CHAPITRE XI DANS LEQUEL JE B… LA MORT

Elle voit le type mitraillé. Car j’ai donné des instructions aussi laïques qu’obligatoires pour pas qu’on le bouge du pont.

Elle regarde les débris calcinés du frelon, empli de cadavres carbonisés.

L’horreur.

Elle ferme les yeux.

— Tu vois, môme, lui fais-je, l’Opération vengeance n’a pas réussi pleinement. Y’a eu comme un défaut. À cause de Béru, tu n’as pas eu l’opportunité de te déguiser en fantôme et de filer. Alors, si comme me l’a annoncé le gentleman allongé près du bar, le Thermos explose, tu sauteras avec lui…

Je m’interromps, agacé. Le commandant encore, qui se pointe. Cette fois, sa pipe, il se la fourre carrément dans le prosibe, tant est intense sa désolation.

Il me fait un signe pour me parler en catiminette.

— Cette fois, chuchote le Pacha, cha cha, c’est le bout de la nuit, mon cher. J’ai dit qu’on prépare les canots pour les mettre à la mer, et on vient de constater qu’aucun n’est utilisable. Leurs moteurs, leurs gouvernails et les rames de secours ont été sabotés, leurs coques éventrées. Si ce navire coule, c’est la super-catastrophe. Personne n’en réchappera.

Ce que je ressens, un merlan qu’on file dans un congélateur pour pouvoir le consommer l’année prochaine doit l’éprouver. Ce saisissement. Cette glacerie intégrale. La mort de mon sang, de mes os…

Car à présent, il m’apparaît certain que le bateau sautera. C’est du sans espoir. Foin du bluff. On veut effectivement que tous les gens non évacués par les hélicoptères clandestins périssent.

D’un pas roide, je retourne à Yuchi.

Lui révèle la nouvelle.

Elle est tout glafouilleuse, la chérie. Hoquetante. Le médicament au Gros lui a pas dissipé ses effets de l’organisme, et en plus, constater qu’elle va aller gaver les maquereaux, finit de lui désastrer le mental.

— Tu le sais qu’on va sauter ?

— Oui.

— C’est certain, n’est-ce pas ?

— Oui.

— On peut empêcher ?

— Non.

— Pourquoi ?

— Parce que j’ignore où est la bombe.

— Tu mens.

— Non. Si je le savais, je le dirais…

— Tu appartiens à l’Organisation ?

— Oui.

— C’est quoi ?

La Charter’s Artichoke Limited de Chicago.

— Connais pas.

Elle tressaille.

— Mais alors…

— Oui ?

— Que faites-vous ici ?

— Je te le dirai après, parle. Et vite…

— La Charter’s Artichoke est, officiellement, une agence de voyages américaine.

— Et… officieusement ?

— Une entreprise de meurtres en série. Des super-tueurs à gage si vous le voulez.

Je sursaute.

— Tu veux dire qu’on bousille des dizaines, des centaines de personnes à la fois ?

— Exact. Beaucoup de catastrophes aériennes, routières ou maritimes de ces dernières années, furent l’œuvre de la C.A.L.

Un frisson de désespoir me tringoule depuis la pointe du cheveu que tu vois, là, sur le sommet de ma tronche, jusqu’à celle du poil occulte qui me pousse tout de suite à droite du grain de beauté que j’ai à la fesse gauche.

Mon Dieu, Se peut-il ? Quelle époque effarante, cynique, sans âme[4] ! Je saisis tout. On sacrifie des centaines de gens pour en supprimer quelques-uns. Les autres servent de couverture, ou plutôt de linceul, à l’opération. Ils contribuent à déguiser des assassinats en catastrophes.

Diabolicos !

— Le naufrage du Thermos offre un double avantage, reprend-elle. Faire disparaître certaines personnes dont on a commandé le décès. Vous me suivez ?

— Très bien.

— Et puis, en faire disparaître également d’autres qui tiennent à disparaître et qui paient une fortune pour être, grâce à ce naufrage, rayées de l’état civil.

— Ceux qui ont embarqué, tout à l’heure, avec un bas enfilé sur la tête, un drap de lit et une valise ?

