MAI 1969

9 mai 1969

Lorsque Gabriel passa — vers l’heure du dîner pour être sûr de le voir —, Louis n’était pas rentré. Odile, qui servait sa belle-fille, qui servait son beau-fils, qui entonnait de la bouillie dans la bouche dégoulinante de Félix, qui se relevait pour tourner l’omelette, qui trouvait parfois moyen d’avaler un morceau, ne put quitter sa cuisine pour le recevoir et lui expliqua que Louis, pris deux jours sur trois par des séances de pose à la sortie de l’Atelier Mobiliart, revenait souvent à neuf ou dix heures.

— Il court le cachet, si je comprends bien, dit Gabriel.

— Comment faire autrement ? fit Odile.

Elle avait les traits tirés, l’œil cerné, le visage empreint de cette résignation laborieuse qui refuse de s’avouer proche de la surcharge :

— Comment faire autrement ? répéta-t-elle. Nous sommes cinq, il n’est plus question que je travaille. Mme Rebusteau nous force à plaider sans arrêt depuis un an. Quatre procès ! Nous y avons laissé le triple de ce que nous dépensions pour les vacances. Avec les pensions, les annuités de la maison et le reste, nous n’arrivons plus à boucler et je me demande comment Aline elle-même peut continuer le cirque.

— Elle a liquidé le petit capital qui lui revenait du partage et dont le revenu l’aidait à payer son loyer, dit Gabriel. Mais elle est au bout de son rouleau, la pauvre.

— Je la plaindrai quand j’aurai le temps, dit Odile. Excusez-moi, je vais coucher le petit.

*

Cette grosse boule de laine à quatre pseudopodes, ça grouille, ça s’embrouille, ça réagit déjà mollement à la chatouille en roulant de la tête pour faire un trou dans l’oreiller. Mon chat, mon chou, ma chose, ma petite bête, murmure Odile, prodigue de ces chuintantes qui sucent l’air comme les baisers sucent la peau. Ses doigts savent depuis quinze mois que toucher de l’enfant ou toucher de l’homme, ceci avant cela, ceci après cela, c’est dans l’agrément deux choses qui se tiennent, mais ne se remplacent pas. Voilà bien la meilleure heure, où la remise au berceau, au sommeil, simule la remise au ventre. Odile s’attarde. Tu vois, si les mouflets d’Aline avaient ton âge, je la comprendrais mieux. Mais qu’est-ce qu’elle a donc à nous disputer si fort ses grands empotés ?

Félix n’a plus d’yeux. Seulement des paupières dont les cils, si longs, si longs, frémissent encore sur la joue ballon. Comme tous les soirs en guise de berceuse on se lâche, on se défoule, on se confie au petit dormeur. Tu as entendu ? Elle est au bout de son rouleau, la dame ! Tu vas me dire que tu t’en fiches, qu’elle ne t’est rien. Erreur, mon chéri. Si papa venait à mourir, cette dame qui ne t’est rien, te réclamerait une part de pension sur ton héritage. C’est pas beau, ça ? Il n’a pas fini de nous mettre à plat, son rouleau.

Il dort, ce léger souffleur dont le nez s’enfonce dans la peluche d’un agneau à fermeture Éclair qui fut un porte-biberon et qui est devenu un fétiche. Odile s’attarde plus que d’habitude. Elle a tout éteint sauf la fleur-veilleuse qui s’épanouit sur une prise haute. Elle se tait. Elle n’en pense pas moins. Si Gabriel est venu faire le bilan, il sera bon de l’y aider un peu. Elle récapitule. C’est assez effrayant.

Référé : on gagne. Enfin Mme Davermelle, numéro deux, y gagne deux lits, deux lavages, deux raccommodages, deux couverts de plus. Deux enfants sans papiers, sans carnets de santé, sans cartes d’identité, sans vêtements, sans livres, Mme Rebusteau refusant de rendre quoi que ce soit, faisant même les pires difficultés pour retarder le transfert des Allocations familiales. Et faisant appel, bien sûr, tandis que Monsieur saisit le juge du fond. Et un, puis deux nouveaux chèques pour Grancat !

Félix vient de se retourner : Odile le recouvre. Que ça traîne surtout, que ça traîne ! Y a du monde pour vivre des longueurs ! Mme Rebusteau a droit à son mois de juillet. Elle se méfie de Rose, elle l’envoie en Angleterre chez de braves gens qui l’ont déjà accueillie et dont la fille est restée sa correspondante. Papa paie. Mme Rebusteau se concentre sur Guy, l’isole, l’emmène à Pornic, ne lui laisse ni recevoir ni envoyer une lettre, l’accable de prévenances, de bonbons, de parties de pédalo, mobilise pour l’encadrer la grand-mère, les tantes, Agathe, Léon et même leurs amis (ies). Frénétique assaut dont l’affreux moutard, pas fou, profite pour récolter un vélo neuf, un canot gonflable, un appareil de photo — qu’il sera d’ailleurs obligé, au retour, de laisser à Fontenay.

