XI


LES IDES DE MARS

Le dimanche 10 mars 1801, le tsar, souffrant toujours de mélancolie hypocondriaque, décide de secouer sa mauvaise humeur en offrant à sa famille et à quelques intimes un concert au château. On n'a pas à chercher bien loin l'interprète qui charmera l'assemblée : ce sera la maîtresse de Koutaïssov, la jolie chanteuse française, Mme Chevalier. Elle a un visage agréable, des manières coquettes et une voix de cristal. Mais, malgré ses vocalises et ses regards engageants, Paul demeure renfrogné et comme absent pendant l'intermède musical. En quittant la salle de concert pour passer à table avec ses invités, il s'arrête devant son épouse, croise les bras sur sa poitrine, et, prenant le masque habituel de ses colères — sourcils froncés, prunelles en billes, narines dilatées et lèvres tordues dans un rictus haineux —, il souffle tel un bœuf au bout du sillon que vient de tracer la charrue. Transie de peur, Marie Fedorovna attend les reproches, les réprimandes, les insultes, mais, déjà, Paul s'éloigne d'elle et, se tournant vers Alexandre et Constantin, répète pour eux sa mimique de fureur muette. Tout au long du souper, il garde ce faciès grimaçant et n'ouvre la bouche que pour engloutir du vin et de la nourriture.



Après le repas, il est d'usage, en Russie, que les convives remercient leur hôte pour la civilité de son accueil. Lorsque les membres de la famille impériale s'approchent du tsar afin de lui rendre cet hommage traditionnel, il les repousse d'un geste brusque, les balaie d'un regard furibond, se lève de sa chaise et quitte la salle à grands pas, sans prononcer un mot ni saluer personne. L'impératrice fond en larmes. Ses fils la consolent. En baisant les mains de sa mère, Alexandre se dit qu'elle, du moins, dans son humiliation silencieuse, le comprendra et l'approuvera quelle que soit l'issue du complot imaginé par ses partisans.


Le lendemain, 11 mars, le caractère atrabilaire de Paul se manifeste dès le matin, pendant la relève de la garde. Mécontent de la tenue relâchée des hommes et du manque d'autorité des gradés, il menace de les exiler tous dans des pays lointains « où les corbeaux mêmes ne retrouveront pas leurs os ! » On redoute que le reste de la journée ne soit une succession de remontrances et de sanctions, mais brusquement une éclaircie se produit dans le cerveau de Paul. Oubliant ses récentes colères, il se montre aimable envers son entourage et, au cours du souper qui réunit dix-neuf invités en plus des grands-ducs, des grandes-duchesses, de l'impératrice et de lui-même, il s'extasie devant la finesse d'un nouveau service de porcelaine. Contemplant une assiette, dont le décor représente le château Michel, il s'exclame avec une joie enfantine : « C'est le plus beau jour de ma vie ! » Puis, comme Alexandre, abîmé dans ses pensées, songe avec angoisse au coup d'Etat qui se prépare pour la nuit, le tsar s'étonne de son apathie et demande en français, par-dessus la table : « Qu'avez-vous, ce soir, Monseigneur ? » Craignant d'être percé à jour, Alexandre se trouble et balbutie : « Sire, je ne me sens pas très bien... — Eh bien ! grogne le tsar, consultez un médecin et soignez-vous ! Il faut toujours arrêter les indispositions dès qu'elles commencent pour les empêcher de devenir des maladies sérieuses ! » Sur ce, plantant ses yeux dans les yeux de son fils, il lève son verre et ajoute, gaillard : « A l'accomplissement de vos souhaits ! »


