À l’arrivée à Londres, nous sommes attendus par un messager de l’Intelligence. C’est un gars blond, avec des manières précieuses qui le font ressembler à un déserteur du Chemin des Dames. Pas sympa : le côté « je ne supporte pas le soleil » avec un corps comme un parapluie roulé. Il nous dit qu’il a une Hillman pour nous et se propose à nous conduire. Je lui réponds fort civilement, n’étant pas en uniforme, que c’est inutile, car je tiens à conserver les coudées franches et à ne pas donner aux matuches english un aperçu de mes méthodes un peu… particulières.
Il a la complaisance de m’indiquer la route d’Armstronguejohns et j’ai l’urbanité de le remercier. Après ces salamalecs, nous décarrons enfin.
Le Gros est mal à son aise, because la circulation à gauche.
— Ces rosbifs, me dit-il, t’avoueras que c’est des gnaces contrariants. Ils envoient Jeanne d’Arc à Sainte-Hélène, ils brûlent le Poléon, ils refusent d’accepter le système métronique et ils sont pas foutus de tenir leur droite alors qu’ils ont encore la royaltée !
— Ils ont tout de même inventé la pénicilline ! objecté-je, en toute équité.
Le Gros réfléchit, légèrement désarçonné par la riposte. Puis, secouant sa tête lourde de pensées :
— J’en ai rien à fout’, assure-t-il. Moi, un pays qui produit pas de vin, je peux pas m’empêcher de le mépriser.
C’est avec des considérations aussi générales que nous parcourons les dix miles nous séparant d’Armstronguejohns.
Cette localité résidentielle nichée sur les bords de la Margaret’s River, non loin du Townsend Memory, se compose de cottages tous plus anglais les uns que les autres, ce qui ne surprendra personne, je l’espère. King’s Road est une voie paisible qui serpente à travers une région boisée. La maison qu’occupe Bijou s’élève au fond d’un immense jardin planté d’arbres, ce qui a tendance à transformer celui-ci en parc.
Je stoppe l’Hillman à quelques yards de la propriété.
— Quoi t’est-ce qu’on fait ? me demande Bérurier dans son français le plus pur.
— On donne l’assaut, mec.
Et, sur cette assurance, je déhote, suivi de mon Preux Chevalier.
Nous franchissons une petite barrière basse, obstacle très théorique contre une invasion. Une belle allée va à travers une pelouse entièrement tissée à la main. La maison est drapée dans du lierre et couverte de chaume. C’est féerique.
— J’aime bien les baraques en chômage, dit le Gros, et je me surprends qu’en France on n’en ait pas davantage.
Un perron de trois marches. Sonnette. Silence. Puis la lourde s’open et une gonzesse sexy comme le major Atlee déguisé en femme vient nous ouvrir. Elle a une jupe de tweed en forme de trapèze, des bas de coton, des souliers plats, un corsage plat aussi, un dentier en relief, des lunettes cerclées de fer, une indéfrisable moutonneuse, un nez en chute libre et une mâchoire pareille à celle de Samson (celle qu’il tenait à la main, bien entendu).
— Vous désirez ? me demande-t-elle en anglais et en zozotant.
— Je voudrais speaker à M. Bernard, fais-je.
Elle hésite un peu, nous considère, nous jauge, nous hume.
— C’est de la part de qui ?
— Dites-lui que je suis un ami de Marion.
Elle nous fait entrer dans un salon vachement surchargé de meubles et de bibelots. Puis elle disparaît. Son absence est aussi brève que la déclaration d’impôts d’un chômeur. Elle revient, imperturbable.
— M. Bernard descend ! fait-elle.
Puis elle reste debout dans la pièce, bras croisés, sans rien dire, ce qui crée un climat de gêne insoutenable. Béru essaie des pourparlers.
— Dou you spique inegliche ? demande-t-il aimablement.
Cette dame est la franchise même.
— Yes, répond-elle du tac au tac.
Le Gros, encouragé, donne libre cours à sa satisfaction.
— Vous avez de la chance, moi pas.
C’est à cet instant que Bijou fait son apparition.
Il porte un complet à carreaux et un sonotone prince-de-galles.
