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Tout le monde alentour aimait le vieux Khodovits. Il travaillait comme gardien et signaleur à six kilomètres de la ville, en amont de la rivière. Ce jour-là, de même que la veille et l’avant-veille, il se leva aux premiers jaunissements de l’aube et, ses cannes à pêche sur son épaule voûtée, il descendit la pente sablonneuse pour aller sur la berge. Les signaux – des panneaux blanc et rouge sur un mât en forme de L renversé – étaient en place. Ayant accroché ses vers, Khodovits jeta ses hameçons dans l’eau encore endormie du matin. Un alevin flirta un peu avec la mort, taquinant le bouchon, puis regagna les profondeurs. Il restait vingt-trois minutes avant le passage du vapeur venant de la ville. Khodovits se pencha au-dessus de ses cannes pour vérifier les vers. La première allait bien. La seconde – aussi. La troisième – nom d’un chien ! – s’était coincée dans la vase et tendait sa ligne comme une corde. Le vieux tira plus fort : une chose grise, ronde et bombée se mit à filer droit sur lui. Dix secondes plus tard, Khodovits, hochant la tête avec étonnement, examinait le chapeau gris imbibé d’eau qu’il venait de décrocher de son hameçon. Un miracle.