Tom Zwingler avait à son épingle de cravate un rubis et à ses manchettes des gemmes d’un rouge éclatant. Tout le reste de son habillement était noir ou blanc, opposition nettement tranchée qu’on retrouvait dans la précision de ses remarques. Selon ses attitudes, ces trois points rouges figuraient les sommets d’un triangle changeant, obéissant aux lois d’une géométrie affectée dont il usait délibérément comme d’une façade. Richard Jannis, le psychologue, observait le phénomène d’un œil qui cachait mal sa propre méfiance. C’était véritablement un piège à attention, ballet futile de trois feux de signalisation, qui permettait à Tom Zwingler d’enfoncer les défenses de son interlocuteur absorbé par la danse des rubis.
Jannis, lui, était en manches de chemise. Une chemise dont le dessin de bandes vertes et rouges agressait rapidement le regard, comme s’il essayait de se retrancher derrière cet effet d’optique.
La situation était tendue. Les questions très directes de l’Américain froissaient Jannis. Dorothy Summers décochait toujours des piques acérées en direction de Sole. Sam Bax tentait de concilier une attitude patriarcale avec des professions de foi technocratiques.
Théoriquement, le clou de la visite de Zwingler devait être une descente dans les Univers souterrains des enfants. Jannis s’y était déjà vigoureusement opposé auprès de Sam et on s’était accordé sur un compromis. L’Américain ne pénétrerait physiquement dans aucun des environnements. Il se contenterait de les observer derrière les glaces sans tain.
Les deux autres membres de l’équipe présents à cette réunion étaient le spécialiste de bionique, Ernest Friedmann, un petit bonhomme tatillon dont les yeux légèrement exorbités et l’élocution rapide, furtive, dénotaient une hyperthyroïdie latente ; et Lionel Rosson, superintendant des ordinateurs au visage poupin, aux longs cheveux blonds et aux yeux bleus, qu’une constitution filiforme soulignée d’une paire de vieux jeans et d’un informe sweater gris faisait paraître encore plus décontracté et étranger à cette assemblée de spécialistes.
On en était encore aux explications préalables à toute visite à l’étage du dessous et Zwingler joua honnêtement son jeu, manifestant un vif intérêt pour tout le travail du Centre, alors que, comme Sole s’en aperçut, il n’avait d’yeux que pour les personnes qui l’entouraient. Sole avait le sentiment pénible que quelque chose d’autre se jouait derrière les discussions sur les marges de sécurité et la nouvelle substance qu’ils avaient mise au point à Haddon ; mais sans pouvoir discerner ce que c’était.
« Du point de vue de l’organisation, disait l’Américain à Sam Bax, le département expérimental de Haddon est hermétiquement isolé du reste, mais les enfants des salles du devant sont traités comme dans n’importe quel hôpital. Trouvez-vous que cela fonctionne bien ?
— Cela, Tom, est un aménagement nécessaire. Amender les troubles du langage par-devant et, au sous-sol, enseigner à d’autres enfants des langages défectueux, c’est, pour reprendre une expression consacrée, marcher sur deux jambes. Les activités de soins et de recherche s’étayent l’une l’autre par ordinateur interposé. D’ailleurs, pour tout ce qui concerne la programmation, nous devons beaucoup à Lionel. C’est vraiment son chef-d’œuvre ! »
Rosson eut un mouvement aimable de la tête à l’appel de son nom. Il était le seul de l’équipe à ne jamais paraître embarrassé ou agressif. Sa présence apportait une sorte de gentillesse innocente.
« On pourrait donc dire que vous apprenez à bien parler par-devant et à mal parler par-derrière. Ce qui est mauvais pour un groupe d’enfants vous aide à définir ce qui sera bon pour l’autre ?
— C’est à peu près ça, encore qu’à mon avis, le mot « mauvais » ne soit pas approprié. Si j’avais à définir ce qu’apprennent les enfants du sous-sol, je parlerais plutôt de langages spéciaux.
— Et du côté du personnel soignant, pas d’objections morales ?
— Non, aucun problème. Il nous vient dans sa totalité du service de Santé de l’Armée.
— Je vois. Et du côté des visiteurs, des parents ?
— Là non plus, rien à craindre. Les visites sont réglementées pour les salles publiques. Il est évident que les enfants « spéciaux » ne reçoivent jamais personne.
— Des enfants de nulle part, en quelque sorte ?
— Je n’aurais pas su mieux dire. Vous verrez par vous-même quand on descendra. »
L’Américain parcourut l’assistance d’un regard qui semblait évaluer les tensions et soupeser les personnalités. Puis il demanda, d’un ton presque distrait :
« Vous disiez, tout à l’heure, qu’auparavant vous opériez les enfants, disons, officiels, atteints de lésions au cerveau et vous parliez d’ablation des tissus endommagés. Procédez-vous de même avec les enfants du sous-sol ?
