout un chacun à l’aise. Oblige ses invités à s’alimenter puissamment, à licher pareil, de grandes belles rasades paysannes qui ne tiennent pas compte des faux-cols mondains. Le caviar se dépote à la louche, la vodka gouline à flots. C’est la Volga, plutôt, si t’en crois son débit (de boisson qui deviendra grand pourvu que Dieu lui prête eau-de-vie).

On rigole. Le professeur Gahna nous raconte des trucs passionnants sur la Grèce antique. Dieumerci, qu’a servi dans la marine, évoque ses souvenirs dans les ports que leurs noms fait rêver : Valparaiso et Toutim, là-bas, au bout du monde, à une époque où le bout du monde se trouvait beaucoup plus loin qu’aujourd’hui. La gentille Yuhi babille aussi, mais reste dans le général. Elle donne plutôt la réplique, ramasse les balles perdues pour les remettre dans le jeu, si tu vois ? Y’ a que son faisandé qui moufte à peine. Lui, il jaffe, à la glouton, l’œil farouche. Rien d’aussi triste qu’un maigre qui dévore. Ça a un côté sinistre. Chez les gros, la mange, c’est dégueulasse mais attractif d’un sens. Les sac d’os, quand ils croquent, tu les trouves néfastes. Ils ont j’ sais pas quoi d’inquiétant, comme s’ils dérangeaient l’ordre naturel. Ça fait suspect leurs effets de chailles. Donc, on banquette. Voilà, miam, miam. Caviar, poulet… C’est au foie gras, quand on devient repus et gris, que ça démarre. Gahna, le premier. Son regard fait du yoyo. Il se met à quatre pattes et aboie méchamment après son pote le mage. Dieumerci lui file des coups de talons dans la margoule en beuglant des « allez coucher, sale bête ». Mais Gahna parvient à lui mordre le mollet et ne veut plus lâcher sa proie.

Il est devenu louf, le latiniste. Plus distingué du tout. Féroce. Quand enfin on lui fait lâcher prise, il gronde qu’il tolère pas qu’on lui attache une casserole à la queue. Qu’il est pure race, basset hound, pédigree de champion, père anglais, seize fois primé.

Il entrecoupe de jappements coléreux. On a la présence d’esprit, j’ sais plus qui, de lui tendre un sucre. Ça le calme. Il se fout en rond, au fond de la cabine et s’endort. Le mage, lui, on dirait que cette scène insolite lui a filé un déclic dans le sub. Il se dresse, les bras en croix, immense, que tu dirais le grand Jésus de Rio, qu’étend ses bras, là-haut, au sommet de Corcovado, comme s’il s’apprêtait à plonger dans la baie. Et il annonce qu’il va sauver le monde, lui, Dieumerci. Il est le nouveau messie qu’on attendait. Il attendait comme les copains, se désolant à l’unisson de la vérolerie universelle, sans savoir que c’était lui, le mec désigné, élu par le Très-Haut pour rebecqueter la situation, stabiliser les monnaies, supprimer le chômage, faire ruisseler le pétrole sur le monde. Car oui, voilà ce que sera son premier miracle : il transformera l’eau douce en pétrole. Le Nil, l’Amazone, la Loire, le Danube, le Don. Vous allez voir : pétrolium ! Un geste à faire. Un signe à son papa. Et zou : le liquide magique déferlera à grands bouillonnements, y’ aura même des inondations par le pétrole. On se promènera en bateau dessus. De plaisance. La vallée du Rhin sur pétrole, les châteaux de la Loire se mireront dedans. On fera du hors-bord, du canoé. Le plan d’eau des Mureaux deviendra le plan de pétrole et y’ aura des régates sur cette belle tisane moirée. Mort aux pompistes ! Chacun se remplira le réservoir avec un arrosoir, comme il remplit son radiateur. La Shell que je me fous, pour lors ! Esso lancera des ESSO-S de détresse. Il promet, le mage. Le salut par l’or noir. La vie changée, l’économie super-prospère, les gens heureux dans leurs chères bagnoles. Roulant à fond la caisse sur de nouvelles autoroutes à douze mille voies. Le pied universel, quoi ! Il va s’occuper, de ça illico, le mage. Plus perdre un instant. Dieu lui a filé le feu vert à Dieumerci. Le détroit de messie !

Et alors, le voilà qui retombe dans une apathie brutale. Ses yeux virent boueux. Sa physionomie s’émiette et il rejoint son copain prof pour un ronflon de grand style dont on devine qu’il sera prolongé.

Ça fait rigoler tout grand Yuchi. Contagiée à son tour par la drogue que ce satané Bérurier a probablement introduite dans les flacons de vodka.

