« Roule, roule, train du malheur », chantait papa, jadis. Il collectionnait les rengaines d’avant 14, mon dabe. Il savait (et interprétait) La petite Tonkinoise, Fascination, L’Hirondelle du Faubourg, Le Cœur est un grelot (son triomphe !). Des chouettes, bien glandues, larmouillantes, avec des apitoyances forcenées, des amours que tu peux plus comprendre de nos pauvres jours où la nique se perd. Jadis, tu prenais le temps de délacer des corsets avant de te délasser Popaul. Tu trempais dans des langueurs. Tu broutais une chaglaglatte sans te presser, une plombe d’affilée avant d’enfiler. Et tu pratiquais les doigts fourchus en même temps. Maintenant, c’est la sabrade exprès contre le capot de la voiture. On tire juste pour s’affranchir la glandaille, se débigomer le juteux. Faut faire vite, time is money. On galope après la grosse aiguille. Que dis-je ! Après la ronde infernale des chiffres sur les cadrans électroniques. Les aiguilles, c’est révolu. Reléguées avec les sabliers chers à mon ami Attali qui les collectionne.
Je t’en reviens à « Roule, roule, train du malheur » que je brame en drivant ma vieille Ricaine pourrie par les routes en lacet.
La chanson raconte un peu le sujet de La Bête Humaine d’Emile Zola (l’auteur des bougons macars). Le mécanicien et le soutier de la locomotive qui se battent pour une femme. Ils tombent sur la voie, le train fonce vers la cata. De toute beauté !
La nuit se fait de plus en plus pure et claire. L’univers, c’est comme ça : plus tu t’élèves, plus ça devient somptueux. C’est peut-être pour cette raison que je raffole de l’avion. Il fait toujours beau, au-dessus des nuages. Les nuages, c’est terrestre, donc dégueulasse, c’est la mousse à raser du sol. A l’étage au-dessus, t’as plus que l’infini et le soleil. Te voilà guéri du mal de terre ! Du mal de terre à terre ; dans l’antichambre du bon Dieu, comme qui dirait.
Je ralentis, biscotte des travaux. On élargit un virage, ça forme esplanade. Y a plein de grosses machines au repos, entourées d’une symbolique barrière de plastique peinte en blanc et en rouge. Je mets mon cligno pour indiquer à Jérémie que ça va s’opérer là, et remise ma pompe sur le terre-plein. Il en fait autant.
— Qu’est-ce que tu projettes, big chief ?
— Déballe ton client ! dis-je d’un air sentencieux qui masque mon manque d’idées. L’endroit me plaît, et puis c’est tout !
Au clair de lune, tu le confonds avec King-Kong, Horace Berkley, à cause des incisives qui lui sortent de la gueule, transformant ses lèvres en babines. Il n’est pas velu, c’est plus affirmé que ça : on peut carrément parler de pelage. Sa figure est « mangée » de poils, comme l’écrivent les romanciers d’académie. « Figure mangée de poils », « jambes gainées de nylon », le style c’est l’homme ! J’en serai jamais ; dommage !
Jérémie qui a beaucoup appris depuis qu’il œuvre sous mon autorité, sait ligoter un mec de première. D’abord, mains au dos, les poignets attachés serré, ensuite deux tours à la taille, puis le lien descend tout droit aux chevilles, entoure l’une, entoure l’autre, plaque les deux étroitement et se conclut par une théorie de nœuds marins. Une œuvre d’art, quoi, n’ayons pas peur des maux.
Mon black pote a déposé le chérubin à même le sol défoncé. Je m’assieds sur le rebord d’une énorme asphalteuse afin de rester à portée d’audition du gars.
— C’est pas enchanteur, un endroit pareil ? lui fais-je. Tu te rends compte si on est peinardos, ici ? L’air pur, le silence, la solitude, la voûte céleste cloutée d’étoiles ! On baigne, quoi !
J’ai croisé mes mains entre mes jambes, incliné ma noble tête qui aurait empêché Rodin de dormir s’il l’avait vue au zinc du bar-tabac de son quartier.
