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- Où allez-vous ? demanda le chauffeur de taxi.

- Au château de Layenfels, répondit Malberg en laissant tomber son gros sac de voyage sur la banquette arrière avant de s'asseoir à côté du chauffeur.

Méfiant, l'homme dévisagea son passager avant de dire, en dialecte rhénan :

- Je ne peux vous conduire que jusqu'à l'embranchement de la route qui y mène. À cet endroit, je dois faire demi-tour. Vous serez obligé de faire le reste du trajet à pied.

- Pourquoi donc ? demanda Malberg avec agacement.

Il n'était pas de très bonne humeur. Le voyage en train avait été long ; il avait dû prendre deux correspondances. Et, pour couronner le tout, un vent glacial soufflait sur la place de la gare de Lorch.

- C'est la première fois que vous allez au château de Layenfels ? demanda le chauffeur prudemment.

- Non, pourquoi ?

L'homme renifla bruyamment.

- Remarquez, cela ne me regarde pas. Mais sachez qu'on ne peut pas y entrer. La confrérie s'est complètement coupée du reste du monde. Personne ne peut franchir le porche, surtout pas un taxi. De plus, le dernier tronçon du chemin de terre qui y conduit passe dans une gorge où il est impossible de manœuvrer. Impossible de rebrousser chemin, vous comprenez maintenant pourquoi je suis obligé de vous laisser à l'embranchement ?

- C'est bon, grogna Malberg, allons-y, vous me déposerez le plus près possible.

- Vos désirs sont des ordres, répondit le chauffeur de taxi dans un élan presque amical avant d'élever la main comme pour faire un salut militaire.

- Vous connaissez un membre de la confrérie ? demanda Malberg tandis que le taxi poussif gravissait la côte.

- Dieu m'en garde ! On ne sait rien de ces gens, mais ceux qui ont rencontré l'un ou l'autre membre de la confrérie prétendent qu'ils sont comme vous et moi, tout à fait normaux.

- Selon vous, quelles têtes devraient-ils donc avoir ?

- Je ne sais pas, moi, des têtes de génies, grosses comme ça. Mais les gens, ça cause beaucoup.

- Tiens donc ! Et de quoi ?

- Le bruit court par exemple que les gens de là-haut sont assis sur un énorme tas d'or. Ou bien qu'ils font des recherches sur des choses condamnables. Ou bien qu'ils tuent quiconque met le pied sur leur territoire sans y avoir été convié.

- Et vous croyez à ce que l'on raconte ?

- Depuis qu'ils sont ici, il y a eu une série de morts mystérieuses, dit le chauffeur de taxi en haussant les épaules. La dernière remonte à quelques jours : un monsignor venu de Rome a brûlé dans sa voiture. Cependant, comme on peut s'y attendre, la vérité ne sortira jamais.

Malberg aurait aimé poursuivre la conversation, mais le chauffeur immobilisa son véhicule sur le chemin de terre, baissa sa vitre et tendit le bras dehors, en direction de l'épais sous-bois qui bordait l'étroite chaussée :

- Vous n'avez qu'à suivre le chemin. Il aboutit au porche d'entrée. Vous ne pouvez pas vous tromper. Bonne chance !

Les propos du chauffeur de taxi n'avaient rien de bien rassurant.

Malberg descendit du véhicule, prit son sac de voyage dans lequel il avait mis le strict nécessaire, ainsi que quelques livres qui pourraient lui être utiles. Puis il tendit un billet au chauffeur, qui hocha la tête avant de repartir dans la direction opposée.

Malberg se retrouva tout à coup dans une atmosphère inquiétante. Les arbres bruissaient dans le vent d'automne ; une odeur d'humus trempé montait de la forêt. Les profonds sillons que les dernières pluies avaient creusés dans le chemin de terre ne facilitaient pas l'ascension.

Les pas de Malberg résonnaient sur le sol. Au fur et à mesure qu'il gravissait la pente, le bouquiniste se demandait s'il n'aurait pas mieux fait d'écouter Caterina et de rendre son argent à Anicet. Il n'avait aucune idée de ce qui l'attendait. Serait-il seulement en mesure de déchiffrer le mystérieux livre de Gregor Mendel ? S'il ne s'était agi que du livre, il aurait sûrement tourné les talons.