Le tout contre du vent. Ou presque : trois malheureuses cartes, écrites dans un moment d’euphorie sur modèle standard, à deux professeurs (bon, ça, le prof, en justice) et à la petite Flore Valdoux : Je suis bien content d’être à Pornic avec maman qui est très gentille avec moi. Trois cartes qui se retrouveront au dossier, naturellement. Avec, il est vrai, dans le dossier adverse, une autre carte théoriquement expédiée en douce, donc taxée faute de timbre : On me tarabuste. Si je flanche, hein ! Tu ne m’en voudras pas (habile ! Appris par cœur, sur le conseil de papa, pour le cas où…).

L’heure tourne. Il faudrait peut-être redescendre auprès de Gabriel. Il est bien, Gabriel. Il n’a voulu témoigner pour personne. Il a vainement essayé d’empêcher Louis de produire la page de cahier ramenée par Rose de Fontenay et qui, entièrement écrite de la main d’Aline, constitue une preuve flagrante de pression. Il criait : Tu vas brouiller définitivement la mère et la fille ! Avec raison. Mais comment arrêter une mécanique dont les engrenages ont happé tout le monde ? Les dates ont tourné. Le 8 août, Louis a récupéré ses enfants, les a emmenés à Combloux. Plus malin que Mme Rebusteau, il les a soigneusement fait écrire à leur mère, prenant photocopie de chaque lettre (au surplus recommandée) afin d’empêcher la destinataire de prétendre qu’elle n’a rien reçu. Le 15, Rose écrit à sa petite amie anglaise, s’étonne qu’elle ne soit pas venue, comme promis, la rejoindre à la montagne pour trois semaines. Huit jours plus tard elle reçoit une courte réponse : Excusez-moi, je ne pourrai pas venir. Je vous avais écrit à Fontenay pour vous demander de me préciser vos dates. Mais votre mère s’est adressée directement à mon père pour lui déconseiller de m’envoyer « dans un milieu où elle regrette de voir vivre sa propre fille ».

Et une pièce de plus dans le dossier ! Où vont être versées au retour de Combloux deux expertises de pédo-psychiatres, payantes celles-là, bien concluantes. Mme Rebusteau, qui s’affole, cherche à reprendre Me Lheureux (renseignement parvenu par Guy). Il refuse. Elle garde Me Grainde, mais lui adjoint un ténor du barreau : Me Flaucosté. Il ne l’empêchera pas de perdre l’appel de référé, le 11 septembre ; mais il cherchera à s’en excuser en lui mettant sous les yeux sa propre prose. Rugissements de Mme Rebusteau : Je ne veux plus voir Rose ! Mais rugissements verbaux : refoulant Rose, dès la première visite, elle s’empresse d’aller au commissariat en déclarer l’absence. Réaction d’ailleurs attendue (qui vous vaut vous devine). On renvoie Rose, accompagnée d’un huissier qui s’embosse dans l’escalier et constate tout à son aise que la mère, avec un flot d’invectives, qu’elle espérait privées, a pour la seconde fois repoussé sa fille en gardant le gamin.

Et une pièce de plus versée au nouveau dossier que Grancat enrichit des deux précédents pour le jugement sur le fond ! Rejugement, pourquoi ? C’est comme ça. Deux décisions provisoires, l’une confirmant l’autre, ne répondent pas plus de la définitive que le bourgeon de la feuille ou l’amour de la fidélité. Me Flaucosté biaise, annexe au principal une demande d’augmentation de pension, réclame enquête sur les moyens, examen des comptes, fait bloquer ce qu’il peut. Quatre mois passent au long desquels Guy fait la navette, chouchouté, mais sondé par sa mère sur les intentions de Nogent, sondé par son père sur les intentions de Fontenay. Me Grancat a répliqué à l’adversaire par une bonne plainte en non-représentation des aînés devenus tout à fait invisibles et, tandis qu’elle suit son cours, l’affaire vient enfin devant la Deuxième Chambre, le 14 mars. Superbe empoignade ! Défilé grotesque de témoins jurant une vérité que les autres témoins déclarent aussitôt mensonge. Numéro de Me Flaucosté, peut-être moins efficace devant la petite robe que devant la simarre. Ce qu’il y a de bien chez Aline, c’est qu’elle n’arrive pas à douter de l’éloquence ! estime Grancat à la sortie de l’audience. Du jugement, mis en délibéré, il ne sera pourtant la semaine suivante pas totalement satisfait : Aline perd toujours la garde des cadets, mais elle a obtenu quinze pour cent d’augmentation et dans la foulée fait appel…

Et ça continue, ça continue. Grancat maintenant éclaire pour faire glisser le dossier sous la pile. Plus longtemps ça durera, moins la cour sera tentée de revenir sur la décision prise, de bousculer des enfants installés dans une nouvelle maison, un nouveau lycée. Mais Aline, qui a gratté ce qu’elle pouvait gratter, qui plaide sans espoir, s’entête toujours, hurlant à Guy pour qu’il le rapporte : Alors ta bonne d’enfants, là-bas, elle s’y fait ? Ça lui plaît, le métier ? Ou au contraire : Dis-leur bien : j’irai jusqu’au bout. Je la leur ferai bouffer, leur baraque.

