Oui, c'est vrai.

Darwin se posa par conséquent la question suivante : un mécanisme de ce genre pouvait-fl exister dans la nature aussi? La nature était-elle en mesure de faire une « sélection natu relle » des spécimens qui auraient le droit de survivre ? Et sur tout : un tel mécanisme pouvait-il au bout d'un terme assez long créer de toutes nouvelles espèces végétales et animales ?

Je parie que la réponse est oui.

Darwin ne parvenait cependant pas à se représenter exac tement comment une telle « sélection naturelle » pouvait se pro duire. Mais en octobre 1838, tout juste deux ans après son retour sur le Beagle, il tomba par hasard sur un petit livre de l'expert en démographie Thomas Malthus. Le livre s'intitulait : AnEssayon The PrinciplesofPopulation. C'est Benjamin

Franklin, l'inventeur américain du paratonnerre entre autres choses, qui avait été à l'origine de ce livre. Franklin soutenait l'idée que s'il n'existait pas de facteurs de limitation dans la nature, chacune des espèces végétales ou animales se serait répandue sur toute la Terre. Mais du fait de leur grande diver sité, elles se maintiennent en équilibre les unes par rapport aux autres.

Je comprends.

Malthus développe cette pensée en l'appliquant à la situa tion démographique de la Terre. Selon lui, les êtres humains ont la capacité de donner la vie à davantage d'enfants qu'il ne peut en survivre. Parce que la production de la nourriture ne pourra jamais suivre le rythme de l'accroissement de la population, il soutenait l'idée qu'ungrand nombre est condamné à périr dans la lutte pour la vie. Ceux qui parviendront à grandir et par conséquent engendreront d'autres générations seront ceux qui réussiront le mieux à survivre dans cette lutte pour la vie.

Ça paraît logique.

Mais c'était justement le mécanisme universel que Darwin cherchait à trouver. Désormais, il détenait l'explication de l'évolution des espèces. Tout cela était la conséquence de la « sélection naturelle » dans la lutte pour la vie : celui qui est le mieux adapté aux circonstances extérieures survit et assure la continuation de l'espèce. Voilà la deuxième théorie qui apparut dans son livre Del origine des espèces. Il écrivit : « L'éléphant est de tous les animaux celui dont le développement est le plus lent, mais si tous les éléphanteaux devaient survivre, il y aurait en sept cent cinquante ans près de 19 millions d'éléphants qui descendraient d'un seul couple. »

Sans parler des milliers d'oeufe de cabillaud que pond un seul poisson.

Darwin souligne que la lutte pour la vie est souvent la plus rude entre des espèces très proches. Elles doivent se battre pour la même nourriture. C'est qu'apparaissent le mieux les légers avantages de telle ou telle espèce par rapport à la moyenne. Plus la lutte pour la vie est dure, plus l'évolution vers de nou velles espèces sera rapide. Seules les meilleures survivront, les autres espèces disparaîtront peu à peu.

Moins il y aura de nourriture et plus les portées seront nombreuses, plus l'évolution sera rapide?

Il ne s'agit pas seulement de nourriture, il faut aussi veiller à ne pas être mangé par les autres animaux. Il peut se révéler avantageux d'avoir une couleur de camouflage qui vous protège, de pouvoir courir vite, de percevoir les animaux enne mis ou encore, pourquoi pas, d'avoir mauvais goût Être armé d'un poison qui tue les prédateurs, ce n'est pas négligeable non plus. Ce n'est pas un hasard si tant de cactus sont empoison nés, Sophie. Dans le désert ne poussent pratiquement que les cactus ; c'est pourquoi cette plante est particulièrement expo sée aux animaux herbivores.

La plupart des cactus ont aussi des piquants.