A neuf heures et demie du soir, sitôt le dessert avalé, nouveau changement de visage : Paul se lève le premier et, subitement assombri, sort de la salle dans un mouvement impétueux, tandis que toute l'assemblée, derrière lui, se fige dans une expectative inquiète. D'un pas rapide, il passe devant les sentinelles pétrifiées, se heurte dans l'antichambre de ses appartements privés au colonel Sabloukov, commandant le détachement, et lui dit en français, à brûle-pourpoint : « Vous êtes tous des jacobins ! » Nul n'ignore que, dans la bouche de l'empereur, le qualificatif de jacobin équivaut à l'accusation d'être un suppôt de la révolution, symbolisée par la guillotine. Ainsi interpellé, Sabloukov perd la tête et bredouille : « Oui, Sire ! » Agacé, Paul précise sa pensée : « Pas vous, mais le régiment ! » Revenu de sa surprise, Sabloukov réplique : « Passe encore pour moi, Sire, mais vous vous trompez en ce qui concerne mon régiment ! » Il lui a fallu beaucoup de courage pour faire cette réponse honnête à Sa Majesté. Paul se campe devant lui, et redresse sa petite taille dans son uniforme vert bleuâtre à parements et collet rouges. Ses cheveux sont poudrés et nattés comme ceux de ses soldats. Il est un des leurs. Un Prussien. Le fantôme du Grand Frédéric. Mais son faciès, au nez écrasé, à la lippe simiesque, n'appartient à aucun pays. Avec un ricanement supérieur, il s'écrie, en russe, cette fois : « Je sais mieux que vous à quoi m'en tenir au sujet de votre régiment ! Renvoyez vos hommes ! » Un ordre de Sa Majesté ne se discute pas. Docile, Sabloukov commande : « Par file à droite, marche ! » Quand les soldats du piquet de garde se sont éloignés, Paul se radoucit et, abandonnant l'usage du français, déclare en russe, à l'officier stupéfait, qu'il a décidé de transférer le régiment des gardes à cheval en province parce qu'il le juge inapte à servir dans la capitale. Toutefois, il promet de faire une exception pour l'escadron de Sabloukov qui sera, lui, cantonné à Tsarskoie-Selo. Comme ses consignes ne souffrent aucun délai, il exige que toutes les unités concernées soient prêtes à se mettre en route, dès quatre heures du matin, vers les casernes qui leur seront indiquées entre-temps. Se demandant s'il doit ou non obéir à ces instructions extravagantes, Sabloukov claque des talons, salue et se retire. Après son départ, Paul avise deux laquais du château, habillés en hussards, et leur enjoint de se mettre en faction devant l'entrée de ses appartements à la place des sentinelles qu'il a renvoyées. « Vous allez rester ici cette nuit ! » leur dit-il. Et il entre dans sa chambre, suivi de son petit chien Spitz, qui s'impatiente, frétille de la queue et aboie sur ses talons.



Cependant, sa journée n'est pas finie. Malgré l'heure tardive, il monte par l'escalier dérobé chez sa maîtresse, Anne Gagarine, bavarde quelques minutes avec elle, rédige à la volée des ordres bizarres, prescrivant une inspection parmi les élèves de l'Ecole des cadets ou invitant son ambassadeur à Berlin, le baron de Krüdener, à intervenir pour que la Prusse déclare immédiatement la guerre au Hanovre, province que l'Angleterre est sur le point de s'approprier par de louches manœuvres diplomatiques. En se dépensant ainsi dans le vide, il cherche à se persuader de son importance et presque de son existence. C'est en se jetant de tous les côtés à la fois, en dérangeant le plus de gens possible, qu'il justifie le mieux, pense-t-il, sa présence sur terre. Le seul fait d'avoir apposé sa signature, ce soir, sur plusieurs documents officiels, lui donne l'impression de n'avoir pas perdu son temps. Satisfait de lui, il prend congé de sa maîtresse sans l'avoir autrement importunée, redescend dans sa chambre, ferme sa porte à clef, se déshabille et se couche.


Allongé sous ses couvertures, il a de la peine à s'assoupir. Au milieu de son premier sommeil, un cauchemar le visite. Il se croit engoncé dans un épais manteau qui l'étouffe. Rouvrant les yeux, il se rassure. La chambre est calme, avec ses meubles précieux, ses tableaux aux lourds cadres dorés, sa belle tapisserie des Gobelins, offerte jadis par Louis XVI : un souverain qui a eu moins de chance que lui ! Paul le plaint rétrospectivement. Mais le roi de France était un faible, un naïf. Il a mérité son sort, puisqu'il n'a pas su tenir tête aux exigences de la racaille. Peu après cette brève méditation, l'empereur se rendort sur son lit de camp, étroit et dur, un lit de militaire. Sa Majesté n'en a jamais voulu d'autre. Il est près de minuit.


A une heure, les principaux conjurés se rendent, par petits groupes, à travers la nuit pluvieuse, chez le général Talyzine, commandant le régiment Préobrajenski. Il loge dans un superbe appartement dépendant de la caserne et contigu au palais d'Hiver. Dans le vestibule, les nouveaux arrivants confient aux domestiques leurs capes, leurs tricornes et frottent leurs mains engourdies par le froid. Puis, ils s'engagent dans l'escalier d'honneur et se présentent dans les salons aux lustres brillamment éclairés, mais dont les rideaux ont été tirés par mesure de précaution. Là, toutes les armes de l'empire figurent dans un glorieux amalgame d'épaulettes, d'aiguillettes, de médailles et de galons. Gardes à cheval, chevaliers-gardes, grenadiers, dragons, artilleurs, on jurerait que chaque régiment de Saint-Pétersbourg a délégué un de ses meilleurs officiers pour participer au complot. Le champagne déborde des verres. Une légère ivresse enflamme les visages et altère les voix. Pour la centième fois, on porte des toasts au futur souverain que nul n'ose encore nommer mais que tous vénèrent dans leur cœur. Les frères Zoubov distillent les dernières nouvelles. Selon eux, Araktcheïev, que Paul a rappelé d'urgence de son exil, aurait été arrêté, sur l'ordre de Pahlen, aux abords de la ville. Il ne gênera donc pas le déroulement des opérations. Le moment est venu de sauter le pas. Qu'attend-on encore ?



