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Lorsque Malberg arriva chez Barbieri, il fut surpris de constater que celui-ci avait de la visite.

Caterina était là, avec son corsage blanc et sa jupe particulièrement courte. Elle n'avait pas attaché ses cheveux, qui lui tombaient sur les épaules, et elle s'était juste mis une touche de rouge sur les lèvres, comme le jour de leur deuxième rencontre au Colline Emiliane sur la Via degli Avignonesi. C'était dans cette tenue qu'elle lui avait déjà fait tourner la tête.

- Ce n'est pas ce que tu crois, lui dit Barbieri pour répondre à ses regards noirs. Elle attendait devant ma porte lorsque je suis rentré.

- C'est bon, je ne vous dérange pas, grogna Lukas qui se retourna aussitôt pour partir.

Mais avant qu'il n'arrive à la porte, Caterina l'avait rattrapé et lui barrait le chemin.

- Ce que tu peux être têtu ! dit-elle en passant ses bras autour de son cou et en glissant une jambe entre ses cuisses. Comment pourrais-je te convaincre que j'ai été moi-même dupée par Paolo ?

Malberg sentait la chaleur de son corps et l'odeur du parfum que dégageaient ses cheveux. Il eut envie de l'attirer contre lui, mais il était encore trop méfiant. Il avait tant besoin, pourtant, de quelqu'un en qui avoir confiance. Il remarqua le désir dans les yeux de Caterina. Mon Dieu, pensa-t-il, s'il existe au monde une femme qui peut me faire oublier mes soucis, c'est bien Caterina. Il fallait qu'il parvienne à oublier Marlène.

Il adopta une attitude distante et détourna le regard tout en essayant de se dégager des bras de Caterina. Le doute s'insinuait pour la première fois dans son esprit : avait-il été injuste envers la jeune femme ?

- Écoute donc au moins ce que Caterina a à te dire ! lança Barbieri du fond de la pièce.

Sans grand enthousiasme, Lukas s'assit en face de Barbieri à la table de la cuisine. Caterina lui tendit un morceau de papier avec une adresse dans le Lungotevere Marzio, un quartier plutôt recherché entre le Ponte Cavour et le Ponte Umberto, sur la rive gauche du Tibre.

- C'est quoi ? demanda Malberg en feignant de garder son calme.

- La nouvelle adresse de la signora Fellini, répondit Caterina. De la part de Paolo, ajouta-t-elle timidement. Il a dit qu'il regrettait ce qu'il avait fait. Il veut réparer ses sottises. Il veut sincèrement t'aider !

- C'est ce qu'il a déjà prétendu une fois, remarqua Lukas avec colère.

- Je sais. Entre-temps, il m'a raconté comment les choses s'étaient passées. À la suite de notre incursion dans l'appartement de Marlène, Paolo a appris par une voisine de la signora Fellini - la voisine en question habite deux immeubles plus loin - qu'un inconnu avait proposé à ladite signora beaucoup d'argent en échange de son silence. La signora avait vu dans la maison de la Via Gora certaines choses dont elle ne devait pas parler. La somme proposée devait être conséquente, car elle lui a permis de s'installer sans tarder dans le plus beau quartier de la ville. Du jour au lendemain, la concierge a donc radicalement changé de style de vie. Je ne sais pas comment Paolo a réussi à dénicher la nouvelle adresse de la signora. Mais, au cours de ses recherches, il a découvert une suite d'indices qui l'ont conduit tout droit au Vatican. Maintenant, Paolo sait des choses qu'il n'aurait jamais dû savoir. Compte tenu de l'importance de ces choses, il a voulu en tirer profit et a cherché à imposer ses conditions. En retour, on a tenté d'acheter son silence avec une somme ridicule. La signora Fellini a été chargée de lui remettre l'argent. C'est cette scène, et leur altercation, que nous avons observées.

Malberg gardait le silence.

- Et où se trouve Paolo maintenant ? s'enquit Barbieri.

- Je ne sais pas, répondit Caterina. Il m'a tout raconté au téléphone. Il avait l'impression d'être suivi. Il valait mieux qu'il disparaisse provisoirement de la circulation. Lukas ! Paolo veut absolument te parler. Je sais que ce n'est pas facile pour toi, mais il faut que tu lui pardonnes !

Les paroles de Caterina mirent Malberg dans une rage folle.

- Mais bien sûr ! Le délicieux petit frère en a de bonnes, c'est tellement simple : « Excuse-moi, je ne recommencerai plus. » Merci, mais je me débrouille très bien tout seul. Je peux me passer de l'aide d'un petit délinquant véreux.

Malberg froissa le bout de papier qu'il lança avec mépris dans un coin de la pièce.

Il avait les nerfs à vif. L'horrible visage de Gueule-brûlée surgit soudain devant lui. Cela commençait à faire trop.

- Tu es fou ou quoi ? s'énerva Barbieri en ramassant la boule de papier. Paolo est peut-être en mesure de nous aider ! Où peut-on le joindre ? demanda-t-il en se tournant vers Caterina.

Elle secoua la tête :

- Il n'a même pas fait une allusion à l'endroit où il se trouve actuellement. Je crois qu'il avait peur. Mais il a dit qu'il m'appellerait dans les prochains jours.

Giacopo eut un regard réprobateur pour Malberg.

- Si tu refuses de parler avec Paolo, c'est moi qui le ferai.

- Je ne peux pas t'en empêcher, répliqua Malberg.

Il se leva et remit la chaise à sa place en la poussant sous la table, comme il l'aurait fait dans un bistro.

- N'oublie pas le plus important : emporte avec toi une bonne somme, car, sans argent, pas de Paolo. Et maintenant, vous m'excuserez, j'ai besoin de m'aérer.

Une fois dans la rue, il respira à pleins poumons l'air frais de la nuit. Il avait froid ; il remonta le col de sa veste et déambula, sans but précis, les mains dans les poches, dans la Via Caio Cestio.

Puis il prit la direction de la Porta San Paolo qui ressortait dans la lumière blafarde des projecteurs.

Dans un bar au coin de la rue, il commanda une grappa qu'il but d'un trait. Il se sentait mal dans sa peau. Il regrettait le ton qu'il avait adopté pour parler à Caterina. Il ne croyait plus que la jeune femme avait été au courant des combines de son frère, mais il était trop fier pour l'admettre.

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