PENDANT QUE L’ÉQUIPE DES ARTIFICIERS EST AU TRAVAIL…

Pendant que l’équipe des artificiers est au travail, j’appelle un taxi pour qu’on se fasse reconduire à nos domiciles respectifs, Jérémie et moi. Je me dis que du train où vont les choses, ma rutilante Maserati risque de ne pas finir l’année, et son valeureux conducteur pas davantage.

Dis, ils sont pugnaces, les mecs intéressés par ma peau ! A force de me persécuter, ils vont finir par m’avoir ! Ils doivent me surveiller de près, me filocher, guetter le moment propice ; et moi, chat échaudé craignant l’eau froide, j’ai beau ouvrir l’œil, je ne m’aperçois de rien. Ça énerve, une situation comme celle-là.

Le sapin me crache devant notre pavillon.

— Quelle heure demain, et où ? demande M. Blanc.

— Demain, mon vieux Sherlock arboricole, tu t’occupes des fournitures qu’aurait commandées la vieille bique malade.

Il me saisit le biceps au moment où je vais sortir de la Pijot.

— Antoine !

— Oui ?

— Tu fais gaffe à tes os, vieux ? J’aime pas trop ce micmac.

Je ricane :

— Si je ne faisais pas attention, la peau de tes roupettes serait présentement étalée sur le parking des Malvut, comme la toile d’un parachute après le saut !

Le bahut redémarre, piloté par un Asiatique morose. Le genre de Chinois dont la famille tient un restau où non seulement on te donne à claper des boulettes de Canigou, mais aussi, ceux qui sont censés les consommer (à la sauce piquante, tu te poses pas de questions).

Je remonte notre allée à pas d’oisif. J’aime à respirer le froid craquant de la nuit. Le ciel est consterné d’étoiles, comme dirait le Gros, et notre pavillon complètement éteint.

Je pose mes grolles pour gravir les marches un peu geignardes. Colle ma baffle contre la porte de m’man. Ne percevant rien, j’entrouvre à pas de loup (dirait toujours Sa Majesté). Le souffle régulier un peu sifflant de Félicie me rassure. Ma vieille a dû gober un sédatif et elle dort calmos. J’en suis content et ému. Toujours, il me fait doux et triste, le sommeil de maman. Un peu comme si elle me trahissait en dormant.

Je relourde silencieusement pour gagner ma chambrette. Me dépoile en un tourne tu sais quoi ? Main ! Me dénude comme un verre (un ver c’est trop dégueulasse) et vaque un instant dans la pièce. A quoi ? A presque rien : je prends connaissance du courrier qu’on a déposé sur mon bureau. Pas de factures, m’man assume la comptabilité de la maisonnée ; des lettres de gonzesses que j’ai pas tirées depuis lurette et qui réclament de la moulasse. Une revue de Montréal qui voudrait me faire écrire un papier sur la police française, une carte postale from Japan, d’un ancien collègue qui a gagné au loto.

Il me semble entendre un pouffement. Je me retourne et qu’aspers-je ? Deux mignonnes brunettes en culotte dont les frais minois s’insèrent par l’échancrure du corsage de la porte. Leur ressemblance avec Maria me livre leur identité : les frangines.

Des jumelles ! Vingt piges, mignardes à en faire triquer un gus venant de subir l’ablation des roustons.

Tu parles de petites effrontées ! Je suis nu comme un vers (d’Hugo) et au lieu de battre en retraite, ces pécores s’égosillent la rétine à m’admirer l’académie ? Peut-être parce qu’elles ne voient que mon dossard ? Pour mesurer leur degré de viceloquerie je me tourne face à elles.

— Hello, mes biches ! lancé-je, malgré mon horreur du franglais.

Là, elles cessent de glousser. Faut dire que Mister Zifolo est prompt à la détente. Tu lui montres deux greluses en slip, avec des petits nichemards affûtés au taille-crayon, et hop ! il fait cocorico, le bougre. Les filles, ça les estomaque, un chibre pareillement calibré. Se croivent (Béru dixit) à Cap Carnaval, au lancement de la fusée Apollo. De la voir dodeliner de sa belle tête casquée, elles n’ont plus envie de se marrer le moindre.

