Crab se traîne pitoyablement depuis que les ressorts de ses jambes ne fonctionnent plus. Certains ont même crevé la peau des cuisses et des mollets. Dans ces conditions, le moindre déplacement tourne au supplice. Si au moins Crab pouvait prendre appui sur ses bras pour avancer, mais pas question. Quand le malheur distingue un homme, il le veut tout à lui. Vit-on jamais un paralytique figé dans une pose voluptueuse? La maladie attend pour le frapper qu'il soit assis inconfortablement. Crab ne doit pas compter sur ses bras. La paille perce déjà en plusieurs endroits, à la hauteur du coude gauche, de l'épaule droite.
Crab vide sa pipe – cogne doucement le fourneau renversé contre le bord du cendrler où les cendres en effet lentement s'amoncellent, tandis que la jambe gauche de Crab raccourcit, c'est un fait, et le cendrier puis la table basse disparaissent bientôt sous les cendres que Crab, déjà très diminué et diminuant, diminuant à vue d'œil, continue cependant à extraire de sa pipe et qui forment autour de lui un tapis de plus en plus épais, ou profond, sur lequel bouge encore un bras, un avant-bras plutôt, une main, juste deux doigts secouant une pipe pour en faire tomber les dernières cendres, les cendres grises et légères, d'un gris léger, qui recouvrent maintenant le sol de cette chambre où l'on chercherait en vain une trace de Crab et de sa pipe.