— Tu m'as bien saisi, Vieillard ?
La chaisière à chignon hausse ses épaules d'échassier chassieux sachant sécher sans chaussons.
— Une D.S. grise à toit blanc. Ne t'inquiète pas, San-A., je vais m'en occuper en faisant les commissions.
— J'exige de la documentation, tu m'entends, mémère ? Numéro d'immatriculation, description fouillée de ses occupants, etc. Je veux savoir si on les connait dans le village, enfin un maxi, quoi !
Ayant ainsi posé mes consignes, je fonce chercher ma tire et je prends la direction du château. Inutile de demander mon chemin : la noble demeure se dresse sur une colline et surplombe la contrée. C'est un truc classé monument historique. C'est gris, c'est grand, ça a des tours, des détours, des machicoulis, des fossés de Caylus, des fenêtres à meneaux, des chemins de ronde, des donjons, des oubliettes, des chauves-souris, des particules et même, ce qui est précieux en période d'accouchement : des murs d'enceinte.
Tandis que je zigzague sur le chemin y conduisant, je vois rappliquer une bagnole à 105 verstes[4], comme disait Raspoutine.
J'use accessoirement d'anciennes mesures pour compenser l'abus des nouvelles. De nos jours, les notions de contrôle chancellent. Nous abordons l'ère de la confusion absolue. J'ai lu une publicité célébrant une voiture britannique ainsi libellée : « Vitesse : 2 litres ». Et, pas plus tard qu'hier, un chanteur-idolâtré demandait à une mini-conne en cucul-jupe si elle avait « écouté » son nouveau 30 centimètres. Ça devient coton de préserver le système métrique, mes drôles, dans un univers où l'on mesure la vitesse en litres et où l'on écoute les centimètres.
L'auto en question est une D.S. grise à toit blanc, les moins glands d'entre vous l'auront déjà deviné, en se basant sur le fait que s'il s'était agi d'une autre bagnole, je ne me serais pas donné la peine d'en parler. Je ralentis, d'abord par prudence, car le conducteur de la Citroën ne lève pas le panard en m'avisant, ensuite par curiosité car je voudrais savoir à quoi il ressemble.
Vzzoum ! La guinde m'a croisé.
J'ai entrevu un pardingue en cachemire beige, un chapeau noir, un visage rouge. Le pilote de la D.S. est seul. Pendant au moins une fraction de seconde, j'hésite à lui filer le train, mais je me dis qu'à-quoi-bon. L'homme déboulant du château, j'apprendrai là-haut qui il est. En outre, l'étroite route est bordée de terres fraîchement labourées et il me faudrait trois minutes pour manœuvrer.
Je continue, sottement réconforté par l'impression que mon enquête avance. Ça me permet de penser à Longuant avec moins d'amertume. Pauvre Gros, va, qui ventait si bien ! Un petit mistral à lui tout seul !
Heureusement, il n'avait pas de famille, m'avait-il dit. C'était un self-made-pet. Orphelin et auvergnat de naissance, il s'était élevé à la force du poignet, en mangeant des châtaignes. De là lui venait son embonpoint et son sirocco de boyasse. Il reverra plus Saint-Flour. C'est notre lot à tous, dirait M'man. Un matin, tu vois le jour se lever, mais un soir tu ne le vois pas se pieuter.
Les gens disent le lendemain : « Vous savez ce qu'est arrivé à Chose ? » Impropriété de termes. Il faut dire : « Vous savez que Chose est arrivé ? ».
Bon, voici l'esplanade of the castle, comme on lit sur ma méthode Assimil. On y lit bien d'autres choses d'ailleurs. Par exemple : (je vous le traduis) — Pouvez-vous me prêter un livre, please ? « Certainement, que répond l'interlocuteur, voulez-vous un roman ou quelque chose de sérieux ? » Charmant pour les romanciers, non ? C'est dur de s'imposer la plume chez les Rosbifs. Déjà on est classé peigne-cul quand on pond un roman, jugez de la déconsidération qu'on vous témoigne lorsque ce roman est policier ! Pour le coup, dans l'ordre des valeurs, vous vous situez entre la poubelle pleine et le papier chiotte utilisé. C'est pourquoi les littérateurs d'action commencent par se prendre un pseudonyme. Et ils se mettent un bas sur la tronche pour aller signer leur contrat d'édition.
