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En fin d’après-midi, Louis sortit du commissariat, abruti et soulagé. Il laissait à Loisel le soin d’achever l’histoire. Lui, de son côté, avait une maille à boucler.

Le Sécateur râtelait les allées du côté nord du cimetière. Il s’immobilisa en voyant arriver Louis.

— Je me doutais que tu referais surface, dit Louis. Tu as su qu’on avait stoppé le tueur, n’est-ce pas ?

Le Sécateur donna de petits coups de râteau inutiles sur le sable.

— Et tu as pensé que tu pouvais remettre le nez dehors ? Que je ne te collerais plus le grappin dessus ? Mais le viol ? Tu l’as oublié, le viol ?

Le Sécateur crispa ses mains sur le manche.

— Je n’ai rien à y voir, cracha-t-il. Si le patron a dit que j’y étais, il a menti. Il n’y a pas de preuves. Personne croira la parole d’un assassin.

— Tu y étais, asséna Louis. Avec Rousselet et un copain que tu avais recruté. Merlin vous avait payés.

— Je ne l’ai pas touchée !

— Parce que tu n’en as pas eu le temps. Tu te vautrais sur elle au moment où Clément Vauquer t’a détrempé. Ne te fatigue pas, va. Merlin n’a rien dit, mais il y a un témoin. Clairmont vous observait à la jumelle depuis son atelier.

— Le vieux salaud, gronda Thévenin.

— Et toi ? Tu le sais ce que tu vaux, toi ?

Le Sécateur jeta un œil haineux à Louis.

— Je vais te le dire, ce que tu vaux, le Sécateur. Tu ne vaux pas trois clous et ça me serait facile de te coller au trou. Mais Nicole Verdot est morte et on ne peut plus rien pour la soulager. Et puis tu vaux autre chose aussi. Tu vaux le napperon que t’a laissé ta mère. Et à cause de lui, rien qu’à cause de lui, tu m’entends bien, je te foutrai la paix, rien que pour son espoir, à ta mère. T’as de la chance qu’elle t’ait protégé.

Le Sécateur se mordit la lèvre.

— Et je te laisse cette foutue bouteille de sancerre que j’ai trimballée tous les jours pendant ta fugue. Quand tu la boiras, pense à cette Nicole, et arrange-toi pour regretter.

Louis posa la bouteille aux pieds du Sécateur et s’éloigna par l’allée centrale.


Ce soir, Louis allait dîner à la baraque pourrie. Quand il entra dans le réfectoire, il trouva la pièce vide et sombre et, à travers les fentes des volets tirés, il aperçut Marc et Lucien assis dans l’herbe clairsemée de l’essart.

— Où est la poupée de Marthe ? demanda-t-il en les rejoignant. Envolé vers la lumière ?

— Ah non, dit Marc. Clément n’est pas sorti. Je lui ai proposé d’aller courir dans les rues, mais il m’a expliqué posément qu’il préférait quant à lui aller recoller personnellement de la caillasse à la cave.

— Bon sang, dit Louis. Il va falloir le pousser doucement dehors.

— Oui, doucement. On a tout le temps.

— Vous n’avez pas rouvert les volets ?

Lucien tourna les yeux vers la baraque.

— Tiens, dit-il. Personne n’y a pensé.

Marc se leva et courut vers la maison. Il ouvrit en grand les trois fenêtres du réfectoire et repoussa les battants de bois. Il déverrouilla la barre qui bloquait les volets de la chambre où dormait Clément et laissa la chaleur entrer à flots dans la pièce.

— Voilà, cria-t-il à Louis en passant sa tête par la fenêtre. Tu as vu ?

— Parfait !

— Eh bien, je referme maintenant, sinon on va crever de chaud dans cette baraque !

— Qu’est-ce qui lui prend ? dit Louis.

Lucien étendit la main.

— Ne contrarie pas le sauveteur, dit-il d’une voix grave. Il aurait voulu un épilogue amoureux, et il n’a qu’un tas de linge à repasser.

Louis s’adossa à l’ailante en secouant la tête. Lucien renifla, et enfonça les mains dans ses poches.

— Il est toujours austère, murmura-t-il, le retour des soldats du front.

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