Mais un obscur pressentiment le poussait à poursuivre sa route. Il n'arrivait pas à comprendre pourquoi il se fiait plus à ce sentiment indéfinissable qu'à la réalité des faits. Tout ce que Caterina avait appris de la bouche de la signora Fellini recoupait parfaitement les résultats de ses propres investigations. Tout prenait un sens.

Absorbé dans ses pensées, Malberg atteignit sa destination plus rapidement qu'il ne l'avait pensé. L'imposante forteresse se dressa soudain devant lui au détour du chemin bordé de buissons et de branchages squelettiques.

Pour l'avoir vu sur la photo du magazine, il connaissait le grand porche en ogive du château fort, avec sa grille en fer.

La main en visière au-dessus des yeux, Malberg chercha en vain le blason où devait figurer la croix runique. Il scruta la façade qui surplombait le porche. D'abord, il ne vit rien.

Ce n'est qu'au bout d'un long moment d'observation qu'il eut l'impression que la croix apparaissait peu à peu sur la muraille pour disparaître de nouveau l'instant suivant, comme une apparition fantomatique.

La tête renversée en arrière, Malberg suivait des yeux cet étrange spectacle. Il finit par comprendre le phénomène : la lumière ne cessait de changer au gré des gros nuages qui parcouraient le ciel. Les ombres s'évanouissaient aussi vite qu'elles étaient venues. Le relief de la pierre ne ressortait que par intermittence.

Les remparts s'élevaient à une quinzaine, peut-être même une vingtaine de mètres au-dessus du chemin. En voyant la grille hérissée de pointes de fer, il eut l'impression que c'était la gueule d'un monstre avide, prêt à dévorer le premier intrus venu.

Lukas se figea en apercevant le visage rougeaud d'un garde qui semblait l'observer depuis une fenêtre de la tour.

- Ohé ! cria Malberg en lui faisant signe. Le rougeaud disparut pour réapparaître quelques secondes plus tard derrière la grille.

- Qui êtes-vous ? Que voulez-vous ? lui demanda-t-il d'un ton sec.

- Je m'appelle ...

Malberg faillit se trahir, mais, au dernier moment, il se souvint qu'il avait donné un faux nom à Anicet, et poursuivit :

- Je m'appelle Andreas Walter, et je voudrais voir Anicet.

- Donnez-moi le code.

- « Apocalypse 20,7 ».

Le gardien disparut sans un mot dans l'étroite porte qui menait au poste de garde et, quelques instants plus tard, la grille remontait en grinçant.

Le gardien peu bavard apparut une nouvelle fois. Il tendit le bras vers le château.

- On vous attend.

Puis il disparut.

Malberg ne se sentait pas du tout à sa place dans cette étrange forteresse. Combien de temps pourrait-il tenir le coup dans ce lieu étrange ?

La cour en forme de trapèze était entourée de bâtiments hauts de cinq à six étages.

Levant les yeux, il découvrit des caméras, des projecteurs, des détecteurs de mouvements et des haut-parleurs de sirènes. Ici la méfiance était de mise. La majeure partie du dispositif était dans un état tellement piteux qu'il était permis de douter de son efficacité.

- Vous êtes le cryptologue Andreas Walter ?

Un homme d'allure avenante, entre deux âges, venait de surgir sans bruit à côté de lui, comme s'il était sorti tout droit du sol ; il lui tendit la main :

- Je m'appelle Ulf Gruna.

- Cryptologue n'est pas le mot qui convient, remarqua Malberg. Je suis spécialisé dans les livres et les documents anciens.

- Alors, vous êtes exactement l'homme que nous recherchons. Je suis hématologue et je participe au projet « Apocalypse ». Si vous le permettez, je vais vous montrer votre cellule.

Cellule ? Cela fleure la prison, pensa Malberg, ou le couvent dans lequel les moines occupent leurs tristes journées en se consacrant à la prière et au travail, ora et labora.

- Vous avez bien dit hématologue ?

- Oui, cela vous étonne ?

- Pour être franc, oui !

