Dors

SELDON, HARI. — … On a coutume d’évoquer Hari Seldon uniquement à propos de la psychohistoire, de ne voir en lui que l’incarnation des mathématiques et du changement social. Sans nul doute a-t-il lui-même encouragé cette vision des choses car nulle part, dans ses écrits officiels, il ne donne le moindre indice sur la manière dont il a résolu les divers problèmes posés par la psychohistoire. A l’en croire, l’intuition aurait aussi bien pu lui tomber du ciel. De même qu’il ne nous dit rien des impasses où il a pu se fourvoyer, des erreurs de parcours qu’il a pu commettre.

… Quant à sa vie privée, c’est le vide total. En ce qui concerne ses parents et sa famille, nous avons une poignée d’indices, sans plus. On sait que son fils unique, Raych Seldon, a été adopté, mais on ignore dans quelles circonstances. Quant à sa femme, on sait seulement qu’elle a existé. A l’évidence, Seldon désirait rester une énigme en dehors de tout ce qui avait trait à la psychohistoire. Comme s’il avait senti – ou voulu faire sentir – qu’il n’avait pas vécu, mais simplement psychohistorifié.

ENCYCLOPAEDIA GALACTICA

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Assis, impassible, Hummin fixait toujours Seldon et celui-ci, pour sa part, attendait. C’était, estimait-il, à son interlocuteur de reprendre la parole.

Ce que fit Hummin mais simplement pour dire : « Un robot ? Moi ? Par robot, je présume que vous entendez une créature artificielle, du genre de l’objet que vous avez vu dans le Sacratorium de Mycogène ?

— Pas exactement.

— Pas une carcasse métallique noircie ? Pas un simulacre sans vie ? » insista Hummin sans aucune trace d’amusement.

« Non. Vie artificielle n’est pas obligatoirement synonyme de métal. Je parle d’un robot impossible à distinguer d’un être humain par son aspect.

— Alors, Hari, comment pouvez-vous le distinguer ?

— Pas par son aspect.

— Expliquez-vous.

Hummin, au cours de ma fuite, j’ai entendu parler de deux mondes antiques, je vous l’ai dit : Aurora et la Terre. Chacun semblait considéré comme un monde originel ou unique. Dans les deux cas, on m’a parlé de robots, mais avec une différence. »

Seldon considéra, pensif, l’homme assis en face de lui, se demandant s’il allait par quelque signe trahir qu’il était moins qu’un homme – ou plus. Il poursuivit : « Lorsqu’on évoquait Aurora, un robot était cité sous le nom de Renégat, de traître, comme un individu qui déserte la cause. Lorsqu’il s’agissait de la Terre, on parlait d’un robot héroïque, qui représentait le salut. Était-ce trop s’avancer de supposer qu’il s’agissait d’un seul et même robot ?

— L’était-ce ? murmura Hummin.

— C’est ce que j’ai pensé tout d’abord. Je croyais qu’Aurora et la Terre étaient deux mondes distincts et contemporains. Je ne sais pas lequel a précédé l’autre. A voir l’arrogance et le sentiment de supériorité manifestes des Mycogéniens, on pouvait supposer qu’Aurora était le monde originel ; s’ils méprisaient les Terriens, c’est que ceux-ci en étaient les rejetons dérivés – ou dégénérés.

« D’un autre côté, Mère Rittah, qui parlait, elle, de la Terre, me convainquit que cette planète était le foyer originel de l’humanité ; la position isolée de la minuscule enclave mycogénienne, perdue dans une immense galaxie de milliards d’individus totalement imperméables à leur étrange éthique, pouvait suggérer que la Terre était l’authentique monde des origines, et Aurora le descendant aberrant. Je ne saurais en décider, je vous transmets mes réflexions telles quelles, pour que vous puissiez comprendre mes conclusions. »

Hummin acquiesça. « je vois où vous voulez en venir. Poursuivez, je vous prie.

— Les deux planètes étaient ennemies. A entendre la Mère Rittah, c’était évident. Quand je compare les Mycogéniens, qui semblent incarner Aurora, et les Dahlites, qui semblent incarner la Terre, j’imagine qu’Aurora qu’elle ait été ou non antérieure – était la planète la plus évoluée, celle qui pouvait produire les robots les plus élaborés, des créatures apparemment impossibles à distinguer des êtres humains. Un tel robot a donc été conçu et fabriqué sur Aurora. Mais c’était un renégat qui déserta la planète. Pour les Terriens, en revanche, c’était un héros ; c’est donc qu’il a rallié la Terre. Quels furent les raisons, les motifs d’une telle créature, je l’ignore.

— D’une telle machine, voulez-vous dire…

— Peut-être, mais quand je vous vois assis devant moi, j’ai du mal à utiliser un tel mot. Mère Rittah était convaincue que le robot héroïque – son robot héroïque existait toujours, qu’il reviendrait quand le besoin s’en ferait sentir. Il m’a semblé qu’il n’y avait rien d’impossible à imaginer un robot immortel, ou qui du moins le resterait tant qu’on ne négligerait pas de remplacer les pièces usées.