— Et quoi encore ? » C’était Sole, qui, d’une voix rageuse, intervenait. « Vous semblez faire peu de cas de la morale ! Vous pensez qu’on irait tripatouiller des tissus sains ? Pour le plaisir de faire des expériences ? Le cerveau des enfants du dessous a toujours été intact. Ils sont parfaitement normaux et bien portants !
— Vous aurez peut-être compris, monsieur Zwingler, que ce sont ses chouchous, glissa sournoisement Dorothy. Jamais on ne croirait qu’il a un enfant à lui à la maison…
— Oui, mais votre substance, l’ASP…, insista Zwingler, le front têtu. Le distinguo me paraît un peu trop subtil entre l’intervention chirurgicale et l’intervention chimique, surtout si cette drogue a des effets aussi durables que Sam le suppose. Comment agit-elle, exactement ? »
Il chercha des yeux une autre victime et jeta son dévolu sur Friedmann. Comme ceux d’un lapin hypnotisé par une belette, les gros yeux du bionicien roulaient dans leurs orbites. Une kyrielle empressée de bulles explicatives éclatèrent au bord de ses lèvres.
« C’est un accélérateur de la chaîne de fabrication des protéines. Une sorte d’antipuromycine. La puromycine entrave la synthèse des protéines et l’ASP la favorise. Il agit sur l’ARN messager…
— Donc, c’est A pour… accélérateur et SP pour synthèse des protéines ? »
Friedmann approuva violemment.
« Un levier unique en son genre pour améliorer la performance cérébrale !
— On pourrait dire… un engrais génicole ?
— Tout de même pas, non. Il ne s’agit pas d’une augmentation en somme magique de l’intelligence, mais d’une accélération du processus d’apprentissage…
— Mais cette aptitude à apprendre vite, ne serait-elle pas le plus sûr critère d’intelligence ?
— Il faut tenir compte de la structure de l’influx nerveux dans le cerveau, réplique Friedmann. De la façon dont les brefs signaux électriques sont fixés sous forme durable et chimique. Et c’est cela, l’apprentissage. La façon dont cette électricité est transformée en quelque chose de permanent. On ne peut pas inoculer au cerveau de l’information en tant que telle, comme on impressionnerait une bande. Par contre, on peut raccourcir le délai de fabrication des protéines pendant que le cerveau est occupé à apprendre. Nous utilisons l’ASP pour aider les zones assoupies des cerveaux lésés à retrouver l’usage du langage plus rapidement…»
Zwingler agita la main, comme pour apaiser Friedmann.
« Et les enfants spéciaux ? Chris, vous avez dit que leur cerveau était intact. Pourtant, on leur administre cette drogue. Ils doivent apprendre un certain nombre de fois plus vite que la moyenne des enfants. Alors, quel est le résultat ? »
Les trois yeux rouges brillèrent avec malice, comme pour l’évaluer.
« Rien de dommageable, je peux vous le dire, répondit Sole, cramoisi.
— J’en suis sûr. Je vous posais la question par curiosité. »
Impatienté, Jannis frappa du plat de la main sur la table.
« Sam, je ne voudrais pas avoir l’air d’enfreindre, à l’égard de M. Zwingler, les lois de l’hospitalité, mais ne pourrais-tu pas, toi-même, le renseigner ? On peut supposer que c’est le travail du Centre, plus que nos personnes, qui l’intéresse. Est-ce vraiment nécessaire que nous fassions notre petit numéro chacun à notre tour ? »
Le directeur lança un regard noir à Jannis. Mais ce fut Zwingler qui, avec un sourire d’enfant pris en faute, répondit directement au psychologue.
« C’est vrai, je vous dois des excuses, à vous tous. Mais j’ai peur que mon rôle, ici, ne soit très délicat. J’enquête, je cherche. Cela porte aussi sur les personnes. Il est arrivé chez nous quelque chose d’assez important. Nous recherchons des gens capables de nous aider.
— Quel genre d’événement ? »
Les trois pierres étaient toujours aussi rouges (de confusion, cette fois ?). Ce n’en étaient pas moins des pierres, aussi dures et tranchantes que l’acier.
« Un événement important. J’attends de mieux connaître les gens pour donner des détails…»
Sam frappa du poing sur la table.
« Je me range aux raisons de Tom. Je veux que vous le considériez comme une sorte d’émissaire. Et les émissaires sont plutôt d’actualité, qu’est-ce que vous en pensez, Tom ? »
Zwingler adressa à Sam un regard approbateur où perçait cependant la réserve.
Sam Bax passa en revue les visages des membres de son équipe, s’arrêtant un instant sur Rosson avant de continuer, après l’avoir rejeté, ou bien parce qu’impropre (d’allure trop hippie, peut-être) ou bien parce que trop indispensable au fonctionnement du Centre…
« Chris, dit le directeur d’un ton assuré, voudrais-tu donner à Tom toute information nécessaire à la compréhension des trois Univers avant que nous y descendions ? Du point de vue linguistique…
Sole fit un effort de concentration sur les détails pratiques. La lumière rouge des pierres de Zwingler signala qu’il était prêt et lui-même, derrière elle, se tenait calmement à l’affût, aimable prédateur en livrée sombre.