*

Une folie. Une absurdité. Certifiée telle par tous les Milobert. Mon gendre est insoucieux de la paix de son ménage. On ne greffe pas l’avenir sur le passé (dixit pater). La librairie n’avait point tort. Est-ce qu’il se figurait, Louis, que ses charmants enfants étaient toujours faciles ? S’apercevait-il seulement qu’ayant pris l’habitude de s’opposer à leur mère, ils n’étaient pas devenus des anges de douceur et que la belle-mère, à l’occasion, en faisait les frais ? L’œil plein de peinture, la bouche pleine de bonnes paroles, s’apercevrait-il des changements difficiles, des différences mal supportées, des frictions, des agacements quotidiens : telles ces simples moues devant une bonne viande rouge condamnée par l’usage Rebusteau fidèle à l’archicuit. Rien ne se fait vraiment dans une maison comme dans l’autre : on peut en prendre son parti. Mais parce que la mère seule à Fontenay détenait l’autorité, était-il souhaitable que par voie de comparaison le père seul la détînt à Nogent ? C’est bicéphale, un ménage pourquoi se laisserait-on, chez soi, guillotiner ? Sans cesse en référer, sans cesse se couvrir pour se faire obéir, zut ! Odile connaissait une irrégulière capable de se répéter en ses désagréments qu’elle contribuait ainsi à réparer une famille disloquée par sa faute. Mais elle en connaissait une autre proche de se regretter, de dire ce qu’elle pensait du rebaguage d’un père, des joies de la chicane avec la précédente, du charme des duos noyés dans la marmaille d’autrui ; qui même se surprenait à rêver d’une époque où on serait de nouveau trois. Si Louis se bouchait les yeux, il ne serait peut-être pas mauvais d’ouvrir ceux de Gabriel.

Odile se pencha, huma l’odeur de lait suri, d’eau de Cologne, de crème baby, puis se releva doucement pour disparaître dans l’ombre du couloir. Du palier elle discerna deux voix d’homme. Louis était rentré sans qu’elle s’en aperçût et discutait devant Rose, trop attentive, devant Guy qui n’avait sans doute pas achevé sa rédaction. Nul n’a le droit de s’habituer au pire au point de n’y plus voir d’offense pour certaines oreilles. Quand Odile, glissant sur ses chaussons de nurse, apparut dans l’encadrement de la porte, Louis reposait un verre de bière encore annelé de mousse :

— C’est fini, dit-il, comme s’il s’agissait d’une partie de billard. Aline abandonne.

La poitrine au large dans le chandail, il semblait satisfait. Sans plus. Comment douter qu’Aline, en fait de résignation, n’en macérerait que mieux dans le vinaigre ?

— Agathe et Léon vous ont beaucoup aidé, dit Gabriel. Ils en avaient assez d’être réduits aux nouilles au nom des frais et honoraires. Ce sont eux qui ont fait céder leur mère. À certaines conditions, évidemment…

— Quelles conditions ? dit Odile. Mme Rebusteau ne me paraît pas en état d’en poser.

— C’est aussi mon avis, dit Louis. Aline est sûre d’être déboutée en appel. Elle fait partie de ces gens qui ont besoin de prendre un bon coup sur le museau pour apprendre enfin à se tenir tranquille.

Odile, qui ne s’était pas assise, se pencha sur Rose :

— Bonsoir ! dit-elle, en l’embrassant. Et toi aussi, Guy, tu grimpes, tu as sûrement du travail là-haut.

Le reproche implicite ne parut pas déplaire à Gabriel, qui inclina la tête, mais reprit très vivement dès que les enfants eurent disparu :

— Tu songes aux dépenses ? À qui les paiera ? Toi, en fin de compte, par le biais des pensions. Et tu veux vraiment exaspérer Aline ? Quand il vous tient, le virus du plaideur ne vous quitte plus. Appel, cassation, tu n’as pas fini de tirer ton chéquier. Et pourquoi, je te le demande, quand Aline elle-même consent à traiter, pourvu qu’on lui sauve la face ?

— C’est-à-dire ? fit Odile.

Louis lui jeta un coup d’œil dépourvu d’amitié. Était-ce donc son affaire ?

— Tu retires ta plainte, reprit Gabriel. Aline se désiste de son appel et tout le processus est désamorcé. Vous émancipez ensuite vos aînés pour qu’ils ne soient plus astreints à visite, donc perpétuellement fautifs.