— Même le cerveau ? objecta Hummin.

— Même le cerveau. Je n’entends rien à la robotique, mais j’imagine qu’on doit pouvoir programmer un cerveau neuf d’après les données de l’ancien. Et Mère Rittah avait évoqué d’étranges pouvoirs mentaux. Je me suis dit : ce doit être possible. Je suis peut-être par certains côtés sentimental, mais pas au point d’imaginer que ce seul robot, en passant d’un camp à l’autre, ait pu altérer le cours de l’histoire. Un robot ne pouvait à lui seul assurer la victoire de la Terre et la défaite d’Aurora – à moins d’avoir quelque trait bien particulier.

— L’idée vous est-elle venue, Hari, que vous êtes en train d’évoquer là des légendes, des légendes qui ont pu être déformées au cours des siècles et des millénaires, au point de draper d’un voile de surnaturel des événements parfaitement banals ? Pouvez-vous vous croire vraiment à l’existence d’un robot non seulement d’apparence humaine mais en outre éternel et doté de pouvoirs mentaux ? N’êtes-vous pas en train de vous mettre à croire au surnaturel ?

— Je sais fort bien de quoi sont faites les légendes et je ne suis pas homme à me laisser aveugler par elles ou à croire aux contes de fées. Malgré tout, quand je les vois confortées par une série d’événements bizarres dont j’ai été le témoin voire l’acteur…

— Tels que…

— Hummin, à peine avais-je fait votre connaissance que je me fiais entièrement à vous. D’accord, vous m’avez aidé à me défendre contre ces deux voyous quand rien ne vous y forçait et cela m’a prédisposé en votre faveur, car j’ignorais à l’époque que ces hommes étaient à votre solde, agissant selon vos ordres… Mais peu importe.

— Oui, peu importe », confirma Hummin en laissant finalement transparaître une trace d’amusement dans sa voix.

« Je vous ai fait confiance. Je me suis laissé facilement convaincre de ne pas retourner chez moi sur Hélicon, pour me muer en vagabond errant à la surface de Trantor. J’ai cru tout ce que vous m’avez raconté sans la moindre discussion. J’ai remis mon sort entièrement entre vos mains. Maintenant que j’y repense, je ne me reconnais pas. Je ne suis pas homme à me laisser si facilement manipuler, et pourtant je suis entré dans le jeu. Mieux encore, je n’ai même pas trouvé étrange ce comportement si éloigné de mon caractère.

— C’est vous qui vous connaissez le mieux, Hari.

— Il ne s’agit pas seulement de moi. Comment expliquer que Dors Venabili, une femme superbe aux multiples obligations professionnelles, abandonne tout pour m’accompagner dans ma fuite ? Comment expliquer qu’elle risque sa vie pour sauver la mienne et se consacre à ma protection, comme si c’était une sorte de devoir sacré, avec une obstination qui confine à l’entêtement ? Était-ce simplement parce que vous le lui aviez demandé ?

— Je le lui ai effectivement demandé, Hari.

— Pourtant, elle ne me paraît pas être le genre de femme à bouleverser aussi radicalement son existence juste parce qu’on le lui demande. Je ne peux pas croire non plus qu’elle ait eu un simple coup de foudre pour moi, sans pouvoir s’en empêcher. Je le regrette un peu mais elle me semble maîtriser ses émotions, bien plus – je vous le confesse franchement – que je ne m’en sens moi-même capable à son égard.

— C’est une femme merveilleuse, admit Hummin. Je ne vous blâme pas. »

Seldon poursuivit. « Plus étonnant encore, comment se fait-il que Maître-du-Soleil Quatorze, ce monstre d’arrogance, à la tête d’une population elle-même pétrie de vanité, ait été prêt à accueillir deux barbares comme Dors et moi, et à nous traiter aussi bien que pouvaient le faire – et que l’ont fait – les Mycogéniens ? Alors que nous avions enfreint toutes les règles, commis tous les sacrilèges, comment avez-vous fait pour le convaincre de nous laisser repartir ?

« Comment avez-vous fait pour convaincre les Tisalver, aveuglés par leurs préjugés mesquins, de nous accueillir chez eux ? Comment faites-vous pour être à l’aise où que ce soit, vous lier d’amitié avec n’importe qui, influencer tout le monde, nonobstant les particularités individuelles ? Pendant qu’on y est, comment êtes-vous arrivé à manipuler Cléon ? Et s’il est aussi malléable et modelable qu’on le dit, comment avez-vous fait pour manipuler son père, que tout le monde s’accorde à considérer comme un tyran arbitraire et brutal ? Comment avez-vous réalisé tout cela ?