— Vois-tu, Horace, des scènes comme celle qui va suivre, j’en ai tellement vécu que je pourrais la jouer sans partition. C’est toujours la même rengaine : moi, je te demande de tout me dire. Ton personnage à toi, c’est « tu peux toujours te l’arrondir » ! Bonne guerre. Je veux savoir, tu refuses de parler. Alors, pour en sortir : pressions, sévices, tortures, mort ! Impossible d’échapper à cette fatalité. Depuis que le monde est monde et le roman, policier, le processus est incontournable. Partons du bon pied, mon fils, ça nous évitera les désagréables bavures. Je résume la situation : tu es venu m’abattre, tu as raté ton coup. Te voilà à notre disposition, sans le moindre espoir d’une intervention extérieure. L’extérieur, mon trognon, nous y sommes. En plein !
Un temps.
— Tu te mets à table ou dois-je préparer le matériel ?
Et je sors de ma fouille ce que j’ai subtilisé à l’hosto.
Il regarde avec détachement. Ce guzimus, ou je me trompe, ou il a subi un entraînement psychologique poussé. Moi, pour commencer, je débouche le flacon d’éther.
— Tu veux bien pincer le nez de monsieur ? sollicité-je de Jérémie.
Coup classique : le gars essaie de tenir un max sans oxygène, mais ses soufflets ainsi que son cœur ne l’entendent pas de cette oreillette et il ouvre pour finir une clape grande comme l’entrée du tunnel sous le Mont-Blanc. Je lui enfile le goulot. Glou ou, glou ou ! Qu’ensuite c’est sa pomme qui repoussera du goulot. Il est tout chaviré sous la Voie lactée, le mignonnet.
Je dégage une seringue de son conditionnement. Ploff ! Dans le biscoto. Ça ne peut pas lui faire de mal si ça ne lui fait pas de bien. Il encaisse avec stoïcisme.
— Qui t’a chargé de me mettre en l’air, Horace ? murmuré-je.
Fin de non-recevoir.
— Nous allons devoir employer les moyens extrêmes, dis-je.
Paroles en l’air. J’en ai de bonnes. Quels moyens extrêmes ? Je cherche l’inspiration autour de moi, la trouve en la personne d’un énorme rouleau compresseur remisé sur l’esplanade avec les autres machines.
— Toi qui as œuvré pour la voirie, fais-je à M. Blanc, tu devrais pouvoir utiliser cette bécane ?
— Pourquoi pas !
Aussi taudis, aussitôt fait. Voilà mon Négus qui escalade le marchepied du rouleau compresseur et qui en explore le tableau de bord. Bientôt, l’engin se met à vrombir. Je traîne alors Horace Berkley devant l’énorme machine et le place perpendiculairement au cylindre.
— Les deux pieds écrasés, c’est marrant, fais-je ; quand ensuite c’est les deux genoux, ça devient gênant. Où la vraie désolation commence, c’est quand tu as les couilles et le bassin réduits à l’état de galette. Jusqu’au thorax, paraît que tu peux vivre encore, mais si ton poitrail est en flaque, alors, mec, tu tires définitivement ta révérence.
Un temps.
— Pour le compte de qui travailles-tu ?
Silence.
Drôle d’obstiné ! Peut-être que l’éther l’a plongé dans les vapes intégrales, non ? Pourtant, son regard conserve une lucidité indéniable.
— Vas-y ! enjoins-je à mon assistant.
Le cylindre frémit, puis amorce un début de mouvement. Sentant que la masse de métal aborde ses pieds, Berkley replie ses jambes. Ça lui fait quarante centimètres de gagné. Le rouleau s’avance, majestueux. Il rattrape les genoux du gars.
— Parle, bordel, sinon il sera trop tard ! hurlé-je-t-il.
Ça lui commotionne le bulbe, à cézigos, pour le coup.
— Oui, d’accord, je vais tout vous dire ! hurle le tueur à gages.
— Stoppe ! lancé-je à mon pote.
Jérémie acquiesce et voilà que tout se passe comme dans un film d’horreur.
Au lieu de s’arrêter, le rouleau compresseur prend de la vitesse. Un immense cri déchire la nuit. Toujours, dans les bons romans policiers, « les cris déchirent la nuit » ! Le fauve de fonte (tiens, c’est joli comme image) paraît « envelopper » Horace.
