— C’est tellement aimable à vous de m’avoir invitée à prendre le thé ! trémola miss Marple à l’intention d’Emma Crackenthorpe.
Enveloppée dans ses châles vaporeux, symphonie de rose et de gris, miss Marple offrait plus que jamais l’image d’une adorable vieille personne. Rayonnant apparemment du plaisir d’être là, elle dardait tour à tour le regard de ses yeux d’un bleu de porcelaine sur Harold Crackenthorpe dans son complet sombre de bonne coupe, sur Alfred qui lui proposait des sandwiches avec son sourire le plus charmeur et sur Cedric, debout près de la cheminée dans sa veste de tweed rapiécée et qui boudait ostensiblement le reste de la famille.
— C’est nous, au contraire, qui sommes tous ravis que vous ayez pu venir ! protesta Emma, en veine d’amabilités.
Rien ne permettait de soupçonner la scène qui s’était déroulée le jour même, sitôt après le déjeuner, quand Emma s’était exclamée :
— Seigneur ! Pour un peu, j’oubliais ! J’ai dit à miss Eyelesbarrow qu’elle pouvait inviter sa vieille tante à prendre le thé aujourd’hui avec nous.
— Décommande-la, avait décrété sèchement Harold. Nous avons encore un tas de choses à discuter. Pas d’étrangers ici !
Alfred n’était pas demeuré en reste :
— Expédie-la donc prendre le thé à la cuisine ou Dieu sait où avec sa nièce !
— Oh ! non, non, je ne peux pas faire ça ! avait gémi Emma. Ce serait de la dernière grossièreté.
— Bah ! il n’y a qu’à la laisser venir, avait à son tour grommelé Cedric. Nous arriverons peut-être à la sonder un peu à propos de sa merveilleuse Lucy. J’avoue que je ne détesterais pas en savoir un peu plus sur cette fille. Je ne lui fais qu’à moitié confiance. Elle m’a tout l’air un peu trop futée pour être honnête.
Harold avait déjà son opinion sur la question :
— Elle a d’excellentes relations dans les meilleurs milieux, et une réputation sans tache. J’ai fait prendre des renseignements sur son compte. S’agissant d’une fille assez curieuse pour aller découvrir un cadavre dans un sarcophage, il fallait bien en avoir le cœur net.
— Si seulement nous savions qui était cette satanée bonne femme venue se faire zigouiller là ! avait fulminé Alfred.
Harold ne cherchait pas à dissimuler son mécontentement :
— C’est à se demander, Emma, si tu n’as pas perdu la tête : aller trouver la police et leur dire que la victime était peut-être la dulcinée française d’Edmund ! À partir de là, ils vont forcément penser que cette Martine est effectivement venue ici, et que c’est l’un d’entre nous qui l’a assassinée !
— Mais, non, Harold. Tu exagères !
— Harold a parfaitement raison, était intervenu Alfred. Je me demande ce qui t’a pris. Je ne peux plus faire un pas sans avoir l’impression qu’on me surveille.
— J’ai essayé de l’en dissuader, avait marmonné Cedric. Mais Quimper l’y a poussée.
— En voilà encore un qui se mêle un peu trop de ce qui ne le regarde pas, avait pesté Harold. Il ferait beaucoup mieux de s’occuper de ses malades !
— Oh ! je vous en prie, calmez-vous, les avait conjurés Emma. Je suis très contente que cette miss Je-ne-sais-plus-trop-quoi vienne pour le thé. Cela nous fera du bien à tous de voir une nouvelle tête. Et ça nous empêchera de ressasser cette histoire à n’en plus finir. Je vais faire un brin de toilette.
Et elle avait quitté la pièce.
— Cette Lucy Eyelesbarrow… avait aussitôt repris Harold. Cedric a raison de trouver bizarre qu’elle soit allée fureter dans la Grange Longue et ouvrir ce sarcophage — ce qui suppose d’ailleurs une force herculéenne. Nous devrions peut-être prendre des mesures. J’ai trouvé son attitude passablement hostile, au déjeuner.
— Laissez-moi m’en occuper, s’était proposé Alfred. Si elle mijote un coup fourré, je ne serai pas long à le savoir.