« Mais surtout, comment se fait-il que Mannix IV de Kan ait pu passer des dizaines d’années à édifier une armée incomparable, entraînée à l’efficacité dans les moindres détails, et qui pourtant se désagrège dès que sa fille s’avise de l’utiliser ? Comment avez-vous réussi à persuader ces hommes de jouer les traîtres, sans exception, comme vous l’avez fait ?

— Cela ne pourrait-il pas signifier tout simplement que je suis un homme de tact, habitué à traiter avec toutes sortes d’individus, à rendre des services aux gens influents et à faire valoir les services que je peux encore leur rendre à l’avenir ? Rien de ce que j’ai accompli, me semble-t-il, n’exige le recours au surnaturel.

— Rien ? Pas même la neutralisation de l’armée kanite ?

— Ils ne voulaient pas servir une femme.

— Ils devaient savoir depuis des années que le jour où Mannix renoncerait à ses pouvoirs ou disparaîtrait, Rachelle deviendrait leur Maire ; pourtant, jamais ils n’avaient montré le moindre signe de mécontentement – jusqu’à ce que vous le jugiez nécessaire. Une fois, Dors vous a décrit comme un homme très persuasif. Et certes vous l’êtes. Plus que n’importe quel homme ordinaire. Mais pas plus qu’un robot immortel doté de pouvoirs mentaux particuliers. Eh bien, Hummin ?

— Qu’attendez-vous de moi, Hari ? Que je m’identifie comme robot, n’ayant de l’homme que l’apparence ? comme immortel ? comme prodige mental ? »

Seldon se pencha vers son interlocuteur, assis de l’autre côté de la table. « Oui, c’est ce que j’attends. J’attends que vous me disiez la vérité, et je soupçonne fortement que ce que vous venez d’esquisser est la vérité. Vous, Hummin, êtes le robot que Mère Rittah évoque sous le nom de Da-Nee, l’ami de Ba-Lee. Vous devez l’admettre. Vous n’avez pas le choix. »

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C’était comme s’ils étaient tous deux dans un minuscule univers autonome. Là, au milieu de Kan, tandis que les forces kanites se laissaient désarmer par les troupes impériales, ils étaient assis tranquillement. Là, en plein cœur d’événements qu’observait Trantor tout entière – et peut-être toute la Galaxie – subsistait cette minuscule bulle au sein de laquelle Seldon et Hummin se livraient leur joute stratégique – le premier cherchant par tous les moyens à faire naître une nouvelle réalité, le second se gardant de rien faire pour en accepter l’existence.

Seldon ne craignait pas d’être interrompu. Il était sûr que leur bulle avait une frontière impénétrable et que les pouvoirs de Hummin – non, du robot – maintiendraient à distance tout intrus tant que la partie ne serait pas achevée.

Hummin reconnut enfin : « Vous êtes un type ingénieux, Hari, mais je n’arrive pas à voir pourquoi je devrais admettre que je suis un robot et pourquoi je n’aurais pas le choix. Tout ce que vous avez dit peut être vrai – votre comportement, celui de Dors, de Maître-du-Soleil Quatorze, des Tisalver, des généraux kanites – tout peut s’être déroulé comme vous l’avez dit, mais cela ne rend pas pour autant obligatoire votre interprétation des événements et de leur signification. Sans nul doute, ce qui s’est produit peut avoir une explication naturelle. Vous m’avez fait confiance parce que vous avez accepté ce que je disais ; Dors a jugé votre sécurité importante parce qu’elle sentait que la psychohistoire était quelque chose de crucial, étant elle-même historienne ; Maître-du-Soleil Quatorze et les Tisalver étaient à mon endroit redevables de services dont vous ignorez tout ; les généraux kanites rechignaient à être sous les ordres d’une femme, rien de plus. Pourquoi faudrait-il recourir au surnaturel ?

— Voyons, Hummin. Croyez-vous réellement au déclin de l’Empire et jugez-vous réellement important d’éviter que la chute se produise sans que personne n’ait levé le petit doigt pour l’empêcher, ou à tout le moins en amortir les conséquences ?

— Absolument. » Quelque part, Seldon savait qu’il parlait sincèrement.

« Et vous voulez vraiment que je mette au point les détails de la psychohistoire, car vous vous en sentez vous-même incapable ?

— Je n’ai pas les dons nécessaires pour cela.

— Et vous avez l’impression que je suis seul capable d’appréhender la psychohistoire – même si parfois j’en doute moi-même ?

— Oui.

— Et vous devez par conséquent estimer que, si vous êtes en mesure de m’y aider, vous devez le faire.

— Certes.

— Les sentiments personnels – les considérations égoïstes – n’interviendraient à aucun moment ? »

L’esquisse d’un sourire effleura les traits graves de Hummin et, l’espace d’une seconde, Seldon décela la présence d’un aride et vaste désert de lassitude derrière le mur de courtoisie de son interlocuteur. « J’ai bâti une longue carrière sans jamais tenir aucun compte des sentiments personnels ou des considérations égoïstes.