« Disons que c’est Chomsky qui nous a montré le chemin et que, comme lui, nous affirmons que la disposition au langage est programmée en nous dès la naissance. Dans ce qu’il a de plus essentiel, le langage reflète notre conscience biologique du monde qui nous a produits. Nous enseignons donc trois langages artificiels destinés, en quelque sorte, à sonder les frontières de la pensée. Nous voulons savoir ce que le cerveau fruste et neuf d’un enfant pourra trouver naturel, ou, si vous voulez, « réel ». Dorothy enseigne un langage qui doit vérifier si notre conception de la logique est « réaliste »…
— Ou bien, si c’est la réalité qui est logique ! » souffla Dorothy entre ses lèvres pincées, comme si elle s’attendait à prendre la réalité en flagrant délit d’illogisme, et à la mater en conséquence.
Zwingler paraissait s’ennuyer. Sa physionomie ne s’éclaira que lorsque Sole passa à l’Univers suivant.
« Richard s’intéresse aux réalités parallèles et cherche à savoir quelles tensions provoquerait dans un esprit vierge un langage programmé pour les refléter. Il a créé une sorte de monde étranger, doté de ses propres lois…
— Si je comprends bien, le genre d’environnement au milieu duquel un être venu d’ailleurs aurait pu grandir ? »
L’Américain se pencha en avant, visiblement très intéressé.
« Pas exactement. Sole jeta un coup d’œil à Jannis. Mais le psychologue ne montra aucun empressement à ajouter quoi que ce soit. Il s’agit plutôt d’une autre dimension, induite d’un certain nombre d’illusions perceptives. Richard est très amateur d’illusionnisme…
— Oui, c’est ce que j’ai remarqué. Je commence à voir ce que c’est. Pas tant un environnement réellement étranger qu’une certaine conception philosophique de « l’étrangéité » ? Et le troisième Univers, alors ? Je pense que c’est le vôtre ?
— Effectivement… Avez-vous déjà entendu parler de ce poème de l’écrivain français Raymond Roussel qui s’intitule Nouvelles Impressions d’Afrique ? »
L’Américain secoua la tête.
« Un drôle de poème. En fait, pratiquement illisible. Entendez-moi bien : littéralement illisible. Non qu’il soit mauvais, au contraire, il est d’une ingéniosité diabolique. Mais c’est l’exemple le plus fou de ce qu’en linguistique nous appelons l’enchâssement. Et c’est ce que mes enfants apprennent…
— L’enchâssement ? Comment décririez-vous cela ? »
Sole avait achevé, quelques heures plus tôt, la lecture du papier de Zwingler sur les difficultés de langage des astronautes et il hésitait à le croire d’une telle ignorance du jargon linguistique. Néanmoins, il expliqua.
« L’enchâssement est un cas spécial de ce que nous appelons les lois de récurrence, ensemble de règles qui permet d’effectuer la même opération plus d’une fois lorsqu’on construit une phrase, de façon à faire cette phrase de la forme et de la longueur qu’on désire. Les animaux, lorsqu’ils veulent communiquer, n’ont à leur disposition qu’une batterie immuable de signaux, ou bien un seul signal dont ils modulent la durée. Mais de telles limites ne sont pas imposées aux hommes. Chaque phrase que nous construisons est une création inédite. Cela est proprement le fait des règles de récurrence. Le chien et le chat et l’ours ont mangé. Ils ont mangé du pain et du fromage et des fruits, avidement et gloutonnement. Ces phrases, vous les entendez pour la première fois. Elles sont entièrement nouvelles, mais vous n’avez aucune difficulté à les comprendre. C’est grâce à cette compétence linguistique, à la fois créatrice et souple, inscrite dans notre cerveau. Mais l’enchâssement porte la pensée aux limites du cerveau, ce qui explique le rôle de sonde que nous lui faisons jouer à la lisière…
— Chris, j’aimerais mieux que tu nous donnes un exemple de cet enchâssement, intervint Sam. Ton exposé devient un peu théorique pour moi. »
Sole adressa à Sam un regard curieux, car ce dernier connaissait parfaitement le sujet. Jannis, d’un air satisfait, se carra dans son siège et son attitude dénotait qu’il se sentait désormais exempté – comment avait-il dit ? – de faire son numéro.