Gruna réprima un sourire, comme s'il était content d'avoir réussi à surprendre son interlocuteur.

- Venez, dit-il, indiquant le chemin à Malberg.

À l'instant où l'homme élevait le bras, Malberg put apercevoir le tee-shirt noir qu'il portait sous sa veste. Ce ne fut cependant pas ce tee-shirt qui retint l'attention de Malberg, mais la chaîne suspendue à son cou : une chaîne semblable à celle qu'il avait trouvée dans l'appartement de Marlène, avec un médaillon ovale identique.

Malberg fut soudain pris de vertige. Il prit une profonde inspiration, sans parvenir à emplir ses poumons d'air. Il devait veiller à ce que Gruna ne remarque pas la peur qui venait de s'emparer de lui. Gruna ne devait pas lui poser de questions embarrassantes. Il finit par se ressaisir.

Les deux hommes empruntèrent un petit escalier en colimaçon, taillé à même la pierre, pour atteindre le deuxième étage. Il y avait de quoi avoir le tournis. Avant de monter la dernière marche, Gruna se retourna vers Malberg, en contrebas derrière lui.

- Je devine les questions qui vous démangent, dit-il en chuchotant. Vous aimeriez savoir ce qui se cache derrière le projet « Apocalypse ». Je vais vous décevoir, car personne ici ne connaît la réponse. Moi non plus, d'ailleurs. Nous sommes tous des spécialistes dans nos disciplines respectives, et la plupart d'entre nous sont même des sommités, mais en définitive nous ne faisons qu'apporter notre contribution à un projet.

Malberg fronça les sourcils. Difficile de savoir à quoi s'en tenir sur ce Gruna. Pourquoi lui racontait-il tout cela ? Pour l'intimider ? Mais, grand Dieu, que pouvait bien faire un hématologue dans le château de Layenfels ?

Devant la mine perplexe de Malberg, Gruna poursuivit :

- Ne vous étonnez pas si je vous ai entraîné jusqu'ici pour m'entretenir avec vous. Cet escalier est le seul endroit de toutes ces vieilles murailles qui ne soit pas équipé d'un dispositif d'écoute. Les conversations privées ne sont pas souhaitées à Layenfels, j'irais même jusqu'à dire qu'elles sont interdites.

- Sur écoute ? Mais qui écoute ?

- Anicet. Comment vous a-t-il donc déniché ?

- Par hasard, répondit Malberg. Nous étions assis l'un à côté de l'autre lors de la vente aux enchères où il a acheté le livre de Mendel. Nous avons discuté. Très vite, Anicet m'a fait une offre. Au fait, où est-il ?

- Comme beaucoup de membres de notre confrérie, Anicet est un noctambule. Vous ne le verrez que rarement de jour. Il m'a demandé de vous accueillir et de vous montrer votre cellule. Suivez-moi !

Malberg trouva le procédé étrange et déroutant.

L'atmosphère à l'intérieur de la forteresse était pesante, moins à cause de la tristesse des lieux et de l'allure sinistre des murailles qu'à cause du vide et du silence qui étouffaient toute gaîté.

- Anicet est-il aussi mystérieux qu'on peut le croire en le voyant ? demanda Malberg en suivant Gruna dans un long corridor.

Au bout d'une vingtaine de mètres, ils obliquèrent à gauche. Son guide se retourna alors, un doigt posé sur les lèvres. Les portes s'alignaient le long du couloir qui, par son étroitesse, avait un côté oppressant.

À la place de la numérotation habituelle des cellules dans les couvents, d'étranges petits êtres fabuleux et des reptiles étaient peints sur les chambranles. Ils étaient passés devant au moins trente cellules lorsque Gruna s'immobilisa enfin devant le dessin d'une jolie salamandre ; il ouvrit la porte.

La première impression fut moins décevante que ne l'avait craint Malberg. La pièce d'environ dix-huit mètres carrés ressemblait plus à une chambre d'étudiant qu'à une véritable cellule de moine.

Le mobilier se limitait à un placard et un lit pliant auxquels s'ajoutaient un canapé biplace, un fauteuil confortable, un bureau et une chaise en tube chromé. Il y avait même un téléphone.