— Alors, je vous demande votre aide. Je peux mettre au point la psychohistoire en me basant sur Trantor seule mais je vais rencontrer des difficultés. Ces difficultés, je les surmonterai peut-être, mais ma tâche serait facilitée si je connaissais certains faits déterminants. Par exemple, de ces deux mondes, Aurora et la Terre, lequel fut le berceau de l’humanité ? Ou était-ce un troisième, entièrement différent ? Quelles étaient les relations entre ces deux planètes ? Ont-elles, l’une ou l’autre, ou l’une et l’autre, colonisé la Galaxie ? Si une seule l’a fait, pourquoi pas l’autre ? Si toutes deux l’ont fait, quelle fut l’issue de cette rivalité ? Et tous les mondes descendent-ils d’une seule de ces planètes originelles ou des deux ? Comment se fait-il que les robots ont été abandonnés ? Comment Trantor est-elle devenue planète impériale plutôt qu’une autre ? Et qu’est-il advenu d’Aurora et de la Terre, dans l’intervalle ? Il y a mille questions que je pourrais vous poser sur-le-champ et cent mille autres qui risquent de naître au fur et à mesure de ma progression. Êtes-vous prêt à me laisser dans l’ignorance, Hummin, au risque de me voir échouer dans ma tâche, quand vous pourriez m’éclairer et m’aider à réussir ?

— Si j’étais ce robot, aurais-je dans mon cerveau la place pour loger les vingt mille années d’histoire de ces millions de mondes différents ?

— J’ignore la capacité des cerveaux robotiques. J’ignore la capacité du vôtre. Mais si vous n’avez pas la capacité suffisante, alors ces informations, que vous ne pouvez contenir, vous devez les avoir stockées quelque part en sûreté et de façon qu’elles vous soient facilement accessibles. Si vous détenez ces informations dont j’ai besoin, comment pouvez-vous me les refuser ? Et si vous ne pouvez me les refuser, comment alors pouvez-vous nier que vous êtes un robot – et plus précisément ce robot : le Renégat ? »

Seldon se carra dans son siège et exhala un gros soupir. « C’est pourquoi je vous repose la question : êtes-vous ce robot ? Si vous voulez la psychohistoire, alors vous devez l’admettre. Si vous persistez à le nier, et si vous parvenez à me convaincre que vous ne l’êtes pas, alors mes chances de concrétiser la psychohistoire se réduisent considérablement. A vous donc de décider. Êtes-vous un robot ? Êtes-vous Da-Nee ? »

Et Hummin répondit, toujours aussi imperturbable : « Vos arguments sont irréfutables. Je suis R. Daneel Olivaw. Le “ R ” signifie “ robot ”.

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R. Daneel Olivaw s’exprimait tout aussi calmement mais Seldon crut déceler un changement subtil dans sa voix, comme s’il était plus à l’aise maintenant qu’il n’avait plus un rôle à jouer.

« En vingt mille ans, dit Daneel, personne n’a deviné que j’étais un robot, aussi longtemps que je n’ai pas jugé bon de le faire savoir. Parce que les hommes avaient abandonné les robots depuis si longtemps que bien peu se rappelaient leur existence. Mais aussi parce que j’ai effectivement la capacité de détecter et de modifier les émotions humaines. La détection ne présente aucune difficulté, mais l’altération des émotions soulève pour moi des problèmes dus à ma nature de robot – même si je peux le faire quand bon me semble. J’en suis techniquement capable mais je dois d’abord dépasser ma volonté de ne pas y recourir. J’essaie de ne jamais interférer, sauf quand je n’ai pas d’autre choix. Dans ce cas, il est rare que je fasse plus que donner un coup de pouce, le plus infime possible, à ce qui est déjà latent. Et si je peux parvenir à mes fins sans cette intervention minimale, alors je l’évite.

« Je n’ai pas eu besoin de manipuler Maître-du-Soleil Quatorze pour l’amener à vous recevoir – remarquez que je parle de “ manipuler ” car cela n’a rien d’une tâche agréable. Je n’ai donc pas eu à le manipuler parce qu’il était en dette à mon égard et que c’est un homme d’honneur, malgré les bizarreries que vous avez pu noter chez lui. Je suis effectivement intervenu la seconde fois, quand vous aviez commis un sacrilège à ses yeux, mais je n’ai pas eu grand-chose à faire : il n’était pas pressé de vous remettre aux autorités impériales qu’il n’aime pas. Je me suis contenté de renforcer un peu cette aversion et il s’est empressé de vous remettre entre mes mains, en acceptant mes arguments qu’en temps normal il aurait jugés spécieux.

