The sound of the sinners

Blanckaert et son équipe traversèrent la place Jemaa-el-Fna en direction du souk, encore désert avant l’arrivée des cars de touristes. Marchant à l’ombre des lattis en bois, ils s’enfoncèrent dans les ruelles entrelacées où s’exposait l’essentiel de l’artisanat du Sud marocain. Les premières boutiques ouvraient ; hormis quelques saloperies singeant l’Occident, tout était d’une singulière beauté.

Le souk sentait les épices, l’eau de rose, la menthe fraîche et la bourrique. Blanckaert marchait devant. Ombre voûtée tenant sa mallette de cuir, Levasseur semblait nerveux malgré les deux gorilles qui les escortaient. S’éloignant peu à peu des rues commerçantes, ils ne croisèrent bientôt plus que des femmes voilées qui partaient faire leurs courses et quelques hommes en burnous tirant des charrettes. Le quartier des menuisiers céda la place à celui des ferronniers où, le plus souvent bâties sur de simples parpaings et des tôles ondulées, les échoppes se succédaient dans un tintamarre de kermesse néo-gothique. Des hommes en guenilles martelaient le métal, les artisans les plus expérimentés soudaient avec des lunettes de soleil, les apprentis à l’œil nu…

Ils arrivèrent au fond du souk. La pluie de ces derniers jours ayant laissé une bouillasse sur le sol, leurs mocassins s’enfonçaient dans la terre battue. Loin des ruelles commerçantes, la pauvreté était si palpable que même le boss perdit un peu de sa superbe. Ils pataugèrent un moment devant les hangars vétustes qui cachaient un terrain vague, jonché de gravats.

Alain Blanckaert recolla la mèche qui lui servait de couvre-chef. Un vent poussiéreux sifflait dans les structures métalliques. De l’ancienne teinturerie, il ne restait plus que les cuves d’eau croupie et une odeur épouvantable…

— Bon, s’impatienta-t-il, qu’est-ce qu’il fait ?

Le gros blond et son acolyte guettaient d’improbables allées et venues dans cette partie désertée de la médina. Mohamed Ben Keddir apparut enfin au bout de la ruelle.

Un manteau de cachemire sur des épaules taurines, l’homme avait la cinquantaine à moustache et de gros yeux impassibles qui rappelaient le morne décor environnant. Alain Blanckaert le salua chaleureusement et commença à lui présenter le futur chantier.

Ben Keddir faisait attention à ses chaussures, Levasseur suivait en montrant les plans, les autres slalomaient parmi les parpaings cassés et les structures démembrées. Les premiers hangars avaient été démolis et, bien que le projet n’ait pas encore été avalisé par les « autorités compétentes », la zone était déjà déclarée inhabitable. Blanckaert parlait, le Marocain écoutait, l’architecte précisait.

La friche qu’ils foulaient constituait les fondations des premiers riads : il y en aurait d’autres. Beaucoup d’autres. Car ils n’avaient pas simplement prévu de raser le fond du souk : le projet prévoyait d’effacer les quartiers les plus pauvres de la médina au profit de maisons de luxe…

Ben Keddir opinait gravement, concerné par le « problème ». Car les affaires étaient les affaires ; avec l’arrivée des capitaux français et la clientèle exigeante qui allait affluer, Marrakech n’avait d’autre choix que de se mettre aux normes de la mondialisation : tout le monde en aurait pour son argent, c’était comme toujours une question de redistribution.

La population, dont on avait déjà évacué une partie sous prétexte de réhabilitation, ne poserait pas de problème. L’investissement attirerait les riches en mal d’exotisme, on commençait aussi à voir des Italiens, des Espagnols et même des Anglais, les riads s’arrachaient comme des petits pains ; la spéculation et la flambée des prix interdisaient déjà à la plupart des Marrackchis d’acheter un logement, c’était le moment ou jamais de tirer parti de la conjoncture. Mohamed Ben Keddir acquiesçait.

Le garde du corps qui marchait devant ne vit pas la silhouette surgir de derrière la cuve : un violent coup de bâton lui fracassa le crâne.