Mais, puisque cela faisait plaisir à Sam…
« Il n’y a qu’à prendre exemple sur une berceuse. Celle-ci présente une remarquable série récurrente particulièrement facile à suivre. »
Dès qu’il commença à la réciter, un souvenir d’enfance lui revint en mémoire. Il avait sept ans. C’était l’école du dimanche. Il se levait pour chanter, de sa voix flûtée, la même chanson enfantine, lors du service d’action de grâces qui suivait les moissons. Et puis il avait oublié les paroles. Envolées, les paroles, en plein milieu du chant. Il avait fallu lui souffler. Ce moment malheureux avait laissé une écharde de honte dans son système nerveux. Et voilà que l’écharde, au contact du souvenir, l’aiguillonnait à nouveau de cette angoisse absurde : je n’arriverai pas au bout de la récitation, et, de fait, il restait là, perdu, la bouche ouverte, muet, attendant qu’on lui souffle…
C’est le fermier qui a semé le grain
Qu’a mangé le coq qui a chanté le matin,
Qui a réveillé le curé tout rasé tout tonsuré
Qui…
Qui quoi ? QUOI QUOI QUOI ? Une voix enfantine bafouillait dans sa tête tandis qu’une autre partie de lui-même observait cette stupide répétition d’événements et se demandait dans quelle mesure la fascination qu’exerçait sur lui le langage, et surtout le langage défiguré, n’avait pas pour cause première cette humiliation en public.
Une voix douce, à l’accent américain, lui vint en aide.
« Qui a marié l’homme tout cassé tout usé…
— Un petit effort, Chris. »
Zwingler souriait.
Le petit garçon reconnaissant retrouvait le fil de la chanson.
« Qui a embrassé la servante esseulée…»
Mais l’homme, en lui, s’arrêta, méfiant. Richard, Sam, Dorothy et même Friedmann aux yeux de grenouille ressemblaient trop à ces parents qui l’observaient, amusés.
Mais l’Américain le pressait. Sa voix assurée chanta les quelques vers suivants :
Qui a fait mal au chien…
Qui a fait mal au chien…
— Qui a chassé le chat, hasarda Sole.
— Qui a mordu le rat ! enchaîna vivement Zwingler.
— Qui a mangé le malt ? poursuivait Sole avec un sourire.
— Qui était dans la maison que Jacques a bâtie !
Zwingler termina triomphalement. Trois braises rouges dans un feu de joie. La chanson, il se l’était appropriée. On avait joué, et il avait gagné.
Que je suis con, pensa Sole, j’aurais dû reprendre les rimes depuis la fin. Il jeta un regard à Jannis et ne reçut en retour qu’une bouffée de mépris, rageur. Un manipulateur retors lui avait tendu un piège et il était tombé dedans. Tombé dans ce putain de trou de mémoire. Mais ce piège n’était fait que de mots. Il aurait dû se méfier.
« Je sais, n’importe quel bambin de quatre ans le saurait par cœur, dit-il, bien que toujours cramoisi, en manière de contre-offensive. Mais c’est autre chose d’appliquer l’enchâssement à l’intérieur d’une même phrase : c’est le malt que le rat que le chat que le chien a chassé, a mordu, a mangé. Qu’est-ce qu’on peut en dire ? Que c’est grammaticalement correct ? C’est vrai, mais on n’y comprend pratiquement rien. Qu’on pousse un peu plus loin l’enchâssement et on en arrive au poème de Raymond Roussel. Les surréalistes ont essayé de construire des machines à lire Roussel. Mais l’appareillage le plus docile, le plus sensé que nous ayons, que nous connaissions, pour le traitement du langage – notre propre cerveau – est, dans ce cas précis, impuissant.
— Et pourquoi, Chris ? »
Malgré son regard embusqué derrière un amusement sournois, Zwingler semblait sincèrement intéressé. Légèrement décontenancé, Sole lui jeta en pâture quelques mots d’explication. Il remarqua, ce faisant, que le visage de Sam se détendait.
« Tout simplement parce que le traitement du discours dépend du volume d’information que le cerveau peut emmagasiner à court terme.
— Et ce volume serait limité par le temps que met la mémoire immédiate à devenir permanente, donc de nature chimique et non plus électrique.
— Exactement. Mais cette forme permanente n’est pas fonctionnelle pour chaque mot isolé. Le souvenir de la signification essentielle suffit à nos besoins. On a ainsi un premier niveau d’information, celui des mots qu’on utilise effectivement, à la surface de l’esprit. Et un second niveau, permanent, profond où s’enchevêtrent en associations d’idées, des concepts hautement abstraits, organisés en réseaux et en nœuds, comme un filet. Entre ces deux niveaux se trouve le plan du discours engendré par les idées. C’est là, dans cette zone intermédiaire, que sont inscrites les règles de ce que nous appelons la grammaire universelle. Nous la disons universelle parce que ce plan du discours est une pièce essentielle de la structure de l’esprit et parce que les mêmes règles peuvent traduire des idées dans n’importe quel langage humain, quel que soit…
— En d’autres termes, tous les langages auraient un petit air de famille ?