« Vous non plus, je ne vous ai pas spécialement manipulé. Vous vous méfiez aussi des Impériaux. C’est le cas de la plus grande partie de l’humanité de nos jours, ce qui est un facteur important du déclin et de la détérioration de l’Empire. Qui plus est, vous étiez fier de la psychohistoire en tant que concept, fier d’en avoir eu l’idée. Vous n’étiez pas gêné d’avoir à prouver que c’est une discipline applicable. Cela ne pouvait que renforcer votre orgueil. »

Seldon plissa le front et remarqua : « Pardonnez-moi, Maître Robot, mais je n’ai pas conscience d’être un tel monstre d’orgueil. »

Daneel sourit benoîtement : « Vous n’êtes absolument pas un monstre d’orgueil. Vous êtes parfaitement conscient qu’il n’est ni admirable ni utile d’être mû par l’orgueil ; vous tentez de refréner cette pulsion, mais vous pourriez aussi bien regretter d’être mû par les battements de votre cour. Vous ne pouvez empêcher ni l’un ni l’autre. Même si vous vous dissimulez votre orgueil à vous-même pour préserver votre tranquillité d’esprit, vous ne pouvez me le dissimuler. Je n’ai eu qu’à le renforcer imperceptiblement pour qu’aussitôt vous soyez prêt à prendre des mesures destinées à vous cacher de Demerzel, mesures qui vous auraient fait hésiter quelques instants auparavant. Et vous vous êtes retrouvé prêt à travailler sur la psychohistoire avec une ardeur que vous auriez trouvée indigne de vous un peu plus tôt.

« Je ne vis donc pas la nécessité de toucher à autre chose et vous êtes parvenu tout seul à vos conclusions sur les robots. Si j’avais prévu cette éventualité, je serais peut-être intervenu pour l’empêcher, mais mon intuition et mes capacités ne sont pas infinies. Je ne regrette pas d’avoir échoué, car vos arguments sont bons. Il est important que vous sachiez qui je suis et que, de mon côté, je puisse mettre mes dons à votre service.

« Les émotions, mon cher Seldon, sont un puissant moteur de l’action humaine, bien plus puissant que les hommes ne le croient, et vous ne pouvez imaginer ce que peut faire l’intervention la plus minime et à quel point je répugne à y recourir. »

Seldon exhala un gros soupir ; il essayait de s’imaginer en homme mû par son orgueil et le résultat ne lui plaisait guère. « Pourquoi ?

— Parce qu’il est si facile d’en faire trop. J’ai dû empêcher Rachelle de transformer l’Empire en anarchie féodale. J’aurais pu agir de manière brutale, au risque de provoquer un soulèvement sanglant. Les hommes restent des hommes – et les généraux kanites sont presque tous des hommes. Il ne faut à vrai dire pas grand-chose pour éveiller le mépris et la peur des femmes qui sommeillent chez tout homme. C’est peut-être une question biologique qu’en tant que robot je ne suis pas en mesure de saisir complètement.

« Toujours est-il que je n’ai eu qu’à renforcer ce sentiment chez ses officiers pour entraîner l’effondrement de ses plans. Si j’en avais fait un tout petit peu trop, j’aurais échoué dans mon projet : l’occupation sans effusion de sang. Je ne voulais rien d’autre que les mettre hors d’état de résister à l’arrivée de mes soldats. »

Daneel marqua un temps d’arrêt, comme s’il cherchait ses mots, puis il reprit : « Je ne souhaite pas entrer dans le détail mathématique de mon cerveau positronique. Cela dépasse mon entendement, mais peut-être pas le vôtre si vous y prêtez un minimum d’attention. Toujours est-il que je suis gouverné par les Trois Lois de la Robotique qui, traditionnellement, s’énoncent ainsi – ou du moins s’énonçaient ainsi, jadis :

« Un : un robot ne peut nuire à un être humain ni laisser sans assistance un être humain en danger.

« Deux : un robot doit obéir aux ordres qui lui sont donnés par les êtres humains, sauf quand ces ordres sont incompatibles avec la Première Loi.

« Trois : un robot doit protéger sa propre existence tant que cette protection n’est pas incompatible avec la Première ou la Deuxième Loi.

« Mais j’avais un… ami, il y a vingt mille ans. Un autre robot. Différent de moi. Impossible de le confondre avec un humain, lui. Mais c’était lui qui avait les pouvoirs mentaux, et c’est par son entremise que j’ai acquis les miens.

« Il lui semblait qu’il aurait dû y avoir une loi encore plus générale que les trois précédentes. Il l’avait baptisée la “ Loi Zéro ”, puisque zéro vient avant un. Elle s’énonce ainsi :

« Zéro : un robot ne peut nuire à l’humanité, ni laisser sans assistance l’humanité en danger.

« La Première Loi est donc modifiée comme suit :

« Un : un robot ne peut nuire à un être humain ni laisser sans assistance un être humain en danger, sauf quand cela s’oppose à la Loi Zéro.