Elle se blottit contre moi, sans souci de son pseudo-époux. Elle me roucoule des salingueries que je voudrais même pas t’en rapporter le quart ici, seulement le dixième, en guise d’échantillon, pour que tu comprennes l’intensité du délire, sa nature profonde. Une sensuelle terrible, la gosse. Elle me raconte qu’elle aimerait se faire endoffer par un âne blanc. Tout blanc, immaculé. Et puis se faire grumer le Padirac par un Saint-Bernard. Et puis encore jouer à saute-biroutes avec douze beaux Sénégalais couchés en couronne : le parcours du con-battant. Et aussi, qu’un monôme d’étudiants se rassemble au-dessus d’elle et que les petits gars lui virgulent en chœur leur béarnaise sur le corps, jusqu’à ce qu’elle disparaisse, soit ensevelie totalement.

Je te relate le plus modeste, la broutille, ce qu’est racontable, étant un garçon plutôt timide. Mais souviens-toi que le reste me fait rougir. Bérurier en est tout congestionné. Il annonce que si Madame continue à lui foutre de la surchauffe dans le kangourou il va lui donner du bonheur devant son navet, recta. Et que ça va pas traîner, et que les ânes blancs, les Saint-Bernard, les Sénégalais et les étudiants, oui, tout ça, il va le suppléer au pied levé, Mister Big-Apple. Pour preuve il désigne à la gosse son bénouze qui ressemble au cirque Jean Richard pendant le numéro de Jumbo.

Fâcheuse déclaration. La môme, en plein survolte, l’agresse fougueusement.

Le Dodu part à dame.

Moi, je louche sur le cosaque à Madame, redoutant un éclat. Il paraît si sombre, si grinchard, cézigue. Mais mes craintes sont vaines. Il reste prostré. On le devine aux prises avec les méfaits de la drogue. Ça se traduit, pour lui, par une espèce de surconcentration. On dirait qu’il rentre en lui-même, aspirateur qui s’auto-aspirerait.

— Occupe-toi de lui, me conseille le Mammouth, pendant que je pomponne la gosse.

Non, mais, est-ce que tu mords la scène ? Cette cabine exiguë. Deux bonshommes qui roupillent. Un troisième qui calce une fille en chaleur ardente, et deux autres mectons, face à face. L’un observant l’autre. Pensant que le moment est peut-être venu de le dénoyauter, lui arracher ses secrets. Seulement il est si hermétique, Chlag. Si guindé sauvage. Plus que muet, minéralisé par le nectar au Gros. Question de tempérament, les réactions en pareil cas. Chacun suit ses misères intimes, profondes, inavouées. Ses rêves…

Je lui sers un glouglou de mieux. L’oblige à trinquer. Il laisse faire.

Boit.

Moi, je me demande… Par où attaquer ? Y aller carrément ? Ou bien lui interpréter la Mort du Cygne pour débuter ?

Yuchi est en plein pied d’œuvre, tu la verrais. Le Gravos l’arpente à travers la cabine, à grands coups de braque, suivant son habitude ancestrale. Le circuit du Mans, en minuscule. Ils se déplacent de trois quatre centimètres chaque fois, ce qui équivaut au déplacement annuel du continent américain par rapport à l’Europe. Tu sais qu’un jour, à force de siècles et de millénaires, on aura meilleur compte de passer par l’est pour leur rendre visite, aux Yankees. Ils seront collés à Vladivostok. Moi, mon avis, ce sont les Russes qui usinent pour les annexer en douceur. Trois quatre centimètres l’an, c’est pas chouille. Ça passe inaperçu. Le coup du larbin chinois qui change les objets de place avant de les faucher. Mais les Popoffs se marrent bien dans leurs cache-nez. Par ici la bonne soupe ! Et hop, à moi, les Ricains ! Ils ont tout leur temps. Ils les baisent en levrette, les happent par les miches. Suivez le guide ! Et nos gentils Ricains se laissent dériver à la sournoise, eux. Bien flambards : techniques, Ford, dindes primées, fusées lunaires, maïs surchoix. Mon œil ! En route pour Ruskiland, mes camarades. Là encore, le coup de la toupie. Toupie or not toupie, that is the question. Et un de ces quatre morninges, dans X ou Y millénaires, t’ as les mectons de Frisco, de Los Angeles, qui piailleront « Terre ! Terre », kif le Christophe quand il les a découverts. Cette fois, ce sera l’Amérique qui découvrira le Nouveau Monde. Et quel ! La Russie, la Chinerie par en dessous. « C’est par ici, petits, venez ! » La bannière étoilée en verra trente-six chandelles. « How do you do, camarades syndiqués ? » Poum ! Terminus. « C’est la Pai aix, finaaale. » Enfin groupés, tous. Plus de ces rivalités qu’intempestivent. Les Fratelini ! For ever. Merci, papa, merci, maman ! J’aime bien savoir qu’ils godillent, les continents, qu’ils s’en vont à vau-l’eau (ou à Volos). Qu’ils emmènent les hommes en bateau, somme toute. Errance géographique qui est un juste retour des choses.

Et puis je te pourrais déconner plus long encore. Un plein livre, des tomes et des tomes, tout ça seulement à propos du gars Béru qui lime avec ses reins comme un coureur cycliste pédale aussi avec ses épaules.