— Exactement. Ils se ressemblent comme des visages à l’intérieur d’une même famille. Mais, en même temps, chaque visage a sa propre vision de la réalité. Si, pour dégager les règles de la grammaire universelle, nous rassemblions tous ces aspects, nous obtiendrions une carte du territoire, du champ d’action possible de toute pensée humaine, de tout ce que, un jour, nous pourrions vouloir exprimer en tant qu’espèce.
— Mais vous auriez des difficultés à simplement rassembler tous ces langages, non ? Certains se sont éteints, ont disparu…
— Et il pourrait en exister bien d’autres, qui n’ont pas encore été inventés.
— C’est pourquoi vous utilisez des langages artificiels ? Pour explorer les frontières ?
— Exactement.
— Voyons, Chris. Pour les enseigner, vous vous servez de cette substance chimique, l’ASP. Qu’est-ce qui vous permet de penser que c’est une situation naturelle ? Il est certain que nos cerveaux auraient eu une aptitude plus grande à l’apprentissage si, pour des raisons biologiques, cela avait été nécessaire…
— Bien sûr, et Dieu nous aurait donné des ailes s’il avait voulu qu’on vole ! Je vous en prie, ne me resservez pas ce vieil argument. L’ASP, comme son nom l’indique, n’est qu’un adjuvant.
— Bon. Combien de temps l’avez-vous testé sur des animaux ?
— Cela n’a rien à voir ! dit Sole d’une voix exaspérée. On ne peut pas apprendre à parler à un singe ou à un cochon d’Inde.
— O.K., vous avez réponse à tout, dit Zwingler avec un haussement d’épaules. Ils enregistrent donc leur langage enchâssé sans problème ? »
Sole esquissa un bref sourire en direction de Rosson.
— On peut dire que, d’ores et déjà, les résultats sont prometteurs, hein, Lionel ?
— Plus que prometteurs, approuva Rosson avec un sourire épanoui. Lui aussi, il aimait les enfants du sous-sol. »
Zwingler regarda sa montre.
« Dites-moi, Sam, je pourrais peut-être descendre les voir maintenant ? Je commence à voir de quoi il s’agit. »
Il y eut une petite explosion, guère plus forte qu’un claquement de fouet : Jannis se frappait la tempe du plat de la main.
« Écoute, Sam, puisqu’il est pressé, il n’a qu’à regarder les enfants depuis le couloir de ceinture par la porte d’à côté…
— Ne me fatigue pas, Richard, soupira le directeur. Nous sommes déjà convenus que Tom ne pénétrait dans aucun des Univers.
— J’espère bien ! » jeta Jannis dont la voix se durcissait.
Le directeur, embarrassé, posa sa main sur la manche de Zwingler.
« Si vous y pénétriez, ce serait un peu comme de contaminer une culture biologique avec un corps étranger. Un seul mot déplacé pourrait avoir des conséquences fâcheuses. »
Triomphant, Jannis intervint :
« C’est le plus bel euphémisme de l’après-midi. »
L’Américain tendit vers lui la perle de gelée de framboise qui fermait sa manchette et lui dit d’une voix melliflue : « Certainement pas, monsieur Jannis. Le plus bel euphémisme de l’après-midi, et peut-être des dix dernières années, c’est la sortie de notre ami Sam, au sujet des émissaires…»
Au bord de la manchette, le feu rouge s’immobilisa et battit une prudente retraite. Il en a trop dit, pensa Sole. Mais à quel sujet ? Lorsqu’ils s’écartèrent de la table, un petit sourire de mépris flottait sur les lèvres de Jannis.
Vasilki venait d’entrer dans le labyrinthe. Ils la voyaient nettement derrière les fines cloisons de plastique rigide. Rama et Gulshen étaient en grande conversation à côté de l’entrée. Vidya, le visage morne, traînait.
« Mais ce sont des Indo-Paks ! Des réfugiés ? Encore la guerre, ou une catastrophe ? Je dois reconnaître que ça leur sauve la vie, d’être ici !
— C’est très précisément mon opinion, monsieur Zwingler, minauda Dorothy en parfaite dame patronnesse victorienne visitant un atelier. De quoi aurait été fait leur avenir, sinon de misère physique en attendant la mort ? C’est ce que je ne cesse de répéter à Chris. »
À mesure que Vasilki s’enfonçait entre les cloisons de plastique, celles-ci atténuaient la couleur de sa peau, l’européanisaient, jusqu’à ce qu’une vision plus subjective de la petite fille s’imposât à Sole. Elle parcourait lentement le labyrinthe sur ses jambes squelettiques que surplombait le gros ventre des carences alimentaires, au-dessus duquel s’ouvraient les grands yeux morts de tous ces millions d’enfants jetés aux poubelles de l’histoire du XXe siècle. Il pensa : la vie de quatre de ces enfants est-elle une justification suffisante à ces Univers souterrains, quelle qu’en soit l’utilisation ? Quelle attitude aurait Pierre, confronté à cette raison ? Amener ici, bien en sécurité, quatre enfants qui parlent cette langue, le xemahoa, à supposer qu’on lui en donne l’occasion ? Il viendrait. Il viendrait sans doute.