— Messieurs ? demande-t-il.
Je m’avance.
— Salut, Bijou, déclaré-je, vous me reconnaissez ?
Il ne sourcille pas.
— Non.
— Je suis le parachutiste de l’autre nuit, vous savez ? Celui qui a atterri sur le balcon de Marion, tandis que vous, vous atterrissiez dans son balconnet.
Il reste de marbre.
— Commissaire San-Antonio, mugis-je dans son amplificateur de couennerie, vous avez toute une fausse correspondance de moi dans le coffre mural de votre bureau, villa Montmorency !
Un étrange sourire naît sur ses lèvres minces comme la tranche de jambon d’un restaurant à prix fixe.
Il acquiesce et retire la main droite de sa poche (droite également). Il tient un aimable pétard et nous le montre ostensiblement.
— Vous m’en ferez un paquet, fais-je, c’est pour offrir.
Tout en parlant, je sors le mien de son étui.
— Je vous conseille plutôt cet article-là, Bijou. Il ne s’enraye jamais et…
Je ne peux achever. Un bref sifflement a retenti et je morfle un coup de plumeau en béton soigné derrière le cigare. Les cloches de Westminster se mettent à carillonner à tout va. Des étincelles jaillissent de partout dans la pièce comme si chaque meuble, chaque objet était un pétard en train d’exploser. C’est cette vieille carne d’Anglaise qui m’a refait le coup de Jeanne d’Arc avec un goumi. Le Gros essaie de réagir, car je perçois un remue-ménage. Mais la réalité s’escamote et votre séduisant commissaire va voir dehors s’il y est.
Il y est !
Une sensation de fraîcheur me ranime. Suit illico une autre sensation, plus désagréable, celle-là : celle d’une élongation générale de mon individu.
Je reviens à moi, donc à vous, mes chéries, et je constate avec stupeur, indignation et désespoir que je suis suspendu par les poignets à la tuyauterie du chauffage central. Les cordes cisaillent ma chair et c’est une douleur qui devient vite intolérable. Près de moi, le Gros se trouve dans une position résolument identique. Il s’ébroue car cette carne d’Anglaise vient de lui balancer la seconde partie du seau de flotte (j’ai eu droit à la première, d’où cette fraîcheur).
Nous nous trouvons dans une pièce vide et sans fenêtre, sorte de cellier sentant le renfermé. Bijou se tient debout devant nous, un imperméable sur le bras, et un sourire aux lèvres.
Je note alors un truc étrange : dans un coin, posé à même le sol, un poste de radio à transistors joue en sourdine.
— Ça va mieux ? demande Bijou.
— Un peu, conviens-je. Votre copine a une façon de vous masser le cervelet qui ferait perdre la mémoire à un éléphant.
— Personne ne vous obligeait à venir ici !
— Vous ne pensez pas que nous avons un petit compte à régler tous les deux ?
— Peut-être, mais je vous donne quitus sans percevoir ce règlement. Je pars, commissaire.
— Où ça ?
— Pour un pays où vous et vos amis ne pourrez rien contre moi. Seulement, auparavant, je vous promets une prise de congé retentissante.
— Qu’est-ce qu’y débloque, ce tordu ? lamente Béru.
— Tais-toi, fais-je, j’ai des questions à poser à monsieur.
Bijou force son sourire.
— Je suppose que vous avez rarement mené un interrogatoire en vous trouvant dans une telle position ?
— C’est un fait, admets-je.
— Non, mais y s’offre not’ bocal ! maugrée le vicomte Béru-Cradingue de la Tétaupié.
— Un peu, susurre Bernard. Elle est belle, la police française.
Il ajoute :
— Je regrette de ne pas avoir d’appareil photographique sous la main. J’aurais pris un, beau cliché que j’aurais adressé à vos supérieurs avec mes civilités. Vous vouliez me poser des questions, disiez-vous ?
— J’aimerais connaître le secret de la machine. Voilà un bout de moment que ça me turlupine…
— Non seulement je vais vous le donner, répond Bernard, mais, de plus, vous pourrez assister à ses conséquences grâce à ceci.
Il désigne le poste.
— La conférence ? fais-je brusquement.
— Oui.
