Une lueur indigo embrase le ciel bleu de nuit (et pour cause !).
Le feu !
Je vois galoper des Blacks presque nus, sur la route. Armés de seaux et autres récipients emplis d’eau, ils foncent vers l’incendie qui dévore la forêt, à la limite de Sassédutrou. Le sinistre mobilise la population du coin ; ceux qui veillaient ont secoué ceux qui dormaient et tout le monde se remue les fesses : hommes, femmes, enfants, moines, vieillards, chiens, cochons, couvées, singes savants, apprentis sorciers. Pompiers improvisés, ils cavalent en direction des flammes, dans la louable intention de les éteindre.
Je stoppe pour laisser déferler la horde des volontaires affairés.
Un jeune Noir, à gueule de prophète, le crâne rasé, vêtu d’un boubou plus lumineux que l’incendie, observe la scène, les bras croisés.
— Qu’arrive-t-il ? lui lancé-je.
Il hoche la tête et, d’une voix mélodieuse et antidérapante, déclare :
— Un incendie, consécutif à un accident de voiture.
Mû par un pressentiment, je coasse :
— Un accident de voiture ?
— Un automobiliste trop pressé a voulu quitter la route pour emprunter le chemin que vous apercevez sur la droite. Il s’y est pris de telle sorte que, déséquilibré, au bout de quelques centaines de mètres parcourus en louvoyant, il a fini par percuter un arbre. Son véhicule s’est enflammé sous l’impact, communiquant le feu à la forêt. Comme toujours en pareil cas, les pompiers tardent…
L’intellectuel ivoirien hausse les épaules.
— Ce chemin n’est pas destiné à la circulation automobile, mais aux seuls piétons, il est navrant de voir un maladroit s’y engager avec tant de fougue et d’inexpérience.
— Le conducteur a du mal ?
— Je n’en sais trop rien, mais si la chose vous intéresse, vous pouvez toujours vous enquérir sur les lieux du sinistre.
Je prends note de son conseil et, abandonnant provisoirement mes deux amis, m’élance à travers la foule.
Pour tout te dire, et surtout ne rien te cacher, la vision, quoique dantesque, est également féerique.
L’auto s’est jetée à l’assaut de l’arbre, un Pechiney Kuhlman à terme de toute beauté, en hausse tu parles ! Ayant explosé, elle a pris feu, les flammes se sont emparées du tronc (pour le dernier du trou du culte), puis communiquées au feuillage. De là, elles ont agressé les arbres avoisinants. Si bien que pour l’instant, le feu ne touche pratiquement pas le sol ; il festonne à trois mètres de hauteur, ce qui est insolite, d’un très joli effet, mais rend les rudimentaires moyens de lutte inefficaces.
Le brasier dégage une telle chaleur que je ne peux demeurer sur place très longtemps. Les bons Noirs s’agitent en s’égosillant, se hissant de leur mieux pour virguler de dérisoires seaux d’eau qui leur retombent sur la frite.
Une nouvelle fois je m’efforce d’approcher l’auto. Elle est presque translucide dans le feu. En y regardant attentivement, j’aperçois une forme humaine au volant, minuscule déjà, réduite par la combustion. Stromberg a eu une fin digne de sa vie. Le tragique appelle toujours le tragique, à croire que le sort ratifie les actes d’un homme en lui réservant une mort en rapport avec l’existence qu’il a menée.
Mais mégnace gommeux, tu peux croire que je me sens fichtralement marri (voire même Joseph) de ce coup du sort. Stromberg mort, le faux Bok mort, je ne saurai donc jamais ce que ces deux-là manigançaient, ni à quoi rimait le fameux objet mystérieux auquel le tueur tenait tellement ! À moins que…
Oui, après tout, peut-être le retrouverai-je dans la carcasse de l’auto, quand l’incendie sera maîtrisé.
Toujours est-il que c’est peut-être demain la veille, mais en tout cas pas pour cette nuit. Il propage à toute vibure, le brigand, poussé par un vent à la con venu de la mer.
Harassé, déçu, grognu, mécontu, je retourne auprès de mes guérilleros de bistrots.
Un qui n’a pas visionné ça, n’a vu que le catalogue couleur de la Redoute, le Pèlerin-Dimanche, l’œuvre reliée peau de zob de Canuet et la tour Eiffel dans la petite lentille grossissante d’un porte-plume.
Un qui n’a pas idée de ça ignorera tout de la sensualité.
Allons, viens avec moi, maintenant que t’es grand, je te vas montrer du neuf, de l’estravagantissime.