— Exact. Étant portés disparus, ils peuvent aller se refaire une vie neuve ailleurs.

— Coup double.

— Oui.

— Votre rôle, dans tout ça ?

Elle est toujours camée, la nana. Entre ciel et terre. Sa voix a une monocordie révélatrice. Son excitation physique de tout à l’heure s’est muée en excitation morale. Elle parle, comme si elle s’envoyait en l’air, fiévreusement, avec exaltation.

— J’étais une espèce d’hôtesse clandestine. Je m’occupais des gens qui devaient être évacués avant l’explosion.

— Et Chlag ? Ce n’est pas votre mari, n’est-ce pas ?

— Bien sûr que non.

— Alors ?

— C’est mon frère.

— Vous l’avez fait évader de Pologne.

— L’Organisation m’a aidée.

— Vous travailliez pour les Soviétiques ?

— Quand j’étais jeune. Et lui aussi… Et puis, à un certain moment, les services secrets américains ont eu barre sur nous ; ils nous ont « récupérés », comme l’on dit. J’ai joué le jeu un certain temps. Jusqu’au jour ou Ernst s’est fait arrêter en Pologne. Là, j’ai tout laissé choir pour passer à la Charter’s Artichoke.

— Bon, vous vouliez le faire disparaître officiellement dans le naufrage pour le soustraire aux recherches des agents russes ?

— Voilà.

— Pourquoi a-t-on voulu vous assassiner à Palerme, et qui ?

Elle hoche la tête.

— Sur l’instant, je n’ai pas compris. C’est seulement aujourd’hui, lorsque j’ai su qui vous étiez. Ceux de l’Organisation me surveillaient probablement. Quand ils nous ont vus ensemble, ils ont cru que je les trahissais, car eux vous connaissaient probablement.

— Ils avaient des raisons de se méfier de vous, Yuchi ?

— Non, pourtant nous avons eu un différend au dernier moment.

— À quel propos ?

— Au sujet de mon frère. Ils ne voulaient plus qu’il soit du voyage.

— Pour quelle raison ?

— Ils prétendaient qu’un des personnages embarqués le connaissait et que ça risquait de tout faire rater.

Tu n’es pas sans avoir entendu parler du génie san-antonien, petit gars ? Alors accepte-z’en la preuve.

— Éloi Prince, n’est-ce pas ?

Elle a un sursaut.

— Comment le savez-vous ?

Autant lui répondre par la vérité :

— Comme ça.

Les moteurs du Thermos continuent de ronronner. Les passagers se remettent de leurs émotions, à grand renfort de drinks et de Kodak. Tchin-tchin. Clic-clac.

Le Pacha s’arrache les tifs et fume sa pipe par le culot. Des dames salopes recommencent à se faire tringler dans les cabines après avoir commenté les événements. Cent grincheux assiègent le poste de radio naze pour exiger d’envoyer des télégrammes rassurants à leurs familles : « Sommes sains et saufs. » Toujours la formule triomphante. Sain et sauf ! Ce qui signifie, en clair : j’ai fait le pied de nez au danger. Je suis un Bayard moins con que Bayard, puisque moi, je ne me suis pas fait fraiser la gueule comme une crêpe à Romagnano.

Oui, tout ça…

La mer limpide, avec des requins caracoleurs, au loin… Le ciel quasiment blanc à force de trop de surexposition au soleil.

Et puis les canots sabraqués…

La bombe qui mijote. Tu parles d’un morcif, pour envoyer par le fond une unité comme notre barlu ! Ce « baoum » qu’on peut attendre ! Déflagration phénoménale, qui cassera le Thermos en deux, l’enverra à la pêche aux éponges aussi rapidos que s’il s’agissait d’une météorite. Nos claouis par-dessus bord ! L’aubaine pour les merluches ! D’une seconde à l’autre…

Et les gens redevenus vivants, bien allants, contents d’eux, époustouflés de leur aventure. Imaginant du rocambolesque, se le racontant pour bien l’apprendre par cœur, savoir le réciter aux terriens, plus tard, en sachant où mettre l’accent tonique.