Soudain, la porte s'ouvre à deux battants et Pahlen apparaît, suivi du général Bennigsen. On les entoure avec une avidité respectueuse. D'emblée, Pahlen déclare : « Nous sommes entre nous, messieurs, et nous nous comprenons. Etes-vous prêts ? Nous allons boire une coupe de champagne à notre nouveau souverain. Le règne de Paul Ier est fini. Ce n'est pas l'esprit de vengeance qui nous guide, mais nous voulons mettre un terme aux humiliations inouïes et à la honte de la patrie. Nous sommes des Romains. Nous savons tous la signification des ides de mars... Toutes les précautions sont prises. Le concours de deux régiments de la garde et celui du grand-duc Alexandre nous est acquis. » Profitant d'un bref silence entre deux phrases de l'orateur, une voix avinée pose la question qui est sur toutes les lèvres : « Et si Paul résiste ? » Sans se démonter, Pahlen répond : « Vous savez, messieurs, que, pour faire une omelette, il faut casser des œufs. » Comme personne ne contredit cette observation de bon sens, Pahlen passe à l'examen pratique des méthodes de l'expédition. Les officiers présents sont répartis en deux groupes : l'un placé sous le commandement de Pahlen lui-même, l'autre sous celui de Platon Zoubov et de Bennigsen. Les détachements des régiments Semionovski et Préobrajenski, prévenus dans l'intervalle, ont déjà quitté leurs casernes respectives et se dirigent vers le château Michel dont ils sont censés assurer la garde. On leur expliquera, le moment venu, ce qu'ils auront à faire.



La nuit est glaciale, humide, traversée de rafales de pluie et de neige. Le pas cadencé de la troupe résonne sourdement dans les rues, entre les maisons dont toutes les fenêtres sont éteintes. Inconscients du cataclysme qui se prépare, les honnêtes gens dorment dans Saint-Pétersbourg et dans toute l'étendue de l'empire de Paul Ier. Aux abords du champ de Mars, le bruit des bottes en marche épouvante une compagnie de corbeaux qui s'envolent en croassant. Des murmures s'élèvent parmi les grenadiers. Seraient-ils superstitieux ? Le colonel qui les conduit s'écrie : « Eh quoi, mes braves, vous n'avez pas tremblé devant l'armée française et quelques corbeaux vous feraient peur ? » Cependant, il semble que l'inquiétude des hommes persiste. Ce ne sont pas les corbeaux qui les effraient, plutôt l'air mystérieux de leurs supérieurs. Sans doute même ont-ils entendu parler de la sombre affaire qui se mijote. En arrivant devant l'enceinte du château, Platon Zoubov et Bennigsen constatent que Pahlen et ses soldats ne sont pas au rendez-vous. N'ont-ils pas été interceptés et désarmés en cours de route ? La réussite tient à un cheveu. Chaque minute perdue profite à l'adversaire. Sur l'ordre de leur chef, les gaillards du Semionovski encerclent l'énorme bâtisse qui se dresse, de tout son poids, dans les ténèbres. Les frères Zoubov et Bennigsen, suivis de quelques officiers, se dirigent vers le pont-levis latéral et donnent le mot de passe au responsable du poste de garde dont la complicité leur est acquise. Aussitôt, le pont-levis s'abaisse en silence, livrant passage aux conspirateurs. Ils se faufilent, à pas de loup, dans la place et, selon l'itinéraire qu'ils ont préalablement étudié, grimpent, par un escalier en colimaçon, jusqu'au premier étage, vers la bibliothèque qui sert d'antichambre aux appartements impériaux. Au lieu du piquet de gardes à cheval que Paul a cru habile de renvoyer, il n'y a là que deux laquais somnolents, en uniformes de hussards. En apercevant ces visiteurs intempestifs, l'un d'eux pousse le cri d'alarme. Mais il s'écroule aussitôt, fauché par un coup de sabre. L'autre, légèrement blessé, détale sans demander son reste.