Qu'est-ce qu'on se disait ? Ah ! oui : j'arrive sur l'esplanade. Y a des arbres centenaires, comme toujours autour des châteaux. Des cèdres, en principe. Le cèdre, c'est la carpe des végétaux. Et puis c'est stylisable, comme le sapin ou le pin parasol ; voyez comme il fait bien sur le drapeau libanais. Enfin un drapeau qui ressemble à une affiche de voyage !
Moi, j'aimerais que le blanc de notre étendard serve à quelque chose : Le blanc n'est qu'un support après tout, faut l'utiliser ! Je verrais une tour Eiffel dedans, non ? Ou alors une publicité : Deauville, sa plage, son casino ! Ou encore une recette de cuistance puisqu'on est la patrie de la gastronomie et de la gastro-entérite. Comme sur certains torchons de cuisine. La façon de préparer le bœuf-mode, tenez ! Prenez un kilo de carottes, un kilo de viande de bœuf dans la culotte… Je suis bourré d'idées géniales, je vous dis ! Si les cons étaient moins cons, je les déciderais à repeindre le monde.
Plusieurs automobiles sont rangées à proximité du perron. Je laisse la mienne en bout de file et je me mets en quête d'un bipède susceptible d'échanger quelques considérations d'ordre plus ou moins général avec moi. Précisément, à quelques encablures, un jardinier aussi âgé que les cèdres ramasse des feuilles mortes dans un verger. Je l'aborde. Il fait très jardinier-du-château : pantalon de velours, tablier bleu, cache-nez de laine, chapeau à bord rond. On reconnait qu'il est jardinier professionnel à ses sabots, à son râteau et à son dos voûté.
Comme je connais mes classiques sur le bout d'Édouard, je lui adresse un solide :
— Salut, mon brave ! qui ferait chialer la comtesse de Ségur.
Lui, gendemaison jusqu'au bout des ongles, se découvre et garde son bada à la main. Les rares cheveux blancs qui moussent autour de sa calvitie blafarde se mettent à palpiter dans le vent d'automne.
— Savez-vous si le docteur est toujours là ? lui demandé-je.
— Pour sûr, monsieur, répond-il, vu que c'est mon fieu qui est allé le quérir et qu'il ne l'a point encore remmené.
Vous le voyez, mes poules blanches, je nage en pleine comédie de patronage. Le monbrave dont le fieu va quérir le docteur, c'est du terroir de la commode façon début de siècle, non ?
— Il faudrait que je lui parlasse, poursuis-je. Cela urge.
Le collecteur de feuilles mortes se permet une mimique évasive.
— C'est qu'il doit être rudement occupé par l'enfantement de Madame la Vi-Comtesse…
— Rien de nouveau ? appréhendé-je.
— Je pense pas. Eustache n'a pas encore sonné de la trompe !
— C'est-à-dire ? m'interloqué-je.
Le râteleur me jette un regard persan (il adore jouer à shah percé !).
— Dans la famille, à la naissance de chaque enfant, le garde-chasse sonne de la trompe. Il sonne La Diane si c'est une fille, et Le Cerf encorné si c'est un garçon.
— Noble coutume, approuvé-je, ce sont ces belles traditions qui constituent la sauvegarde de la France !
Il essuie deux larmes de ses doigts terreux, ce qui lui met deux taches boueuses sur les joues.
— Pour sûr, dit-il. Et, puisque je vois, à vos questions, que vous n'êtes pas du pays, laissez-moi vous apprendre que les dames de la famille Pranhmois de Bazanhot accouchent toutes dans le pavillon du roi que vous apercevez là-bas !
Le vieux loquace me révèle que le pavillon abrita les amours de François Ier avec une ancêtre des Pranhmois de Bazanhot. Jaloux, le mari de la dame séquestra son épouse ainsi que le royal bâtard né de cette étreinte, dans le pavillon où fut perpétré le glorieux adultère. Depuis, toutes les madames de la famille mettent au monde leur descendance dans le local…
— Bouleversant ! dis-je. J'avais lu un grand reportage sur le sujet dans La Semaine de Suzette, mais je doutais de sa véracité. Ainsi c'est donc vrai : les grandes familles observent encore des rites ancestraux jusque dans l'accouchement. Mais dites-moi, cher monsieur, et restez couvert, cette cérémonie doit rassembler beaucoup de monde, si j'en crois les voitures stationnées ici ?