— Rose le sera, dit Louis.

— Signez un accord prévoyant que tous vos enfants seront émancipés à dix-huit ans et qu’en attendant Aline délie Rose de toute obligation. Sauf pour Guy, vraiment trop jeune, toute visite devient spontanée. Tu as l’occasion de supprimer les principaux sujets d’accrochage : saute dessus. Je ne dis pas que désormais vous vous épargnerez les épingles. Mais au moins rangez les couteaux.

— J’aimerais savoir ce qu’en pensent les avocats, dit Louis.

Odile, toujours debout, s’était rapprochée de Gabriel et l’écoutait avec une sympathie évidente :

— Décide d’abord ! disait l’ami. Je connais des médecins qui sont contre l’avortement par peur de manquer d’accouchements. Je connais des avocats qui excitent le client. Ce n’est pas le cas de Grancat, remarque, ni même celui de Me Grainde : l’un est d’accord par raison, l’autre par nécessité. Quant à Me Flaucosté, je l’ai refroidi en lui laissant entendre qu’Aline n’avait plus un sou.

— Tu les as contactés ? fit Louis. Sans m’en parler ?

— Oui, j’ai pris ça sous mon bonnet, quitte à me faire désavouer. Il y a des moments où il faut savoir mécontenter ses amis pour leur rendre service.

Un ange passa. Puis Louis releva les yeux, franchement agacé. Odile murmurait :

— Excusez-moi de vous avoir méjugé, Gabriel.

Mais déjà d’une pirouette elle se retournait vers l’époux sourcilleux :

— Et toi, excuse-moi de me mêler de ce que tu penses être tes affaires, parce qu’elles concernent ton premier ménage. L’ennuyeux, c’est qu’elles empoisonnent le second et qu’après m’être longtemps tue, je dois te dire franchement que j’en ai par-dessus la tête. À un moment je t’ai approuvé à cent pour cent. Tu avais plaqué ta femme, tu la ménageais pour essayer d’avoir au moins après coup le beau rôle. À force de t’asticoter Aline a réussi à t’entraîner, d’attaque en contre-attaque, à un véritable challenge pour le titre du plus moche des deux. L’argent que tu fiches en l’air, ce n’est pas le plus grave. L’atmosphère devient irrespirable et, sans compter les tiens, je n’ai pas envie d’y voir étouffer mon gamin, dès qu’il comprendra. Tu arrêtes, Sioul, tu arrêtes.

L’ange repassa. Odile allongeait le bras pour saisir la poêle.

— Eh bien ! dit Louis, qui en restait béant.

— Je dois vous retourner ce que vous m’avez dit tout à l’heure, Odile ! murmura Gabriel.

Odile, qui recassait deux œufs pour nourrir l’attardé, restait plantée face au fourneau à gaz. Louis la vit furtivement glisser une main sur ses yeux.

— Ma femme a réglé la question, fit-il, d’une voix pincée.

17 mai 1969

Si vous vous occupez trop des uns, ce sont les autres qui filent ; mais ne courez pas après ceux-ci, ceux-là risquent d’en profiter. Est-ce donc un privilège maternel de ne rien voir, de ne rien comprendre à temps ? Aline, ce samedi soir, en eut soudain, au tournant de la rue, la révélation. Dans la lumière crue des rampes au néon découpant une zone orange au milieu de la nuit, Agathe était plantée devant la devanture d’un marchand de meubles et pointait le doigt vers un convertible, associé à une série d’éléments télescopiques savamment disposés dans les airs. Elle pointait le doigt, donc elle montrait. À un monsieur. Nuance importante : à un monsieur, pas à un garçon. Depuis Marc, qu’on voyait moins — et même à la réflexion plus du tout —, Aline, en fait de garçons, en avait bien vu défiler une dizaine sur le parquet collé de la salle commune. Leur nombre restait rassurant et surtout leur désinvolture de jeunes bêtes joyeuses, qui frottent, puis qui trottent : ramenant l’inévitable à ce qu’en tolère aujourd’hui une mère soucieuse de ne pas pousser les siens à tenter trop loin l’aventure.