— Enfin, pourquoi avoir ouvert ce sarcophage ?
— Lucy Eyelesbarrow n’est peut-être pas Lucy Eyelesbarrow, avait hasardé Cedric.
— Mais ça rimerait à quoi ? s’était interrogé Harold, pour une fois désemparé. Elle ferait ça dans quel but ? Oh, et puis merde !
Ils avaient échangé des regards d’exaspération :
— Et cette vieille toupie à la gomme qui va venir bavocher dans son thé alors que nous aurions tous besoin de réfléchir !
— Nous reparlerons de tout ça ce soir, avait tranché Alfred. D’ici là, nous essayerons de tirer les vers du nez à la vieillasse au sujet de Lucy.
Suite à cet échange d’aménités, miss Marple, dûment présentée par Lucy et installée comme on l’a vu au coin du feu dans le meilleur fauteuil du salon, acceptait présentement les sandwiches que lui offrait Alfred en rendant au jeune homme le sourire appréciateur que lui arrachait toujours la vue d’un beau garçon :
— Merci mille fois… puis-je savoir… ? Ah ! œuf et sardine, oui, c’est parfait. Je suis toujours, à l’heure du thé, d’une effroyable gourmandise. Avec l’âge, voyez-vous… Mais le soir, bien sûr, je ne dîne que très légèrement… Il faut savoir se montrer prudent.
Elle se retourna vers son hôtesse :
— Quelle maison magnifique vous avez là. Et si pleine de belles choses. Ces deux bronzes… ils me rappellent ceux que mon père avait rapportés de Paris. Vous, c’est votre grand-père qui les a achetés ? Vraiment ? Pur style classique, n’est-ce pas ? Magnifique, magnifique. Vous devez être enchantée d’avoir vos frères auprès de vous ? On voit tant de familles dispersées… les Indes, encore qu’on ne s’y rende plus guère de nos jours… et l’Afrique, l’Afrique occidentale et son climat affreux…
— Deux de mes frères habitent Londres.
— Ce doit être bien agréable pour vous.
— Mais Cedric, qui est peintre, vit à Ibiza, dans les Iles Baléares.
— Les peintres adorent les îles, n’est-ce pas ? Chopin… lui c’était à Majorque, si je ne m’abuse ? Mais c’était un musicien. C’est à Gauguin que je pensais. Quelle triste existence il a menée… une vie gâchée, de l’avis général. Bien qu’on en fasse souvent grand cas, je n’ai jamais apprécié ses portraits de femmes indigènes. Je n’aime pas ces abominables tons moutarde tellement bilieux. Personnellement, j’ai le sentiment que ses tableaux me portent au foie.
Cedric se sentit visé par son regard désapprobateur.
— Parlez-nous de Lucy quand elle était enfant, miss Marple, suggéra-t-il.
Elle lui sourit, ravie :
— Lucy s’est toujours montrée d’une si vive intelligence ! Mais si, mais si, mon petit… ne m’interrompez pas. Et, exceptionnellement douée pour les mathématiques. Je me souviens d’un jour où le boucher a voulu me faire payer trop cher un faux-filet…
Et miss Marple d’égrener ses souvenirs de Lucy petite fille avant de passer aux anecdotes sur son village.
Elle fut interrompue par l’arrivée de Bryan, puis par l’apparition des deux adolescents — tout crottés pour avoir fiévreusement cherché des indices autour de la propriété. Le Dr Quimper arriva à son tour et regarda la compagnie avec un léger froncement de sourcils après avoir été présenté à la vieille demoiselle :
— Quel temps épouvantable ! J’espère que votre père n’est pas dehors, Emma ?
— Oh ! non, mais il se sentait un peu las, après le déjeuner…
— Il préfère éviter les visiteurs, conjectura miss Marple avec un sourire espiègle. J’entends encore mon cher père dire à ma mère : « Tu attends encore une bande de vieilles chouettes pour le thé ? Fais-moi servir un plateau dans mon bureau ! » Il était terrible, pour ces choses-là !
— Ne croyez surtout pas… commença Emma.
Mais Cedric ne la laissa pas finir :
— Il préfère rester dans son bureau quand ses chers fils sont là. La psychologie nous expliquerait ça très bien, n’est-ce pas, docteur ?