Il opine.
— Toute la famille se réunit en effet pour assister à l'enfantement.
— J'ai croisé en venant un monsieur qui s'en allait au volant d'une D.S. grise à toit blanc et qui semblait fort pressé.
Le jardinier vieillarde de la paupière :
— Oh ! lui c'est un célèbre accoucheur.
Voilà qui m'intéresse.
Me surprend.
Me trouble.
M'effare.
— Pourquoi est-il parti alors qu'on avait tout besoin de lui ici ?
— Il a, paraît-il, été vexé qu'on fasse appel au médecin du village. Ils ont eu une altercation et le docteur Bérurier l'a chassé de la chambre, d'après ce que m'a raconté Gertrude, la gouvernante.
— Quel est son nom ?
— C'est le professeur Lamonté de l'Aie.
— Il n'est pas arrivé seul ici ?
Le jardinier gondole du regard.
— Comment ça, pas seul ?
— Tout à l'heure, dans le pays, je l'ai vu en compagnie d'une dame !
— Vous m'étonnez.
Inutile d'insister. Le ramasseur de végétaux morts va finir par me trouver un chouïa trop curieux. Je lui lance un retentissant : « Merci, mon brave, trop aimable », qui filerait des vapeurs aux dames du Pen Club, et je flânoche en direction du pavillon du roi. A l'instant où j'y parviens, je vois un vieux fané en tenue de piqueur sortir du bâtiment, un cor de chasse à la main (il vaut mieux avoir un cor à la main qu'un cor au pied). Il embouche son instrument, gonfle ses joues, et se met à sonner Le Cerf encorné. Y a pas à se tromper : la Diane, ça fait : tontaine et tatan, alors que Le Cerf encorné ça fait tontaine et tonton.
Une vague de soulagement me submerge, comme l'écrirait un membre de l'Académie française, s'il arrivait aux académiciens d'écrire.
Ainsi donc, l'enfant est né, malgré l'assistance de Béru. Triomphe de la vie !
J'assiste alors à un spectacle émouvant. Un cortège sort du château et marche sur le pavillon d'accouchement. Le composent : des douairières, des douairiers, des messieurs portant la cravate de commandeur, des messieurs habillés en académiciens (justement moi qu'en causais y a deux secondes !), des mères supérieures, des chevaliers d'industrie lourde, des généraux, des avocats, des avocats généraux, des prélats, des petites filles modèles, des petits garçons en costume marin, des amiraux en enfance, des comtes à rebours, des P.-D.G., des Pédés Q, et toute cette espèce d'humains dont la mission en ce monde est, semble-t-il, de poéter plus haut que son luth.
La valetaille suit : nurses, maîtres d'hôtel, palefreniers, cuisinières, femmes de chambre. La cohorte cerne le pavillon ! On ne me prête pas la moindre attention. On attend que le piqueur ait fini ses sonneries. Quand il débouche enfin, l'assistance applaudit. Les ecclésiastiques récitent un autre paire et un navet Maria pour s'exercer la bénédiction. Le poète alexandrine en affûtant du Victor Hugo. Les généreux généraux prédisent l'enfant saint-cyrien et le passent d'emblée à la casoar. C'est la liesse nobiliaire. La vieille comtesse de Pranhmois de Bazanhot, qu'on a rasée de frais pour la circonstance, se détache (avec du K2 R) du groupe. Sur le seuil, un homme puissant, superbe et généreux, vient d'apparaître.
Il est en bras de chemise. Son chapeau est rejeté en arrière. Sa trogne congestionnée flamboie à la lumière du jour.
— Eh bien, docteur ? lui lance la comtesse, que nous baillez-vous ?
Le terme, mal assimilé par Béru, le fait effectivement bâiller.