— Eh bien, entrez, mes chéries ! invité-je. On est en ventôse et on va tous avoir la chair d’autruche !

Elles entrent, presque timides tout à coup. Civil, malgré ma bite à l’air, je m’avance et les empare par la taille. C’est doux et tiède : un velours.

— Alors, vous êtes les sœurs de Maria ?

Si, qu’elles me philippinent en chœur.

— Comment vous appelez-vous ? Toi, par exemple, fais-je à la jumelle de gauche.

— Conchita !

— Whouah ! j’adore. Et toi ? demandé-je à celle de droite :

— Isabella.

— Magnifique ! C’est gentil de venir me voir.

— On avait entendu du bruit ! plaide Isabella.

Le délicieux accent ! Leur aînée n’est que le brouillon de ces exquises ! Un coït d’essai du señor Carcavello Juan, leur paternel. Il a fait un test-foutre avant d’oser son œuvre capitale. La Maria, c’était juste pour voir si ça venait bien au tirage. La photo polaroïd que prennent les reporters-photographes pour étudier la composition avant de verger au Nikon.

D’une double et puissante détente, je les presse contre moi ! Ça donne une marmelade de viande exquise, Denise ! Elles se laissent comprimer en souriant. Pas farouches pour des Espingottes. Comparée à ses cadettes, Maria c’est Bernadette Soubiroute. Dix piges d’écart ont modifié la mentalité sexuelle de l’Espagne. Notre soubrette appartient encore à l’ancien régime. Elle a les mœurs franquistes, la grande. Ces petites radasses, par contre, doivent se faire piquer docilement, sans sortir leurs complexes de gala.

Moi, tout spontanément, en bouc ébloui par l’aubaine, je les drive jusqu’à mon pucier. M’est déjà arrivé de grimper des jumelles. Fascinant, t’as l’impression de faire l’amour avec un papier carbone. Sur les deux, t’en as une qui brosse en play-back, fatal.

Je les sardine en travers du pieu. Féerique ! Les voir aussi pareilles, lascivement étendues sur ma couette, crois-moi, ça décoiffe !

Elles commencent aussi sec un jeu exquis : Conchita m’empoigne le gouvernail de profondeur, au ras du gazon. Isabella en fait autant ; puis Conchita m’empare au-dessus, puis de nouveau Isabella. Conclusion, ne reste à l’air libre que le beau visage rubicond du sieur Bigzob.

Elles éclatent de rire.

Je les laisse à leur morceau à quatre mains pour les entreprendre en même temps avec les deux miennes. Ce que je voudrais être Bouddha qu’on se marre un peu plus mieux. Caresses de ces adorables touffes. Puis action conjuguée de mes chers médius. C’est beau d’être ambidextre ; dans le cas présent, je préfère ça plutôt que d’être nyctalope.

Ah ! dis donc, l’Espagne c’est quelque chose. Mon estime pour Charles Quint grimpe à toute vibure. Même Juan Carlos, je le prends en haute considération, à constater le tempérament de la famille Carcavello. Je me dis que, pour peu que la daronne de ces diablesses soit pas trop ravagée des castagnettes, je serais chiche : de lui interpréter sombre héros et mantille à prix de faveur, pendant la féria de Séville.

On s’embarque à la mollassonne pour une opération de grand style, je te garantis. La fièvre monte à El Paso ! Oh ! la tortilla ! Des reptiles sectionnés, les jumes. Mon tronçon, nos voleurs ! Je les butine à mort avec une omniprésence d’esprit inouïse. A toi, à elle, à celle-là, à toi ! Le tactile en délire, le pif en secours ! La bouche pour flûte traversière ! Le membre pour flûte traversin. Hardi ! A pile ou fesses ! De gauche et de droite. Urbi et orbi. Cataclystique, l’Antonio. Sabre au clerc ! comme disait un notaire pédoque. Les deux gosses, pourtant habituées aux corridas, n’en reviennent pas de ma façon de toréer. Faut pas donner priorité à sa coxarthrose quand t’es confronté à des situations de ce genre. Estoquer sans cesse. Estomaquer ! Tout dans la vigueur et l’invention. Le pégreleux qui confond amour avec bilboquet, se prend le paf dans le tapis ! Impossible de s’économiser. C’est la goinfre sauvage ! Le don total de soi et l’exigence intégrale vis-à-vis des partenaires.