Ce remue-ménage, derrière la cloison, réveille Paul. Dans un éclair de lucidité, il prend la mesure du danger qui le menace. Il faudrait fuir. Mais pour aller où ? Se cacher. Mais comment ? Il pense à se réfugier auprès de sa femme. Malheureusement, elle a l'habitude de se barricader dans sa chambre depuis qu'ils ont cessé d'avoir des rapports sexuels. Et, s'il a lui-même fermé à clef l'autre porte, celle qui donne sur l'antichambre, il sait qu'un coup d'épaule suffirait à l'enfoncer. Pris de panique, il saute à bas du lit, se glisse derrière un paravent à dessins espagnols posé devant la cheminée, s'accroupit dans cet abri dérisoire, rentre la tête et implore Dieu de ne pas l'oublier. Les battements de son cœur font un bruit à ébranler la maison. Sans doute la vision de Pierre le Grand, qu'il a eue jadis sur la place du Sénat, lui revient-elle en mémoire. Il se souvient des paroles prophétiques du fantôme : « Pauvre Paul ! Je veux que tu ne t'attaches pas trop à ce monde, car tu n'y resteras pas longtemps. » Ce qui le révolte, au milieu de son angoisse, c'est l'idée qu'il n'a pas mérité une fin aussi misérable. Mais tout n'est peut-être pas perdu ! Peut-être que, s'il se montrait à ses prétendus justiciers, s'il leur expliquait la stupidité de leurs griefs, s'il plaidait sa cause devant eux, il saurait les convaincre. Non, ils ne l'écouteraient pas davantage qu'il n'a écouté ses propres victimes quand elles tentaient de lui prouver leur bonne foi. La sagesse lui commande de rester dans sa cachette. Avec un peu de chance, ces canailles galonnées se lasseront de tempêter, de crier et iront le chercher ailleurs.



Or, voici que la porte cède dans un craquement. Des pas précipités vont et viennent autour de Paul. Il n'est plus chez lui. Personne pour le défendre. A demi mort de peur, il entend les hommes qui furètent dans la chambre, toussent, grognent, déplacent des meubles. Certaines voix lui sont familières. Il reconnaît celle de Pahlen. Le général félon, dont le dévouement lui semblait naguère irréprochable, s'exclame avec dépit : « L'oiseau s'est envolé ! » Mais Bennigsen, s'étant approché du lit de camp vide et ayant tâté les draps, conclut cyniquement : « Le nid est encore chaud ! L'oiseau ne doit pas être loin ! » Et il se dirige vers le paravent. Avant que Paul ait pu prononcer un mot, esquisser un geste, Bennigsen repousse le frêle écran de tapisserie. Le tsar apparaît, ratatiné, livide, en toilette de nuit, pieds nus, un bonnet de coton sur la tête. Les yeux écarquillés d'effroi, il découvre, en face de lui, ce groupe d'officiers aux visages d'ivresse et de crime. La plupart d'entre eux, il les a vus à la parade ou dans les salons. Ils étaient alors plats comme des punaises. Des hommes de rien ! Et ce sont eux qui osent s'en prendre au tsar de toutes les Russies ? Indigné par tant d'outrecuidance, Paul n'a même pas la force d'appeler au secours. Il voudrait convoquer dans sa tête, pour le soutenir, tous les souverains victimes de la folie populaire ou des conspirations de palais. De Pierre III à Louis XVI, de Jacques III d'Ecosse à Henri IV de France, de Jules César à Gustave III de Suède, ils sont légion. Hélas ! leur impuissance, aujourd'hui comme hier, est absolue. Tel un malfaiteur pris la main dans le sac, le tsar balbutie : « Que me voulez-vous ? Que faites-vous là ? — Vous êtes arrêté, Sire », répond Bennigsen. Il parle si calmement qu'on le croirait inconscient de l'énormité de ses propos. Sur le point d'éclater en sanglots, Paul cherche encore à intimider cette bande de conspirateurs à l'âme noire et à la poitrine constellée de décorations. « Arrêté ? arrêté ? marmonne-t-il. Qu'est-ce que cela veut dire ? » Un instant décontenancés, les officiers semblent évaluer les conséquences de l'acte de lèse-majesté qu'ils sont en train de commettre. Ils se regardent en silence. Devinant leur hésitation, Pahlen intervient et annonce, sur un ton neutre, comme s'il récitait une leçon : « Nous venons, au nom de la patrie, prier Votre Majesté d'abdiquer. La sécurité de votre personne et un entretien convenable vous sont garantis par votre fils et par l'Etat. » A son tour, Bennigsen prend la parole : « Votre Majesté ne peut plus gouverner des millions d'hommes. Vous les rendez malheureux. Vous devez abdiquer. Nul ne veut attenter à votre vie. Je suis là pour vous défendre. Soumettez-vous au destin, signez l'acte d'abdication. » On pousse l'empereur, tel un somnambule, vers la table, quelqu'un étale devant lui le document de renonciation rédigé par avance, un autre lui tend une plume. Mais subitement, dans un réveil d'orgueil ancestral, Paul se raidit. Ce n'est pas lui qu'on veut chasser du trône de Russie, mais tous les tsars d'autrefois, de Michel Fedorovitch à Pierre III, en passant par Pierre le Grand. Dût-il braver la volonté de tout un peuple, il ne signera pas. Il n'est pas né pour obéir. D'une voix de bête blessée, il rugit : « Non, je ne souscrirai pas à ceci ! »