« Et les autres lois doivent être modifiées de manière analogue. Comprenez-vous ? »

Daneel marqua consciencieusement un temps d’arrêt et Seldon répondit : « Je comprends. »

Daneel poursuivit : « Le problème, Hari, c’est qu’un être humain est facile à identifier. Je peux vous en désigner un. Il est aisé – ou du moins, relativement aisé – de discerner ce qui risque de porter atteinte à un être humain. Mais qu’est-ce que l’humanité ? Qu’entend-on au juste lorsqu’on parle de l’humanité ? Et comment définir une atteinte à l’humanité ? A quel moment telle ou telle action fait-elle plus de bien que de mal à l’humanité dans son ensemble et comment peut-on en décider ? Le robot qui a proposé la Loi Zéro est mort – il est devenu définitivement inactif – parce qu’il a été contraint à une action qu’il sentait nécessaire à la sauvegarde de l’humanité sans pouvoir en être absolument certain. Et, au moment d’être inactivé, il m’a confié la responsabilité de la Galaxie.

« Depuis cette époque, j’ai fait de mon mieux. Je me suis immiscé le moins possible, faisant confiance aux hommes pour juger par eux-mêmes de ce qui était bon pour eux. Eux, ils pouvaient jouer ; moi, pas. Ils pouvaient rater leur cible ; je n’osais pas. Ils pouvaient faire le mal par mégarde ; pour moi, c’était l’inactivation assurée. La Loi Zéro ne laisse pas de place aux dangers provoqués par mégarde.

« Mais, à certains moments, j’étais bien obligé de passer à l’action. Que je sois encore opérationnel prouve que mes interventions ont toujours été modérées et discrètes. Toutefois, à mesure que l’Empire s’engageait plus avant sur la pente du déclin, j’ai dû intervenir de plus en plus souvent et voilà plusieurs décennies que je suis réduit à jouer le rôle de Demerzel, pour tenter d’orienter le gouvernement vers une politique capable de conjurer la ruine – et malgré tout, je fonctionne toujours, comme vous pouvez le constater.

« Quand vous avez fait votre communication au Congrès décennal, j’ai compris aussitôt que la psychohistoire offrait un instrument susceptible d’identifier ce qui est bien ou mal pour l’humanité. Grâce à elle, nos décisions ne seraient plus prises à l’aveuglette. Je pourrais à nouveau laisser à l’humanité le soin de les prendre elle-même et intervenir uniquement en cas d’extrême urgence. J’ai donc fait en sorte que Cléon ait vent de votre communication et vous convoque. Puis, ayant appris de votre bouche même que la psychohistoire n’avait aucun intérêt pratique, j’ai été forcé de réfléchir au moyen de vous pousser coûte que coûte à essayer quelque chose. Comprenez-vous, Hari ? »

Plutôt désarçonné, Seldon répondit : « Je comprends, Hummin.

— Pour vous, je dois rester Hummin en ces rares occasions où je pourrai vous voir. Je vous donnerai les informations dont je dispose si vous en avez besoin et, en tant que Demerzel, je vous protégerai autant qu’il me sera possible. Quant à Daneel, vous ne devrez jamais en parler.

— Loin de moi cette intention, s’empressa d’affirmer Seldon. Ayant besoin de votre aide, je gâcherais tout à entraver vos plans.

— Oui, je sais que vous n’en ferez rien, reconnut Daneel avec un sourire las. Après tout, vous êtes assez vaniteux pour désirer vous voir attribuer tout le crédit de la psychohistoire. Pas question que quelqu’un apprenne jamais que vous avez eu besoin de l’aide d’un robot. »

Seldon rougit. « Je ne suis pas…

— Mais si, même si vous vous le dissimulez soigneusement. Et c’est important, car je renforce ce sentiment, juste assez pour vous empêcher définitivement de parler de moi à quiconque. Vous n’aurez même pas l’idée de le faire.

— Je suspecte Dors de se douter de… remarqua Seldon.

— Elle sait qui je suis, confirma Daneel. Et elle non plus ne peut en parler. Maintenant que vous connaissez tous deux ma vraie nature, vous pourrez parler de moi librement entre vous, mais jamais à personne d’autre. »

Daneel se leva. « Hari, mon travail m’attend à présent. D’ici peu, vous allez, Dors et vous, être ramenés au secteur impérial…

— Le jeune garçon, Raych, doit m’accompagner. Je ne peux pas l’abandonner. Il y a aussi un jeune Dahlite du nom de Yugo Amaryl…

— Je comprends. On ramènera Raych avec vous et il en sera de même pour tout ami de votre choix. On s’occupera de vous comme il convient. Et vous pourrez travailler à la psychohistoire. Vous aurez une équipe à votre disposition, ainsi que les ordinateurs et la documentation nécessaires. J’interviendrai le moins possible. Et quand naîtront des résistances à vos projets, si elles ne mettent pas leur réalisation en danger, vous devrez les surmonter tout seul.