Le Dr Quimper était occupé à engloutir des sandwiches avec l’enthousiasme d’un homme qui n’a pas beaucoup de temps à consacrer à ses repas.
— La psychologie, c’est très bien, du moment qu’on la laisse aux psychologues, articula-t-il entre deux bouchées. Malheureusement, de nos jours, tout le monde se prend pour un psychologue. Mes patients me disent exactement de quels complexes et de quelles névroses ils souffrent. Merci, Emma, j’en prendrai une autre tasse. Pas eu le temps de déjeuner, aujourd’hui.
— La vie d’un médecin est faite de sacrifices, c’est ce que j’ai toujours pensé, professa miss Marple.
— Vous ne devez pas en connaître beaucoup, rétorqua le Dr Quimper. On les traite volontiers de sangsues, et ils le méritent souvent. En tout cas, nous sommes désormais payés, l’État y pourvoit. Plus besoin d’envoyer comme par le passé des notes d’honoraires dont on savait pertinemment qu’elles ne seraient jamais réglées. Le problème, c’est que les patients, du coup, ne pensent plus qu’à « tirer le maximum du gouvernement ». Moyennant quoi, si la petite Jenny a une quinte de toux ou si le petit Tom a mangé trois pommes vertes de trop, on se dépêche d’appeler l’infortuné toubib au beau milieu de la nuit ! Admirable, votre gâteau, Emma. Quel cordon bleu vous faites !
— Je n’y suis pour rien. C’est miss Eyelesbarrow qui l’a fait.
— Les vôtres n’ont rien à lui envier, n’en démordit pas Quimper.
— Vous voulez voir Père ?
Elle se leva, suivie par le médecin. Miss Marple les regarda sortir :
— Miss Crackenthorpe est une fille très dévouée, à ce que je vois.
— Je me demande toujours comment elle fait pour supporter le vieux, lança Cedric.
— Elle est fort bien installée dans cette maison, et mon père lui est très attaché, dit précipitamment Harold.
— Emma était faite pour cette vie-là, reprit Cedric. C’est une vieille fille-née.
Un bref éclat parut dans l’œil de miss Marple :
— Ah ! c’est ainsi que vous la voyez ?
Harold, de nouveau, se hâta d’intervenir :
— Mon frère a employé le terme de vieille fille sans rien y mettre de péjoratif, miss Marple.
— Oh ! je n’en suis pas offusquée, protesta l’intéressée. Je me demandais seulement s’il avait raison. Je ne qualifierais pas, pour ma part, miss Crackenthorpe de vieille fille-née. Elle est plutôt du genre — à mon humble avis — à se marier sur le tard et à réussir sa vie de femme.
— Si c’est le cas, elle ferait mieux de courir s’installer ailleurs, commenta Cedric. Ce n’est pas ici qu’elle rencontrera quelqu’un.
La petite lueur, dans l’œil de miss Marple, se fit plus vive :
— Il y a toujours les hommes d’Église… et les médecins.
Son regard chargé de malice allait de l’un à l’autre.
À l’évidence, l’idée qu’elle venait d’émettre ne les avait jamais effleurés, et elle ne leur plaisait pas vraiment.
Miss Marple se leva et, ce faisant, laissa tomber à ses pieds quelques écharpes de laine ainsi que son sac.
Les trois frères se précipitèrent pour les ramasser.
— Vous êtes trop gentils, les remercia miss Marple de sa petite voix flûtée. Ah ! oui, mon petit cache-nez bleu ! Merci encore de m’avoir invitée. Maintenant, je connais bien votre maison, voyez-vous, et quand je penserai à ma chère Lucy, je pourrai l’imaginer dans le cadre où elle travaille.
— Un foyer idéal, dit Cedric, avec un cadavre en prime.
— Cedric ! aboya Harold, au comble de la fureur.
Miss Marple sourit gentiment à Cedric :
— Savez-vous à qui vous me faites penser ? Au jeune Thomas Eade, le fils de mon directeur de banque. Il adore choquer son monde. Comme il n’avait pas de dispositions pour la finance, il est parti pour les Antilles… et il en est revenu après la mort de son père, dont il a hérité une assez coquette fortune. C’était vraiment ce qu’il lui fallait. Il a toujours été plus doué pour dépenser l’argent que pour en gagner.