« Chris, je peux écouter ce qu’ils disent ?
— Comment ? Ah !… oui, une seconde. »
Sole se tourna vers le panneau mural et manipula les boutons de la sono. Puis il passa des écouteurs à Zwingler.
L’Américain les approcha d’une seule de ses oreilles et fit une moue. Pendant ce temps, Jannis filait le long du couloir vers son propre territoire.
« Dites donc, c’est vraiment autre chose. Mon vieux, vous l’avez chamboulée, la syntaxe ! »
Vasilki était arrivée au centre du labyrinthe. Elle se tenait près de l’Oracle et elle parlait au grand cylindre planté là comme un poteau.
« On dirait que les gosses disent quelque chose… ils parlent de la pluie ?
— Effectivement, il peut pleuvoir chez eux. Un système d’arrosage se charge de nettoyer leur salle et de leur donner une douche. Vous devriez voir comme ils sont contents. Ils ont un ballon.
— C’est bien. Et quand vous entrez là-dedans, comment fonctionne ce masque de plongée émetteur dont vous parliez tout à l’heure ?
— Nous effectuons les mouvements de la parole, mais sans vocaliser les mots. Le masque les prend, les fait passer par le programme de l’ordinateur avant de les resynthétiser, amplifiés, dans leur forme enchâssée. Les masques sont reliés par une antenne à l’ordinateur.
— Pas mal, tant que les enfants ne se mettent pas à lire sur les lèvres.
— On y a pensé aussi. C’est la raison pour laquelle nous appelons cet appareil un masque. Le seul endroit où ils peuvent voir bouger nos lèvres, c’est sur l’écran, et leurs mouvements sont reconstitués pour les besoins de l’enchâssement. »
Zwingler changea les écouteurs d’oreille.
« Je me demande dans quelle mesure cet enchâssement se gravera en eux ? Est-ce que vos enfants vont essayer de faire dévier vos « corrections » vers la normale ?
— S’ils le faisaient, répondit Sole avec conviction, nous aurions alors découvert quelle image le cerveau se fait de tous les langages possibles.
— Vous voulez dire : tous les langages humains possibles, c’est bien ça, Chris ? »
Sole se mit à rire de la futilité de l’objection.
« Posons le problème autrement et disons : tous les langages parlés par les êtres dont l’évolution s’est faite sur les mêmes bases que la nôtre. Je ne peux évidemment pas tenir compte des fantaisies linguistiques qu’auront imaginées les salamandres à métabolisme siliceux d’une autre région de l’univers !
— Il se pourrait que ces êtres utilisent des sortes de circuits imprimés, de structure binaire, comme ceux d’un ordinateur », reprit Zwingler, d’une voix rêveuse, comme s’il prenait très au sérieux la boutade de Sole.
Vidya s’éloigna mollement à quelques pas de l’entrée du labyrinthe, vers une grosse poupée de plastique orange. Il la ramassa et la mit debout. Elle lui arrivait à l’épaule.
Il lui palpa le côté et la poupée s’ouvrit. Le garçon en sortit une poupée plus petite, rouge, la plaça debout à côté de la première qu’il referma. La seconde poupée arrivait à l’épaule de la première…
« Ce sont des jeux éducatifs, précisa Sole en reprenant les écouteurs que lui tendait Zwingler et qu’il raccrocha. Les corps des poupées contiennent des mémoires électroniques où sont enregistrées quelques dizaines de contes pour enfants. En ouvrant la grande poupée, on met en marche une histoire au hasard. Mais là où ça devient vicieux, c’est qu’il faut désemboîter et réemboîter tout le jeu de poupées dans l’ordre exact pour obtenir l’histoire en entier. Une histoire qui elle-même est, linguistiquement, enchâssée, tout comme les poupées sont matériellement emboîtées l’une dans l’autre. Il y en a sept en tout. Regardez, il sort la troisième…»
Mais Zwingler se livrait toujours à voix haute à de subtiles réflexions sur les langages binaires.
« Linguistiquement, ce n’est pas la même chose, dit Rosson. Le cerveau retient les données dans les couches multiples de ses réseaux d’associations, et c’est bien ce que réfléchit le langage. Au contraire, un ordinateur possède une fiche signalétique pour chaque donnée isolée. En réalité, la raison pour laquelle les enchâssements de Chris pourraient être rejetés est que le cerveau n’est pas un ordinateur. Il ne saurait pas à quelle association intégrer la donnée nouvelle parce que le réflexe est trop lent et, quantitativement, sa capacité est limitée, même avec l’ASP…»
Tandis qu’il parlait, Dorothy se mit à manœuvrer pour entraîner l’Américain hors de l’Univers de Sole. Elle s’éloignait d’un pas, revenait près de lui comme une poule donnant l’exemple à son poussin. Elle finit par le tirer carrément par la manche.