Son binôme sortit aussitôt son arme de poing, un Glock des plus performants, mais le canon terne d’un calibre 32 était braqué sur son ventre.

— Tu paries qu’il marche ? lança Mc Cash.

Le garde du corps hésita une fraction de seconde : le visage de ce type n’allait pas du tout avec son costume, et si le six-coups ne payait pas de mine avec ses rayures et sa crosse fendue, le Glock n’était pas armé.

— Balance ça !

La main qui tenait le casse-tête saignait sous le bandage, Mc Cash avait le doigt pressé sur la détente : sentant qu’il allait tirer, l’homme à la nuque rasée jeta le Glock à terre.

— Qu’est-ce que c’est que ça ? ! glapit Blanckaert.

Pétrifié au milieu des gravats, Levasseur se tourna vers lui, livide. Ben Keddir fit un pas vers l’homme qui les menaçait.

— Vous, vous bougez pas ! siffla Mc Cash en pointant son gourdin vers la petite bande. Toi tu t’accroupis, ordonna-t-il au garde du corps qu’il menaçait toujours. Les mains dans le creux des genoux : vite.

L’homme à la nuque rasée vit son partenaire parmi les décombres, puis le visage décomposé du boss : ils s’étaient fait avoir comme des bleus.

— Tu te magnes le train ou il faut te balancer du charbon dans la gueule ? ! gronda Mc Cash.

Le garde du corps s’agenouilla et, dans le feu de l’action, prit un terrible coup derrière la tête, qui l’envoya face contre terre. Les autres eurent alors vraiment peur. Ben Keddir jura en arabe, tendit le cou vers l’entrée du site, ne vit que des courants d’air. Mc Cash lâcha le gourdin, s’empara du Glock, vérifia qu’il était armé.

— Je vais appeler la sécurité ! s’écria Ben Keddir d’un ton ombrageux.

— Tu vas surtout fermer ta gueule.

— Qui êtes-vous ? s’interposa Blanckaert. Qu’est-ce que vous faites là ?

Après un moment de stupeur, le boss avait retrouvé son sang-froid. Mc Cash frappa durement son oreille avec le canon du revolver.

— C’est moi qui pose les questions, feula-t-il, et je n’ai pas beaucoup de temps. Alors vous allez répondre sans faire les mariolles, à commencer par toi, Blanckaert : qu’est-ce qui est arrivé à Le Guillou ?

Tassé sur lui-même, le boss se tenait l’oreille comme si elle allait tomber.

— Ça vous coûtera cher, lâcha Ben Keddir entre ses dents. Vous ne savez pas à qui vous avez affaire.

D’un revers du canon, Mc Cash lui ouvrit la joue. Le Marocain plia l’échine, le cachemire moucheté de sang, et se rattrapa à l’architecte qui trébucha sur le sol poussiéreux.

— Le Guillou, reprit Mc Cash à l’attention de Blanckaert, il tenait le rôle du passeur, c’est ça ? Tu réponds ou je pulvérise le genou de ton copain play-boy, dit-il en pointant le Glock vers Levasseur. Tu pourras jouer au tennis avec les Handisport.

L’architecte recula, un geste suppliant vers Blanckaert qui, l’oreille droite déchirée, jurait dans sa barbe :

— Je ne sais pas de quoi vous voulez parler.

— C’est Le Guillou qui vous fournissait les gamins ? répéta Mc Cash.

— Le Guillou ?

Levasseur chercha un moyen de fuir mais le borgne avait son genou en ligne de mire.

— Je te le déconseille fortement, mon mignon, lui lança-t-il. Alors ?

— Écoutez, je ne comprends rien à ce que vous me dites, s’entêta Blanckaert. De quels gamins voulez-vous parler ?

— Ne fais pas l’imbécile avec moi : Le Guillou faisait venir des gamins des rues via ses réseaux plus ou moins mafieux, un de ces types m’est tombé dessus alors qu’il venait de l’exécuter et, c’est marrant, le tueur venait justement de t’appeler.

— C’est impossible.

