IL EST DES PÉRIODES OÙ LES ALOUETTES…

Il est des périodes où les alouettes te tombent rôties dans le bec. Dans le cas présent, je n’ai pas à courir sus à l’événement, c’est lui qui vient à moi.

Ce midi, nous avons des invités at home. Il est assez peu fréquent que nous recevions sur invitation ; généralement on fait des bouffes improvisées avec la vie trépidante que je mène à grandes guides. C’est le ragoût ou la blanquette réchauffée, avec, pour précéder, l’omelette aux truffes préparée en catastrophe (m’man conserve en des bocaux mystérieux, de ces champignons souterrains qui sont la gloire de la cuisine française).

Aujourd’hui, c’est l’annif’ de Toinet, aussi avons-nous décidé de mettre les pieds plats dans l’écran, comme j’aime à répéter ; d’autant qu’il tombe un mercredi, jour de relâche scolaire. Se trouvent conviés aux agapes, M. Blanc, Mme et leur tribu ainsi que la sœur de mon black collaborateur, l’excellente Cadillac V 12, dont il fut parlé dans l’une de mes livraisons antérieures. Cadillac V 12 travaille maintenant comme fille de salle dans un hôpital de la périphérie, ce qui est moins rémunérateur que fille de joie, mais plus honorable. Ma Félicie leur a manigancé un haricot de mouton qui ferait sécréter les papilles d’une pierre ponce, suivi de tartes à l’orange que si tu fais goûter ça à M. Lenôtre, aussi sec il se flingue avec l’une de ses broches, comme Vatel avec son épée.

La marmaille est en train de déguiser notre pavillon en Fort Chabrol quand un coup de sonnette retentit dans les coulisses du jardin. Maria va aux nouvelles et revient en précédant un gros type bas sur cannes et tellement ventripotent que les bords de son pardingue ne se sont plus rejoints depuis des années. L’arrivant est chauve du milieu, avec une couronne de cheveux noirs frisottés. Il a des bajoues, une moustache pour séducteur d’avant-guerre, le regard en coquilles d’escargot et un petit nez rond pas arrivé à terme. Il me dit confusément « quelque chose », sans pour autant que je le situasse. Il remonte l’allée cavalière du domaine en louchant sur l’agréable popotin de Maria, et on le sent prêt à avancer la main sur ces fascinantes et dansantes rondeurs, ce que je ne lui conseille pas, car mon ancillaire te lui tartinerait aussi sec la frite à l’onguent de phalanges ! Son pétrousquin, à l’Ibérique, est réservé à Sana. Tu connais les Espingottes ? Leur faroucherie en matière de fesse ? Le combien elles sont passionnées par un mec ?

Je passe pas ma vie à la calcer, Maria. Je parcimone même de la braguette d’en ce qui la concerne, pas que ça devienne une habitude et, partant, une corvée. Parfois, elle a droit à une troussée géante, la mignonne. Au super-gala des sens sur le grand air de Carmen. C’est l’embroquée souveraine quand nous sommes seuls à la maison. Le big lâcher de levrettes ! La harde épique ! C’est pas le genre de moukère qu’il convient de fignoler viceloque. Elle a le gabarit quatre roues motrices, ma soubrette. Lui faut l’emplâtrage véhément. Tu la verges d’importance, sans pleurer l’huile de couilles. Le côté casse-cabane ! On a brisé déjà une chaise Napoléon III et un mignon guéridon en bois fruitier, sans parler du sommier de son pucier qui prend de la gîte depuis notre dernière collée. La sabrée Reichshoffen, si tu vois ce que je veux en venir ? La señorita, elle est nulle au scrabble, mais au radada c’est une solide affaire. Tiens, puisqu’on parle de scrabble, je vais t’indiquer au passage, un blaze de rêve quand tu joues avec adjonction des noms propres M. Zworykin. Si t’arrives à le placer dans la partie, tu fais un monstre carton, surtout si ça triple ! Retiens bien : Zworykin, comme tu le sais déjà ce gonzier a inventé l’iconoscope (faut dire qu’il était d’origine russe).

Et bon, je te reprends l’arrivée du gros vilain sur les talons (plats) de Maria. Son lardeuss poil de chameau est constellé d’auréoles. Le bouton du haut de son futal a choisi la liberté et ses chaussettes à losanges jaunes et bleus tire-bouchonnent sur ses mocassins éculés de frais.