Avec une stupeur incrédule, je le vois passer sur ses jambes, son ventre, sa poitrine, SA TÊTE ! Enfin il s’immobilise et le silence s’étend, tel un linceul (superbe !) sur cette brève tragédie.
Jérémie, hagard, se dresse, immense et sombre sur le marchepied.
— J’ai fait une fausse manœuvre, balbutie-t-il.
— J’ai cru le remarquer.
— Tu comprends, explique l’écrabouilleur, généralement, sur ces sortes d’engins, pour obtenir la marche arrière, il faut pousser la manette à gauche. Là, il fallait la pousser à droite.
— C’était pas son jour ; fatalisé-je en désignant le cylindre.
On ne voit plus rien d’Horace Berkley ; la galette qui subsiste de lui est complètement engagée sous le rouleau.
— Si un jour tu quittes la Rousse, tu pourras te lancer dans le pressing, je soupire.
Il saute à terre, vient examiner l’avant de sa brouette et, n’apercevant personne, émet :
— Tu l’as tiré au dernier moment ?
— Ne rêve pas, beau blond. Comment aurais-je eu le temps, ça été si soudain ! On l’a dans le prosibus, quoi ! Enfin, moins que lui tout de même. Ce qu’il y a de con c’est qu’il venait de mettre les pouces.
— Tu crois qu’il a souffert ?
Je hausse mon cintre à habits.
J’ai toujours trouvé cette question stupide. Qu’est-ce que ça peut foutre que quelqu’un ait souffert ou non pour trépasser, du moment « qu’il n’existes plus » quand tu t’inquiètes de la chose ! Ce qui est révolu ne nous concerne pas et, vu au passé, ne nous a jamais concernés !
— C’est chié, comme philosophie, bougonne Bébé Rose.
Nous regagnons notre vieille guinde. Avant d’y prendre place, je me ravise :
— On pourrait jeter un œil à cette tire !
— Je l’ai fait en la pilotant jusqu’ici, je n’y ai rien découvert d’intéressant.
Néanmoins, je grimpe dans la guinde de l’Aplati. Qu’à peine, un ronfleur se déclenche. De quoi s’agite-t-il ? comme disait ce brave cher Béru.
Le bruit semble émaner de l’accoudoir central. Je soulève icelui et m’aperçois qu’il servait de couvercle, en quelque short, à une cavité contenant un combiné téléphonique du genre Natel. Je m’en saisis, le branche d’un coup de pouce au portun et l’oreillise.
— Oui ? je grommeluche, feutré.
— Horace ?
— Videmment.
— Tout va ?
— Au poil !
Moi, faut que je te redise car je n’ai pas l’outrecuidance de croire que tu mémorises tout ce que je révèle dans mes polbookars, mais je possède un don d’imitation qui en ferait grincher plus de deux si je l’exploitais. M’arrive même d’imiter les imitateurs, c’est te dire ! Tiens, un jour que le Patrick Sébastien avait avalé une arête de clitoris et a dû subir de ce fait une petite intervention bénigne, c’est moi qui l’ai remplacé au gala qu’il devait donner à Saint-Ederne (Allier) pour les trépanés du bulbe. Parole ! Si t’as des doutes, téléphone-lui, c’est un mec réglo qui ne ment jamais en dehors des repas !
Ce, pour t’expliquer que ma pomme reinette, bien que n’ayant pratiquement pas entendu le son de la voix de feu Horace Berkley, je le « contresuis » (comme on dit chez nous) à la perfection.
La voix du téléphone, tu sais quoi ? C’est celle de Peggy Ross, l’exquise Noirpiote. Décidément, elle fait équipe avec Horace-la-Limande !
— Je me faisais du souci, reprend-elle.
— Moi aussi, grincé-je.
— Des problèmes ?
— Pas qu’un peu !
— Ça n’a pas joué ?
— En fin de compte, si !
— Ouf ! J’ai eu peur. Maintenant, il va falloir se remuer. Je crois que le plus simple c’est qu’on se retrouve directement à l’aérodrome ; ils récupéreront la voiture là-bas.