Le sang qui coulait de l’oreille barbouillait sa face. La peur qui traversait ses yeux se changea alors en doute :

— À moins que…

— Accouche.

— Quelqu’un m’a appelé. Un inconnu… Il y a cinq ou six jours… Une première fois pour me prévenir que j’étais la victime d’un complot, mais sans me dire qui m’en voulait, ni pourquoi : et puis j’ai reçu une photo… Il voulait me faire chanter.

— Qu’est-ce que tu me racontes comme salade ? Quelle photo ?

Ben Keddir s’était relevé, la joue déchirée. Lui non plus semblait n’y rien comprendre : tous regardaient Blanckaert.

— Une photo… d’ordre privé, dit-il.

— Quelle photo !

Levasseur n’avait jamais autant aimé ses genoux. Il urina un peu dans son slip. Blanckaert sortit alors une enveloppe, qu’il gardait dans la poche de son pardessus.

Ses mains poisseuses tremblaient en lui tendant.

— J’ai reçu ça il y a deux jours, dit-il. Une copie laser… Au téléphone, il m’a bien fait comprendre qu’il y avait d’autres photos, des films aussi, enfin, que j’étais sous surveillance. Il m’a demandé de l’argent en échange des originaux et des explications sur la façon dont il s’était procuré ces documents.

Mc Cash déchira l’enveloppe et, sans cesser de les menacer de son arme, jeta un œil au cliché. Le grain était de bonne qualité : on y voyait Blanckaert les yeux mi-clos, se faisant pomper par une fille, pendant que la main d’une autre le sodomisait : Myriam, la femme de Ledu, et sa sœur Barbara, la jolie garçonne croisée dans Montfort… Dommage.

— Ça veut dire quoi ? Des orgies clandestines ?

— Rien que des échanges entre adultes consentants, rétorqua Blanckaert.

— Ah ouais ? dit-il d’un air mauvais. Ça se passait où ? Chez votre copain Levasseur ?

— Philippe est mon cousin.

— Baiser en famille, pourquoi pas, ironisa Mc Cash.

— Qu’est-ce que vous racontez ? ! gronda Ben Keddir.

— Continue.

— Philippe a une résidence secondaire à la campagne, poursuivit Blanckaert, où il organise des soirées érotiques… Des soirées d’adultes.

Le Marocain leur adressa un regard noir.

— Écoutez, tout cela est du domaine de la vie privée, reprit Blanckaert pour se justifier. Je ne fais de mal à personne, ni moi ni Philippe ; et puis, l’échangisme n’est pas interdit par la loi, que je sache…

Levasseur acquiesçait mais Mc Cash n’écoutait pas.

— Le maître chanteur, dit-il, il demandait combien pour ces photos ?

— Cent mille euros.

Le Guillou avait des dollars.

— Tu as porté plainte ?

— Non.

— Pourquoi ?

— J’ai eu peur.

— De quoi ? Si tu assumes si bien que ça ta sexualité, pourquoi n’as-tu pas dénoncé le type qui te faisait chanter ?

— Parce qu’il devait aussi m’avertir d’un danger qui pesait sur moi, répondit Blanckaert. Cette histoire de complot. Il fallait que je sache. Les photos prouvaient que j’étais espionné… Cette soirée date d’une dizaine de jours…

— Quel jour exactement ?

Blanckaert se tourna vers son cousin :

— Le… le 18.

Au petit matin, Mc Cash trouvait le petit corps dans la vase…

— Et alors ? siffla-t-il.

— Alors l’homme en question devait me rappeler pour les modalités de l’échange, mais il ne l’a jamais fait…

— Parce qu’on l’a tué, poursuivit Mc Cash.

— Vous le connaissez ?

Le boss n’avait pas l’air au courant. L’architecte non plus. Ben Keddir ruminait sa vengeance, la main sur la joue.

— Le Guillou, dit le borgne. Le directeur du foyer de l’enfance.

Si Blanckaert resta de marbre, Levasseur sortit de sa torpeur :

— Le Guillou, le maître chanteur ?