Jouer cette partie de dames avec deux ravissantes Espanches, bien fermes et bien lavées, avoisine le bonheur. Priorité et gloire, à l’école laïque d’abord, aux filles nettes tout de suite après ! Que je me rappelle un jour, Béru et moi, nous étions dans quelque taverne mal affamée (comme dit le Mammouth). Le Gros, pété comme tout. Il venait de palper une prime de je ne sais quoi et l’osier lui brûlait les couilles (il met son flouze dans sa vague de pantalon avec son mouchoir). Soudain, il avise une dame radasse juchée sur un haut tabouret. Et l’idée lui vient d’acheter son slip. Il le voulait acquérir là, dans l’instant. Les pourparlers commencent. Alexandre-Benoît prend deux biftons de cinquante raides et va à la dame.

— « Si v’voudriez m’vend vot’ culotte, j’sus preneur à mille, mon trésor. »

— « Tu m’as pas regardée, fleur de fesses ! »

Et lui, sans départir :

— « A deux mille ! »

Il rajoute deux autres talbins. La gonzesse flaire la bonne aubaine. Elle matoise :

— « Trois mille et c’est banco ! »

— « Jockey ! assume l’Immense. Envoiliez la marchandise. Mais achtung, vous la posez sans descend’ d’ vot’ tabouret ! »

— « En ce cas, ça fera mille de plus. »

Béru consent. La fille se trousse et se dépiaute. Elle tend un élément blanc-affreux au Gros et rafle ses talbins. Alors Béru s’écrie, dominant de sa voix de tribun la sono tympanticide de l’endroit :

— « Dis donc, la mère, c’est ta culotte qu’ j’t’aye ach’tée, pas le drapeau japonais !

Je ne sais pas pourquoi je te raconte ça. Peut-être parce que les souvenirs, faut les larguer quand ils vous viennent !

Et je poursuis mes lutineries sur les sœurs Carcavello. Elles miaulent comme des chattes. Moi, ce dédoublement me porte à l’incandescence, tu penses bien.

Au moment de remplir les ballasts pour la plongée, je m’aperçois qu’il y a un choix à opérer. Sur quelles bases établir la préférence ? Alors, bon, je dispose les académies de ces dociles Andalouses de telle sorte que je puisse honorer l’une d’une troussée, l’autre d’une tyrolienne d’attente. Et bravo, la solution leur agrée.

Au plus ardent de l’opé, un cri de trident retentit ! Une égosillance forcenée qui fait vibrer les vitres. Je déjante ! Maria ! La grande sauvage est là, en chemise dé nouit, le cheveux en bataille (de Verdun), le regard halluciné, la glandaille soubresautante. Notre délicat ramage, comme l’eût écrit la marquise de Sévigné, l’a réveillée et elle nous biche en flagrant du lit. Oh ! ce drame ! Tout dans la langue de Cervantès ! Que même elle rajoute du dialecte sévillan, bien marquer le coup ! Elle en a après ses frangines. Les traite de putes, de salopes, de chiennes en chasse ! Et en espingouin, ce qui fait davantage de raffut encore qu’en français, langue sensuelle par excellence peu apte aux éclats.

Les jumelles chialent. Je crois qu’elles pleurent surtout leur coup interrompu. C’était en marche pour le panard géant, et puis voilà cette grande velue qui leur casse la cabane. Après moi, elle ose pas vitupérer, Maria. Je suis le maître, le Dalaï-Lama, l’intouchable (mais suçable à toute heure). Respect au grand chef ! Œil de Faucon, Antoine ! Régnant !