Au même moment, le tumulte s'enfle derrière les murs. Les autres insurgés, tenus à l'écart, s'impatientent. Ils trouvent que les discussions n'ont que trop duré. Des clameurs de vengeance éclatent parmi eux, au-delà des portes : « C'est il y a quatre ans qu'on aurait dû en finir avec lui ! » vocifèrent-ils. « Le tsar m'a traité en tyran, il doit mourir ! » Platon Zoubov et Bennigsen s'éclipsent pour tenter de calmer les enragés. Les officiers restés sur place pressent Paul de se décider avant qu'il ne soit trop tard. Une chandelle éclaire faiblement la pièce. Des ombres gesticulantes dansent au plafond. Un des conspirateurs renverse par mégarde le lumignon qui s'éteint. Seule brille encore, dans la demi-obscurité, la petite flamme tremblante de la veilleuse devant l'icône. Ce modeste et pieux rayonnement ajoute à l'irréalité de la scène. Voulant contraindre Paul à prendre la plume en main, un des officiers le bouscule, un autre — certains diront plus tard que c'est l'athlétique Nicolas Zoubov — empoigne une lourde tabatière en or et, au comble de l'exaspération, la lance de toutes ses forces contre le souverain.



Atteint à la tempe, Paul chancelle et s'effondre. Aussitôt, c'est la curée. Saisis d'une folie meurtrière, tous se jettent sur lui et le frappent en hurlant des injures. Cloué au sol, Paul se débat, geint, pleure, supplie. Quelqu'un s'empare de l'écharpe de commandement du tsar, la lui passe autour du cou et tente de l'étrangler. A demi asphyxié, Paul remarque, parmi les tourmenteurs qui s'agitent et le rouent de coups, un homme jeune et robuste, portant l'uniforme rouge des gardes à cheval. Croyant reconnaître en lui son fils Constantin, il l'implore entre deux râles : « Grâce, Monseigneur ! Grâce, par pitié ! De l'air, donnez-moi de l'air ! » Puis, sa voix s'éteint dans un gargouillis, ses yeux se révulsent, ses membres cessent de gigoter spasmodiquement.


Comme dégrisés par la fin de cette lutte inégale, les officiers forment un cercle muet autour du cadavre. Le tsar gît devant eux, la face tuméfiée, ensanglantée, la chemise de nuit retroussée, le bonnet de coton pendant sur l'oreille. Inoffensif, il leur paraît soudain plus redoutable et plus haïssable encore que de son vivant. Quand Pahlen revient dans la chambre, il constate avec soulagement que le travail a été fait en son absence. Déjà, on entend des hommes de la garde intérieure du palais rugir à tous les échos : « On assassine l'empereur ! » Certains, parmi les derniers fidèles de Paul, voudraient s'élancer vers les étages supérieurs et arrêter les régicides. Ils croient bien faire, mais, au sommet de l'escalier, Pahlen, en grand uniforme et l'épée à la main, leur barre la route. « Gardes, halte-là ! » leur crie-t-il. Puis, il proclame gravement : « L'empereur est mort, frappé d'un coup d'apoplexie [sic]. Nous avons un nouveau souverain, l'empereur Alexandre. » Les têtes s'inclinent. Personne ne proteste.


Après qu'on a étendu le cadavre sur son lit et arrangé le désordre de ses vêtements et de sa figure, Pahlen se rend dans la chambre de Mme de Liewen, la grande gouvernante de la famille, la fait réveiller par ses domestiques et la charge d'annoncer à Sa Majesté la « terrible nouvelle ». Mme de Liewen se précipite au chevet de l'impératrice, qui dort encore, et lui dit, comme on le lui a recommandé, que « l'empereur a été victime d'une attaque d'apoplexie » et que « son état est grave ». A ces mots, Marie Fedorovna, horrifiée, s'écrie : « Non ! il est mort ! On l'a tué ! » La disparition brutale de cet homme qui n'était plus son mari que de nom, mais à qui la lient tant de souvenirs, lui ôte soudain tout désir de vivre après lui. Au paroxysme du désespoir, elle s'arrache les cheveux et gémit, en allemand : « Paulchen ! Paulchen ! » C'est le diminutif de tendresse, dont elle usait avec Paul dans l'intimité. Tout ce qui lui reste de vingt-cinq ans d'amour et d'esclavage. Elle veut le voir, quel que soit l'état dans lequel il se trouve. Vivant ou mort, il est à elle ! Quand elle arrive à la porte des appartements de l'empereur défunt, des gardes lui en défendent l'accès. Obéissant aux ordres de Bennigsen, ils croisent leurs baïonnettes. Leurs visages sont impassibles. Des automates. N'est-ce pas ainsi que Paul a voulu qu'ils soient tout au long de son règne ? Elle tombe à genoux devant l'officier qui les commande. « S'ils ne me laissent pas aller vers lui, qu'ils me tuent aussi ! » implore-t-elle. L'officier est intraitable. L'entrée des lieux est interdite pendant qu'on procède, là-bas, à la toilette mortuaire. La brutalité de l'assassinat ne dispense pas ceux qui l'ont commis de prendre le plus grand soin de la présentation du cadavre.