Mais là, cette colonne d’un mètre quatre-vingts, ce torse contenu par un veston honoré d’une cravate bien rivée au col, cette large assurance du pantalon à pli tombant sur des souliers cirés, ces joues à peau bleuie de barbe, tendue sur le menton carré, cette main où courait le poil et qui s’aplatissait sur le dos de la fille, tout ça, c’était de l’homme. Vingt-huit, trente ans. Pour la première fois Aline voyait Agathe d’un autre œil : telle qu’elle était ou plutôt telle qu’elle n’était plus. Le cheveu moins fou, le cou moins gracile, la poitrine en corbeille de fruits, les hanches enrichies et ce je ne sais quoi dans le jeu de jambes avouant que leur charnière a pris de l’importance, tout signalait une Agathe trop longtemps passée inaperçue. Mais quel était ce type ? Un jeune professeur du lycée rencontrant son élève ? Un galantin venant d’accoster ? Un frère aîné de quelque copain ? Dans tous les cas pourquoi ce commun lèche-vitrine ? On a beau se dire : En pleine rue, voyons, ça n’a pas de sens, quelque chose vous contre. Une femme abandonnée, une mère abandonnée, toujours menacée, toujours perdante, à quoi voulez-vous qu’elle pense ? Se jeter en avant, minauder : Tiens ! Tu es là ? et d’un autre coin de bouche : À qui ai-je l’honneur ? il n’y fallait pas songer : Agathe s’offenserait. Du reste l’inconnu récupérait sa main, se retournait, faisait face à la petite dans l’attitude de qui va s’en aller.

Mais il s’en allait de la pire façon. Aline se sentit frémir de la tête aux pieds. Ce baiser-là, elle ne le connaissait que trop. Rien à voir avec celui des jeunets qui enlacent, enserrent, font des nœuds de jambes et de bras, modèle cinéma, en choisissant de préférence le coin de porche, l’ombreux renfoncement où la main profitera aussi de l’occasion. Ça, c’était le baiser le plus grave, l’effleurement bref, le rappel discret des profondeurs acquises ; c’était le touche-en-bouche de l’à-bientôt-chérie, ce coup de timbre humide par quoi, vrai ou faux, l’amour entend redater un visage quotidien. Aline s’entendit siffler : Si j’avais su, je ne serais pas sortie. Elle n’eut pas le temps de se demander en quoi ceci avait un rapport avec cela. Agathe, se retournant deux fois pour agiter la main, revenait de son côté. Mais à l’instant où, quittant la clairière de néon, elle allait entrer dans l’ombre, quelque chose se mit à briller sous sa jupe : de superbes bottes. Ces bottes dernier cri vainement lorgnées, vainement réclamées et dont le cuir neuf se mit à gémir, quand elle passa près de sa mère vivement renfoncée dans un couloir d’immeuble.

*

Ce fut pourtant Aline qui rentra la première pour remettre le nez sur le double du protocole, paraphé dans l’après-midi chez Grancat : Entre les soussignés, M. Louis Davermelle, demeurant à Nogent, d’une part, et Mme Aline Rebusteau, demeurant à Fontenay, d’autre part, rappelant d’abord aux présentes que… Çi, vingt lignes pour résumer l’histoire d’une mère généreuse qui de procès en procès se convainc, paraît-il, de l’intérêt des siens. Ceci exposé, les parties se sont rapprochées et sont convenues de ce qui suit… Convenues ! Aline soudain se sent devenir grossière : admirable adjectif commençant comme il faut ! Désistement de plainte contre le désistement d’appel, ça se défend. Mais l’abandon définitif des cadets contre l’émancipation des aînés — à réaliser sous quinzaine —, elle le regrette déjà, elle n’aurait jamais dû y consentir. Léon aura vingt et un ans dans six semaines. Agathe, laissez-nous rire, du haut, du bas et du milieu on ne voit pas bien ce qui reste encore chez elle à émanciper.

Une clef tournait dans la serrure. Elle arrivait, la fille, sur les talons de ses bottes.

— Hé ! fit Aline, admirative.

— C’est pas chouette, ça ? dit Agathe, tournant et retournant la patte.

Elle consentit même à expliquer :

— Je me les suis payées avec mon dixième.

Une certaine brume, une douce déraison par moments ne font pas de mal, arrangent bien les choses. Qu’il fût de loterie, ce dixième, Aline voulait bien y croire, Agathe n’en étant tout de même pas à compter ses petits amis sur ses doigts. Bécotante, Agathe s’était assise contre maman et de joue en joue s’occupait d’elle, l’amollissait, l’enfouissait dans son parfum un parfum plus vite identifiable que celui du donateur :

L’Air du temps ! dit Aline, en reniflant. Ça vient du dixième, aussi ? Ou du monsieur qui t’embrassait tout à l’heure dans la rue ? Excuse-moi, je passais dans le coin.

Vingt-cinq ans plus tôt, si Mme Rebusteau était passée dans le coin où Mlle Rebusteau échangeait du rouge, elle se serait fort peu excusée ! Les temps changent. Les mères aussi. Les filles aussi. De celle-là que pouvait-on attendre ? Qu’elle rougît ? Ce n’est plus de mode. Toujours emmêlée à sa mère, elle sourit et ses yeux couleur de lavande devinrent seulement très, très attentifs :

— Tu m’as vue avec Edmond ?

— Je l’ai même trouvé bien sérieux, dit Aline.

Et ce fut elle qui rougit. L’adjectif — l’adjectif jadis si prisé des familles — avait-il donc changé de sens ?