— En quoi la présence de Prince risquait de tout compromettre ? Ils s’étaient connus à Varsovie ?

— C’est à cause de Prince que mon frère a été arrêté par les Services Spéciaux polonais. Prince était dans la diplomatie. Il a eu des doutes et…

Je ne l’écoute plus.

L’imminence du péril me fout une sirène en furie dans la tête. La bombe… Elle va éclater, elle va éclater. Le barlu ira au bigntz. Ce sera monstrueux. Il faut agir, prévenir… J’essaie de comprendre l’incompréhensible.

Le coup est admirable…

Ceux qui doivent réchapper de la catastrophe sont évacués. Pour qu’il y ait pleine réussite, il faut absolument que le barlu coule à pic, ainsi que tous ceux qui se trouveront à son bord au moment de l’explosion, tous sans exception. Car personne dans le monde ne doit savoir, pour les hélicoptères et les fantômes en partance… Bon. Donc, cette bombe est phénoménale. Tellement grosse, nécessairement, qu’en fouillant le navire le personnel n’a pas pu la remarquer. Donc, elle est installée sur le Thermos depuis belle lurette, probablement depuis sa dernière mise en cale sèche. Ce qui devait intervenir, c’était un détonateur. Juste un détonateur. L’apport postérieur : le détonateur. Elle est parée, la bombe, depuis des mois, prête à tout scrafer… Elle attend sa fécondation d’un détonateur.

Le coup de l’ultimatum terroriste ? Uniquement pour expliciter l’explosion. On prévient carrément la France que son barlu va sauter… Et il va sauter.

Sept cents et quelque disparus. Glouglou. Acte de sauvagerie. Affaire classée après les remous d’usage. Une piraterie de plus. Or, deux douzaines de mectons tenaient à se planquer et autant avaient été promis à l’équarrissage. Oui, ça je pige, et tout, tout parfaitement. Le changement de direction par exemple… Le contrordre des terroristes qui, primitivement, voulaient qu’on batifole en pleine mer, puis ensuite qu’on rallie Kebotalkon. Ça, c’était pour éviter les patrouilles aériennes. Apporter une rassurance. Le bateau allait toucher terre, on allait donc pouvoir s’organiser, sauver peut-être les passagers et l’équipage… Cap sur la côte. Et dans l’intervalle : opération frelons, et le boum ! Mais attends, faut piger…

Pourquoi Monsieur Prince ?…

Il est la clé de voûte. Monsieur Prince, un gars de notre Contre-Espionnage, probable, puisque c’est lui qui fit démasquer le frangin de Yuchi, à Varsovie… Monsieur Prince, un physionomiste qui m’a retapissé au premier z’œil. Rendez-vous, cabine 513…

Attends, je pédale dans les nuages. Je saupoudre du cervelet… Laisse que je me reprenne.

— Tu veux boire ça ? me demande le Gros.

Il me tend un verre de je ne sais quoi.

Je l’avale. Sans savoir ce qu’est ce « je ne sais quoi ».

Tout ce que je peux garantir : la force du breuvage. Vodka à 90°, non ?

Monsieur Prince…

Pourquoi la cabine 513 ?

Puisque la grande fifille dévergondée du commandant l’occupe ?

Il m’a pas convié à une partouze, d’autant qu’il était de la pédale. Oh, attends, bouge pas. Suppose qu’il y ait eu légère berlue de sa part. Les cabines sont couplées, avec un bout de coursive en « V » qui donne sur la coursive principale. Ainsi la 513 et la 514 figurent-elles sur la même plaque indicatrice dans la coursive. La 514 occupée par Paméla…

Yuchi est effondrée sur un transat, en paquet, en navrant. Ses épaules secouées de frissons.

Je m’agenouille, pose mes deux bras sur ses genoux glaglateurs.