Cependant, réfugié dans ses appartements du rez-de-chaussée, Alexandre a passé la nuit à l'écoute des bruits étranges qui se succédaient au-dessus de sa tête. Le brusque silence qui suit ce tumulte lui glace le sang. Il n'ose courir aux nouvelles et pourtant il brûle de les apprendre. Sa femme le rejoint. Assis côte à côte, unis par la même angoisse, ils n'ont pas besoin de parler pour se comprendre. Que s'est-il passé là-haut ? Paul a-t-il signé l'acte d'abdication ? Zoubov et Bennigsen l'ont-ils déjà emmené, comme ils l'ont promis, vers quelque retraite paisible, à la campagne ? Ou bien... ? Joue contre joue, main dans la main, le grand-duc et Elisabeth refusent d'envisager le pire. Alexandre est en grand uniforme, mais les larmes brouillent ses yeux. Sans doute, de temps à autre, lève-t-il un regard peureux vers l'icône pour lui demander pardon de ce qui est arrivé, à son insu certes, mais avec son accord tacite.


Tout à coup, la porte s'ouvre et Pahlen apparaît sur le seuil. Plusieurs officiers, aux visages de fausse compassion, l'entourent. Il parle et, dès les premiers mots, Alexandre éclate en sanglots. La fin tragique de son père, s'il ne l'a pas ordonnée, il n'a pas su l'empêcher. N'est-il pas, malgré les apparences, plus coupable que les vrais coupables ? Les lois humaines ont beau le disculper, sa conscience le condamne. Ses mains sont propres, mais son âme est salie à jamais. Comme il continue à pleurer, serré contre sa femme, Pahlen s'avance de deux pas et, avec un mélange de fermeté et de pitié, dit en français : « C'est assez de faire l'enfant ! Allez régner ! Venez vous montrer aux gardes ! » Elisabeth, qui s'est ressaisie la première, encourage, elle aussi, Alexandre à surmonter son chagrin pour se montrer digne du rôle capital qui lui est échu.


Dans un pénible effort de volonté, il se met debout et sort de la chambre, en titubant. Pahlen le conduit vers la cour intérieure du château Michel, où sont réunis maintenant les détachements qui ont assuré la garde de la résidence impériale pendant la nuit. A la vue des soldats qui lu présentent les armes, Alexandre, d'instinct, se redresse. Les principaux instigateurs du régicide, Pahlen, Bennigsen, les frères Zoubov, sont là et l'observent. Saura-t-il réciter sa leçon ? Sera-t-il digne du mal qu'ils se sont donné pour le hisser sur le trône ? Enfin, d'une voix enrouée par l'émotion, il prononce la déclaration dont les termes lui ont été soufflés par Pahlen : « Mon père est mort à la suite d'une attaque d'apoplexie. Tout sera durant mon règne comme ce fut durant le règne de ma grand-mère bien-aimée, l'impératrice Catherine. » Un tonnerre de hourras salue cette promesse. La pièce est jouée. Le rideau peut descendre. Tout rentre dans l'ordre pour la plus grande satisfaction du public. Pahlen et ses acolytes ont des visages triomphants. Ils s'empressent autour d'Alexandre. Les assassins congratulent le fils de leur victime. Et il doit les remercier pour leur attachement à sa cause. Puis c'est son frère, Constantin, qui le félicite en dépit des conditions tragiques de son avènement. Tour à tour, les sénateurs, les hauts fonctionnaires, les courtisans, les dignitaires de toutes sortes, les chefs de guerre, les membres de la famille impériale prêteront serment au nouveau souverain. Il ne viendrait à l'idée de personne de contester sa légitimité, ni de lui adresser le moindre reproche. Même l'impératrice mère, Marie Fedorovna, s'incline devant celui qui — elle ne peut l'ignorer ! — est indirectement responsable du meurtre de son époux. Entre-temps, elle a été admise dans la chambre mortuaire. Paul est déjà couché dans son cercueil. Malgré le fard, des taches bleues et noires révélatrices de la lutte et de la strangulation marquent son cou et son visage. Son tricorne a été profondément enfoncé sur son crâne, afin de dissimuler les blessures de l'œil gauche et de la tempe. Dehors, tout est calme et correct comme à l'accoutumée. Le ciel, hier encore gris et maussade, s'est dégagé. Un soleil printanier brille au-dessus de la ville qui s'ébroue dans la joie. Aurait-on changé de saison ?