La qualité essentielle est bien entendu celle de pouvoir se reproduire. Darwin étudia très précisément le système de fécon dation des plantes. Les plantes déploient leurs couleurs cha toyantes et répandent dans l'air leur doux parfum afin d'attirer les insectes nécessaires pour transporter le pollen et féconder une autre plante. Les magnifiques chants des oiseaux ont la même fonction. C'est pourquoi un taureau paisible et mélanco lique qui n'est pas attiré par les vaches ne présente aucun inté rêt pour l'histoire de l'espèce. De telles qualités déviantes sont condamnées à disparaître d'elles-mêmes. Car le seul devoir de l'individu est d'atteindre l'âge de reproduction et d'assurer la survie de l'espèce. C'est comme une longue course de relais. Ceux qui ne peuvent pas pour une raison ou une autre trans mettre leur patrimoine génétique seront petit à petit éliminés.

De cette façon, l'espèce deviendra de plus en plus sophistiquée. La capacité de résistance aux maladies reste par exemple une constante à travers toutes les variations de l'espèce qui survit.

Tout s'améliore donc en permanence?

La sélection naturelle permanente fait que ceux qui sont le mieux adaptés à un certain milieu, ou à un certain environ nement écologique, assureront la survie de l'espèce dans ce cadre-. Mais ce qui est un avantage dans ce milieu peut se révéler être un inconvénient dans un autre milieu. Pour cer tains pinsons des îles Galapagos, l'agilité de leur vol était une qualité essentielle. Mais cela devient accessoire de bien savoir voler si toute la nourriture se trouve au sol et qu'il n'y a pas d'animaux prédateurs dans les parages. C'est justement parce

a

u'il existe tant de différents milieux écologiques que tant 'espèces se sont perpétuées au fil des siècles.

Mais il n'existe qu'une seule espèce d'homme.

Oui, car l'être humain a une extraordinaire faculté d'adaptation quelles que soient les conditions de vie exté rieures. Darwin lut frappé de voir les Indiens de la Terre de Feu réussir à vivre dans un tel froid. Cela ne veut pas dire

K

our autant que tous les hommes sont semblables. Si les ommes qui vivent près de l'équateur ont la peau plus sombre

S

ue ceux qui vivent plus au nord, c'est parce que leur peau oit se protéger contre les rayons du soleil. Les Blancs qui exposent souvent leur peau au soleil risquent davantage d'avoir un cancer de la peau.

Est-ce un avantage d'avoir la peau blanche quand on habite au nord ?

Il faut croire que oui, sinon tous les hommes auraient la peau foncée. Un type de peau blanche permet plus facilement de prendre la vitamine D du soleil, ce qui n'est pas négligeable sous des latitudes il y a peu de soleil. Cela a moins d'impor tance de nos jours car nous pouvons compenser les vitamines du soleil par notre nourriture. Mais rien dans la nature n'est le fait du hasard. Tout est le fruit d'infimes transformations au fil des générations.

C'est extraordinaire, quand on y pense!

Oui, n'est-ce pas? Bon, je crois que nous pouvons pour l'instant résumer la pensée de Darwin...

Eh bien?

—... en disant que la « matière première » ou le matériau de la vie sur la Terre, ce sont les constantes variations entre les individus d'une seule et même espèce, et le taux de natalité élevé n'est que pour permettre aux plus forts de se dévelop per. Ce « mécanisme » ou cette énergie de vie à l'origine de toute l'évolution, c'est la sélection naturelle dans la lutte pour la vie. Cette sélection a pour conséquence que seuls les plus forts ou les « mieux adaptés » survivent.

Je trouve que ça paraît aussi logique qu'un calcul en mathématiques. Quel fut l'accueil de ce livre sur X Origine des espèces?

Il souleva un tollé général. L'Église éleva les protestations les plus vives ; quant au milieu scientifique anglais, il restait très partagé. Ce qui au fond n'a rien d'étonnant, si l'on pense que Darwin avait retiré à Dieu une bonne partie de la Création.

Certains pourtant firent à juste titre remarquer que c'était plus extraordinaire de créer quelque chose possédant ses propres facultés de transformation que de créer une fois pour toutes chaque chose dans ses moindres détails.

Soudain Sophie sursauta de sa chaise :

Regarde -bas! hurla-t-elle en montrant du doigt quelque chose de l'autre côté de la fenêtre.

Près du lac, un homme et une femme marchaient main dans la main. Tout nus.