Pile qu’il rentre, y a Ramadédeux, la fille aînée des Blanc (ainsi prénommée parce que sa chère maman s’appelle Ramadé), qui tire un penalty avec une boîte de conserve vide retrouvée dans la poubelle sous l’évier. Maria a la présence d’esprit de se pencher et c’est le visiteur qui la morfle pleine poire. Voilà son petit bout de nez rond entaillé. Il pisse le sang au milieu de notre vestibule, sans piger ce qui vient de se produire. Félicie cavale à fond de train jusqu’à son armoire à médicaments. Elle détient une véritable pharmacie, ma vieille. Chez nous, tu peux souffrir de n’importe quoi, elle est cap’ de te soigner. Un vrai dispensaire ! Bien entendu, les chiares se marrent. Jérémie houspille la fautive, mais pour la forme, car il a toutes les indulgences pour ses rejetons, le grand primate.

Ramadé, plus motivée puisqu’elle vit davantage au contact de sa lignée, distribue des mornifles en gueulant dans leur dialecte du fleuve Sénégal. Tout ça fait très folklo. Le gros gus perd pied au milieu de cette peuplade surexcitée. M’man le fait asseoir et se met à lui étancher le raisin. Au bout de chiche, le voilà barbouillé de mercurochrome dans la région nasale (ce qui n’ajoute rien à son charme), et pourvu d’un fort sparadrap qui escamote entièrement son faible appendice. S’il est vrai que le sexe soit en rapport de taille avec le pif, il doit pas trimballer grand-chose dans son kangourou le quidam. Ça se situe dans le calibre gnocchi, son bistougnet. Même poché à l’eau bouillante, t’arrives pas à le faire gonfler valablement ! Quand il déballe l’outil, la première fois, y en a pas de seconde ! Sa partenaire se slipe à tout-va dans l’escadrin de l’hôtel en clamant comme quoi elle fait pas collection de cure-dents !

Tu l’entendrais maugréer sous son pansement, le calvitié ! Il a le renaud méchant ! Il annonce qu’il va déposer une plainte : dommages intérêts, coups et blessures, la lyre… Ma Féloche s’escrime à lui expliquer que des enfants, c’est des enfants. Ramadédeux ne l’a pas fait exprès de lui calamiter le tarbouif ! C’est une malencontruosité. S’il tient à consulter, elle peut faire venir notre médecin de famille, l’un des rares toubibs qui acceptent encore de se déplacer, car, de nos jours, faut porter ses agonies dans les cabinets médicaux, pas surmener nos praticiens. Mais le vilain teigneux refuse. Il réserve les suites, ou je ne sais quoi ! N’en plus, risque d’odieux sarcasmes relatifs à la couleur de la garnemente qui lui a infligé cette blessure. Que pas étonnant d’être attaqué par des gens de cette espèce. Pauvre France, si en butte ! Pillée, démantelée, dépecée par des vautours de toutes sortes, en tout cas pas blancs de plumes.

Pendant qu’il vitupère, je l’examine acuitement, cherchant dans mes souvenirs où j’ai déjà rencontré cet énergumène. Un être douteux, pas frais, à virguler dans le vide-ordures. Nous n’avons pas eu des rapports très suivis, lui et moi, mais nos routes se sont croisées, pas de doute !

Enfin, l’incident se tasse un peu. M’man emmène les lardons jouer dans le cabanon au fond du jardin, là qu’on remise les outils, les meubles d’été et un tas de charogneries en tout genre qui va faire leur bonheur. Ils vont pouvoir s’en payer une tranche, les Attila de la famille Blanc. Mettre à sac la masure que je me propose de faire aménager en appartement d’amis un jour. Mais ce qui me retient, c’est que nous n’avons pas d’amis suffisamment amis pour qu’on puisse les tolérer longtemps dans notre espace vital. J’entendais le commandant Cousteau (des Epinettes et de l’Académie française) l’autre jour, qui déclarait que les Français sont les gens les moins hospitaliers du monde.