Le 12 avril, à dix heures du matin, les régiments sont conviés à l'habituelle Wachteparade, instituée du vivant de Paul Ier. Cette fois, c'est le nouvel empereur Alexandre Ier qui préside. Il est entouré de Pahlen, de Bennigsen, des frères Zoubov. Mais, si les artisans de son succès affichent une arrogance victorieuse, chacun, dans le public, remarque l'air renfermé et soucieux de Sa Majesté. En vérité, le remords qui poursuit Alexandre est sans remède. Seul le temps pourrait en atténuer la morsure. Et encore ! Parricide et régicide, il n'en finira pas de se demander s'il a eu raison de mettre l'amour de la Russie au-dessus de l'amour filial. En tout cas, la soudaineté de l'événement ne l'a pas empêché de parer au plus pressé en politique. A peine a-t-il fait ses adieux à son père, exposé dans son cercueil, qu'il doit conjurer la menace britannique. Le jour même de la première Wachteparade d'Alexandre, le colonel Sabloukov, officier des gardes à cheval, qui assistait à la revue traditionnelle, écrira dans ses Mémoires : « Elle [la revue] se déroula conformément à la routine. A la fin de la Wachteparade, nous apprîmes qu'on venait de signer la paix avec l'Angleterre et qu'un courrier était déjà parti pour Londres avec le traité. »



Cependant, des placards, affichés dans les rues, apprennent aux habitants de Saint-Pétersbourg le décès, « à la suite d'une attaque d'apoplexie », de l'empereur Paul Ier et l'avènement d'Alexandre. Cette annonce provoque, dans tout le pays, une explosion d'allégresse sacrilège. On s'embrasse entre inconnus à la sortie des églises, on bénit le nom de « celui qui va rendre la Russie aux Russes ». « Dès que la nouvelle se répandit dans la capitale, note le même Sabloukov, on vit apparaître les coiffures à la Titus et disparaître les queues [de cheveux], on coupa les boucles, on raccourcit les pantalons, les rues se remplirent de chapeaux à bords ronds et de bottes à revers [...]. Les cochers retrouvèrent leur allure habituelle et leurs cris d'antan. » Un autre contemporain, l'écrivain allemand August von Kotzebue1, qui vient d'arriver à Saint-Pétersbourg, décrit également, dans ses Souvenirs, l'atmosphère radieuse de la cité au lendemain de l'assassinat : « Plus besoin de se découvrir en passant devant le palais d'Hiver [...] Plus besoin de descendre de voiture en croisant l'empereur [...] Tous les jours, Alexandre se promenait à pied, sur le quai, accompagné d'un seul valet [...]. De nouveau, il fut permis d'importer des livres [...]. On n'avait plus besoin d'une autorisation signée par le major de service pour quitter la ville. » Bien que tenue à la réserve par les obligations du deuil national, Elisabeth confie à sa mère, trois jours à peine après le régicide : « Quelque peine bien réelle que me fasse le triste genre de mort de l'empereur, je ne puis cependant m'empêcher d'avouer que je respire avec la Russie tout entière. [...] A présent, grâce au ciel, la Russie va être comme le reste de l'Europe. » Enfin elle fera, à la même correspondante, un compte rendu émouvant de l'état d'esprit de son époux après le drame : « Son âme sensible en restera à jamais déchirée [...]. Il faut à celui-ci [l'empereur Alexandre] l'idée de rendre le bien-être à sa patrie pour le soutenir ; il n'y a pas d'autre motif qui puisse lui donner de la fermeté. Et il en faut, car, Grand Dieu, dans quel état a-t-il reçu cet empire ! [...] Tout est calme et tranquille ici, si ce n'est une joie presque folle qui règne depuis le dernier du peuple jusqu'à la noblesse entière2. »


Ainsi, bien que, d'un bout à l'autre de l'empire personne ne soit dupe de la version officielle du décès par apoplexie, tout le monde feint de croire cette fable et absout Alexandre3. Certes quelques esprits tortueux insinuent que l'assassinat de Paul Ier a été préparé à Londres et financé par l'or anglais. Mais aucune preuve tangible n'étayant cette supposition, elle demeure sans suite. Un témoin, digne de foi, le colonel Sabloukov, ne la mentionne dans ses Mémoires que pour la réfuter aussitôt. « Les meneurs du complot, écrit-il, n'ont pas agi par cupidité, mais par patriotisme, nombre d'entre eux croyaient sincèrement qu'en se bornant à menacer l'empereur, ils le contraindraient à abdiquer. »


