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La tête prise dans l’étau de ses mains, assis sur le rebord du canapé, Christopher ne bougeait plus. Il avait tout juste eu la force de raconter à Sarah le drame qui venait de se dérouler chez ses parents. Et puis il s’était tu et n’avait plus bougé.

Sarah l’observait en silence. Elle n’avait pas besoin de lui demander pour savoir qu’il revoyait le dernier regard de sa mère avant d’être exécutée, qu’il entendait encore les cris de Simon emmené de force et que, par-dessus tout, il crevait de douleur de n’avoir rien pu faire pour éviter tout ça.

Elle s’assit à ses côtés et posa sa main sur la sienne. Il la serra fort. Il lui faisait même mal, mais elle prit sur elle, ne bougeant pas, lui offrant une prise ferme et confiante. Lui qui avait bouleversé sa vie pour élever un petit garçon qui n’était pas le sien. Lui qui lui avait accordé sa confiance. Lui qui aujourd’hui avait besoin d’elle plus que n’importe qui au monde.

Christopher relâcha sa prise.

— On a soixante et onze heures devant nous, dit-elle.

Christopher la regarda, circonspect.

— On ?

Elle se contenta d’un petit hochement de tête.

— Maintenant, écoute-moi. Si tu veux sauver Simon, il va falloir que tu oublies tout ce que tu as vu et entendu aujourd’hui. Il a besoin de toute ton intelligence et de toute ta volonté.

Christopher se pinça les lèvres. Il se sentait si faible, si inutile.

Sarah s’attarda sur sa blessure au front qui s’était remise à saigner.

— Où est-ce que tes parents rangeaient leurs médicaments ?

— Là-haut, dans la salle de bains.

Sarah redescendit une minute plus tard et nettoya sa plaie avec doigté.

— Je sais pas quoi faire… balbutia Christopher. Comment Lazar veut-il que je découvre ce qu’il n’a pas trouvé en vingt ans ? C’est impossible ! Impossible ! Mon père cachait toutes ses recherches dans sa cabane qui a brûlé. Et je ne sais pas où est cette foutue île !

— De quelle île tu parles ?

Christopher réalisa qu’il avait omis des détails dans son récit.

— Mon père a parlé à quelqu’un au téléphone avant que j’arrive dans sa cachette. Il disait que le reste des documents se trouvait sur l’île où avaient eu lieu les expériences et qu’il fallait les récupérer… ou les détruire. Mais quelle île ? J’en sais rien !

Christopher écrasa son poing de colère sur le parquet. Sans broncher, Sarah acheva de soigner sa blessure. Après tout, elle préférait le voir en colère qu’asthénique.

— Garde le coton sur toi pour le moment. On ne laisse aucune trace ici, dit-elle en se relevant.

— Pourquoi ? On va où ?

— Ton père a prévenu quelqu’un de ce qu’il se passait et c’était certainement pas pour lui conseiller de nous laisser tranquilles. Et je te parle même pas de la police qui va arriver pour enquêter sur l’incendie de la cabane. On va vite avoir de gros soucis. Faut pas rester ici. On va à l’hôtel et on réfléchira sur place à tête reposée.

Christopher accepta l’aide de Sarah pour se relever.

— Tu as tout ce qu’il te faut ? demanda-t-elle. Tes papiers, de l’argent ? Je ne sais pas jusqu’où tout ça va nous mener…

Christopher hocha la tête.

— Alors, on y va.

Juste avant de franchir le seuil de la maison, Christopher se retourna et embrassa le salon du regard. Dans sa tête se mêlèrent une multitude de souvenirs. Il revit sa mère affublée de son éternel tablier, contente de servir un bon plat, son frère et lui, enfants, jouant ensemble aux petites voitures sur le parquet, et plus tard, Simon ouvrant ses cadeaux de Noël au pied du sapin auprès de sa mère et de son père, sous le regard bienveillant de Marguerite, si heureuse de voir sa famille ainsi rassemblée.

— Christopher, dit Sarah.

Il lui fit comprendre d’un battement de cils qu’il avait entendu et referma la porte sur ses derniers souvenirs.

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