— La machine à écrire est en réalité une bombe ?
— Bravo ! Les coups sur la nuque ne vous réussissent pas si mal. C’est une bombe, en effet, mais d’une espèce très particulière.
— Vous me mettez l’eau à la bouche, plus qu’avec un seau !
— Son coffrage est un explosif nouveau, d’une puissance dont vous me direz des nouvelles. Il sautera lorsqu’on dactylographiera un nom de sept lettres, celui du délégué allemand à la conférence : AZBOHER. En tapant ces sept lettres dans l’ordre, le détonateur se déclenche. Ingénieux, non ?
— Et c’est Maurin qui a amené la machine ?
— Oui, et il vient de la confier à sa secrétaire.
— Celle qui remplace Virginie ?
— Exactement.
Bijou regarde sa montre.
— D’après mes pronostics, d’ici à vingt minutes tout sera consommé. La salle des conférences ne sera plus qu’un tas de ruines fumantes et les délégués de simples noms à graver sur une pierre tombale.
Bijou regarde sa montre.
— Vous m’excuserez, je dois filer. La B.B.C. a prévu un reportage sur la conférence dans cinq minutes, vous pourrez l’écouter.
— Merci, dis-je, voilà une délicate attention. Mais je préférerais suivre cette passionnante retransmission dans un fauteuil, en fumant un cigare.
— Il n’en est pas question. Estimez-vous heureux que je ne vous abatte pas. J’ai horreur de me tacher les mains, je suis contre la violence. Je préfère vous laisser mourir de faim tous les deux…
Gémissement de Béru à l’extrême gauche.
— Nous abandonnons cette maison de location. La porte de fer du cellier ne laisse passer aucun son, j’en ai fait l’expérience. Vous pourrez crier en toute tranquillité. Salut !
Il sort, suivi de l’abominable miss Matrack et le verrou coulisse. Seule retentit maintenant la musique douce diffusée par le poste.
— On est frais, se lamente l’Énorme. Ah ! quel patelin ! Je commence à m’ankyloser, mec !
— Tu l’étais déjà cent cinq fois, ankylosé, mon Béru.
— Tu te rends compte d’une fin. Mourir suspendu comme ça dans une cave, et en Angleterre ! Ah ! je te jure…
Il se démène au bout de ses cordes, mais chaque ruade ne fait que cisailler davantage la pauvre bidoche de ses non moins pauvres poignets.
— T’agite pas, Gros, fais-je. J’ai un plan.
— J’espère que c’est pas un plan quinquennal, because ça urge !
— Écoute, je vais essayer de faire un rétablissement de manière a amener mon soulier droit à la hauteur de ta main gauche.
— Et après, qu’est-ce que j’en ferai, de ta godasse !
— La plaque de mon talon ne tient plus bien, tu vas essayer de l’arracher.
— Et après ?
— Ce que tu es avide, Béru ! Eh bien ! après je ferai glisser ma main droite le long du tuyau jusqu’à toi.
— Et après ?
— Après, utilisant la plaque usée comme une lame, tu essaieras de trancher la corde qui me lie à ce tuyau. Lorsque j’aurai une main libre, le reste ne sera plus qu’un jeu d’enfant…
— Jeu d’enfant, mon chose ! rouspète le Suspendu. Tu crois que tu pourras franchir cette p… de porte de fer avec le verrou qu’est tiré à l’extérieur !
— Écoute, Enflure, clamé-je, pour l’avenir te reporter à ton marc de café habituel. Chaque chose en son temps.
Si vous me voyiez, les gars, vous téléphoneriez dare-dare à M. Bouglione pour qu’il m’engage dans un numéro de contorsionniste. Faut être athlète complet comme le pain du même nom pour se permettre ça ! Oh ! pardon. En quatre mouvements, je hisse mon talon au niveau de la pogne bérurienne.
— Tu peux saisir la plaque ?
— Ça y est.
— Tiens-la bien, je vais donner une secousse pour l’arracher.
Un vrai étau, la paluche de mon Gros.
— Ça y est, elle m’est restée dans les doigts.
— Surtout, ne la lâche pas ou sinon je ne te parlerai plus de huit jours ! Attends, je m’approche.