Cependant, et malgré la sympathie qu'il devine autour de lui, Alexandre doit se dominer pour penser aux affaires de l'Etat au lieu de penser à ses affaires privées. Son premier soin est de libérer, après quelques jours de détention, les personnes arrêtées dans la nuit de l'assassinat et d'éloigner discrètement tels privilégiés peu estimables du règne précédent. Koutaïssov, qui a eu très peur d'une sanction magistrale, n'est guère inquiété, sa maîtresse française, Mme Chevalier, reçoit, avec les compliments du souverain, un passeport pour l'étranger, et Anne Gagarine, favorite de feu Sa Majesté, quitte également la Russie pour accompagner son mari, lequel, par la grâce d'Alexandre, vient d'être nommé ambassadeur près la cour de Sardaigne. Toutefois, l'impératrice Marie Fedorovna, qui considère Pahlen comme l'organisateur du complot, obtient de son fils qu'il le contraigne à se retirer dans ses terres, en Courlande. De même, elle n'aura de cesse qu'il ne se sépare de Platon Zoubov et du général Bennigsen, bientôt exilés, eux aussi, en province4. Le général Talyzine sera frappé, à son tour, de désaveu et écarté du pouvoir. S'étant débarrassé, en douceur, de ces complices encombrants, qu'il ne peut ni récompenser ni condamner, Alexandre se prépare à régner selon l'enseignement de son ancien maître La Harpe et de sa grand-mère Catherine. Tolérance, sagesse, équité et respect de la tradition, seront, décide-t-il, les maîtres mots de sa politique.


L'ultime épreuve qui lui est infligée, en mars 1801, est l'enterrement solennel de son père, le 23 du même mois, dans la cathédrale de la forteresse Pierre-et-Paul, sanctuaire où reposent, de temps immémorial, les souverains de Russie. Comme lors de toutes les obsèques officielles, un long cortège accompagne le défunt vers sa dernière demeure. Alexandre conduit le deuil. Derrière lui, piétine la cohorte silencieuse des faux amis et des vrais ennemis du tsar disparu. Les visages affectent une tristesse de commande, tandis que les cœurs exultent. Alexandre Chichkov, écrivain, amiral et membre du Collège ministériel de la marine, compare, dans ses Mémoires, ces funérailles conventionnelles où tout est entaché d'hypocrisie, à celles, pleines d'émotion, du maréchal Souvorov. « Les obsèques de l'empereur ne ressemblaient en rien aux obsèques de Souvorov, écrit-il. Cette fois-ci, en suivant le cercueil, depuis le château Michel jusqu'à la forteresse en passant par le pont Toutchkov, je n'ai vu pleurer personne parmi les milliers de spectateurs. » Sans doute, ce jour-là, Chichkov n'a-t-il pas eu l'occasion d'approcher le seul être dont le deuil fût sincère : la veuve de Paul Ier, l'impératrice mère Marie Fedorovna. Elle a été trahie, bafouée, maltraitée par cet époux à l'humeur changeante, dont l'incohérence a failli plonger la Russie dans le chaos. Et cependant, elle ne se console pas de la perte du tyran. Quand elle énumère dans sa mémoire les griefs qu'elle a accumulés contre lui depuis des années, elle se heurte, chaque fois, à une évidence désarmante. S'il a agi ainsi, c'est qu'il n'a jamais pu se considérer comme un simple mortel. Monarque de naissance, élevé dans la conscience de sa supériorité originelle, il a sincèrement cru que, Dieu l'ayant désigné pour diriger la Russie, il devait trancher en toute occasion selon son bon plaisir et sans en référer à quiconque. Ceux qui s'avisent de lui reprocher ses violences et ses injustices oublient que Pierre le Grand, dont ils célèbrent volontiers le génie, fut, lui aussi, un potentat auquel son pouvoir avait quelque peu tourné la tête. Dans ses rêves, Marie Fedorovna se dit que, si Paul avait vécu plus longtemps, il aurait prouvé au monde que ses prétendues toquades étaient toujours inspirées par un élan du cœur, jamais par un froid calcul politique, et que, sans en avoir l'air, il était un second Pierre le Grand, alors qu'aujourd'hui on l'accuse de n'avoir été que sa caricature.


L'office, long, superbe et hiératique qui se déroule dans la cathédrale ne la guérira pas de l'idée que son mari est un martyr de l'incompréhension populaire. Elle voudrait tant sauver l'empereur Paul Ier de l'absurde discrédit qui le guette ! Mais elle a beau prier, les mains jointes, au milieu des chants du chœur et du scintillement des cierges, il lui semble que Dieu ne l'entend pas. Il est vrai que c'est un Dieu russe. Même si elle s'est convertie, jadis, à l'orthodoxie, le sien est resté allemand. Serait-ce là, se demande-t-elle, le motif de la terrible équivoque qui a pesé sur les quelque cinq ans de règne de ce tsar mal aimé ?

1 Il sera assassiné, en 1819, par un étudiant exalté, Sand.

2 Lettre en français de l'impératrice Elisabeth à sa mère des 13 et 14 mars 1801.

3 Les détails et les citations ayant trait à l'assassinat de Paul Ier sont tirés pour la plupart des confessions de Pahlen, de Bennigsen et de plusieurs témoins oculaires.

4 Le général Bennigsen rentrera en grâce quelques années plus tard, deviendra gouverneur de la Lituanie et combattra, en 1807, contre les armées napoléoniennes.

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