Maintenant, la grande passe des vociférations aux actes. La voilà qui frappe ses jeunes frangines dévergondées à pleines claques ! Ça sonne sur ces petits culs pommés comme sur des tambourins. Les gonzesses gueulent. Moi je cours verrouiller ma lourde que si m’man se pointait, j’aurais pas bonne mine ! Surtout en plein rapt de Toinet, tu te rends compte, vicomte ?

Rassuré de ce côté-là, j’entreprends de faire cesser la fouettarde. Je vois pas trente-six moyens ! Aux grands maux les grands remèdes ! Je soulève sa chemise de noye, la courbe d’un bras puissant et lui glisse le camarade Bigpaf dans le chemin des Dames. Le temps qu’elle pige mon dessein (animé), elle a plus le courage de rebuffer, Maria. Je la queute par surprise. C’est l’emplâtrage souverain. La sabrée mongole, very impétueuse. Et là, mon pote, trêve de fioritures. Hue, dada ! En rase campagne ! Les hordes barbares, ton Sana. D’Asie. Attila, que cause Lelouch dans « Les Huns et les autres ». Vingt-cinq images seconde : tac tac tac tac tac ! La rafale culière ! Pour être pistonnée, elle l’est, ma bonne à tout faire ! Ses frangines médusent d’une pareille surchauffe.

Elles se consultent du regard, se demandant si elles devraient pas balancer des seaux d’eau sur le joufflu de leur grande sister, y éviter de couler une bielle. La Maria, elle mord le couvre-lit ancien. Si jamais elle le déchire, faudra qu’elle le répare, je suis assuré contre l’incendie et le dégât des eaux, pas contre les morsures de bonne. Elle se retient d’indicibles hurlantes. Néanmoins, elle émet des « Aoooh ! Aooooch lala ! » des « Ahououou » que le clébard des Baskerville ferait pas mieux ! Faut admettre que je l’ai limée avec une telle violence, Maria !

C’est une thérapie (n’occulte), comprends-tu. Un moyen désespéré d’endiguer sa crise de nerfs. Je la rassure en la sabrant, l’humilie puisque c’est devant ses sœurs, la fatigue par l’impétuosité de l’assaut (comme dirait Gloria). C’est péremptoire, en fait de méthode. Elle doit s’incliner. S’incline. De plus en plus. Au point qu’elle glisse à genoux sur ma descente de pieu. Je continue le boulot au rez-de-chaussée. Sans déchatter la moindre ! N’ayant plus de couvre-lit à dévorer, elle se mord les poings, la pauvrette. Ses pauvres chères mains d’honnête fille malmenées par les travaux ménagers !

Si ! si ! si ! qu’elle clame en se bouffant la renflure du pouce.

Elle ajoute encore qu’elle m’aime ; que « Oh ! mais si ! mais si », que « Mission, il mé toue ! » et enfin que « Arrrhhwwrrrr », ce qui est tout à fait exact. Et puis c’est l’arrivée triomphale. Le déboulé dans la lumière. Je me libère de ces quelques millilitres qui font tant de chichis pour s’évacuer et conduisent le mâle à toutes les exactions, qu’ensuite t’es bien avancé, gros malin ! Cours te rincer, je te mépriserai moins !

On reste ventrés à terre. Les jumelles sont assises, sagement, comme pour le défilé de la semaine sainte, chez elles.

L’une d’elles finit par murmurer :

— Le téléphone, señor. Vous ne répondez pas ?

J’avais pas perçu la sonnerie. Certains instants trop éperdus affaiblissent notre perceptibilité, rendent nos autres sens guimauve. Moi, haletant, mortibus, toujours allongé sur cette vaillante Maria, paralysé à force d’épuisement, je trouve juste la force de murmurer :

— Réponds, connasse ! Ça va réveiller maman !

La donzelle saute de mon pageot, nous enjambe. Oh ! le délicat frifri rose pâle, fugacement aperçu ! A plus tard, mon bijou.

Elle décroche. Ecoute.

— Qué ? elle murmure… Si ! Oune minoute !

