Interrogatoire de Tyrone Meehan par l'IRA
(18 décembre 2006)
— Tu n’as rien à dire non plus à propos du Français ?
— Tony ? Le luthier ?
— Tu connais un autre Français, Meehan ?
— Je connais ses parents, quelques-uns de ses amis.
— C’est lui qui nous intéresse.
— Je ne vois pas pourquoi.
— Vous êtes très proches.
(Silence)
— Tu as eu des contacts à Paris avec les Britanniques.
— Je l’ai dit.
— C’est là qu’ils te débriefaient ?
(Silence)
— Est-ce qu’il était mêlé à ça ?
— Tony ?
— Oui, Meehan, Tony le Français. Il savait que tu trahissais ?
— Non.
— Tu as été huit fois à Paris. Tu as vécu chez lui, nous le savons. Tu vas nous dire qu’il ne savait pas ?
— Il ne savait pas.
— Nous l’interrogerons.
— Laissez-le en dehors de ça.
— Alors réponds, Tyrone.
— J’ai répondu, Mike. Il pensait que je venais pour le Mouvement. Il ne posait pas de question.
— Tu lui as dit formellement que tu venais pour l’IRA ?
— Je n’ai rien dit. Je pense qu’il le croyait.
— Tu penses ?
— Il avait peur pour moi.
— Tu sais qu’il nous a rendu des services ?
— Oui.
— Tu l’as mis en garde contre ça, pourquoi ?
— Ce n’est pas sa guerre.
— Comment expliques-tu que cinq volunteers qui opéraient en France ont été arrêtés en 1982 ?
(Silence)
— Réponds, Meehan.
— Je ne l’explique pas.
— Est-ce que le Français a été mêlé à ces arrestations ?
— Il n’a rien à voir avec ça.
— Et toi, Meehan ?
— Non.
— Tu te souviens de John McAnulty, le taxi d’Ardoyne qui avait cette grande barbe blanche ?
— Oui.
— Tu sais qu’il croyait avoir été donné ?
— Je sais.
— Le Français ne savait pas que c’était toi qui donnais, Meehan ?
— Ce n’était pas moi.
— Tes employeurs savaient que tu vivais chez le Français ?
— Oui.
— Tu le leur as dit ?
— Ils le savaient.
— Ils savaient aussi qu’il avait rendu des services à l'IRA ?
— Je n’ai jamais rien dit sur l'IRA.
— Tu mens depuis quatre jours, Meehan.
— Je ne mens pas.
— À aucun moment, tu n’as parlé de ta trahison au Français ?
— Jamais.
— Tu n’as jamais eu envie de te confier à lui ?
(Silence)
— Ça a dû lui faire un choc au Français, hein, Meehan ?
(Silence)
— Si vraiment il ne savait rien, putain de surprise hein ?
— Il ne savait rien.
— Il a pris ça comment, tu crois ?
— Je ne sais pas.
— Tu l’as balancé aussi, Meehan. Tu as balancé cinq volunteers et un brave gars qui croyait bien faire.
— Je n’ai balancé personne.
— Tu veux qu’on te confronte au Français, Meehan ?
— Laissez-le tranquille.
— Tu n'aimerais pas savoir ce qu’il pense de son ami irlandais ?
(Silence)
— Tu t’en fous ?
(Silence)
— Tu t’en fous ? Dis-le, Meehan. Dis-le que tu t’en fous du Français. On se fout de tout quand on trahit.
— Je m’en fous.
— Redis-le-nous, Meehan.
— Je m’en fous.
— Je me fous de ce putain de Français, dis-le.
— Je me fous de ce putain de Français.