Il n’a sûrement pas tort ; mais moi je sais la raison de cette inhospitalité : le Français il a horreur qu’on le fasse chier. Il sent bien que son existence est brève, le Français. S’il doit se casser les couilles à héberger des gens, il préfère pas avoir de potes ; se garde pour soi tout seul, s’économiser un max ! Merde ! elle est assez duraille à assumer, l’existence, non ? Et tu voudrais, de surcroît, vivre pour des gens dont, franchement, t’as pas grand-chose à cirer, toi ? Un gueuleton, il veut bien le Français, c’est pas long et c’est l’occasion d’une belle jaffe. Mais garder des mecs sous son toit, tu parles d’une méchante corvée ! Ma pomme, quand ça m’arrive d’héberger, je compte les jours, les heures, même ! Je secoue ma montre dans l’espoir que ses aiguilles tourneront plus vite. Ce qui t’explique que notre cabanon, c’est pas pour demain qu’il deviendra annexe pimpante de la maison mère.

Et bon, la horde déferlant dans les communs, nous voilà plus aptes à converser, le blessé et moi.

— Je suis maître Jean-François Krackzyblum, déclare le pernicieux, mais nous nous sommes déjà rencontrés aux assises pour le procès Tuladanle.

Ça y est ! je savais bien que cette sale frite faisandée ne m’était pas inconnue. Me Krackzyblum, c’est l’avocat marronnasse dans toute sa splendeur. Je devrais pas lui donner ce nom-là, ils vont croire que je suis raciste ! Faut penser à tout ; pas heurter les sensibilités, comme on dit. Un blaze pareil, ils vont clamer que je front-nationalise, c’est couru. Donc, au temps pour moi, il s’appelle plus Krackzyblum. Rectifié ? Admis ? Merci. Mais Jean-Marie Le Clanche. T’as noté ?

Je te disais que comme planche pourrie tu pouvais pas trouver pire. Toutes les affaires qui puent fort la merde ou la sanie, il en est, Le Clanche. Plusieurs fois, il a failli se faire radier du Barreau. Les blâmes qui lui furent infligés, il en tapisse les murs de son cabinet (un cabinet qui sent fort la fausse aisance et la fosse d’aisance). Moi, l’éclair ! Je pige que c’est ce fumelard que la tantine à Toinet nous dépêche. Elle n’a pas traîné et, naturellement, a fait appel à la pire sous-merde qu’y se puisse trouver au Palais de Justice en dehors de certains prévenus. Alors je souris.

— C’est la femme Turpousse qui vous envoie, mon bon maître ? narquois-je. Je m’étonne que vous vous déplaciez chez la partie adverse, et ce sans même prendre rendez-vous. N’est-ce pas contraire à la déontologie ?

Il touchotte le pansement dissimulant son brin de pif. Il est inquiet pour son look, le forban. Des fois qu’il cesserait de séduire les duchesses de bastringue composant son ordinaire ! Puis, il l’oublie vingt secondes et déclare :

— J’ignore de qui vous parlez, commissaire.

Au temps pour moi. J’ai l’air malin du gonzier qui annonce un carré d’as à la belote et qui s’aperçoit, en le couchant sur le tapis, qu’il se compose de quatre as de pique.

— En ce cas, quelle est la raison de votre visite ?

— Si l’on ne m’avait pas fait éclater le nez au moment où j’ai franchi votre seuil, vous le sauriez déjà ! aigrise le maître.

Je pose ma main peu dégoûtée sur son épaule peu ragoûtante et l’entraîne vers le petit salon au piano droit déjà mentionné quelques merveilleuses pages plus haut.

Il choisit la bergère, plus apte à héberger son sale gros cul de goret.

— Et moi qui viens ici pour vous rendre service, geint Le Clanche (ex-Kracskzyblum).

Lui ! Me rendre service à MOI !

Mais le seul service que je peux attendre de cet être abject, c’est son départ de la maison ! Il a la présence rouilleuse, tu comprends ? Il dégage des ondes et des odeurs, des impressions. Faut être fumier de père en fils pour ne pas se sentir incommodé par lui. Un service rendu par cet être, si tant est que la chose se puisse, n’a rien d’honorifiant. Au contraire, elle implique je ne sais quoi de dégradant.

J’attends la suite, sans marquer la moindre réaction, kif le Penseur de Rodin, boulevard Raspail.

— Commissaire, attaque-t-il, vos jours sont en danger !

Fichtre foutre, cette grandiloquence !

— Je sais, réponds-je, ils le sont depuis l’instant de ma naissance et nous devons être quatre ou cinq milliards de bipèdes dans ce cas sur la planète.

Ma boutade ne le divertit point. Il se baisse pour remonter une chaussette tombée bien bas, découvrant ainsi une cheville blême, veinée de bleu gerbant.