On pénètre dans la chambre où a été ligoté M’sieur Gracieux, le gros terrible Noir venu m’enquérir et, au besoin étant, me quérir. Il est toujours saucissonné de première, l’ouvrage ayant été accompli par Bérurier-le-Grand ; et tu vas voir que ce merveilleux verbe lyonnais est judicieux quand tu sauras que Lady Meckouihl et sa gente secrétaire (à tout faire) ont décolleté la braguette du chef de gardes pour lui extrapoler l’Anatole. La fofollingue Britannouille est toujours beurrée, contente de l’être, portée sur les choses du plaisir et de la franche rigolade tout-terrain.
Elle a entrepris un jeu peu courant parce que difficile à pratiquer, faute de l’accessoire principal qui est un pénis de soixante centimètres, dimension peu commune, tous les manuels scolaires te le diront. C’est pourtant, à vue de nœud, la taille qu’atteint l’embouchoir de M’sieur Gracieux. Même notre pote Félix, le professeur surdimensionné, ferait ouistiti branleur en comparaison de M’sieur Gracieux. Il signerait avec Barnum, sa fortune serait faite.
Du moins, devrait-il absolument tourner des films « X ». Il deviendrait le Sidney Poitiers de la production porno.
C’est tellement abusif, un paf pareil. Tellement pas pensable, qu’à première vue on n’y croit pas. On pense qu’il a passé un bras à travers son bénouze et qu’il le brandit par la braguette pour produire un effet comique.
Alors, donc, je te disais : une bite de soixante, rondouillarde, Fleur de Coin. Les deux Anglaises font joujou de la manière ci-jointe : elles se sont disposées de part et d’autre du gaillard, l’hémisphère sud totalement dénudé. Sont à croupetons, les jambons bien écartés, la moulasse en panier de basket.
L’une des frivoles tire à elle, la biroute à M’sieur Gracieux, comme on tendait jadis le style d’une catapulte. Elle vise bien la cible qui est, pour mémoire, la chatte de la partenaire. Elle a le droit de rectifier la position de ladite : « un peu plus haut, ou plus bas ; plus en arrière, présentez-vous davantage par la gauche, etc. ». Quand elle a jugé de son mieux, elle lâche le paf du bonhomme qui s’en va frapper l’ouverture visée. Si la tête du nœud tape dans la babasse, c’est gagné. Sinon, la queue change de main. Lorsque c’est gagné, celle qui a mis juste a le droit de chevaucher le membre à M’sieur Gracieux pour dix allers et retours, lents ou rapides, au choix, mais avec interdiction formelle de faire défoutrer M’sieur Gracieux, ce qui interromprait pour un temps indéterminé ce jeu passionnant.
Cet exercice établit la suprématie de Samantha, car effectivement, la jeune femme vise une cible beaucoup plus béante que celle qu’elle met à la disposition de son adversaire. Par contre, elle est obligée de prendre possession de son lot d’une façon plus étudiée, sa jeunesse incitant M’sieur Gracieux à l’abandon intégral, bien davantage que la pendouillasse grise et britannique de Lady Meckouihl. Le gros Noir trouve le jeu formide, mais supplie qu’on le mène à terme. Il gronde que ça dure depuis plus d’une heure et qu’il voudrait bien se faire rigoler le Frédéric une bonne fois, crénom ! Ça fait douche écossaise pour ses sens, ces manigances. Par moments, il en a un fléchissement de rapière et ça se met à détringler dans son mandrin, qu’une de ces chères mutines, vite vite, est obligée de le refaire chauffer au bain-marie par une fellation express qui, rapidos, vu qu’il est d’un tempérament d’airain, lui ramène le zig et puce solide comme les espars goudronnés jalonnant la lagune de Venise.
Notre venue apporte un sang neuf à ces facéties grandes-albiones. Bérurier, inventif comme toute la salle de rédaction de France-Dimanche, y apporte une variante, comme quoi c’est lui qui prendra la gagnante dans ses bras et la déposera, à tâtons, sur l’épieu de la victoire. Adopté ! La lady, survoltée, fait si juste qu’elle gagne d’entrée de nouveau jeu. Bravo ! Bravo ! Alexandre-Benoît la saisit, pareil que tu saisis ton petit dernier lorsque tu tentes de lui apprendre à être propre, et, après une visée sommaire, descend la douairière, derrière en tête, en direction du mât de cocagne que Samantha maintient immobile et vertical, double condition de réussite. Mémère glapit qu’il y a maldonne pour une pincée de centimètres anglais et qu’elle morfle le Prosper à M’sieur Gracieux dans le prose. Jamais son lord ne l’ayant sodomisée, il réservait la chose à son neveu Richard, elle est inapte à pareil hébergement, comme ça, tout de go (en anglais : all of go).