« Oune maestro ! » elle me virgule en obstruant l’émetteur.

— Quoi, un maestro ?

— Jé n’é pas réténou son nom. Cracricrac ! On trouc commé ça.

— Krackzyblum ?

— Si !

Je me déplante de Maria, me relève comme tu déplies un mètre de charpentier. Harassé, je vais prendre le combiné.

— San-Antonio, j’écoute.

Oui, j’écoute. Ça, pour écouter, j’écoute, mais je ne perçois qu’une espèce de râle, même pas : un gargouillis très faible avec, en surimpression sonore, des coups secs qui vont en diminuant d’intensité.

— Allô ! égosillé-je comme un con. Allô !

L’image classique, si souvent vue dans les films « B » d’un gonzier refroidi dans une cabine téléphonique, avec le combiné brutalement lâché qui fait le pendule… Oui, ça, exactement ça. Ou alors une mise en scène pour le donner à accroire que.

Je dépose le combiné à côté du poste.

— Touchez pas à ça ! lancé-je aux femelles.

A poil, je m’élance hors de ma piaule pour descendre au salon où se trouve notre deuxième ligne, celle qui me sert uniquement à appeler Félicie. Un acte d’amour !

Je tube le service des écoutes. Me nomme. Ça devait pioncer là-dedans. C’est ébaubi, embrumé, mêlécasseux.

— Notez mon numéro, enjoins-je. Je suis présentement en ligne avec quelqu’un qui ne répond pas. Essayez de déterminer le lieu d’appel de ce correspondant muet. Quand vous y serez parvenu, si vous y parvenez, téléphonez-moi au second numéro que je vais vous donner. Et remuez-vous le cul, sinon vous allez encore aggraver le graphique du chômage.

Je me laisse tomber dans un fauteuil.

Epuisé, je pars en sucette !


Une omelette de six œufs !

T’as déjà bouffé une omelette de six œufs, tout nu dans une cuisine, les roustons pendants du tabouret, avec trois frangines qui te regardent claper ? Ça fait une curieuse impression. Tu te crois revenu à l’âge du feu ou de la pipe taillée, quelque chose comme ça. Chef de tribu, tu te sens. Grand sorcier à la bite en or ! Guérisseur d’écrouelles. Masseur de clitos ! Roi, quoi ! Pouvoir discrétionnaire. Lettres de cachets (d’aspirine). Bon plaisir. Toutim ! Les couilles pendantes, ça provient. Plus rien à cacher : elles ont fourni leurs preuves, prestations. Réputées irremplaçables, tu saisis ? Alors, qu’est-ce qu’il fait, l’être irremplaçable, malin ? Hmm ? Ben oui : il laisse flotter. Puisqu’il n’y a que lui dans sa catégorie, qu’il craint aucune concurrence, il peut péter à table, se torcher avec la nappe, se branler dans le plat de macaronis si le paf lui en chante.

— Vous voulez dou pimiente, señor ? que bêle la Maria, en pure extase, le pot endolori, défoncé à bloc comme un vieux sommier de bordel.

Elle a retrouvé sa vitesse de croisière, la pécore. Rétablie, sa supériorité sur ses frangines friponnes : oui, oui, c’est bien elle la queen ! Elle qu’a le droit exclusif de faire dégorger le seigneur. Ce qui précédait, c’était juste des amuse-gueules, un prélavable (Béru dixit), des gammes, comme qui dirait… Les jumelles ? Une simple mise en train du mec. Mais la troussée épique c’était pour les miches à qui ? A Maria ! Elle sent le feu du guiseau dans la moniche surchauffée, la gentille Espingote. Le bonheur complet, c’est la señorita Carcavello Maria qui se l’est octroyé plein cadre. La celle qui peut plus arquer, qu’a le fignedé frotté au piment de Cayenne, c’est toujours bien elle.

