Crab visse un abat-jour à son parapluie – il sort.
Si tout le monde ressemblait à Crab, plus de coups, plus de caresses, des corps qui s'évitent, des ombres cernées de fer. Certaines balances ne soupçonnent pas son existence, qui s'émeuvent d'un rien pourtant et sursautent quand paraît le prospecteur hirsute, gris de poussière et les yeux brûlés, serrant dans son poing trois grammes de poudre d'or.
Crab est là cependant, sur le qui-vive, prêt à intervenir, ne demande qu'à entrer au service d'une passion, d'une idée, comme simple valet, homme de peine, femme de charge, bête de somme, n'importe, qui se dévouerait pour elle et lui donnerait son sang, ses reins et ses poumons, et son temps à user, se mettrait en quatre ou davantage, se laisserait couper en morceaux plutôt que de la trahir, en petits morceaux, tailler en pièces, ferait rempart de son corps pour la défendre et vomirait du plomb fondu par tous ses orifices.
Mais Crab ne trouve pas à s'employer. On lui préfère à chaque fois un autre candidat, plus motivé. Et Crab rejoint ses compagnons, car il n'est pas le seul volontaire rabroué et il a fini par lier connaissance avec tous ces hommes en réserve de la vie – ces êtres qui palpitent dans un infinitif pétrifié -, qui un jour peut-être seront appelés, mais ne savent plus quoi lire en attendant.
Comment occuper ce corps sans rôle qui fonctionne inutilement, que faire de cette tête qui tourne à vide? Il faudrait procurer un travail au premier, des distractions à la seconde. C'est ainsi que Crab passe le plus clair de son temps à se donner des gifles.
D'un autre côté, et sans vouloir lui nuire, mais puisque les faits sont là, reconnaissons que Crab gâche irrémédiablement tout ce qu'il touche. Sauf le plâtre pourtant, qui lui file entre les doigts.
S'il savait parler aux plantes: les cactus sont les orangers qu'il a bercés.
Crab fuit dans tous les sens. Il se dérobe devant. Il s'éclipse par-derrière. Il se rue hors. Il décline l'offre. Il évite le sujet. Il noie le poisson. Il passe son tour. Il s'absente un moment. Il prend congé. Il change de trottoir. Il cherche refuge. Il scie la branche sur laquelle il est assis pour se faire un cercueil de belles planches.