— Hé ! molo, échauffe-toi pas le système, ma vieille pâquerette, la calme le Royal Bouffeur, on a droit à une erreur, non ? C’est pas pour espédier la gélule Apollo dans la planète Mars. Si j’aurais au moins un’glace pour assurer l’tir, mais j’sus là, à marcher à pas d’loup, sans visibilité. Note qu’av’c la mollusque qu’tu trimbales c’s’rait ben la guigne que j’te ratasse. Ton frifri, la belle, est éclaté comme une courge tombée d’un camion. J’en sais, des timides, qui t’baiseraient juste les recoins, pas t’déranger le minouchet. Allez, on r’met ça. Gaffe à la manœuv’ là-dessous. Bougeons plus : l’petit zoziau va rentrer. L’con à rebours est commencé. Un, deux, trois, quat’, cinq’, zéro !
« C’est parti ! Ah ! c’te fois, j’sens qu’on tient la gagne ! On a ferré mémère. Y a anguille sous roche. La v’là qui pâme. Elle a une gueule comme une tarte aux fraises. Et un petit air d’trombone en coulisse pour mahâme ! Allons z’enfants, de la Patr i e… Regardez, ce panard qu’elle mijote, la mère Lady ! Tomber sur un tel turlut d’éléphant, faut du pot, non ? Régale-toi, l’ancêtre, à ton âge, tu r’trouveras jamais plus un article pareil. Cent ans aux prunes, et tu t’fais glisser l’braque du siècle, merde, tu pourras aller faire cramer un cierge à où-est-le-Munster, remercier la Sainte Vierge d’ses largesses. Charogne, c’est qu’elle en prend pour l’restant d’ses jours, Mistress Madame ! Matez jusqu’où qu’je la descends. On est à mi-jauge, non ? Mam’selle Samantha, jalousez pas, vot’ tour viendra. Par curiosité, ça vous ennuillerait-il d’contrôler ce qui reste hors cul av’c une ficelle, on m’surera après. Moi, je parie qu’vot’taulière s’en paie l’un dans l’autre trente centimètres Fahrenheit dans la manche à air, comme ça, à vue d’nez, étant donné ma mal plaçance ? Ton avis, César ? Ben penche-toi, quoi ! Oh ! l’pauvret, maint’nant il a les muscles en fibrociment ! Comment dites-vous, Maâme Lady ? Vous êtes à saturation ? Ben vous pouvez, ma p’tite : la manière qu’j’vous ai laissée gloutonner d’la chatte ! N’importe qui, et même ma Berthe, aurait crié grâce avant la dose colosse qu’vous vous octroyez. Dites, faut pas vous en promettre ! Comme éteignoir à cierges, on peut pas rêver mieux qu’vot’-cor d’chasse. C’est les monts d’Auvergne ! Le gouff’d’P’pa Chirac ! Viens m’la soutiendre un instant, Pinuche, que j’voye de visu. J’ai b’soin d’regarder d’mes yeux vus, une bastringuée d’c’t’ampleur. Qu’ensuite j’peuve raconter, narrer dans les détails réalisses. Une amphigouri semblable ! Hé yayaille ! Tu m’la soutiens la milady, Bazu ? Arque-toi, c’est pas qu’elle soye lourde, mais tu déliquesces un brin, vieux schnock. Note qu’t’as jamais été Tarzan. Tu y es ? Voilà ! Seigneur, ce spectac’ ! De toute beauté ! Tu croirais un coq d’clocher, la Mistress. Qui s’rait enfourré su’ son axe. Fais-la tourniquer un brio, comme si la brise la remuerait… Ell’ glapit ! C’est la vraie véritable digue de l’oigne, n’est-ce pas, mâme Meckouihl ? J’parie qu’elle est capab’ d’en digérer encore un p’tit chouïa, pas vrai, ma jolie ? Si, si, rebiffez pas, j’su’sûr d’vot’fait. Si ça d’vient douloureux, vous l’dites. Pinuche, tu me la descends encore d’un iota, si tu voudras bien. Molo, hein ? Viens pas m’la perforer. Qu’est-ce j’disais ! Elle en biche encore trois bons centimètres. Les vioques, c’est ça, leur avantage. Elles sont blettes de partout et fouettent un peu l’renfermé, mais question de choper un chibre, pardon, chapeau, elles répondent présent. Visionnez, visionnez bien, tous ! Où qu’il est passé, le big zobard au Négus, hein ? Ce n’est qu’un au revoir, mes frères, ce n’est qu’un au revoir ! C’qu’vous ne voyez plus