— Vous pouvez dévisser peinarde, maâme la comtesse, déclare-t-il, profitant de ce que sa bouche est grande ouverte, c'est pas encore maintenant que vot' lignée se mettra sur la voie de garage. Vous venez de toucher un de ces polissons de huit livres que si j'avais pas passé ma jeunesse à aider mon vieux à tirer des veaux, vous pourriez toujours l'attendre à la sortie des artistes ! Ah ! le salaud, il m'en a donné du fil à retordre ! Mais enfin il est là et bien là : gueulard comme une marchande de poissecaille, avec un bitougnot dont ce général que j'aperçois ici est pas certain d'avoir le pareil ! On m'avait dit que le sang bleu s'étiolait, je m'ai aperçu que c'est du flan, maâme la comtesse, ou bien alors la maman s'est payé un extra avec le maréchal-ferrant du coin !
La société se tait, pétrifiée par la déclaration du médecin. Puis ces nobles gens s'entre-dévisagent et un formidable rire fait tinter les décorations des hommes, les corsets des dames et les instruments de travail des religieux. J'entends fuser des « Impayable ! Pittoresque ! Follement drôle ! A mourir ! »
— Comment va la mère ? s'inquiète la comtesse.
— Prête à remettre le couvert, maâme la comtesse, riposte Béru. C'est de la poulinière surchoix. Avec une pondeuse de ce gabarit dans la famille ; y aura bientôt plus de vicomtes que de cultivateurs dans le patelin.
Une grincheuse en blouse blanche sort du pavillon. Je devine qu'il s'agit de Gertrude, la gouvernante mentionnée ci-dessus par le jardinier. Elle s'approche du groupe dont la formation n'a pas bougé : toujours la douairière par-devant et les ci-devant par-derrière. La dame en blanc chuchote des choses à l'oreille de la comtesse qui s'exclame à travers son dentier :
— Non ! Qu'apprends-je !
Je pressens du grabuge.
— Docteur, s'égosille-t-elle, que me raconte-t-on ! Vous auriez renvoyé et même molesté le professeur Lamonté de l'Aie ?
— Si c'est du mironton qu'est venu me jouer les briseburnes en plein turf que vous causez, comtesse, je l'ai effectivement viré de bord, et y avait de quoi ! Juste comme je commençais de dépoter votre petit brigand, voilà-t-il pas cet ex-cogriffe qui prétendait me remplacer et qui m'esclamait sous le nez à propos de mes méthodes !
— Juste ciel ! mais il s'agit du plus grand accoucheur de France !
— Ça ne l'a pas empêché de prendre mon escarpin dans le baigneur, comtesse, répond le Magistral avec un début d'emphase dans le geste et dans le ton.
Et brusquement, son moteur tournant à 3000 tours, il passe la troisième et s'emballe :
— Enfin quoi, merde, tonne le Décontractuel, je viens de laisser quimper mon vécé[5] de médecin pour délardonner vot' bru. Je suçant-quest-haut pour y arriver, vu que je tombe sur un petit ogre rétif, et le remerciement c'est une engueulade parce que j'ai expédié à dache votre tire-jambon à partie-cul ! J'ai rien du sagouin, comtesse, mais je me demande si le coup de la Bastoche ça n'a pas été pain bénit pour vous autres, les blases à rotule. Avec vot' mentalité, on vous eusse laissé le manche que le S.M.I.G. ça serait encore une poignée de fèves et qu'on vous ramerait la galère ! Si vous voudriez que je vous cause le fond de ma pensée, je suis pas contre ce coup de bistouri à Louis XVI ; il a peut-être décoiffé vot' monarque, mais il a remis les choses en place !
Sur ces nobles paroles (si j'ose user de ce qualificatif pour saluer une aussi démocratique diatribe) le Mastar enfile sa veste qu'il tenait sous le bras et, fendant la foule silencieuse, s'éloigne sur l'esplanade où des feuilles mortes en rupture de râteau se poursuivent comme des chiens fous.
Je le course :
— Ohé ! Mirabeau !
Il se retourne et, m'avisant, s'épanouit.
— Sans charre ! T'étais là, mec ?
— Et fier d'y être, Alexandre-Benoît ! Ce que tu as la parole facile !
Il rabat son bitos en avant.