— O.K.
Fin de la communication.
Le Suédois se pointe.
— Qu’est-ce que tu bricoles ? s’impatiente-t-il, peu soucieux de bivouaquer sur le terrain de ses exploits de coureur d’élite sur rouleau compresseur.
Je lui relate le coup de turlu.
— Et la fille t’a vraiment pris pour l’autre, avec ton accent franchouillard !
— Je sais le perdre quand je parle avec des mots n’excédant pas cinq syllabes. Tu crois qu’il y a un aérodrome à Lyons ?
— T’es louf ! Je sais bien que les States sont riches en aéroports, mais tout de même.
— Elle n’a pas parlé d’aéroport, mais d’aérodrome, nuance ! Dans ce patelin, un habitant sur dix fait de l’aviation. Bon, suis-moi, on retourne à l’hôtel se renseigner ! Moi, je vais garder cette tire.
A tombeaux ouverts !
Note que le tombeau d’Horace n’a pas besoin d’être très ouvert. Cézigue, tu le glisses dans la boîte aux lettres du cimetière !
Je roule sec. Au volant de notre vieille caisse déboulonnée, Jérémie a du mal à me filocher. Si, à Pantruche, un loche drivait son G 7 à cette allure, ses clilles gerberaient leur quatre-heures sur ses velours frappés !
En moins de jouge, je rallie l’auberge bleue aux encadrements jaunes. Y a de la lumière, en bas, et aussi des cris. Je me précipite et que vois-je-t-il ? Je te le donne pas en cent, je t’en fais cadeau avec un paquet de Bonux en suce : uncle Jerry, saboulé d’un caleçon long, d’une liquette et coiffé de son éternel Stetson file une dérouillée sournoise à la gentille Molly !
Ah ! le chien ! Il l’a entreprise au torchon mouillé. Recette : tu trempes un torchon dans l’eau, tu le tords pour l’égoutter, le saisis par chacune de ses extrémités et t’en sers de matraque. Radical. Antibavures. Ça laisse peu de trace, n’étant pas contondant. A la poule, c’est du contondant qu’on doit se gaffer : les poings, les goumis, les crosses de pétard… Mais dès que t’as la sagesse de te rabattre sur la pattemouille ou l’annuaire des P. et T., t’obtiens des performances pas punissables.
Le grand sagouin glauque et torve de partout, il sait cela. Alors il frappe, frappe. Avec son épaule fanée, elle peut pas parer, la pauvrette. D’autant qu’il l’a coincée dans un angle de l’auberge, près du jeu de fléchettes. Chplaff ! dans le museau ! Chplaff ! sur le ventre ! Chplaff ! sur les cuisses ! Chplaff ! sur sa blessure ! Ah ! la carne vomique ! Ah ! le cancrelat à pustules ! Ah ! le panaris incisé ! Moi, de voir ça, j’en oublie tout : les traites de ma bagnole, la retraite de Russie, la date de naissance de Line Renaud ! (T’as des gens qui croivent que la date de naissance de Line Renaud n’a jamais existé, foutaises ! On a retrouvé récemment des parchemins comme quoi).
Tu me verrais, je me reconnaîtrais plus ! Je traverse tout le troquet en une enjambée, et peut-être même pas. J’alpague le bitos de ce grand connard et le lui enfonce jusqu’au menton, et d’une ! Ensuite, coup de genou dans ses ridicules précieuses ! Et de (ses) deux ! Pour suivre, je rassemble tous les plis de sa grosse limace à carreaux dans ma main, je le virevolte et l’expédie. Il aboutit dans la partie épicerie de sa taule. Et de trois (de Gibraltar) ! Je l’y course pour un crochet par-dessous sa jugulaire ! Et de quatre ! Mon pain le décolle du plancher, il va éventrer un sac de maïs. Les grains cascadent sur le sol. Et de cinq ! Je l’empoigne alors par le col et par le calcif (bien que ce dernier soit devenu merdeux à force de mon comportement), le soulève pour le plonger la tête la première dans un baril de mélasse. Et de six !