— Vous ne devriez pas plaisanter, commissaire. C’est grave.

— Parlez et j’en jugerai, réponds-je avec hauteur (un mètre soixante-dix-huit sous la toise ; un mètre quatre-vingt-quatre si je me tiens sur la pointe des pieds).

— Commissaire, poursuit-il, j’ai reçu hier la visite d’un individu dont l’appartenance au Milieu ne fait pas de doute.

— Si vous le dites, c’est que c’est vrai, renchéris-je.

— L’homme en question se trouvait plongé dans un grand embarras et, sous le sceau du secret professionnel, m’a fait part de celui-ci. Vous comprendrez donc qu’il ne me sera pas possible de vous révéler son identité après que je vous aurai répercuté ses paroles.

C’est gonflant de voir comme un faisandé de ce calibre ne peut celer son hypocrisie. Il a beau vous regarder droit dans les yeux en prenant une expression de brave homme, son regard trahit sa faux-dercherie.

Le mien, pour ne pas être en reste, lui retourne en exprès une formidable charge de mépris.

— L’individu en question, reprend le maître, nullement découragé, s’est vu proposer un étrange contrat. Une forte somme qu’il n’a pas voulu préciser, lui a été offerte pour vous supprimer.

— Et il a décliné l’affaire ? m’exclamé-je d’un ton léger.

— Vous le voyez.

— Il me trouve trop sympa pour me déguiser en viande froide ?

— Il a pour règle absolue de ne jamais toucher à un flic !

— Dites-moi, cher maître, c’est un truand de l’Ancien Régime, votre ami : il respecte la règle d’or du crime ! Ses trois unités !

— Cet homme n’est pas mon ami ! rebiffe Le Clanche d’une voix tranchante.

— Disons en ce cas votre client. Ses scrupules l’honorent ; et pourtant, ce ne doit pas être la fleur des petits pois pour que lui soient proposés de tels marchés !

— Ma clientèle ne se recrute pas au couvent des Oiseaux, commissaire.

Je souris (finement, si j’en crois la glace au vieux cadre mouluré fixée à la hotte de notre cheminée).

— Cet individu est néanmoins capable de bons sentiments, puisque non seulement il refuse de m’assassiner mais pousse la charité jusqu’à me prévenir, dis-je.

— Cette seconde initiative est de mon fait, intervient Le Clanche. (Non, c’est un nom trop honnête, décidément ; presque breton ! Faut que je trouve un blaze à consonance étrangère. Le côté levantin. Tiens : Zizoula ! C’est marrant, non ? Ça fait bien chauve-frisotté-au-teint-safran. Maître Zizoula. Maître Moktar Zizoula, ça joue ? C’est reparti !)

— Trop aimable à vous, maître Zizoula.

— Si je ne vous avais pas prévenu, mon cher commissaire, je serais moralement complice d’un meurtre éventuel.

— Je cherche à comprendre pourquoi votre client vous a mis au courant de cette proposition repoussée, s’il n’avait pas l’intention de me prévenir.

— Il se doutait bien que je le ferais.

— Et il ne vous a fourni aucune précision sur les gens que ma vie importune ?

— C’eût été suicidaire de sa part, convenez-en !

— En effet, admets-je. C’est tout ce que vous aviez à me dire, maître Zizoula ?

— C’est tout, mais ne trouvez-vous pas que c’est beaucoup, commissaire ?

— Je ferais preuve d’une ingratitude noire si je prétendais le contraire. Selon vous, mes « ennemis » auront sonné à une autre porte pour réaliser leur dessein ?

— Cela semble probable. A votre place, je resterais sur mes gardes. Gilet pare-balles, armes de poing constamment à disposition et, pourquoi pas : garde du corps aux aguets ! La vie est le plus précieux de tous nos biens.

Je suis convaincu que si j’avais une concierge, elle tiendrait un langage identique. Tous les philosophes concordent sur ce point.

— Il ne me reste plus qu’à vous remercier pour votre sollicitude, maître. Et à vous demander une nouvelle fois pardon pour cette blessure. Donnez-moi vos coordonnées afin que je prenne de vos nouvelles. Si la chose revêtait quelque complication, prévenez-moi pour que j’alerte mon assureur.