Du coup, sa pudeur a baissé culotte et pavillon. Elle leur a montré, à ces cadettes de merde, sottes pécores inexpérimentées et vantardes ce qu’était une vraie partie de trou ! Elles ont pigé, Conchita et Isabella, qu’au jeu du radada en folie, elles étaient pas encore de taille à lui tenir cul, Maria. qu’elles pouvaient continuer l’école du soir, ces glandeuses. Se jouer des solos de clito à deux doigts avant de lui arriver à la cheville ! Un piège à pafs comme le sien, fallait encore quelques mois de nourrice avant de le rendre performant. La secouée qu’elle vient de déguster, c’est pas avec des petits dargifs en pomme qu’on l’assume. Faut du bon gros pétrousquin velu pour s’aligner au départ de l’épreuve. Y a eu des phases de la compétition nous deux, où ni l’une ni l’autre des jumelles aurait pu tenir la route. Ç’allait vite devenir le Paris-Dakar dans le Ténéré. Elles allaient droit aux tonneaux dans les dunes, les pauvrettes. Y a que des 4×4 comme Maria pour se risquer dans le sans-piste, à la découverte.

Tout ce que je te résume, elle l’exprime à sa manière, ma soubrette. Ses regards hautains, ses sourires de statue pieuse, ses silences pleins de sous-entendus le prouvent.

Je clape comme bouffe un clébard affamé, la tête dans le guidon, l’avant-bras qui tient la fourchette porte sur le bord de la table, contrairement aux règles de bienséance les plus alimentaires. Du bout des doigts, je pousse mon verre. Maria s’empresse de le remplir. Un pacha, te dis-je !

— Vous voulez dou froumage, señor ?

— Camembert ?

— Si, à point.

— O.K.

— Avec dou mantequilla ?

— Non, pas de beurre ; les calories en rang par quatre, merci bien !

Elle rit sous sa moustache de saint-cyrien d’avant-guerre. J’attaque le calendos.

Le bigophone retentit. Je bondis.

Le mec des écoutes, service de noye.

— Vous avez pu retapisser l’appel ?

— Tout à fait ! exulte le mec.

— Bravo ! Alors ?

— Une cabine téléphonique de la gare des Brotteaux, à Lyon.

— Bravo, bravo ! Et je dirais même plus : Bravo ! Joli travail, mon vieux. Vous vous appelez comment ?

— Lavertu Albert.

— Eh bien, je peux vous dire que Lavertu sera récompensé. Bien entendu, le poste de ladite cabine est toujours en ligne avec moi ?

— Toujours !

Je le largue pour appeler la P.J. de Lyon, rue Marius-Berliet que les poulets de là-bas ont surnommée « Fort Apache » à cause, je pense, de son architecture crénelée. Le commissaire Ricardin, qui la dirige, est du genre flic intransigeant, boulot boulot. La presse, lui, il s’en torche. Ce qui l’intéresse, c’est son job, pas la une du Progrès.

Bosseur effréné, il est là encore, malgré l’heure tardive, mobilisé par des giries féroces dans le mitan lyonnais. Il me « prend » illico. Je lui expose mon problo nocturne. S’agit-il d’un canular ou d’un coup tordu ? Il me promet de dépêcher l’un de ses archers en catastrophe et de me rappeler pour m’informer « du suivi ». Banco !

— Bon, les nières, faut aller vous zoner, à présent, les fêtes du couronnement se sont terminées, je leur annonce, péremptoire.

Et ma jolie basse-cour de s’égailler sans protester.

Quelle soirée ! Que dis-je : quelle nuit !


Il est exactement minuit quand le commissaire Ricardin me turlute.

Il me fait, rapidement, en homme qui a une chatterie à fouetter :

— Je vous passe l’officier de police Varissel.

Là, l’organe diffère. Pas du tout la voix beaujoleuse qu’on pourrait attendre d’un poulardin lyonnais, violacé sous le harnais, mais une voix presque encore frêle d’homme jeune.

— Pierre-André Varissel, se présente-t-il. Bonjour, monsieur le commissaire.

— Du nouveau ? m’impatienté-je.

— Et comment ! J’ai fait les cabines téléphoniques de Lyon-Brotteaux et dans celle qui se trouve le plus en retrait, j’ai découvert un homme mort.

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