C'est Adam et Eve, dit Alberto. Il fallait bien qu'ils accep tent un jour ou l'autre d'avoir le même destin que le Petit Cha peron rouge et Alice au pays des merveilles. Cela explique leur présence ici.

Sophie alla à la fenêtre et les regarda se glisser entre les arbres.

Parce que Darwin pensait aussi que les hommes descen daient des animaux ?

En 1871, il publia le livre The Descent ofMan and Sélec tion in Relation ofSex (la Descendance de l'homme et la Sélec tion sexuelle), traitant de la généalogie de l'homme. Il montre toutes les grandes ressemblances qui existent entre les hommes

et les animaux et en conclut que les hommes et les hommes- singes doivent bien descendre d'un ancêtre commun. On venait à cette époque de retrouver les premiers crânes d'Un être humain, d'abord dans une carrière des falaises de Gibraltar et quelques années plus tard à Neandertal en Allemagne. Par un fait étrange, ce livre rencontra moins d'opposition que son pre mier livre en 1859 sur l'origine des espèces. Il faut dire qu'on trouvait déjà en germe dans ce livre ridée que l'homme des cendait de l'animal. Toujours est-il que lorsqu'il mourut, en 1882, Darwin eut droit à de grandes funérailles solennelles en tant que pionnier en matière de sciences. '

Il finit donc par récolter tous les honneurs?

A la fin, oui- Mais il fut considéré un temps comme « l'homme le plus dangereux d'Angleterre ».

Ça alors !

« Espérons que tout ceci n'est pas vrai, avait dit une dame comme il faut, mais si cela devait être vrai, espérons que cela puisse rester entre nous. » Un scientifique d'une certaine noto riété avait quelque peu exprimé la même chose en disant :

« C'est une découverte humiliante, et moins on en parlera, mieux ça vaudra »

On dirait qu'ils veulent plutôt démontrer que l'homme descend de l'autruche!

Ça, tu peux le dire ! Mais il est facile de juger avec le recul, alors que sur le moment beaucoup se voyaient contraints de voir d'un œil radicalement neuf tout le récit de la Création dans la Bible. Le jeune écrivain John Ruskin l'exprima en ces termes j « Si seulement les géologues pouvaient me laisser tran quille. À la fin de chaque verset de la Bible, j'entends résonner les coups de leur marteau. »

Et ces coups de marteau, c'était la parole de Dieu mise en doute?

Sans doute. Mais ce n'était pas seulement l'interprétation au pied de la lettre de la Création dans la Bible qui devenait caduque. Toute la théorie de Darwin repose sur 1 idée que ce sont des variations tout à fait accidentelles qui ont, en dernière instance, permis à l'homme d'apparaître sur la Terre. En d'autres termes, Darwin avait osé faire de l'homme le produit de quelque chose de fort peu romantique, à savoir la « lutte pour la vie ».

Est-ce que Darwin précise comment ont lieu ces « varia tions accidentelles »?

Tu touches le point faible de sa théorie. D ne pressentait que très vaguement l'importance de l'hérédité. Certains carac tères disparaissent lors d'un croisement. Un couple n'aura jamais deux enfants parfaitement identiques. Déjà , il y aura une légère variation. D'un autre côté, jamais quelque chose de vraiment neuf ne verra le jour de cette manière. Il y a des plantes et des animaux qui se créent par gemmation ou division cellulaire. Quant à savoir comment ces variations apparaissent, le néo-darwinisme s'est chargé d'y répondre en complétant ainsi la théorie de Darwin.

Raconte !

Tout ce qui est vivant, tout ce qui se crée a fondamentale ment un rapport avec la division cellulaire. Quand une cellule se divise en deux, cela crée deux cellules avec exactement le même patrimoine génétique. La division cellulaire est en fait un processus de duplication d'une cellule.

Et alors?

Mais il arrive que de minuscules erreurs se glissent lors de ce processus, de sorte que le double de la cellule ne res semble pas cent pour cent à la cellule qui a servi de modèle. La biologie moderne appelle cela une mutation. Certaines muta tions peuvent n'avoir pas le moindre intérêt, tandis que d'autres peuvent provoquer de grandes modifications dans les qualités de l'individu. Il peut y en avoir de carrément nuisibles et ces « mutants » doivent régulièrement être supprimés à la prochaine génération. Beaucoup de maladies sont en fait la marque d'une mutation. Toutefois, une mutation peut aussi donner à l'individu précisément le petit « plus » dont il a besoin pour mieux lutter pour sa survie.