— Ce serait trop con de partir en fumée, Yuchi. Servir de daphnies aux poissons ? Très peu. Je préfère servir de Daphnis à Chloé, c’est bien plus gonflant. Revenons à Prince. C’est lui qui est le pivot de tout cela, je le sens. C’est à cause de lui qu’on refusait la croisière miracle à ton frangin, à cause de lui que des tas de trucs ont eu lieu à bord. Parle-moi de lui. Cherche… Tout ce que tu pourras dire est susceptible de nous éclairer…

— Je ne sais rien, rien ! Mon frère s’est barricadé dans sa cabine, le jour, pour l’éviter. Il ne sortait que le soir et encore nous faisions très attention.

— Les gars de l’Organisation redoutaient une vengeance de ton frelot ?

— Oui. Ils nous ont dit que si Ernst le flanquait par-dessus bord, toute l’opération échouerait.

— Il devait être embarqué dans le service d’hélicoptères ?

— Oui. Il voulait disparaître parce qu’il se savait menacé.

— Et Corinne ?

— Elle était ma collègue. Nous étions deux pour assurer le service ici, veiller au grain !

— Pourquoi a-t-elle foudroyé ce vieux crabe pendant le tir aux pigeons…

— Un faux mouvement, je pense. Le coup sera parti trop tôt. Ce n’était pas ce passager qui était visé.

— Qui, sinon ?

— Vous, probablement.

Je m’efforce d’avaler ma salive très convenablement.

— Je suppose qu’elle s’est envolée ?

— Bien sûr. À moins qu’elle ne soit parmi ceux-ci, ajoute-t-elle en me montrant les décombres du frelon.

— Vous aviez la liste des gens à évacuer ?

— Une partie. Corinne s’occupait de l’autre. À la C.A.L. on est très méfiant, très organisé. On cloisonne. Un chef de réseau nous surveillait, dont nous ignorions tout.

— C’est lui qui vous a filée à Palerme ?

— Sûrement.

— Qui a pu assassiner Prince ?

— Sûrement pas mon frère. Nous étions ensemble, nous et vous, lorsque le meurtre a eu lieu.

Ce chef, c’est le mec qui a voulu me dessouder à Palerme, croyant que la mère Yuchi m’avait tout craché.

— Dis donc, fillette… Les flics de Palerme, qui est-ce qui les a affranchis ? Pas ton boss, puisqu’au contraire on tenait à me buter pour me rendre muet.

Elle sourit.

— Moi. Depuis la gare maritime, j’ai passé un coup de fil à Police-Secours en donnant le numéro de notre taxi.

— Pourquoi ?

— Je ne voulais pas que vous preniez le Thermos, je redoutais des complications.

— Merci du cadeau…

Je repense à l’immeuble de la chère, dévergondée, et regrettée marquise. Les autres m’ont filé depuis le Thermos où ils s’étaient rabattus pour récupérer Yuchi. Coûte que coûte, ils voulaient ma mort… Faire taire un gus qui ne savait rien… Ils ont la marotte de l’explosif.

Cabines 513–514…

Prince…

Paméla…

Un zinzin me revient en mémoire… Innocent en apparence : la lettre trouvée chez le vieux pédoque. Celle de son coquin minet, l’aimable Georgy…

Je l’ai toujours sur moi, cette babille. Tiens, la v’là, entre mon permis de conduire et la photo de Félicie…

Je la relis…

Tu crois que c’est le moment, toi ?

Voilà un quart de plombe que le chef du commando est mort. Il avait promis le grand patacaisse dans moins d’une plombe… Donc l’urgence est extrême.

Post-scriptum de Georgy le giton à son crabe : « Quelle idée de vouloir absolument partir à cette croisière ! Tu serais été mieux de te remettre de ton opération à la cambrousse… »

Je renfouille le papier, furieux de ne pas être plus avancé.

Et pourtant, j’ai une vibration dans la moelle épinière.

Cette croisière…

Cabines 513–514.

Prince.

Paméla…

Corinne…

Tout dépendait de la vie de Prince. Tout. Cependant, ils ont égorgé Prince…

Pourquoi ?


Le Gros, très entouré, très fêté, adulé, congratulé, machiné, sucé, abreuvé, roule les mécaniques au bar.

Je l’hèle.

— Occupe-toi de cette môme, camarade. Et quand je te dis de t’en occuper, j’entends par là la surveiller, non la faire reluire, compris ?