Il est de ces gens qui ont en permanence un paquet de cartes de visite dans leurs poches, prêts à les distribuer à tout propos. Celle dont il me gratifie a un brin de tabac collé à son revers et une minuscule tache de brillantine sur l’avers. Je l’adopte telle que et raccompagne le vilain-pas-beau jusqu’à la grille. La troupe des négrillons nous lapide avec les oignons de tulipes que m’man met à sécher dans le cabanon, et maître Zizoula en déguste un sur la pommette, bien que je me sois interposé en pare-oignons.

— Comprenez-moi, déclame le ténor (enroué) du Barreau (scié), je ne suis pas raciste, avec le dernier nom dont vous venez de m’affubler je ne peux pas me le permettre, mais, franchement, je me demande si ces gosses ne seraient pas plus à leur affaire dans des contrées où sévissent encore les reptiles et la malaria !

Il s’en va au volant d’une voiture japonaise dont je ne dirai même pas le nom, tellement je trouve con de rouler japonouille quand on est européen. Qu’enfin merde, si c’est comme ça qu’ils préparent quatre-vingt-douze, faudra pas qu’ils se plaignent de l’avoir dans les miches !


Pendant que les dames reprennent le café et que les bambins commencent la démolition systématique de notre cabanon, Jérémie et ma pomme on devise à bâtons repus dans ma chambre.

C’est un lieu privilégié où je reçois peu. En dehors de m’man, avec laquelle j’ai de longs épanchements à l’heure sacro-sainte du petit déje, et des carambolages express qu’il m’arrive de pratiquer épisodiquement à Maria, rares sont les personnes que je reçois en ce lieu consacré à l’écriture et au sommeil.

J’ai pris place dans mon fauteuil rustique et Jérémie s’est assis à même le sol, le dos appuyé à un bonheur-du-jour qu’il doit prendre pour un cocotier.

— Tu sembles troublé ? note mon sombre ami.

— Il y a de quoi, fils.

Avant de lui casser les révélations de l’avocat marron (foncé) je note :

— Drôle de période où des gens bizarres venus d’ailleurs déferlent sur moi. L’autre soir, c’est une tante de Toinet, frais émoulue de taule, qui vient m’annoncer sa volonté de récupérer le môme. Ensuite, c’est un clodo très particulier qui me rapporte ma carte de police, que je n’ai cependant pas l’habitude de perdre. Enfin ce pourri de Zizoula se pointe pour me faire part de la confession de quelqu’un qu’on aurait voulu engager pour me dessouder et qui aurait refusé le boulot !

— Il s’appelle comment, cet avocat ?

— Zizoula, fais-je d’un ton mal assuré. Mais, franchement, ce blaze ne lui convient pas des mieux car il est un peu trop moyen-oriental et jette le discrédit sur une race qui ne le mérite pas. Aussi, si la chose ne te contrarie pas, vais-je le rebaptiser Simson, un patronyme anglo-saxon attribué à un méchant ne désoblige personne. Franck Simson, donc, est venu m’apporter la funeste nouvelle suivante : des gens dont il prétend tout ignorer, ont tenté de confier mon assassinat à un tueur à gages, probablement chevronné. L’excellent artisan a décliné la propose, peu soucieux qu’il est d’avoir une carcasse de perdreau à son tableau de chasse.

M. Blanc étudie ses ongles beige clair, puis satisfait par leur propreté, demande :

— Tu crois à la chose, Sana… ?

— Non, je suis convaincu que c’est du pour[2]. Si maître Simson apprenait qu’on veut me refroidir, il ne dépenserait même pas le prix d’un jeton de téléphone pour m’en avertir.

— Alors, pourquoi cette visite ?

— Voilà une bonne question à cent balles, grand primate. Si tu parviens à y répondre, t’as tout pour devenir un champion du « Trivial Pursuit ».

— Dois-je comprendre que, par cette boutade, tu me charges d’enquêter sur maître Simson et ses éventuels confidents ?

— Tu es le seul Noir à même de comprendre les choses sans avoir besoin de dessins étrusques. Oui, je te confie le soin d’élucider ce casse-tête. Pourquoi cet avocat de mes fesses est-il venu me prévenir qu’un grave danger planait sur ma modeste existence ? Afin de m’intimider ? Pour se mettre bien avec moi ? Pour préparer je ne sais quel coup tortueux ?

D’une détente féline, Jérémie se met droit sur ses antérieurs.

— Ne sois tout de même pas trop insouciant, Antoine, et ouvre Il ne faut pas écarter la possibilité que tout cela soit vrai.

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