Dieu est venu faire une virouze en Angleterre, faut croire, car en moins de temps qu’il n’en faut à un reporter sportif de la télé pour faire un pléonasme, je suis délié et je m’occupe du Mastar.
Cette ordure de Bijou m’a délesté de mon pétard, mais il m’a laissé mon ciseau à ongles pliant et c’est un jeu d’enfant que de délivrer l’Obèse. Il choit sur le sol en faisant un bruit de sac de blé tombant d’un grenier.
Nous nous massons longuement les poignets. Des marques violacées nous composent des bracelets à chaque avant-bras et nos doigts sont engourdis comme un boa qui s’est attrapé la queue et qui s’est mangé par inadvertance.
Le poste cesse de diffuser de la zizique et un speaker, plus solennel qu’une marche funèbre, annonce qu’il va nous mettre en rapport avec le Chisblik-Hall où se déroule la conférence à propos de Berlin.
Je me rue contre la lourde de fer à toute volée.
Il faut que nous sortions de là. Il faut empêcher coûte que coûte cette catastrophe !
Mais la porte ne tressaille même pas. C’est de la lourde costaude, en acier anglais, vous pensez ! Béru a beau se joindre à moi, ça ne lui fait pas plus d’effet que de la crème à raser sur un œuf.
— Si on aurait un levier ! dit l’Abominable.
Mais va-te-faire-considérer-chez-les-Helvètes ! Je me fouille à tout hasard. Et je ramène de ma poche arrière un chargeur de pistolet.
— Tu vas les cracher avec ta bouche ? ironise mon prestigieux collaborateur.
— Aide-moi à décortiquer ces balles, Gros.
— Pour quoi fiche ?
— On va récupérer la poudre. Passe ta blague à tabac, on la mettra dedans.
Aussitôt dit aussitôt fait. Les huit balles sont ouvertes, nous rassemblons la poudre dans la blague à tabac de caoutchouc du Gros. Je découpe un morceau de sa cravate limoneuse, j’en fais une mèche que je plonge à l’intérieur de la blague, je glisse le tout sous la lourde, près d’un gond, et j’enflamme l’extrémité de la mèche.
— Planque ta viande contre le mur, Béru, pour éviter les éclaboussures !
Nous nous jetons dans un angle du cellier. Un moment s’écoule, interminable. Rien ne vient.
— La mèche s’est éteinte, fait le Gros, attends, je vais la rallumer.
Il se redresse et s’approche de la porte. À cet instant il se produit un badaboum terrible. Béru pousse un grand cri. Il est noir comme ces petits ramoneurs qu’on voit sur les cartes postales savoyardes. Un éclat de métal lui a écorché le front. Ça saigne un peu, pas trop, pourtant. À part ça, ça boume.
Ça boume même d’autant plus mieux que le gond a été disloqué et qu’il nous est possible de sortir.
Ce sont deux forcenés qui galopent le long de King’s Road. L’un est gros et mâchuré, l’autre est beau (merci) et tient un poste à transistors en main.
Tout en courant vers l’Hillman, je suis le déroulement de la conférence. Le speaker nous parle de l’assistance, des gars avec des casques d’écoute pour les traductions. Il nous dit que les secrétaires prennent place dans un box vitré où elles peuvent malmener leur clavier sans gêner l’assistance. C’est le délégué amerlock qui monte à la tribune.
— Un téléphone ! Vite, vite ! glapis-je.
Nous bombons (glaçons, caramels) dans Armstronguejohns. Un bureau de poste ! Je m’y rue. Je demande le Yard de toute urgence.
Je parle avec l’accent, mais Scotland Yard est un mot international qui veut dire poulardin en anglais. La préposée, époustouflée par ma précipitation, me demande the house-poulmen.
— Passez-moi le Chief Inspector Mac Heusdress ! dis-je au standardiste.
Une veine. Mac est là. C’est un collègue très gentil auquel j’ai eu affaire dans l’histoire des faux dollars de l’ambassade de Circoncie. Je lui crache le morcif en vitesse. Et il raccroche sans même dire merci.
— Où qu’on va ? s’inquiète Bérurier.