L’ex-flic secoua la tête — ce n’est pas le portable du tueur qu’il avait trouvé sur le trench-coat, mais celui de Le Guillou, qu’il venait de subtiliser… Quel con.

— Ça n’explique pas ce que vient faire la petite noyée dans cette histoire, fit-il. Qui me dit que les photos détenues par Le Guillou ne sont pas justement celles où figure la gamine ?

Il y eut un silence minéral sur le terrain en démolition. Mc Cash avait l’œil rouge de colère. Les autres n’y comprenaient rien.

— Non… Non : les enfants, c’est absurde. C’est… C’est faux !

Blanckaert était blanc à fendre l’hiver. Mc Cash rumina, le doigt crispé sur la détente.

— Putain… si tu mens, je te jure que tu vas passer un sale quart d’heure…

Un flottement dans la voix laissait croire qu’il avait envie de pulvériser quelqu’un. Blanckaert posa ses deux mains contre sa poitrine :

— Je vous jure, c’est la vérité.

Foi de chacal. Du canon, Mc Cash désigna la mallette tombée à ses pieds.

— Et là-dedans ?

Blanckaert eut un regard traître vers Ben Keddir.

— Des plans.

— Ouvre ça, ordonna l’Irlandais. Doucement…

Il ouvrit la mallette de façon à en présenter le contenu, sous la moue désapprobatrice du Marocain. Il y avait la paperasse entrevue la veille et une liasse de billets de banque. Des dollars.

— Il y en a pour combien ?

— Cinquante mille, répondit Blanckaert.

— Encore le coup d’un maître chanteur ? railla Mc Cash.

Mais personne n’avait envie de rire. Aucun appel d’offres n’avait été lancé, ni en France ni au Maroc, et le quartier des artisans de la Médina n’était, a priori, pas à vendre.

— Ça représente quoi au juste, ces dollars ? Un dessous-de-table qui aurait à voir avec la construction de riads ?

— Vous feriez mieux de déguerpir, siffla Ben Keddir.

— Vous travaillez pour qui ? s’enhardit le boss.

— Réponds.

— Écoutez, tempéra Blanckaert : je sais que tout ceci est un peu opaque mais ne soyez pas naïf. Si vous êtes là à me menacer avec votre arme, c’est que vous n’êtes pas non plus un enfant de chœur : les commissions font partie des transactions, officieusement. Après, c’est une question de dosage…

Les autres approuvaient en silence.

— Vous allez exproprier combien de personnes pour bâtir votre riad-land à la con ?

— Ne vous en faites pas pour eux, ils seront dédommagés.

— À coups de pied au cul.

Blanckaert s’aida du bras :

— Vous avez vu dans quelles conditions déplorables ces pauvres gens vivent ; l’argent que nous leur donnerons leur permettra de s’installer ailleurs. Et puis, nous allons sous-traiter avec des entreprises marocaines… Croyez-moi, le réaménagement de la médina est structurellement bénéfique pour Marrakech et, à moyen terme, attirera nombre d’investisseurs…

Étrangers. Et une fois délogés de leur ville et avec des loyers hors de prix, les gens du coin pourront aller croupir dans une de ces cités radieuses qu’ils ne manqueront pas de leur construire en périphérie.

— Je ne sais pas pour qui vous travaillez, reprit le bétonneur, mais vous prenez des risques inconsidérés pour une cause qui n’en vaut pas la peine : notre ami ici présent travaille pour des Marocains très bien placés, pour qui, je me permets d’insister, cette commission est tout à fait, disons, usuelle…

Voilà qui expliquait pourquoi il n’y avait aucune trace de projet immobilier dans la médina : quelques pots-de-vin aux décideurs locaux pour emporter le marché et une fois mise devant le fait accompli, la population n’aurait d’autre choix que l’expropriation, pendant qu’ils iraient spéculer ailleurs.

— Vous feriez mieux d’écouter ce qu’il vous dit, insista Ben Keddir.

Mc Cash soupira. Blanckaert crut qu’il se relâchait.

— Le marché, c’est la guerre, dit-il.

Mais le borgne commençait à en avoir marre de leurs histoires.