Gruna s'approcha du lavabo qui se trouvait à droite de la porte d'entrée et fit couler l'eau abondamment.

- C'est le seul moyen d'échapper aux écoutes ! murmura-t- il.

Il désigna du doigt le plafond, équipé de petites pastilles luisantes dont la fonction ne faisait aucun doute.

- Pourquoi faites-vous cela pour moi ? demanda Malberg qui se surprit à chuchoter lui aussi. Je veux dire : vous ne me connaissez pas !

Fatigué de son voyage, il posa son sac sur le canapé.

L'hématologue leva les deux mains.

- Je veux seulement vous empêcher de faire des bêtises. Si vous comptez survivre ici, il serait préférable pour vous que vous vous comportiez exactement comme on s'attend à ce que vous le fassiez. C'est la seule façon de s'en sortir sans subir de pressions psychiques. Et pour ce qui est de ma motivation, il se peut que vous nous soyez plus utile que nous ne vous le serons. Vous comprenez ?

Malberg ne comprenait rien.

- Vous ne pourriez pas vous exprimer un peu plus clairement ? demanda-t-il, assez perplexe.

- Chaque chose en son temps, répondit Gruna avec un sourire hésitant. Puis il ferma le robinet et se retira.

La nuit tombait lorsqu'Anicet apparut dans la chambre de Malberg, qui se refusait à employer le mot « cellule », même dans sa tête. L'homme entra dans la pièce sans frapper.

Il salua froidement. Malberg était stupéfait.

- Au château de Layenfels, lui expliqua Anicet, il n'y a ni serrures et ni clés. Toutes les pièces sont ouvertes. Vous l'avez sans doute déjà remarqué. Il n'est pas non plus dans nos usages de frapper avant d'entrer. C'est une habitude dépassée, uniquement bonne à faire perdre du temps.

Malberg n'eut pas le temps d'exprimer son point de vue, ni même de répondre, car Anicet l'invita à le suivre jusqu'aux archives situées dans l'aile opposée.

- Vous devriez mémoriser exactement le chemin que nous empruntons, remarqua-t-il pendant qu'ils gravissaient un autre escalier, au sommet duquel ils bifurquèrent vers un autre couloir.

- De plus, ne soyez pas surpris par le désordre apparent des archives. Il s'agit en réalité d'un désordre créatif. Chaque membre de notre confrérie dépose ses dossiers, ses livres et ses documents à une place précise qui lui a été attribuée. Seuls les ouvrages de référence et les dictionnaires se trouvent dans une salle spéciale à disposition de la communauté.

Un système bizarre pour des archives, pensa Malberg.

Mais, à l'intérieur de ces murailles, presque tout était bizarre. Malberg avait depuis un bon moment cessé d'essayer de mémoriser le chemin qui menait aux archives, lorsqu'ils débouchèrent au sixième étage dans une pièce blanchie à la chaux et en forme d'hémicycle tronqué. On y accédait par une porte en ogive. L'entrée se trouvait exactement au centre du demi-cercle. Deux autres portes s'ouvraient chacune à l'extrémité de l'abside sur une enfilade d'autres pièces.

Cela sentait la poussière et une odeur indescriptible de vieux livres. Malberg jeta un bref regard dans la première pièce, ce qui lui suffit pour constater que la plupart des volumes étaient bien plus anciens que la forteresse dans son état actuel. Ces murs abritaient de très précieux ouvrages.

- Voilà donc votre bureau, remarqua Anicet, qui pivota sur lui-même en élevant les bras.

La pièce était meublée en tout et pour tout d'une table longue et étroite, telle qu'on en trouve dans les réfectoires des couvents du Moyen Âge, et d'un fauteuil aux accoudoirs sculptés.

Des néons palliaient l'insuffisance de la lumière qui pénétrait par une petite fenêtre. Cet éclairage éblouissant ne s'accordait pas vraiment au style de la pièce, mais avait le mérite d'être efficace.

- Et où se trouve le livre de Mendel ? demanda Malberg qui s'impatientait.

Anicet fronça les sourcils et disparut par la porte de droite. Il revint en tenant serré dans ses mains, comme s'il portait un trésor, le livre d'aspect plutôt anodin.