— Hartford Street. En faisant fissa, on arrivera peut-être à temps pour coiffer la bande !
Qu’ai-je la joie d’apercevoir dans le hall de l’hôtel où est descendue la délégation française ? La mochetée qui nous a reçus et assommés naguère dans la maison d’Armstronguejohns.
Elle ligote un magazine dans le hall. Je la désigne à l’Énorme.
— Occupe-toi de madame, Bonhomme. Moi, je vais à l’établi.
— Mister Maurin ? m’enquiers-je auprès du portier.
— C’est la chambre 204, au second.
Je me farcis l’ascenseur. Toc-toc.
Je frappe d’un index léger de larbin stylé. Maurin s’y laisse prendre.
— Go in ! qu’il dit.
J’entre. Bijou est là, face à un grand jeune homme que je reconnais pour être celui de la photo. En me voyant, Bernard pousse un cri de trident.
— Deuxième résurrection de l’increvable ! fais-je.
Mais je cesse de rigoler en voyant surgir des pétards dans les mains de ces messieurs. Moi, bonne pomme, j’arrive les pognes vides, comme un Écossais convié à un pique-nique, avec pour toute arme un poste à transistors.
Dans un laps de temps extrêmement bref, je me dis que ces zouaves ne feront usage de leur pétoire qu’à la dernière extrémité, car cela donnerait l’alerte. Conclusion, je peux risquer le paquet, leur hésitation à défourailler constitue mon unique chance.
Je balance le poste dans la bouille de Maurin, puis je m’élance bille en tête dans l’estomac de Bijou. Il culbute dans la piaule, les quatre fers en l’air. Sur la moquette, son sonotone tombé de ses portugaises grésille comme un hanneton en train de crever.
J’aimerais bien ramasser son feu, lequel gît à deux pas de moi, mais la voix de Maurin s’élève :
— Un geste et vous êtes mort !
Ce geste, je le fais pourtant. Préparez des médailles, les gars, elles sont bien méritées.
— Tu peux entrer ! lancé-je en direction de la lourde.
C’est imparable : Maurin regarde vers l’entrée. Quand il tire, c’est trop tard : il a déjà pris mon paquet de phalanges à la pointe du menton et il tombe à genoux. Je le finis d’un coup de tatane dans la tempe, puis je m’occupe de Bijou. Une manchette japonaise, une clé anglaise (vu que nous sommes à Londres) et un caramel du pont d’Isigny et monsieur oublie le prénom de Napoléon Ier. Pendant ce Trafalgar miniature, la radio n’a pas cessé de marcher dans la chambre.
— Et maintenant, dit le speaker, c’est au tour du délégué allemand de prendre la parole. M. Azboher s’avance…
J’ai le cœur qui en met une sacrée secouée. Les collègues du Yard pourront-ils intervenir à temps ?
J’ai ramassé les feux de ces messieurs et je les tiens en respect tout en écoutant. Ils ont repris conscience, et eux aussi tendent l’oreille au commentaire. Jamais je n’ai vécu une situation plus extravagante. Nous sommes là, tous les trois, attentifs comme des copains qui suivraient le suspense d’un jeu radiophonique. D’une seconde à l’autre, une formidable détonation peut retentir et…
Ça se met à pétarader sec tout à coup. Le speaker se tait.
Maurin et Bijou exultent.
— Nous sommes foutus, mais nous avons rempli notre mission, commissaire, annonce fièrement Bernard.
Je lui boufferais la rate, sans sel.
Un instant de silence terrible succède à ces explosions, puis une rumeur retentit dans le poste et la voix haletante (bien que britannique) du radioreporter s’élève à nouveau :
— Mes chers auditeurs, un étrange incident vient de se produire. Des coups de feu tirés à l’extérieur ont interrompu la conférence. Renseignements pris, il s’agit d’une intervention du Yard destinée à prévenir un attentat. Les policiers ont tiré pour stopper les débats et…
Un qui se marre copieusement, c’est le fabuleux San-A., mes jolies.
Il se serait farci un tonneau de poudre hilarante que ça ne serait pas mieux.
— Alors, mes cloches, dis-je aux pieds-plats, vous trouvez qu’elle est si remplie que ça, votre mission ?