En cherchant dans une pièce un objet qui ne s'y trouve pas, mais en cherchant bien, en cherchant longtemps – le temps qu'il faudra -, patiemment, à la loupe, au peigne fin, on doit malgré tout finir par mettre la main dessus. C'est l'opinion de Crab. La démonstration suit.
Ouvrez bien les yeux. Voyez: Crab dépose sa pipe sur le petit guéridon du salon. Puis il marche jusqu'à sa chambre, entre, et referme la porte derrière lui. Il fumerait volontiers une pipe. Il tâte ses poches, pas de pipe, jette un œil sur la table de chevet, pas de pipe, sur le bureau, pas de pipe, – ah ça! -, il écarte le rideau du cabinet de toilette: l'âme immortelle d'un savon dans sa soucoupe, rasoir, brosse et verre à dents alignés sous le miroir dépité, pas de pipe – ah mais! -, Crab fait volte-face, son regard balaye le sol de la chambre, lentement, avec méthode, aller-retour, quadrille le terrain, pas de pipe, décidément, ni l'ombre d'une, ni la fumée, ni l'écume. Crab se hisse sur la pointe des pieds, agacé, sa main aveugle inspecte le dessus de l'armoire – memento, homo, quia pulvis es -, il s'époussette, il éternue, des cendres froides, nulle pipe. Sous le coussin du fauteuil, pas davantage. Crab est bien forcé d'admettre son erreur. Sa théorie ne tient pas. Honnêtement, il en convient. Un doute subsiste au fond de lui, néanmoins. Mais il s'incline devant les faits. Et c'est en s'inclinant avec humilité qu'il triomphe et la découvre enfin, sa pipe, sous le lit.
Etes-vous convaincus? Ou voulez-vous qu'il répète l'expérience?
Qu'on le croie ou non, Crab s'en moque, voici l'histoire: un chameau lui affirma qu'il passerait aisément par le chas d'une aiguille – où est la difficulté? l'eau même le ferait, or je peux rester plusieurs jours sans boire. Il était d'ailleurs prêt à le prouver – quand il vous plaira. Puis, prenant congé de Crab affairé, il ajouta: – Dès que vous l'aurez retrouvée dans cette meule de foin, appelez-moi.