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Treuffais était relié au radiateur par une paire de menottes. Il était assis par terre au pied du mur, le dos contre la cloison. Goémond entra, son petit cigare au bec.

— Petit, dit le commissaire, je suis venu te voir avant de partir. Nous savons où sont tes copains, et où est l’ambassadeur Poindexter.

Treuffais ne répondit rien.

— Tu veux fumer ?

— Je veux bien.

Goémond ôta le cigarillo de sa bouche et l’approcha de la bouche de Treuffais.

— Si tu ne crains pas de coller tes lèvres à l’endroit où celles d’un flic se sont posées…

— Qu’est-ce que vous voulez que ça me foute ?

Goémond haussa les épaules et mit le cigarillo dans la bouche du prisonnier. Treuffais se mit à fumer avec plaisir. Goémond se redressa.

— Tu m’es sympathique, affirma-t-il. Je vais jouer franc jeu avec toi. Je t’avoue que je ne suis sûr de rien. Je t’avoue que je ne sais pas où sont tes copains. Je t’avoue que je n’ai arrêté ni Diaz, ni Épaulard.

Treuffais, de la main gauche, ôta le cigarillo de ses lèvres. Il tremblait un peu de froid. Le radiateur était éteint. Le jeune homme n’était vêtu que d’une chemise de coton bleu clair et d’un pantalon de velours très usagé. Son corps le faisait souffrir et son haleine était fétide, mais son visage n’était pas marqué. Tous les coups avaient été portés ailleurs. Il considéra rêveusement Goémond.

— En revanche, dit le commissaire, je crois savoir où ils sont, tes potes. Si c’est bien là où je crois, tu pourrais me le confirmer, ça me ferait gagner un peu de temps, tes potes ne seraient pas plus mal partis, et toi, ça ne te serait pas inutile de faire preuve d’un peu de bonne volonté.

Silence de Treuffais.

— En plus de Diaz et Épaulard, dit Goémond, il y a deux autres types, et je pense qu’ils sont chez Véronique Cash, à Couzy. Qu’est-ce que tu en dis ?

Treuffais n’en disait rien. Simplement, son grelottement s’accrut. Goémond haussa les épaules et lui arracha le cigarillo. Il l’écrasa dans son poing, en boule, et jeta une pluie de tabac, de braises et de cendre sur la tête du prisonnier.

— Comme tu voudras, dit-il. Moi, je vais à Couzy. Si je me goure, on reprendra plus tard cette petite conversation.

— Attendez, dit Treuffais. J’en ai marre. Je vais vous dire où ils sont.

Goémond marchait vers la porte.

— Ils sont en Corse ! cria Treuffais. Ils ont utilisé un avion privé. Ils devaient se cacher en Corse, mais je ne sais pas où. Je vous jure que c’est la vérité !

— Te fatigue pas, eh, pauvre mec, dit Goémond, et il sortit.

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