— J'ai eu raison ou pas, de lui river son clou, à mémère ? Ces gens-là, San-A., ce qui les nuit, c'est leur manque de logique. A l'heure où qu'on se demande par qui on va être atomisé, ils en sont à chicaner sur la bienséance. Et c'te manie de jouer du cor pour annoncer l'arrivée de leur Jésus, dis ? Tu trouves pas que ça manque de simplicité ? Si ça se trouve, le môme que je viens de déballer, il deviendra peut-être bandit de grand chemin, banquier véreux, vermot-sexuel, député ou percepteur !
— A ce propos, comment t'en es-tu sorti ?
— Aussi bien que lui, ricane l'Homme à tout faire de la Rousse. Comme je le bonnissais à la vieille mégère, jadis j'aidais mon vieux à accoucher nos vaches. On opérait souvent la nuit, à la lumière d'une lampe-tempête. Avec une bonne corde en guise de démonte-pneus, mon pote. Alors tu penses qu'une bonne femme, c'est beaucoup plus fastoche qu'une charolaise à délivrer, même quand elle annonce un vicomte.
Nous grimpons dans ma chignole.
— Tu t'es entouré de toutes les conditions d'hygiène, j'espère ? hasardé-je en déhotant.
Le Dodu me coule un œil sévère :
— Pour qui tu me prends : je m'ai lavé les paluches ! Après le boulot, bien sûr. Et comme j'y ai sectionné le pipe-line avec mon couteau suisse, tu peux être sûr qu'on est paré pour ce qu'est de l'hygiène, gars.
Puis, redevenant flic après ces tribulations gynécologiques, il demande :
— Et au sujet de notre affaire, t'as du neuf ?
— Pour ma part, j'ai accouché d'un accoucheur, dis-je.
Je lui relate mes investigations. Le Gros émet les grognements d'usage pour montrer qu'il suit et se passionne.
— Selon toi, le professeur de la comtesse serait mêlé à notre histoire ? demande-t-il.
J'hésite à formuler une réponse.
Lamonté de l'Aie est une sommité médicale, sans doute alliée aux Pranhmois de Bazanhot. Dans le cas présent, lorsque la jeune future mère a donné des signes de proche maternité, on l'a prévenu. Il est arrivé de Paris. Une femme l'accompagnait. Il a fait descendre cette mystérieuse personne encapuchonnée à l'orée du village. La passagère a emprunté le discret chemin qui contourne l'agglomération, et le fameux accoucheur l'a récupérée peu après. Qu'en a-t-il fait ensuite ? Lorsqu'il est arrivé au château il était seul ; seul également en en repartant, durement viré par le docteur Bérurier.
— A quoi ressemble-t-il, ce professeur ? demandé-je, au lieu de répondre à sa question.
— Un grand maigre, rouge de figure et pas sympa, précise le Mahousse. Il est entré dans le pavillon avec des grands airs. « Pâle sang bleu, ma chère, vous auriez pu m'attendre ! » qu'il virgule à la môman dont au sujet de laquelle je m'occupais.
« Moi tu me connais ! Saoul-pot-laid comme point, je lui rétorque : « Vous vous imaginez qu'on vient au monde sur rendez-vous, collègue ? »
« Pour le coup il demande qui je suis, de quel droit je me permets d'accoucher une dame de cette manière et dans cette tenue, où j'ai piqué mes diplômes, et ainsi de suite. Si bien que profitant d'une accalmie, je l'ai viré… »
Je fais la grimace.
Décidément, nous nous enfonçons dans les abîmes.
Un cadavre sur les bras, plus la déclaration de guerre d'un futur membre de l'Institut, c'est raffiné comme torture mentale, vous ne pensez pas ?
Brusquement, je décide que le professeur Lamonté de l'Aie ne saurait être impliqué dans une affaire de meurtre. La chose me paraît évidente à m'en brûler la rétine comme le sabre chauffé à blanc de Michel Strogoff. Si je résume : Longuant a été tué à un moment imprévisible, et le professeur est arrivé au pays également à un moment imprévisible.
Va falloir pourtant se dépatouiller avec les données de ce problo, mes amis.
Sinon ma réputation va bientôt ressembler à une fosse d'aisances.