Comme avoir un long cou par exemple ?

Lamarck prétendait que les girafes avaient fini par avoir un long cou à force de le tendre pour attraper les feuilles des arbres. Mais d'un point de vue darwiniste, une caractéristique de ce genre ne se transmet pas d'une génération à l'autre. Darwin considérait le long cou des girafes comme une variation naturelle des cous des ancêtres. Le néo-darwinisme se contente de donner la cause de telle ou telle variation.

Ce qu'on appelle les mutations.

Oui, des modifications tout à fait accidentelles du patri moine génétique ont doté certains ancêtres des girafes d'un cou un peu plus long que la moyenne. Comme la nourriture était limitée, ce détail eut son importance car celle qui atteignait les branches les plus élevées s en sortait mieux. Il est également fort probable que, parmi ces ancêtres de girafes, certaines déve lopperait la faculté de creuser la terre à la recherche de nour riture. Au bout d'un certain temps, une race en voie d'extinc tion peut donc se diviser en deux nouvelles races.

Je vois.

Nous allons prendre quelques exemples plus récents pour montrer comment s'opère cette sélection naturelle. C'est en fait un principe extrêmement simple.

Je t'écoute.

Il existe en Angleterre une espèce de papillon que l'on appelle la phalène du bouleau. Comme son nom l'indique, il habite sur les troncs clairs des bouleaux. Si nous remontons au xvIIP siècle, la plupart de ces papillons étaient d'un beau bleu- gris. Et tu sais pourquoi, Sophie ?

Peut-être étaient-ils moins visibles pour les oiseaux affamés.

Mais, de temps à autre, certains naissaient avec une cou leur plus sombre. Cela était à des mutations tout à fait acci dentelles. Que crois-tu qu'il arriva à ces variantes plus sombres?

Elles étaient plus repérables et donc une proie plus facile pour les oiseaux en quête de nourriture.

Oui, car dans ce milieu, ici les troncs argentés des bou leaux, la couleur foncée était un inconvénient. Aussi se multi-

K

lièrent les espèces claires au détriment des espèces sombres, lais le milieu changea : à cause de l'industrialisation, les troncs argentés devinrent tout noirs. Et alors, à ton avis, qu'arriva-t-il aux papillons plus sombres?

Eh bien, ce sont eux qui s'en tirèrent le mieux, c'est ça?

Oui, très vite ils se multiplièrent. De 1848 à 1948, ils aug mentèrent même dans la proportion de 99 % dans certains endroits. Les derniers « perdants » de couleur claire étaient irrémédiablement élimines par les oiseaux dès qu'ils faisaient tache contre les troncs sombres. Puis, de nouveau, on assista à un important changement de milieu. On utilisa moins de char bon et on équipa les usines de stations d'épuration qui préser vent l'environnement.

Alors les troncs sont redevenus argentés?

C'est pourquoi les papillons sont en train de retrouver leur couleur claire d'origine. C'est ce qu'on appelle la faculté d'adaptation. C'est une loi naturelle.

Je comprends.

Mais l'homme peut intervenir de différentes manières sur l'environnement

À quoi penses-tu en disant ça?

On a par exemple essayé de combattre des parasites avec divers produits toxiques. Cela donne tout d'abord un bon résul tat. Mais quand on répand des insecticides sur un champ ou un veiger, on provoque en même temps une petite catastrophe éco logique à cause des insectes que 1 on veut tuer. Les mutations au sein de la même espèce peuvent produire un groupe de para sites résistant au poison utilisé. Ces « gagnants » peuvent alors librement se multiplier et cela devient un vrai casse-tête pour éliminer ces espèces de parasites qui deviennent de plus en plus résistants au fur et à mesure que l'homme essaie de les com battre, puisque seules les variantes les plus résistantes survivent aux divers traitements inventés par l'homme pour les décimer.