— Ce n’est sûrement plus un gosse, lui ! dit Agathe d’une voix singulière.

— C’est bien ce qui m’effraie, dit Aline.

Mais Agathe éclatait de rire, et merci, Seigneur, merci, même si ça vous choque ! épargnait à sa mère d’avoir à prononcer elle-même le mot honorable, le mot détestable, en disant nerveusement :

— De quoi as-tu peur ? Que je me marie ? Alors ça, pour ce qu’il t’a réussi, le mariage, très peu ! Aucune envie ! L’amour, je ne dis pas, je suis faite comme une autre, mais je veux rester libre.

Agathe venait de se relever, abandonnant sa mère à une sorte de ravissement indigné. Que, depuis sa jeunesse, une telle sortie pût passer de malédiction en bénédiction, s’en réjouir ne dispensait pas de s’en inquiéter : Suis-je capable, pour garder ma fille, de lui souhaiter un amant plutôt qu’un mari ? Agathe murmurait :

— À propos d’Edmond, il faudra que je te dise…

Elle hésita, regardant sa mère qui ne fit rien pour l’encourager. Certaines situations ne s’avouent d’un côté, ne s’approuvent de l’autre que par le silence.

Mais quand Agathe, s’arrêtant trois fois pour jeter par-dessus son épaule un regard qui trois fois buta sur la nuque de sa mère, fut enfin entrée dans sa chambre, Aline de nouveau se mit à frissonner. L’intuition peut avoir du retard. Ce qu’elle voulait dire, Agathe, était-ce autre chose ? Il y a des amants qui sont d’amusement. Il y a des amants qui sont de sentiment et parmi ceux-là les concubins valent les épouseurs en fait d’enlèvement. Car enfin ce convertible — canapé de jour, lit de nuit — où donc pourrait-il être déplié, sinon ailleurs que chez maman ?

20 mai 1969

16 heures


Il n’y a pas de petites revanches et il était évident qu’elle serait en retard, Aline, ravie d’obliger Louis à s’excuser auprès d’un patron plutôt chiche sur l’octroi de permissions. Aussi avait-il décalé le rendez-vous de vingt minutes : ce qui lui permit de ne plus en avoir que dix à se morfondre sur une chaise bancale dans la fumée conjuguée d’un greffier en chef rouleur de gris et de son adjoint suceur de pipe, retranchés derrière quatre pupitres accolés, dont deux inoccupés, véritable rempart dressé entre ceux qui disent les choses et ceux qui les mettent en forme. À ceci près, du reste, et malgré l’inévitable Marianne faisant face à un général de Gaulle démissionnaire, mais pas encore remplacé et dont l’auguste face n’écartait pas les mouches, la pièce ressemblait si fort à une étude de province, avec ses cartons vomisseurs de dossiers, sa porte à blount et à bourrelets, que trois personnes déjà avaient cru nécessaire de s’enquérir avec déférence de la destination des lieux avant de déballer leur affaire et la paperasse explicative. Un tribunal d’instance n’est souvent en banlieue que l’annexe d’un commissariat.

Enfin Mme Rebusteau parut, flanquée de Mme Valdoux : l’une et l’autre saluèrent d’un simple tour de cou et, prenant la fille en position quatrième, entamèrent une longue messe basse au sujet de Dieu sait quoi.

À l’occasion d’une déclaration commune, c’était tout de même un peu fort. Aline ne demandait même pas : Comment vont les enfants ? Mais Aline pensait peut-être la même chose : Louis non plus n’avait pas eu le courage de l’aborder, de lui demander des nouvelles des deux autres. Timidité, respect humain, crainte de paraître le moins sûr de son droit, présence d’un tiers affligeant, routine de l’hostilité… Il y avait de tout cela dans cette paralysie. Louis fit un effort et se rapprocha, tendant l’oreille. Ces dames ne parlaient pas de lui, mais d’élection présidentielle : l’une tenait pour Poher, l’autre pour Pompidou.

— Monsieur et madame Davermelle ! appela le suceur de pipe.

Redevenus père et mère, ni Louis ni Aline, malgré des visages de terre cuite, ne reprirent ce greffier simplificateur, qui déjà débitait ce texte passe-partout, imprimé en série, dont il suffit de remplir les blancs avant d’y apposer un tampon violet représentant une justice en péplum, assise sur cathèdre et la tête glorifiée d’une étoile à sept branches. L’an mil neuf cent soixante-neuf et le vingt mai, devant nous, Claude Trichier, juge des tutelles… Il n’était pas là, le juge, mais dans la pièce à côté ; il avait d’autres chats à fouetter ; il contresignerait, en vrac, ce papier perdu parmi cent autres. En notre cabinet, au siège du tribunal d’instance ont comparu…

— Excusez-moi, dit l’adjoint, s’apercevant de sa bévue. Je me suis trompé tout à l’heure.

— Aucune importance, dit Louis.