« Les associations d’idées, voilà le problème, caqueta-t-elle. Il est illogique que des mots aient des significations polyvalentes. Bien sûr, on peut toujours essayer d’enseigner une forme de Greublis pour mettre la logique sur la sellette…
— Votre Greublis, ce n’est pas une marque de fromage suisse ? s’enquit Zwingler avec un gloussement moqueur.
— Pas du tout ! Le Greublis n’est qu’une forme de l’anglais. Avec des mots spéciaux, comme greu et blis. Greu, par exemple, qualifie quelque chose qu’on a déjà vu et qui est gris, ou quelque chose qu’on n’a pas encore vu et qui est bleu. Mais, hélas ! ces notions sont trop complexes pour de jeunes enfants.
— Si je comprends bien, ce n’est qu’une lune en fromage gris ?
— Que voulez-vous dire ?
— Le greublis est une pure invention, comme de dire que la Lune est un fromage.
— Mais, monsieur Zwingler, nous n’avons jamais été assez bêtes pour vouloir enseigner le Greublis. Je ne veux que dégager les lignes de force qui ont présidé à nos recherches préliminaires…»
Entre les coups de patte précis et logiques de Dorothy, Zwingler se laissa mener dans le couloir. Sole était resté en arrière pour regarder Vidya. Il y avait quelque chose d’inquiétant dans le comportement du garçon. Quelque chose de saccadé, d’automatique.
Il achevait d’aligner les sept poupées.
Puis, comme un masque, son visage se figea. Ses yeux restaient rivés sur la plus petite.
Une minute passa, puis, brusquement, un spasme contracta le visage du petit garçon. Comme la glace trop fragile sous les pieds du patineur, la membrane tendue qui le protégeait de la folie céda et il sombra dans le chaos. Ses lèvres s’ouvrirent sur un hurlement. Son visage se tordit. Heureusement, l’isolation empêchait le bruit de parvenir jusqu’au couloir. De ses yeux agrandis, Vidya regarda en direction de Sole, bien qu’il ne pût rien voir que sa propre image dans la glace sans tain. D’un coup de poing, il envoya promener les poupées qui tombèrent comme des quilles.
Il se saisit de la plus petite poupée et s’acharna sur son cou. C’était la seule poupée qui n’en contenait pas d’autre et pourtant l’acharnement du garçon était tel que des larmes coulèrent de ses yeux. Ses mains cherchaient désespérément, comme si la poupée avait dû contenir autre chose.
Sole, horrifié, regardait.
La crise dura tout au plus quelques minutes, avant que Vidya ne s’épuise, que ses gestes ne ralentissent comme ceux d’un jouet mécanique et qu’il ne s’arrête. Puis, mollement, il ramassa les poupées et les réemboîta l’une dans l’autre.
Malgré les tentatives d’explication qui s’entrechoquaient dans sa tête, Sole rattrapa le groupe.
Quelle sinistre école d’enfants de troupe serait devenu l’Univers logique de Dorothy sans la chaude présence et la gentillesse de Lionel Rosson ? Sole préférait ne pas y penser. Dieu merci, c’est à eux deux que Sam avait attribué cette salle, reconnaissant ainsi que s’il ne pouvait se passer de l’intelligence logique de Dorothy, il n’avait que faire du genre d’émois algébriques qu’elle cultivait.
Cependant, au moment de donner un nom aux enfants, Dorothy s’était montrée intransigeante. Les deux garçons s’appelaient A et Bé. Les deux filles étaient Eau et Zed. Prêts à la mise en équation.
Cela dit, les enfants n’évoquaient pas la tristesse.
« Mais ce sont des danseurs, dit Zwingler, impressionné.
— Vous savez peut-être, remarqua Rosson avec obligeance, que les abeilles ont fait évoluer leur système de communication non en direction du son, mais vers la danse ? Seules les abeilles primitives utilisent encore des bruits. Les abeilles évoluées ont abouti à la danse aérienne pour s’exprimer plus logiquement. Que ces enfants dansent donc ! Vous aimeriez peut-être les voir au garde-à-vous formuler des propositions logiques comme des pions sur un échiquier ? Mais non, Tom. Notre enseignement se fait par la danse autant que par le verbe…»
Sur le vaste écran mural, des figures abstraites surgissaient : l’ordinateur réagissait au discours de la danse. Et les mots que disaient les enfants étaient le reflet de ces figures.
« Voyez-vous, monsieur Zwingler, l’ennui, avec les langages logiques, dit Dorothy, c’est qu’ils ignorent la redondance…
— Vous voulez dire que vous les sous-employez ? » demanda Zwingler avec un large sourire.
Il y eut un silence gêné. Il y eut une fois une maîtresse d’école qui s’appelait Dorothy Summers et qui, un jour, eut l’air fâchée.