— Vous voulez combien ? lança alors Blanckaert. Cent mille ? Deux cent mille ?

Un nuage noir passa dans l’air.

— Je me fous de l’argent, répondit Mc Cash.

— Vous avez tort, tenta d’ironiser Blanckaert, le visage en sang.

La brise souleva la poussière.

Situé dans son angle mort, le borgne ne vit pas le gros blond à terre, qui venait d’ouvrir un œil. Il pensait à Alice, qui s’était mis les deux pattes dans un piège à oursons, et à lui qui comptait les morts… Son moignon lui lança soudain une brindille enflammée dans le cerveau, une douleur fulgurante qui, en le traversant, le fit vaciller.

Une pluie d’enfants morts tomba en cascade sanglante sur le terrain vague. L’équilibre était rompu.

Il y eut simultanément comme des frétillements dans son dos, un bruit répété qui se rapprochait à toute vitesse : les pattes d’un chien en pleine course. Mc Cash pivota au moment où le dogue sautait sur lui. L’homme à terre profita de l’attaque pour se jeter sur le Glock de son binôme.

Mc Cash gémit de douleur : le vigile qui l’avait cogné la veille accourait depuis l’entrée du chantier, les crocs de son chien déchiquetaient sa main blessée et la douleur était si intense que la plaie de son moignon s’en trouva presque anesthésiée. La rage, elle, restait intacte : il logea une balle dans la tête du dogue, qui éclata sous l’impact. Un sang chaud lui gicla au visage ; il fit sauter dans la foulée le crâne du gros blond qui venait de braquer son arme vers lui.

Des visages de trépassés traversaient l’air du matin, ils volaient, les petits corps, autour des poutrelles rouillées.

Le garde de Ben Keddir aussi avait dégainé : il voulut tirer mais les autres bougeaient en tous sens, il risquait de les toucher : il se campa sur ses jambes et visa. Mc Cash l’abattit à vingt mètres, en pleine poitrine.

Blanckaert plongea alors sur lui, déviant du même coup la balle destinée à l’autre garde du corps, qui émergeait à son tour.

— Philippe ! cria le boss, tentant de le ceinturer.

Nuque-rasée avait besoin de quelques secondes pour récupérer le revolver à terre : l’architecte s’agrippa au bras de Mc Cash, celui qui tenait le Glock, et, aidé par Blanckaert et Ben Keddir, tenta de le faire basculer. En vain.

— Tue-le ! glapit-il à l’attention du garde qui se relevait.

D’un coup de tête, Mc Cash lui fendit l’arcade. Voyant qu’ils n’auraient pas le dessus, Ben Keddir porta la main à la poche de son manteau de cachemire et en ressortit un petit calibre. Le coup partit tout seul : Blanckaert s’écroula aussitôt. La balle avait traversé son épaule avant de ressortir par le cœur : Levasseur retint un cri. Dans la mêlée, Mc Cash tira deux coups. Le premier s’écrasa contre le sol, l’autre dans le pied du play-boy, qui aussitôt lâcha prise.

Toujours agrippé, Ben Keddir cherchait à tourner son calibre vers le crâne du borgne quand il sentit la morsure d’un canon contre sa tempe : sa tête vola en éclats. Mc Cash ne sentit pas les bouts de crâne sur son visage. Les enfants morts hurlaient dans sa tête et l’autre garde avait récupéré son arme.

L’homme à la nuque rasée fit feu aussitôt : Philippe Levasseur, qui titubait de douleur, fut cueilli par deux balles dans le dos. Il voltigea comme un pantin, dégageant la cible. Mc Cash tira une dernière fois : le garde du corps s’affala sur les palettes.

Le vent soufflait sur le chantier, étrangement calme. Tout s’était passé en quelques secondes.

Ses lunettes noires barbouillées de sang, Mc Cash ne savait plus ce qu’il faisait là, comment les choses s’étaient passées. Les enfants morts avaient disparu dans le sillage des coups de feu, des trépassés à la pelle et pour ainsi dire sans yeux, tout barbouillés qu’ils étaient de lentilles vertes…

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