Il le déposa avec précaution sur la table.

Malberg s'assit et l'ouvrit à la première page, sur laquelle figurait le titre. En tant que spécialiste des livres anciens, il abordait chaque livre qu'il examinait avec respect et enthousiasme. Mais ce livre était tout à fait particulier. Avant de venir, il avait pris le temps de consulter des ouvrages récents de cryptologie.

Gregorius Mendel

Peccatum octavum

Ces quelques mots en latin qui figuraient sur la page de garde étaient les seuls du livre qui soient compréhensibles. La page suivante, sans doute le prologue, était rédigée dans un sabir inintelligible.

- Permettez-moi de vous poser une question, dit Malberg en se tournant vers Anicet. Qu'attendez-vous du décryptage de ce mystérieux ouvrage ?

Anicet tripotait nerveusement les boutons de sa redingote. Malberg le remarqua, non sans une certaine satisfaction. Même s'il ne l'avait pas cherché, il avait de toute évidence réussi à déstabiliser cet homme si sûr de lui et si arrogant.

- Vous le comprendrez en temps utile, finit par répondre Anicet, avant d'ajouter, presque avec humilité : Je vous demande de faire preuve de compréhension. Si vous parvenez à décrypter le texte de Mendel, vous saurez de toute manière de quoi il retourne. Si vous deviez échouer, cela n'aurait de conséquences fâcheuses ni pour vous ni pour la confrérie. Quand comptez-vous commencer votre travail ?

- Dès demain matin.

- Alors, bonne chance !

Et il disparut avant même que Malberg ait pu lui demander comment regagner sa chambre. Il avait encore en mémoire les trois derniers couloirs et les deux escaliers. Puis il s'égara, incapable tout à coup de se souvenir s'il était passé par tel endroit ou par un autre. Lorsqu'il se retrouva une fois de plus à son point de départ, il décida de prendre la direction opposée et de tourner, à la prochaine intersection, non pas à droite, mais à gauche.

Un homme très grand qu'il croisa se contenta de le saluer d'un signe de tête, sans le regarder.

Il semblait plongé dans ses pensées. Malberg n'osa pas lui adresser la parole.

Lukas réussit finalement, sans trop savoir comment, à retrouver sa chambre avec la salamandre. Lorsqu'il ouvrit la porte, il sursauta : Gruna était confortablement installé dans le canapé.

- J'ai oublié de mentionner, dit-il avec la plus grande assurance, que vous devez commander vos repas dans votre chambre. Il est mal vu ici de parler à table. Composez tout simplement le 9, vous aurez le chef de la cuisine qui vous dira ce qu'il peut vous proposer.

- Merci, mais je n'ai pas faim, répondit Malberg.

Ce n'était qu'à moitié vrai, mais il tombait de fatigue et n'avait envie que d'une seule chose : qu'on le laisse tranquille.

- Par ailleurs... poursuivit Gruna en se dirigeant vers le lavabo pour faire couler de l'eau comme si c'était la chose la plus naturelle qui soit.

- Oui ?

- Le château de Layenfels est le siège de la confrérie des Fideles Fidei Flagrantes...

- Je sais !

- Mais je suppose que vous ne savez que peu de chose sur les objectifs poursuivis par la confrérie. Tout ce qu'on a pu lire à ce jour dans les journaux relève de la pure invention. Et, comme la confrérie s'est donné pour principe de ne démentir aucune de ces affabulations, les histoires les plus absurdes circulent. Aucune de ces légendes ne comporte la moindre once de vérité.

- Alors, expliquez-moi ! répondit Malberg à contrecœur.

Où ce Gruna voulait-il donc en venir ? L'hématologue secoua la tête.

- Pas aujourd'hui et pas ici. Je veux seulement vous mettre en garde. Il est possible que vous ayez mis le doigt dans un engrenage dangereux. Si vous parveniez à déchiffrer le texte, vous seriez bien inspiré de garder pour vous votre secret.

« Pourquoi ? » voulut demander Lukas Malberg. Mais il n'en eut pas le temps, car Gruna se leva pour refermer le robinet et quitta la cellule, sans ajouter un seul mot.

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