Lorsque je l’oublie, « et de cent ! », je suis sans force et lui ressemble à un déraillement de chemin de fer en Haute-Volta.
— Je peux savoir les raisons de ce mouvement d’humeur ? me demande Jérémie qui m’a rejoint et assiste, médusé, à cet exercice de style.
— Il molestait la pauvre enfant, allant jusqu’à la cogner sur sa blessure.
La petite nous explique que son singe a été réveillé par nos démêlés nocturnes avec Horace Berkley. Poltron comme un lapin puceau, il s’est planqué. Mais quand elle a été de retour de l’hosto, il a voulu tout savoir et elle lui a alors tout dit, d’où la hargne de cet homme qui a appris dans un laps de temps très bref : qu’il était cocu, que son établissement servait de champ clos pour les combats singuliers de gens douteux, lesquels étaient partis sans payer leur écot après avoir enfoutré et revolvérisé sa literie de luxe.
— Allez faire votre bagage, petite, dis-je, je ne vous laisserai pas une seconde de plus en compagnie de ce saligaud !
— Elle reste ! proteste uncle Jerry à travers ses lèvres éclatées : sa mère me l’a confiée !
— Elle vous l’a confiée pour que vous la violiez[7] et la frappiez, misérable ? Je vais saisir la justice de votre comportement et vous serez traduit devant les tribunaux[8] !
Là, il la ferme ; d’ailleurs c’est ce qu’il a de mieux à faire, avec tout ces caillots et viscosités glaireuses qui lui emplissent la bouche.
Comme nous sommes pressés, je file quelques talbins sur le plancher pour payer notre écot et, prenant la Molly mollissante par la main, nous caltons.
— Il existe un terrain d’aviation, à Lyons ? j’y demande.
Elle répond qu’oui, accepte de nous montrer le chemin.
Mon plan (à genêt) est le suivant.
Je me pointe en trombe (d’Eustache). Peggy Ross doit attendre dehors la venue d’Horace et…
Fondu enchaîné.
La piste de l’aérodrome est éclairée, mais une aube livide commence à argenter la nuit. J’avise, de loin, un Sisnétoi 18 biréacteur à ovulation précoce en train de chauffer.
A droite s’élève un baraquement de planches sur le toit duquel on peut lire (quand on sait lire, naturellement) « Lyons Aeroclub ». Une biroute pendouille au faîte d’un mât. Derrière le baraquement, un parking où sont stationnés quelques véhicules (biliaires).
Devant le club-house, j’aperçois trois silhouettes : une femme, deux hommes.
Au lieu d’obliquer vers le parking, je fonce en direction de la piste en faisant des appels de phares. La gonzesse qui est bel et bien Peggy Ross lève la main en reconnaissant la voiture. Je bombe comme un perdu sur le trio, mais alors droit sur lui. Instinctivement, les trois personnages ont un mouvement de reculette. Je freine à mort une fois parvenu à leur hauteur, stoppe sans couper le moteur.
Nous bondissons simultanément de la guinde, Jérémie et bibi. Lui se tenait à l’arrière. Et le travail qu’il accomplit est digne des doges, comme on dit à Venise. Il a le revolver de feu Berkley en main mais il le tient par le canon. Cette agilité ! Cette promptitude ! Grâce et souplesse. Les compagnons de la gosse n’ont pas le temps de piger. En deux gestes précis, il les rétame l’un et l’autre. Ça fait un double bruit comme, en moins bruyant, un bang supersonique : vlan… lan ! A terre ! Deux descentes de lit !
Pour ma part, je me suis contenté de la besogne la plus facile et la plus lâche, ajouteré-je manière de faire mon m’encule-pas (disait ce pauvre Béru). Ma manchette asphyxiante à la glotte si gracieuse de Miss Peggy. Elle suffolk, suffoque, couine du corgnolon, tombe à genoux. Je la ramasse tel un pacsif de linge sale et la jette à l’arrière de la bagnole. M. Blanc la rejoint.
Décarrade à l’arraché. Bien joué ! Temps de l’opération : quatre secondes six dixièmes ! Y a mieux, mais dans les dessins animés seulement.