« Bizarrement, c’est bien ce qu’elle veut dire, murmura la voix secourable de Rosson. La redondance est une réalité pénible pour celui qui cherche un emploi : trop de candidats pour un seul poste. Mais c’est pour ça que le cerveau travaille si bien, à cause de la multitude des systèmes dits de réservation.
— Excusez-moi, mademoiselle Summers, je vous taquinais. Vous voulez dire que le langage normal doit charrier plus d’information qu’il n’est nécessaire, au cas où nous manquerions une partie du message ? Vous avez donc, pour les besoins de votre expérience, accompli un travail d’élagage ? »
Comme Dorothy boudait encore, ce fut Rosson qui expliqua.
« C’est dans l’architecture même de la salle que nous avons introduit la redondance, et également dans les activités des enfants, la danse en particulier. De cette façon, nous pouvons éliminer la redondance du langage. »
Dès que Zwingler tourna le dos pour reprendre dans le couloir le fil de la visite, Sole, bizarrement troublé, posa sa main sur le bras de Rosson.
« Bravo, Lionel. Ton Univers marche admirablement. Seulement, il est arrivé quelque chose à Vidya. On pourrait parler ? Mais pas maintenant. Pas avec ce type chez nous…
— Bien sûr, Chris. »
Tandis que Zwingler approchait de la dernière salle, Jannis le mit sèchement en garde.
« Pas de bêtises, mon vieux. »
L’Américain ne releva pas cet autre échantillon de la parfaite mauvaise grâce de Jannis.
C’est donc sans la moindre préparation que son regard plongea dans la troisième salle. Déséquilibré, il se sentit tomber en avant.
Il tendit le bras pour amortir la chute et sa main heurta le verre. Le psychologue le prit par les épaules et le remit d’aplomb, mais brutalement, comme on ferait à un enfant.
« Ne donnez pas de coups dans l’aquarium, mon vieux, vous allez faire peur aux poissons.
— Désolé », grogna Zwingler, aussi interdit par l’agression physique de Jannis que par cette salle dont l’ordonnance était un défi aux lois de l’équilibre.
Cette sensation de vertige n’épargnait pas Sole mais lui, au moins, y était préparé. Solidement arrimé à l’horizontale du plancher, il laissa son regard tomber en chute libre dans les profondeurs qui se tordaient derrière la vitre.
Cela lui rappelait toujours les univers aux perspectives piégées de Maurits Escher, où des tours ne se dressent que pour se retourner sur elles-mêmes comme des bandes de Moebius, où des escaliers mènent à des terrasses qui, par quelque tour de passe-passe, se retournent au pied de ces mêmes escaliers, où des personnages parcourent des galeries qui doivent basculer dans une dimension supérieure pour permettre aux promeneurs de rencontrer leur propre image qui, marchant au plafond, vient au-devant d’eux.
Là, tout près d’eux, un enfant, une petite fille, était assise et se curait sévèrement le nez, les yeux dans le vague. On aurait dit une géante lisse et asexuée car le garçon qui semblait se tenir debout tout près d’elle ne lui arrivait qu’à la cuisse, tandis qu’ils regardaient, un autre garçon descendit un escalier. À mi-chemin, il disparut, comme volatilisé…
« Entièrement construit en miroirs, votre pays des merveilles, dit Zwingler avec un rire crispé.
— Non, ce ne sont pas uniquement des miroirs », répliqua Jannis sans lâcher l’Américain.
Puis il lui parla sèchement de cubes de Necker, de projections holographiques, de lumières polarisées et de surfaces de contact à tension variable.
« Il faut s’entraîner avant d’entrer, comme un astronaute pour l’apesanteur ?
— Il se pourrait effectivement que ce soit un bon terrain d’exercice pour les astronautes du futur, acquiesça Jannis. Mais c’est au niveau du concept que l’univers de ces enfants est le plus curieux…»
Sole se mordait la lèvre inférieure. Il pouvait imaginer Rama et Vidya émergeant sans encombre, un beau jour, de leur univers. Il pouvait voir A et Bé danser vers la sortie du leur. Mais les enfants de Richard ? Comment pourraient-ils, sans danger, se retrouver dans la réalité ? Ils étaient, au pied de la lettre, prisonniers d’une illusion.
Dès que Jannis le lâcha, Zwingler s’écarta de la fenêtre. Il eut bientôt retrouvé son aplomb habituel.
« Mademoiselle Summers et vous, messieurs, je vous remercie d’avoir sacrifié votre après-midi. Je suis conscient du dérangement que j’ai provoqué. Sam, pourrais-je, là-haut, abuser encore un peu du temps de Chris ? »
Tandis que le groupe se dirigeait vers l’ascenseur, Sole, toujours aussi inquiet, s’arrêta un instant pour regarder dans la première salle. Vidya semblait avoir retrouvé son calme.