Mais c'est effrayant!

Cela mérite en tout cas réflexion. Mais dans notre propre corps aussi, nous essayons de combattre des parasites nuisibles. Je veux parler des bactéries.

Nous utilisons la pénicilline et d'autres antibiotiques.

Une cure de pénicilline est précisément une « catastrophe écologique » pour ces petits diables. Mais plus nous prenons de pénicilline, plus ces bactéries deviennent résistantes. Nous sommes ainsi responsables de l'apparition de bactéries beau coup plus difficiles à combattre qu avant, ce qui nous oblige à utiliser des antibiotiques de plus en plus forts, mais à la fin...

À la fin, les bactéries vont pulluler dans notre bouche et se frayer un chemin pour sortir, qui sait? On sera peut-être obligé de leur tirer dessus ?

Sans aller jusque-, il faut reconnaître que la médecine moderne se trouve devant un vrai dilemme. Certains microbes sont devenus plus agressifs qu'avant, il faut se rappeler que peu d'enfants survivaient autrefois aux maladies infantiles. La médecine moderne a en quelque sorte écarté la sélection natu relle. Ce qui au départ aide l'individu à surmonter une « défaillance passagère » peut finir par affaiblir tout le genre humain en le rendant moins résistant aux diverses maladies qui le menacent Si nous n'en tenons pas compte, nous allons lente ment assister à une « dégénérescence » du genre humain. A la longue, l'homme n'aura pas le bagage héréditaire suffisant pour être en mesure de s'adapter et de lutter contre les mala dies graves.

Voilà des perspectives peu réjouissantes.

Mais il est du devoir d un vrai philosophe de dessiller les yeux des gens ! Bon, résumons-nous.

Jet en prie !

La vie est comme une grande loterie l'on ne voit que les lots gagnants.

Qu'est-ce que tu entends par ?

Ceux qui n'étaient pas assez résistants ont été éliminés. Derrière chaque espèce végétale ou animale, il y a eu des millions d'années a joué la sélection naturelle qui n'a laissé survivre que les « lots gagnants ». Les « lots perdants », eux, ne sont apparus qu'une seule fois.

Seuls les meilleurs sont restés, c'est ça?

Si tu veux. Tiens, tu peux me passer l'image, , tu sais... celle que ce vieillard, ce drôle de gardien de zoo, nous a appor tée tout à l'heure...

Sophie lui tendit la reproduction. Elle représentait d'un côté une image de l'Arche de Noé, et de l'autre un arbre généalo gique avec toutes les différentes espèces animales. C'est ce côté qu Alberto voulait montrer à Sophie.

Ce schéma illustre la répartition des différentes espèces végétales et animales. Tu peux voir comment elles sont regrou pées en différentes familles, sous-groupes, etc.

Oui.

L'homme appartient, au même titre que le singe, à la famille des primates. Les primates sont des mammifères et tous les mammifères sont des vertébrés qui à leur tour font partie des animaux dits pluriœllulaires.

Ça rappelle un peu Aristote.

C'est vrai. Mais ce schéma ne retrace pas seulement la lignée de toutes ces espèces aujourd'hui, mais aussi l'histoire de l'évolution du vivant. Les oiseaux par exemple se sont un jour différenciés des reptiles et les reptiles un jour se sont différen ciés des amphibies comme ceux-ci à leur tour se sont différen ciés des poissons.

Oui, ça apparaît clairement sur le schéma

Chaque fois qu'une ligne s'est scindée en deux, selon Darwin, des mutations ont créé de nouvelles espèces. C'est ainsi qu'au cours des millénaires se sont succédé toutes ces familles et ces groupes d'animaux. Cela dit, ce schéma est très simplifié. Plus d'un million d'espèces animales existent de nos jours et ce n'est qu'une goutte d'eau comparé à toutes les espèces qui ont un jour vécu sur cette terre. Tu peux constater que la famille des trilobites par exemple a complètement disparu de nos jours.

Tout en bas il y a les animaux formés d une seule cellule.