La lecture reprit. État civil. Domicile. Et lesdits requérants nous ont exposé… Aline et Louis, assotés, communièrent enfin dans la complicité d’un soupir. Entendaient-ils enfin pour la dernière fois marmonner un greffier ? De leurs requêtes, citations, assignations, constitutions, conclusions, jugements, significations, dépositions, sommations, plaintes, expertises, ordonnances, sous-seings et autres actions, en moins de cinq ans et bien qu’ils fussent là justement pour faire l’économie d’un arrêt et probablement d’un pourvoi, la collection devait avoir l’épaisseur d’un lexique. Du jargon des greffes ils pouvaient estimer le coût et se féliciter de lui avoir substitué le protocole qui les mettait en somme à l’abri l’un de l’autre. N’étaient-ils pas là au titre de couple anciennement conjugal, mais resté parental et manifestant pour la première fois dans l’établissement d’une ultime paperasse un semblant d’accord ?

Le greffier ânonnait toujours : Vu les déclarations et réquisitions qui précèdent, vu les dispositions de l’article 477 du Code civil… Soudain, jetant un bref regard sur la file d’attente, il s’interrompit :

— Bon, je vous fais grâce du reste.

Mais sautant à la dernière ligne, il ne put s’empêcher de la réciter en présentant la plume :

De tout quoi nous avons dressé le présent procès-verbal qu’après lecture nous avons signé… Là, madame, s’il vous plaît. Là, monsieur.

*

Emma, qui s’était finalement retirée sur la chaise bancale et d’un pied sur l’autre lui faisait toquer le plancher à rainures disjointes et gorgées de poussière, vit sans plaisir les signataires, dégagés de la file, échanger quelques phrases et même se toucher la main. Il lui parut pourtant que leurs derniers mots devenaient plus vifs. Aline lâcha son gloussement habituel, eut un rire ambigu et s’évada aussitôt de la pièce sans même faire signe à son amie de la suivre. Elle ne se laissa rattraper qu’à vingt mètres, pour s’écrier devant un cageot de calvilles à la devanture d’un épicier :

— Je suis décidément plus pomme que celles-là !

Point de rage, mais plutôt une aigreur amusée par la constance du destin :

— Je demande l’émancipation des grands pour les délivrer tout de suite de l’obligation de visite. Et les en voilà délivrés en effet, puisque émancipés…

Plantée sur l’asphalte, elle leva le bras pour arrêter un taxi, qui passa outre, et continua :

— Mais puisqu’ils le sont, ils gèrent maintenant leurs petites affaires. Louis n’a plus à me verser leur pension. C’est à eux, directement qu’il est tenu de la remettre et, bien entendu, comme c’est son droit, il leur demande de venir chercher leur chèque, une fois par mois, chez lui.

— Mais enfin, dit Emma, ça peut se discuter !

— Où ? fit Aline. Au Palais ? Merci bien, j’en sors, ce n’est pas demain la veille que j’y retourne. D’ailleurs, vous connaissez un juge qui donnerait raison à un fils ou une fille annonçant la couleur : le fric de papa, j’en veux bien, mais je ne veux pas de lui… ? Il n’y a rien à faire, je serai toujours flouée.

20 mai 1969

17 heures 30


Quand vous êtes sûre d’avoir en face de vous une spécialiste de la scène longue, déchirante, insupportable, quand vous savez qu’elle jettera dans le débat, avec une force accrue, les arguments mêmes que depuis des semaines vous vous opposez, quelle autre solution que de vous abstenir ? Agathe, séchant ses cours, profitant de ce que ni Léon ni la mère ne seront là avant six heures, a commencé par prendre un bain : pour se sentir nette, candide, pour se dissoudre dans la tiédeur : les glaces ne reflètent rien de ce qui vous agite, n’ont d’opinion que sur votre corps et c’est déjà quelque chose d’en être satisfaite.

Attentive à la température mesurée par le thermomètre flottant, à la bonne dose de sels, au fonctionnement du mélangeur, elle a toujours aimé, la mère, assister au déshabillage, au trempage, saisir le gant de crin, la brosse à dos, la grande serviette-éponge. Et je te frotte et je t’essuie et je t’admire : Ma petite merveille, mon Tanagra, voilà ce que j’ai fait de mieux ! Aucune hésitation, même au-delà de seize ans, aux endroits délicats : est-ce qu’un sculpteur s’en embarrasse en achevant une statue ? Mais peut-on justement rester une statue ? Étrange comparaison ! Edmond aussi, lorsque chez lui les robinets se mettent à chanter, se précipite pour tripoter l’ondine, pour l’enlever, ruisselante, la sécher dans les draps ou sauter dans la mousse pour faire, comme il dit, l’amour en canard. Comme le font, c’est vrai, les cols-verts du lac de la porte Jaune, qui foncent tantôt sur la mie de pain, tantôt sur les canes grises. Dont certaines petites filles, déjà au fait de la question, lorgnaient les plongeons. Dont certains pères, qui leur tenaient la main, avaient l’air éclaboussés…