Dans la coursive, je croise tu sais pas qui ? Dieu-merci. En grande tenue de gueule de bois mémorable. Il titube en se massant la nuque, mon mage.

— Charogne, cette blindée, marmonne-t-il, habituellement j’encaisse mieux.

— T’as pas eu de nouveau cliché, Grand ?

— Dans mon état, vaut mieux.

— Ce serait pourtant le moment de te cigogner la chambre noire, grommelé-je en m’éloignant.

— Vous cherchez quoi ? me demande le toubib.

— La morgue.

Il est calme, bien qu’il doive être au courant de pas mal de choses. Et son attitude tranquille dissipe magiquement mon angoisse…

Instantanément, je vois les choses avec un infini détachement ; c’est déjà de la résignation. En tout cas, cela y ressemble.

— Pourquoi fiche ?

— Le cadavre d’Éloi Prince m’intéresse.

— Venez.

On va au bout de la coursive, on descend un escalier de trois marches. Voilà une porte de fer à deux battants, sur laquelle est sobrement écrit au pochoir : « Entrée interdite ».

On entre.

Ça pue la mort.

Le froid qui règne ici est très intense. Quand tu arrives du pont ensoleillé, la transition te fait éternuer, et cette petite réaction pauvrement humaine prend soudain, dans ce sinistre local, je ne sais quoi de saugrenu, d’incorrect…

Le toubib me désigne un casier. Il fait coulisser un grand bac de zinc dans lequel repose le regretté Monsieur Prince. En voilà un, si je m’en tire, je te promets que j’étudierai son pédigree à fond…

D’une main fébrile, je palpe sa poitrine, puis ses vêtements, dans leurs moindres replis…

— Que cherchez-vous, si ce n’est pas indiscret ?

— Une médaille… Vous n’en auriez pas trouvé sur lui, par hasard ? Une médaille noire, en plastique, comme un jeton de casino, et sur laquelle figure en relief une flèche ?

— Non, pas vu…

Je continue de palper le corps… Sur son ventre, il y a une large plaque rectangulaire de sparadrap.

Le docteur s’incline sur le mort.

— Cet homme avait subi une opération, récemment ?

La lettre à Georgy :

« … tu serais été mieux de te remettre de ton opération à la cambrousse… »

— Oui, docteur. Ça vous ennuie d’arracher ce pansement. C’est à cause de cette médaille. Il faut que je sache si, oui ou non, il en possédait une… Peut-être…

— Il l’aurait cachée sous ce sparadrap ?

Je hausse les épaules.

Le doc également. Lui, toutes mes petites giries de flic le laissent froid. Néanmoins, il me donne satisfaction. Je serre les dents. Une plaie, sur un mort, c’est pas laubinche. Tuméfiée, violacée… Décomposé un brin, déjà…

En tout cas, pas de médaille.

Le doc, qui ne se laisse pas dégoûter par les choses de la mort, palpe la gaze comme tu choisirais un camembert.

Mais je sens déjà qu’il n’y a pas de médaille.

Alors, si Prince n’en possédait pas, s’il n’avait pas sa carte d’embarquement, c’est qu’il devait rester à bord. Donc, l’organisation C.A.L. le menait en bateau. Lui qui, paraît-il, était indispensable à la bonne marche de tout ça…

Alors ?

Hein, alors ?

Je tournoie dans le néant. Merde, impossible de dénouer cet écheveau. Échec et mat…

À travers mes limbes désenchantés je crois entendre une voix.

— Vous me parlez, docteur ?

— Je me parlais. Je me demande bien de quoi ce type peut avoir été opéré pour qu’on lui ait fait une incision de cette largeur. Vous vous rendez compte ! Et puis il est boursouflé à cet endroit…

Nom de Dieu ! Voilà que le cliché de Dieumerci me revient en mémoire.

« Je vois un mort dont le ventre vit toujours » qu’il a prétendu, le mage majestueux.

— Docteur, il faut immédiatement que vous radiographiez cet homme !

Il sourcille.

— La médaille ?

— Non, docteur : un détonateur !

— Pardon ?

— Vite, doc ! Viiiiiite !

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