Lucy raccompagna miss Marple. Comme elle revenait vers Rutherford Hall, une silhouette surgit de l’obscurité pour s’encadrer dans le faisceau de ses phares à l’instant où elle franchissait les grilles de la propriété. L’homme fit un geste de la main et Lucy reconnut Alfred Crackenthorpe.
— Je me sens déjà mieux, frissonna-t-il en s’asseyant à côté de Lucy. Brrr ! Ce qu’il fait froid ! Je me proposais d’effectuer une petite balade revigorante, mais je préfère y renoncer. La vieille demoiselle est bien rentrée chez elle ?
— Oui. Elle était ravie de son après-midi.
— Ça sautait aux yeux. Incroyable, ce que ces vieilles personnes peuvent aimer la compagnie, même la moins folichonne. Et vraiment, dans le genre folichon, on fait mieux que Rutherford Hall.
Je m’y supporte difficilement plus de quarante-huit heures. Comment faites-vous pour rester ici, Lucy ? Ça ne vous ennuie pas, que je vous appelle Lucy ?
— Pas du tout. Mais je ne me déplais pas, ici. Évidemment, je n’y passerai pas le restant de mes jours.
— Je vous ai observée. Vous êtes une fille intelligente, Lucy. Trop intelligente pour gâcher votre vie à faire la cuisine et le ménage.
— Merci du compliment, mais je préfère la cuisine et le ménage à un travail de bureau.
— J’en dirai autant en ce qui me concerne. Mais il y a d’autres façons de vivre. Vous pourriez devenir indépendante.
— Je le suis.
— Je pensais à une autre forme d’indépendance. Vous pourriez vous mettre à votre compte, vous libérer…
— De quoi ?
— De toutes ces conventions, de ces lois et de ces règlements qui nous empoisonnent l’existence ! Il y a toujours un moyen de les contourner, voyez-vous, pour peu qu’on soit malin — or, vous êtes maligne. Dites-moi, franchement : cette idée ne vous séduit pas ?
— Peut-être bien que oui, peut-être bien que non.
Lucy franchit l’entrée des écuries pour y garer la voiture.
— Vous ne voulez pas vous mouiller, c’est ça ?
— J’aurais besoin d’en savoir plus.
— Franchement, mon petit, vous pourriez m’être utile. Il y a quelque chose en vous qui n’a pas de prix… Vous inspirez confiance.
— Vous voudriez que je vous aide à vendre des lingots d’or ?
— Rien d’aussi risqué. Il ne s’agirait tout au plus que de flirter un tantinet avec la légalité…
Il lui posa la main sur le bras :
— Vous êtes une sacrément jolie fille, Lucy. J’aimerais vous avoir comme associée.
— J’en suis flattée.
— Ce qui signifie que vous m’envoyez sur les roses ? Réfléchissez-y à deux fois. Pensez au plaisir que vous pourriez en tirer. Comme ce serait amusant de rouler dans la farine tous les pères-la-vertu qui nous assomment. Le seul problème, c’est qu’il faudrait un capital de départ.
— Je n’ai pas le sou.
— Oh ! ce n’était pas un appel du pied ! Je ne tarderai pas à en avoir moi-même. Mon cher papa, cette vieille carne malfaisante, finira bien par lâcher la rampe ! Et dès qu’il aura passé l’arme à gauche, je toucherai un joli paquet. Qu’est-ce que vous en dites, Lucy ?
— Quelles sont vos conditions ?
— Le mariage si ça vous chante. Les femmes, si évoluées et adeptes de l’autosuffisance soient-elles, en rêvent apparemment. En outre, les épouses ne peuvent témoigner contre leur mari devant les tribunaux.
— Voilà qui est moins flatteur !
— Allons, Lucy, ne vous moquez pas de moi. Vous ne voyez pas que je suis amoureux de vous ?