Cette fois, Ernst Chlag paraît à point. Surdosé. La manière qu’il dodeline. On dirait qu’il se contient pour rester en lui-même. Qu’il craint de s’enfuir de sa carcasse, comme un oiseau des îles a peur de profiter de sa cage ouverte, sachant qu’il mourra de sa liberté retrouvée.

Je l’entreprends.

— Vous ne vous ennuyez pas sur ce bateau, Vieux ?

Il tourne sa bouille blafarde vers moi. Mais me voit-il ? Ses yeux paraissent découpés dans du verre dépoli.

— Je n’y crois pas beaucoup, me répond-il.

Il s’agenouille, sort sa bébête et compisse le tapis de sol. J’ sais pas ce que Sa Bérurerie a filé dans la vodka, mais ça te secoue un bonhomme, fais confiance.

En quoi ne croit-il pas beaucoup, l’escocroc (il a les dents plus longues que les ongles) ?

— Vous pensez quoi, alors ? hasardé-je.

— Un truc de ce genre ne peut plus réussir lorsqu’il y a eu des fuites.

À propos de fuites, il en finit pas de lancequiner, Totor. Faut que je m’écarte de son inondation. Un vrai désastre ! De quoi filer les chaloupes à la mer.

— Vous croyez ? j’insiste.

Il s’est déjà arraché de son idée car il hasarde :

— Je crois quoi ?

— Que ça ne peut pas réussir ?

— Réussir quoi ?

Tant pis, je risque l’os :

— Le coup du bateau ?

— M’étonnerait.

— Pourquoi vous avez marché, alors ?

— Que puis-je faire d’autre ?

— Bien sûr, mais quand même… Y’ aurait peut-être une autre solution, non ?

— Non. Et puis je m’en fous, tant mieux si ça rate. Moi, ma vie. Si vous saviez comme elle est terminée. Comme ça fait du temps déjà que je suis mort. Il ne me reste que l’apparence. Un gant n’est pas une main. Je suis un gant.

Un court silence.

— Je sais tout, bavoche Ernst.

J’en mouille.

— Tout quoi, Ernst ?

— Tout de la mort, tout sur après. Car il y a un après. Mais pas celui qu’ils pensent quand ils croient. Énergie consciente. Simplement. Qui se transforme en rien. Donc qui égale Dieu. Dieu, c’est l’énergie inutile, vous comprenez ?

— Oui, oui, Ernst, je comprends. Mais je voudrais en revenir à l’histoire du bateau…

— L’idée était belle sur le papier…

— Merveilleuse, Ernst. Et après tout, pourquoi ne se réaliserait-elle pas ?

Il ne répond pas.

Je le secoue.

Le v’là qui s’affale, nez en avant sur son pissat. Groggy à l’extrême.

Ce tordu de Béru a trop forcé les doses. Tels qu’ils sont partis, ces gueux, ils vont en écraser pendant plusieurs jours. Et peut-être faudra-t-il le concours du médecin pour les ranimer. Furieux, je m’apprête à lui interrompre les ébats lorsque la porte ouverte à toute vibe fracasse la cloison.

Le commandant se tient dans l’encadrement. La statue du commandant ! Marmoréen dans son costar blanc. On le croirait en carare pur fruit.

Il mate la scène d’un œil tellement bourré d’incrédulité qu’elle lui dégouline sur le plastron.

— Je rêve, il dit, comme on lui a appris dans cette pièce de patronage qu’il avait jouée à l’époque de sa communion solennelle. Mais c’est une porcherie ! Un lupanar !

— Mes escuses, mon commandant, lui lance Béru entre deux ahanements, Santonio va vous espliquer.

Mais je ne dois pas représenter une caution suffisante pour l’officier, à en croire le vilain regard qu’il me gratifie.

Il s’avance, la main tendue. Pas pour serrer la mienne, attention, te méprends pas.

— Rendez-le moi tout de suite ! il vocifère.

— Quoi donc, commandant ?

— Le boffuseur de délégation. Croyez-vous donc qu’un bâtiment comme celui-ci puisse se permettre de naviguer sans radio ?

J’efforce de rire, me voulant désarmant, bien enjôleur-gentil.

— Je vous avais prévenu, commandant, que je prendrais certaines initiatives qui…

— Immédiatement ! tonne le Pacha.

Et ses mirettes me balancent de l’infra-rouge à tout va. Je sens qu’il va m’étriper, si je résiste. Me foutre aux fers, au quatre fers en l’air, à la ferraille !

Avec un soupir qu’en raconte long comme un candidat aux législatives, je prends la bobine rouge au fond de mon escarcelle et la lui tends.

Il s’en saisit d’une arrachée féroce, comme le relayeur prend le bâton, alors que ses concurrents sont tous déjà à deux cents mètres de lui.

Pile, à cet instant, une forte explosion retentit.

— Oh, mon Dieu, lamente l’officier, « ils » l’ont fait.

Et il s’élance dans les coursives, au pas de coursive.

Avec moi au derrière, comme de bien s’entend.

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