à l’étalage se trouve à l’intérieur. Dedieu, qui qu’a un Kodak ? C’est dans des instants semblab’ qu’en faudrait ; au lieu de tous ces touristes qui flachent à qui mieux mieux l’Accroc d’Paul, le Sphincter des Jeep, ou Bouquinegamme Palace. J’aimerais tirer une série des preuves. J’la photographierais à fond de course, mémère, et puis un peu plus levée, et encore un peu plus, par paliers, quoi, comme quand t’est-ce tu r’montes de plongée ; jusqu’à ce qu’on voye l’zob à Jules dans sa splendeur entière. Mais y croirait à un montage. Tant tellement qu’ça paraît impossible, c’phénomène. Qu’est-ce t’as, Pinuche ? Qu’est-ce tu brames ? Qu’t’as envie d’éternuer ? Ben gêne-toi pas, mon pote, j’préfère ton rhume des foins à ta diarrhée, c’est moins salissant. Matez ce vieux nœud qui contorsionne de la frime pour s’retiendre d’éternuer. Allez, Vieille Nippe, atchoum ! Ça y est ! Oh ! mon Dieu Seigneur Jésus, Marie, Joseph ! Le boug’ d’emplâtre. Il a lâché Mémère ! Ma pauv’ baronne, va ! Défoncée à outrance ! Elle s’est évanouise, non ! Courez chercher d’la gnole, bordel ! Tout l’monde su’l’pont ! Un docteur, p’t’être ! Et l’autre bamboule qu’a le paf cassé ! Vous parlez d’un circus ! Retirons la vieille d’autour d’c’t’queue, vite ! Vous croiliez qu’elle est éventrée ? Faut reconnaît’ que c’était guère d’son âge, des jeux pareils. J’sais pas si la Couine Victoria s’est enquillé des poteaux télégraphistes pareils à l’époque qu’elle était vioque comme Jérusalem ? Filez-lui de l’eau sur la frime ! Elle respire un brin ! Qu’est-ce tu fais, César, sacré nom d’Dieu ! Il chie encore ! L’émotion ? Mais tout te fait, quoi ! T’es plus sortab’. Prends ta retraite et retire-toi dans une chiotte. On t’y f’ra mett’ la téloche, ça t’aidera. Mam’selle Samantha, sans vouloir vous enjoindrer, v’lez mater si vot’ maîtresse aurait esplosé du fion ? La bite à c’gros dégueulasse y a r’monté jusqu’aux poumons, non ? Franch’ment, Pinaud, t’es criminel dans ton genre. Tu pouvais pas m’la débiter avant d’éternuer, dis, bourrique malade ? La larguer comme un malpropre su’ son paratonnerre à veine bleue, j’vous jure ! T’es franch’ment à bout d’course, l’ancêtre : bon pour la casse. Jusque z’alors t’avais toujours su préserver l’savoir-viv’. Jamais t’aurais laissé quimper un’vieille gonzesse d’la haute su’ une biroute d’un gredin noir, jamais ! J’t’ reconnais plus. Je t’cause pas commak d’gaieté de cœur, croye-moi. Mais c’est très grave, ce que t’as fait là. Une vieille lady si choucarde, intrépide du radada. Tu l’aurais poussée par la fenêt’ du douzième, c’serait pas été plus pire, Maint’nant, é va p’t’être clamser ; et Môssieur Pinaud, vous croiliez qu’il s’perd dans les remords éternels ? Pensez-vous ! Lui, il se vide la boyasse, tranquillos, comme un bon père d’famille. J’sus écoeuré par ton altitude, la Gâtoche. Hein ? Quoi, t’as pas fait esprès ! Manqu’rait plus qu’ça ! Et l’autre Amibe Dada qui gueule pour une bite brisée ! Hé ! dis, l’surpafé, mets-y une sardine ! À moi, c’est les oreilles qu’tu m’casses. Tu brosseras à l’équerre, doré de l’avant. Ah ! t’as l’air fin quand tu dégodes ! On dirait un poste d’essence. Dites, on dirait que Mme Lady refait surface. Alors, ma vieille poule, t’en as vu de dures, hein ? Qu’est-ce elle dit ? Fire ! Pourquoi qu’cause plus français, elle est fâchée ! Ça veut dire quoi t’est-ce, fire ? Feu ? Elle a le frifri en feu ! Ah, dame, va falloir qu’é se beurre la tartine pendant quéqu’ temps. Décidément, on peut faire réchauffer sa gamelle dans c’patelin, entre la forêt et le cul de mahâme qui sont en feu ! Pour l’coup, moi, ça m’donne soif. »
Et Alexandre-Benoît Bérurier se tut enfin.