Certains d'entre eux sont peut-être restés tels quels pen dant des milliards d'années. Tu peux voir qu'une flèche relie ces organismes monocellulaires au monde végétal. Les plantes proviennent probablement de la même cellule originelle que tous les animaux.

Je vois ça. Mais il y a quelque chose que je ne comprends pas.

Quoi donc?

D' vient cette première « cellule originelle »? Quelle était l'explication de Darwin?

Je t'ai déjà dit que c'était un homme prudent. Il s'est cependant permis sur ce point très précis de formuler l'hypo thèse suivante : «... si (ah ! quel si!) nous pouvions nous repré senter un petit étang aux eaux tièdes, qui contiendrait toutes les sortes de sels ammoniacs et phosphoriques, la lumière, la cha leur, l'électricité, etc., et que des protéines s'aggloméraient chi miquement, lesquelles pourraient continuer a connaître des transformations plus complexes... »

Eh bien?

Darwin philosophe ici pour comprendre comment la pre mière cellule vivante a pu naître de la matière inorganique. Encore une fois, il anticipe. La science contemporaine part jus tement de l'idée que la première forme primitive de vie est apparue dans un « petit étang aux eaux tiedes » comme l'ima ginait Darwin.

Raconte !

Nous allons nous en tenir à un schéma assez simple, mais qui n'a rien à voir avec Darwin. Nous parlons à présent des toutes dernières recherches sur l'origine de la vie sur la Terre.

Ça me met presque mal à l'aise. Personne ne peut vrai ment savoir comment la vie est apparue sur la terre/

Peut-être pas, mais nous possédons de plus en plus d'élé ments qui complètent le puzzle et qui permettent d expliquer comment la vie a pu apparaître.

Continue !

D faut d'abord constater que toutes les formes de vie sur terre sont formées à partir des mêmes matières. La définition la plus simple de la vie est celle qui dit que la vie est une matière qui a la possibilité de se diviser en deux parties tout à fait iden tiques lors d'un processus évolutif et qui est à l'ADN (acide désoxyribonucléique). Ce que nous appdons l'ADN, ce sont les chromosomes ou les gènes qui sont présents dans chaque cel lule vivante. Nous parlons aussi de molécule d'ADN, car l'ADN est en fàit une molécule compliquée, une macromoléeule, si tu

préfères. Toute la question est de savoir comment la première molécule d'ADN a vu le jour.

Et alors?

La Terre vit le jour quand le système solaire fiit formé, il y a 4,6 milliards d'années. C était à l'origine une masse en fusion, mais l'écorce terrestre se refroidît petit à petit. La science moderne pense que la vie est apparue sur la Terre il y a environ trois à quatre milliards d'années.

Cela paraît totalement invraisemblable.

Attends la suite au lieu de juger prématurément N'oublie pas que la Terre avait une tout autre apparence qu'aujourd'hui. Il n'y avait pas de vie et il n'y avait pas d'oxygène dans l'atmo sphère. Il fallut attendre la photosynthèse par les plantes pour qu'il y ait de l'oxygène. Cela est fondamental, car il est impen sable que les éléments fondateurs de la vie, qui à leur tour peu vent former l'ADN, aient pu voir le jour dans une atmosphère contenant de l'oxygène.

Pourquoi ça?

Parce que l'oxygène est une matière très réactive. Long temps avant que ne puissent se former les molécules complexes comme l'ADN, ces pierres fondatrices, les cellules moléculaires d'ADN, se seraient « oxydées ».

Ah ! bon.

C'est pourquoi nous avons la certitude que de nouvelles formes de vie ne peuvent pas apparaître de nosjours, pas même une bactérie ou un virus. Toute vie sur terre doit remonter très exactement à la même époque. Un éléphant a un tableau généa logique aussi long que le microbe le plus simple. Tu peux aller jusqu'à dire qu'un éléphantou un être humainest en réa lité toute une colonie mise bout à bout d'organismes monocellu laires, car chaque cellule de notre corps a exactement le même patrimoine génétique. La recette qui produit ce que nous sommes est (loue cachée dans la moindre cellule de noire corps.

Ça fait une drôle d'impression d'y penser.