À son propre étonnement, Lucy sentit qu’elle n’était pas indifférente à la séduction d’Alfred. Il émanait de lui un charme particulier, un magnétisme quasi animal. Elle se mit à rire et repoussa les bras qui voulaient l’enlacer :
— Ce n’est pas l’heure de badiner. Je dois m’occuper du dîner.
— C’est vrai, Lucy, et vous cuisinez à merveille… Qu’avons-nous ce soir ?
— Vous le verrez bien ! Vous êtes pire que les gamins !
Sitôt rentrée, Lucy se précipita dans la cuisine. Elle fut assez étonnée d’y trouver Harold Crackenthorpe :
— Miss Eyelesbarrow, puis-je vous entretenir un instant ?
— Cela ne peut-il attendre, Mr Crackenthorpe ? Je suis plutôt en retard.
— Bien sûr. Disons, tout de suite après le dîner ?
— Entendu, ce sera parfait.
On servit le dîner, et chacun y fit honneur. Puis Lucy s’occupa de la vaisselle avant de rejoindre Harold Crackenthorpe qui l’attendait dans le hall d’entrée.
— Me voici, Mr Crackenthorpe.
— Mettons-nous ici, si vous le voulez bien.
Il la fit entrer dans le salon et referma la porte derrière elle :
— Je dois m’en aller dès demain matin, mais je tenais, avant, à vous dire combien j’ai apprécié votre compétence.
— Merci, répondit Lucy, passablement surprise.
— J’ai le sentiment que vous perdez ici votre temps… que vous y gaspillez vos talents.
— Vous trouvez ? Moi pas.
« Celui-là, de toute façon, ne peut pas me demander de l’épouser, songea Lucy. Il a déjà une femme. »
— J’ai grandement apprécié votre délicatesse et le soutien que vous nous avez apporté à l’occasion de ces déplorables événements, et je vous suggère de m’appeler à Londres. Je laisserai des instructions à ma secrétaire pour qu’elle vous fixe un rendez-vous. Notre société a besoin de gens comme vous. Nous pouvons vous trouver un poste en rapport avec vos capacités — qui sont exceptionnelles — et je suis en mesure de vous offrir, miss Eyelesbarrow, un très bon salaire et des perspectives d’avenir plus qu’intéressantes. Vous en serez, je crois, agréablement surprise.
Un sourire magnanime avait accompagné ces derniers mots.
Lucy prit son air le plus modeste :
— Je vous remercie, Mr Crackenthorpe. Je vais y réfléchir.
— N’attendez pas trop. De telles occasions ne sont pas à négliger quand on est une jeune personne désireuse de réussir dans l’existence.
Un nouveau sourire laissa entrevoir l’émail de ses dents :
— Je vous souhaite le bonsoir, miss Eyelesbarrow, donnez bien.
« Alors, là, par exemple… se dit Lucy. Alors, là, par exemple, voilà qui commence à devenir intéressant… »
Comme elle rejoignait sa chambre, elle croisa Cedric sur les marches de l’escalier :
— Accordez-moi un instant, Lucy, j’avais justement quelque chose à vous dire.
— Vous voulez m’épouser et m’emmener à Ibiza pour que je vous y dorlote ?
Cedric parut désarçonné, et quelque peu inquiet :
— Loin de moi une telle idée !
— Pardonnez-moi. Je me serai trompée.
— Je voulais simplement savoir s’il y avait un Indicateur des Chemins de Fer dans la maison.
— C’est tout ? Vous le trouverez sur le guéridon de l’entrée.
— Vous savez, fit Cedric d’un ton de reproche, vous ne devriez pas vous figurer que tout le monde veut vous épouser. Vous êtes plutôt jolie fille, mais pas à ce point-là. Il y a un mot pour désigner ce genre d’illusions. Si vous ne réagissez pas, ça peut s’aggraver… et même finir par mal tourner. En fait, vous êtes la dernière fille au monde que je songerais à épouser. La dernière !
— Vraiment ? se piqua Lucy. Ne vous mettez néanmoins pas martel en tête. Sans doute préférerez-vous m’avoir pour belle-mère ?
— Quoi ? fit Cedric, effaré, en écarquillant les yeux.
— Vous m’avez bien entendue, dit Lucy avant de refermer sur elle la porte de sa chambre.