Agathe est sortie de la baignoire dont la bonde n’en finit pas de glouglouter. Elle a vidé sa mallette, sorti le cahier dont la dernière page porte la mention : 19 mai 1969. Il faut bien vivre et ce n’est pas dans les cris, les larmes et les regrets que nous pourrons le faire. De toute façon, même sans ce qui m’arrive, il fallait que je m’en aille. Agathe a déchiré le cahier, c’est-à-dire sa jeunesse, dont la chute en menus morceaux a fait un long froissement de papier dans le tuyau de descente du vide-ordures. Puis elle est allée chercher une des trois grandes valises des vacances. Elle y plie hâtivement ce qu’elle garde ; elle jette le reste à terre en se baissant de temps en temps pour ramasser un chemisier, un pantalon dont l’absence lui ferait deuil. S’il a le même regard, Edmond, s’il est dans la même situation, tant pis ! Qui donc, ces jours-ci, lui parlait de Marc ? Emma. Oui. Emma sans doute inspirée de très près et susurrant : Tu ne le regrettes pas ? C’est pourtant un joli garçon ! Joli, gentil, en effet, sautant sur une fille comme sur sa moto. On peut regretter Marc. Plus exactement : on peut regretter d’avoir eu Marc. Mais c’est peut-être mieux ainsi. Jeunette, ça vous impressionne d’entendre dire : Ton père a été le premier, le seul. Et puis on apprend une chose : le numéro compte, certes ; il ne s’agit pas de jouer au loto ; mais le bon finalement, c’est celui qui transforme le reste en zéro.

Un genou sur la valise pleine, Agathe s’efforce maintenant d’accrocher le couvercle. Après avoir tant soutenu sa mère, comment pourrait-elle trouver des mots pour s’excuser de ce qu’elle va faire ? Aucune explication vraiment n’est possible ; pas même avec Léon qui ne sera pas le moins touché, qui sans en avoir l’air est une sorte de gros chat fidèle à la maison, à ceux dont la présence fait partie de ses aises. Mieux vaut partir à la sauvette, en laissant seulement ce petit mot déjà épinglé au dessus-de-lit : Ne t’inquiète pas. Je pars pour quelque temps dans le Midi avec Edmond. Je t’écrirai. On croit toujours à ce qu’on préfère croire : à la petite fugue, au retour prochain. La fugue s’allonge, on se fait une raison ; on s’habitue, on devient capable d’apprendre le reste, de ne pas juger de la situation à travers la sienne.

Agathe soulève la valise, la traîne jusqu’à la porte. Il est cinq heures et demie. Sa mère ne va pas tarder de rentrer.

*

Et l’ascenseur fait son office. Il n’y a pas moyen de faire autrement, mais pour être moche, c’est moche ; les lamentations qu’Agathe a toujours connues vont redoubler et cette fois par sa faute. Si tu me rejoins, je saurai que tu m’aimes vraiment, disait Edmond. Si elle est partie, c’est qu’elle ne m’aimait pas, gémira l’absente en rentrant. Quelqu’un vous aime toujours contre quelqu’un : c’est une leçon qu’Agathe connaît bien. Sans savoir pourtant qui aurait triomphé, de la mère ou d’Edmond, si le hasard n’était venu les départager : un hasard qui, lui, ne peut attendre.

Voici le rez-de-chaussée. Agathe, charriant ses trente kilos de bagages, traverse le hall, met un pied dehors et recule vivement. Sa mère — revenant de signer cette émancipation qui va l’empêcher de faire rechercher sa fille, désormais libre —, sa mère sort d’un taxi rangé juste en face et c’est miracle qu’en train de payer elle n’ait pu l’apercevoir. Dix secondes pour disparaître ou c’est fichu : fille rejointe, chapitrée, suppliée, fille rembarquée pour le cinquième ! Il n’y a pas le choix ! Agathe manie le bec-de-cane qui par chance n’est pas bloqué et se réfugie dans la loge. La concierge, qui pique à la machine, tourne la tête et dit seulement :

— Vous aussi, Agathe !

Croit-elle qu’à son tour l’aînée va rejoindre sa sœur ? En tout cas, elle n’aura pas un cri pour avertir la mère qui passe sans pointer le nez de son côté. Agathe s’est enfouie la tête dans ses mains et lâche une sorte de gémissement sourd :

— Vous pouvez encore remonter, dit la concierge.

Mais le roulement des vantaux, suivi d’un graisseux glissement de câbles, vaut un avertissement : trouver le mot, entrer en transes, redescendre, cela n’exige pas cinq minutes. Agathe se précipite et saute dans le taxi même qui vient d’amener sa mère et dont le chauffeur se roulait une cigarette avant de repartir.

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