— Attendez, Hummin, s’inquiéta Seldon. Et si, malgré toute votre aide et tous mes efforts, il était en fin de compte impossible de rendre la psychohistoire applicable ? Si j’échouais ? »

Daneel se leva. « En ce cas, j’ai un plan de rechange sous la main. Un plan auquel je travaille depuis longtemps, sur un autre monde, d’une autre manière. Il est également très difficile et par certains côtés plus radical encore que la psychohistoire. Il se peut qu’il échoue, lui aussi, mais on a plus de chances de succès en ouvrant deux routes plutôt qu’une seule.

« Suivez mon conseil, Hari ! Si vous parvenez un jour à mettre au point un système susceptible d’empêcher le pire, tâchez d’en imaginer deux, de telle sorte que, si le premier échoue, le second prenne le relais. L’Empire doit être stabilisé ou rebâti sur de nouvelles fondations. Qu’elles existent en deux exemplaires plutôt qu’en un seul, si c’est possible.

« Et maintenant, je dois retourner à mes affaires ordinaires et vous aux vôtres. On s’occupera de vous. »

Et, sur un dernier signe de la tête, il s’éclipsa.

Seldon le regarda partir et commenta doucement : « D’abord, il faut que je parle à Dors. »

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« Le palais est dégagé, indiqua Dors. Rachelle ne sera pas maltraitée. Et vous allez regagner le secteur impérial, Hari.

— Et vous, Dors ? demanda Seldon à voix basse, la gorge serrée.

— Je présume que je vais retourner à l’Université. Ces derniers temps, mes travaux ont été négligés, mes classes abandonnées.

— Non, Dors, une tâche plus grande vous attend.

— Laquelle ?

— La psychohistoire. Je ne peux pas affronter le projet sans vous.

— Bien sûr que si. Je suis totalement ignare en mathématiques.

— Et moi en histoire – et nous avons besoin des deux. » Cela la fit rire : « Je suppose que, parmi les mathématiciens, vous devez être unique. En revanche, moi, chez les historiens, je suis dans la moyenne, je ne me démarque certainement pas du lot. Vous n’aurez aucun mal à trouver de nombreux historiens mieux à même que moi de répondre aux exigences de la psychohistoire.

— En ce cas, Dors, je me permets de vous faire remarquer que la psychohistoire requiert plus que les lumières d’un mathématicien et d’un historien. Elle exige aussi la volonté d’affronter ce qui risque d’être le problème de toute une vie. Sans vous, Dors, je n’aurai pas cette volonté.

— Bien sûr que si, vous l’avez.

— Dors, si vous n’êtes pas avec moi, je n’ai pas l’intention de l’avoir. »

Dors le considéra, pensive. « Cette discussion est vaine, Hari. Il ne fait aucun doute que la décision revient à Hummin. Et s’il me renvoie à l’Université…

— Il n’en fera rien.

— Comment pouvez-vous en être sûr ?

— Parce que je lui ai mis le marché en main. S’il vous réexpédie à l’Université, je rentre à Hélicon et l’Empire peut courir tout seul à sa perte.

— Vous n’êtes pas sérieux.

— Tout ce qu’il y a de plus sérieux.

— Vous ne comprenez pas que Hummin peut modifier vos sentiments pour que vous travailliez à la psychohistoire – même sans moi ? »

Seldon hocha la tête. « Jamais Hummin ne prendra de décision aussi arbitraire. Je lui ai parlé. Il n’ose pas trop intervenir sur l’esprit humain parce qu’il est lié par ce qu’il appelle les Lois de la Robotique. Modifier mon esprit au point que je n’aurais plus envie de vous avoir auprès de moi, Dors, est le genre de changement qu’il ne peut risquer. D’un autre côté, s’il me laisse tranquille et si vous me rejoignez dans le projet, il aura ce qu’il veut : une bonne chance de voir se concrétiser la psychohistoire. Pourquoi ne s’en tiendrait-il pas à ça ? »

Dors secoua la tête. « Il peut ne pas être d’accord pour des raisons qui lui sont propres.

— Pourquoi ? Il vous a demandé de me protéger, Dors. A-t-il annulé son ordre ?

— Non.

— Alors, il veut que vous poursuiviez. Et moi, je demande votre protection.

— Contre quoi ? Vous avez désormais la protection de Hummin, sous la forme de Demerzel et sous celle de Daneel, et il ne vous faut certainement pas plus.

— Si j’avais la protection de tous les hommes et de toutes les forces de la Galaxie, c’est quand même la vôtre que je voudrais.

— Alors, vous ne me voulez pas pour la psychohistoire. Vous me voulez pour votre protection. »

Seldon se renfrogna. « Non ! Pourquoi déformez-vous mes paroles ? Pourquoi me forcez-vous à dire ce que vous savez déjà ? Ce n’est ni pour la psychohistoire ni pour ma protection que j’ai besoin de vous. Ce ne sont que des excuses et j’en utiliserai d’autres s’il le faut. C’est pour vous – rien que vous. Et si vous voulez la raison véritable, c’est parce que vous êtes vous.

