ÉPILOGUE

J’ai dû vous le faire remarquer quelque part : moi, je suis poète…

Vous ne me feriez jamais manger une tartine de gorgonzola pendant que je raconte à une gonzesse des salades dans le genre de celles que Roméo bonnissait à Juliette pendant que leurs vieux avaient le dos tourné…

Non. Je suis champion pour ce qui est de tenir une souris par le petit doigt en lui chuchotant des trucs qui feraient tomber en digue-digue un fauteuil à roulettes.

Comme la petite Claude vient de me demander ce qui s’est passé, je lui dis :

— Un mauvais rêve, mon ange, ça s’oublie lorsque le coq chante…

Et j’imite à la perfection le chant du coq. Une poule s’y tromperait et commencerait à s’ébouriffer en m’entendant.

Elle éclate de rire, puis elle fait la grimace, car elle n’est pas encore en état de se fendre le parapluie.

Une petite infirmière entrouvre la porte.

— Monsieur le commissaire San-Antonio, murmure-t-elle.

— C’est lui ! crié-je.

— Au téléphone !

— Allons bon !

Je lâche le petit doigt de Claude.

— A tout de suite, mon petit canard…

Je descends au bureau de l’hosto.

Bien entendu, c’est le chef.

— Comment savez-vous que je suis ici ? je lui demande.

— Croyez-vous que je serais assis dans le fauteuil que j’occupe si je n’étais pas capable de trouver mes collaborateurs ?…

Il enchaîne après une toux savante :

— Qu’est-ce qu’on fait pour Nez-Creux ?

Je rigole.

— Je l’avais oublié, celui-là. Faites-le relâcher et veillez à ce qu’on lui fasse une fleur.

— Quoi, par exemple ?

— Vous avez toujours les cents sacs que m’avait remis Angelino ?

— Vous m’aviez dit de les remettre aux œuvres…

— Hum, nous penserons aux œuvres une autre fois. Donnez-les à Nez-Creux, on lui doit bien ça, non ?

— Si…

Il tousse encore.

— A propos, fait-il, je reviens du ministère des Affaires…

— Ah ?

— Oui… Ce n’est pas le buste de Montesquieu qui se trouve dans le grand salon, mais celui de Talleyrand…

— Le gland ! fais-je. Dire que si l’huissier auquel j’avais posé la question avait répondu juste…

— Vous ne seriez plus là, achève le boss. N’oubliez pas que c’est votre fausse piste qui vous a sauvé la vie…

— C’est vrai…

« Vous n’avez pas besoin de moi, ces jours, patron ? »

— Non, pourquoi ?

— J’aimerais régler une affaire de famille…

— C’est ça, dit le boss, et embrassez-la bien pour moi.

FIN

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