— Vous ne me connaissez même pas.

— Peu importe. Je m’en moque… Et pourtant, je vous connais en un sens. Mieux que vous ne pensez.

— Vraiment ?

— Bien sûr. Vous suivez les ordres et vous risquez votre vie pour moi sans l’ombre d’une hésitation et apparemment sans vous soucier des conséquences. Vous avez appris à jouer au tennis avec une rapidité phénoménale. Vous avez appris encore plus rapidement à manier le couteau et vous vous êtes tirée avec maestria du combat contre Marron ; avec une maîtrise… inhumaine – si vous me passez l’expression. Vous avez une musculature étonnamment développée et des réflexes incroyablement rapides. Vous pouvez deviner quand une pièce est sous écoute et entrer en contact avec Hummin sans recourir à aucun appareil.

— Et que concluez-vous de tout cela ? le coupa Dors.

— Il m’est apparu que Hummin, en tant que R. Daneel Olivaw, avait une tâche impossible. Comment un seul et unique robot essaierait-il de guider l’Empire ? Il faut qu’il ait des aides.

— C’est évident. Des millions, j’imagine. Je l’aide. Vous l’aidez. Le petit Raych l’aide aussi.

— Vous, vous êtes d’un genre différent.

— En quel sens, Hari ? Dites-le donc. Si vous vous l’entendez dire, vous réaliserez aussitôt à quel point c’est insensé. »

Seldon la considéra longuement puis répondit, à voix basse : « Non, je ne le dirai pas parce que… parce que je m’en fiche.

— Vraiment ? Vous voulez me prendre telle que je suis ?

— Je vous prendrai comme je pourrai. Vous êtes Dors et, quoi que vous puissiez être, je ne veux rien d’autre au monde. »

Doucement, Dors lui expliqua : « Hari, je veux ce qui est bon pour vous à cause de ce que je suis, mais je sens que, si je n’étais pas ce que je suis, je le voudrais quand même. Et je ne crois pas que je sois faite pour vous.

— Je m’en fiche éperdument. » Hari baissa les yeux, arpentant la pièce en se demandant ce qu’il allait dire ensuite. « Vous a-t-on déjà embrassée ?

— Bien sûr, Hari. C’est un élément de la vie en société et je vis en société.

— Non, non ! Je veux dire, avez-vous vraiment embrassé un homme ? Enfin, vous savez, passionnément ?

— Eh bien, oui, Hari.

— Y avez-vous pris plaisir ? »

Dors hésita. « Quand on m’a embrassée de la sorte, j’y ai pris plus de plaisir qu’à décevoir le jeune homme que j’aimais bien, un être dont l’amitié signifiait pour moi quelque chose. » A ce point, Dors rougit et détourna le visage. « Hari, je vous en prie, c’est délicat pour moi à expliquer. »

Mais Hari, plus résolu que jamais, insista : « Donc, vous l’avez embrassé pour de mauvaises raisons, pour éviter de le blesser.

— Peut-être que c’est ce que tout le monde fait, en un sens. » Seldon rumina cette réponse puis demanda soudain : « Et vous, avez-vous jamais demandé qu’on vous embrasse ? »

Dors marqua un temps d’arrêt, comme si elle passait sa vie en revue. « Non.

— Ou désiré être embrassée de nouveau, après la première fois ?

— Non.

— Avez-vous déjà couché avec un homme ? demanda-t-il doucement, désespérément.

— Bien sûr, je vous l’ai dit. Ce genre de choses fait partie de la vie. »

Hari la saisit aux épaules comme s’il voulait la secouer. « Mais avez-vous jamais ressenti le désir, le besoin de ce genre d’intimité avec une personne en particulier ? Dors, avez-vous jamais éprouvé de l’amour ? »

Dors leva les yeux lentement, presque tristement, et croisa le regard de Seldon. « Je regrette, Hari, mais non. »

Seldon la relâcha, et ses bras retombèrent, ballants.

Alors Dors lui posa doucement la main sur le bras et dit : « Vous voyez bien, Hari. Je ne suis pas vraiment ce que vous voulez. »

Seldon baissa la tête et regarda par terre. Il pesa la question, essayant de réfléchir rationnellement. Puis il renonça. Il voulait ce qu’il voulait, et ceci au-delà de toute raison.

Il releva les yeux. « Dors, ma chérie, même ainsi je m’en fiche quand même. »

Seldon la prit dans ses bras et approcha doucement son visage du sien, comme s’il s’attendait à ce qu’elle s’écarte, et il l’attira contre lui.

Dors ne bougea pas et il l’embrassa – lentement, longuement, puis enfin passionnément –, et soudain il sentit qu’elle le serrait plus fort.

Quand enfin il cessa, elle le regarda avec des yeux qui reflétaient son sourire et lui dit :

« Embrassez-moi encore, Hari. S’il vous plaît. »

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