Une des grandes énigmes de la vie est que les cellules, dans un organisme pluricellulaire, possèdent cependant une faculté de développer une fonction particulière. Toutes les facultés héréditaires ne fonctionnent pas dans toutes les cellules. Cer taines de ces facultésde ces gènessont « branchées », d'autres « débranchées ». Une cdlule du foie produit d'autres

protéines qu'une cellule d'un nerf ou de la peau. Mais ces trois cellules ont la même molécule d'ADN qui possède, elle, l'inté gralité de la recette de l'organisme en question.

Continue !

Quand il n'y avait pas d'oxygène dans l'atmosphère, il n'y avait pas non plus de couche d'ozone pour protéger la surface du globe. En d'autres termes, il n'existait aucune barrière contre le rayonnement de l'univers. Cela aussi est très impor tant; car ce rayonnement a sans aucun doute joué un rôle essen tiel lors de la formation des premières molécules complexes. Un tel rayonnement cosmique fut l'énergie même qui permit aux différentes substances chimiques présentes sur la Terre de s'unir pour former des macromoléailes plus complexes.

D'accord.

Je tiens encore une fois à préciser : pour que de telles molécules complexes qui sont à la base de toute vie puissent se former, deux conditions doivent néanmoins être remplies : il ne doit pas y avoir d'oxygène dans l'atmosphère et le rayonne ment de r univers ne doit rencontrer aucun obstacle.

Je comprends.

Dans le « petit étang aux eaux tièdes » ou encore la « soupe primitive », comme s'amusent à l'appeler certains scientifiques aujourd'hui, une énorme macromolecule s'est formée un jour, avec l'étrange faculté de pouvoir se diviser en deux parties tout à fait identiques. Cela marqua le départ de toute 1 évolution à venir, Sophie. En simplifiant un peu, nous pouvons dire que nous parlons déjà du premier gène, de la première molécule d'ADN ou de la première cellule vivante. Elle n'arrêta pas par la suite de se diviser en deux, mais dès le départ il y eut d'innom brables mutations. Au bout d'un temps infini, des organismes monocellulaires se sont assemblés pour former des organismes pluricellulaires plus complexes. Il y eut la photosynthèse des plantes, ce qui a permis à l'oxygène de se former dans l'atmo sphère. Cela eut deux conséquences : les conditions étaient réunies pour que vivent des animaux, puisqu'ils pouvaient res pirer avec des poumons, et l'atmosphère protégea la vie des rayons nocifs de l'univers. Car précisément ce rayonnementqui fut sans doute une « étincelle » déterminante pour la for mation de la première celluleest nocif pour tout ce qui vit.

Mais l'atmosphère n'a quand même pas été formée du

jour au lendemain? Comment les premières formes de vie ont- elles réussi à survivre?

La vie apparut d'abord dans locéan » primitif, c'est-à- dire dans cette « soupe primitive » dont nous avons déjà parlé. Ils pouvaient y vivre dans un milieu protégé du rayonnement dangereux. Beaucoup plus tardlongtemps après que la vie dans l'océan eut formé l'atmosphère —, les premiers amphibies rampèrent hors de l'eau et gagnèrent la terre. La suite, tu la connais. Et nous voilà tous les deux assis dans un chalet dans la forêt à regarder en arrière et considérer un processus qui a pris trois ou quatre milliards d'années. C'est en nous que ce long processus a pris conscience de lui-même.

Et tu continues à penser que tout n'est que le fruit du hasard?

Non, je n'ai pas dit cela. Cette reproduction montre bien que l'évolution a eu une direction. Au cours des millénaires, les animaux ont développé un système nerveux de plus en plus complexe ainsi qu'un cerveau de plus en plus important. Je ne crois pas pour ma part que cela soit le fait du hasard. Et toi, qu'est-ce que tu en penses?

L'œil de l'homme ne peut pas être un pur et simple fait du hasard. Crois-tu qu'il y ait une signification derrière le fait que nous pouvons voir le monde qui nous entoure?

Cette évolution de l'œil a aussi intrigué Darwin. Il trou vait que l'œil, qui est quelque chose d'infiniment subtil, ne cadrait pas tout à fait avec le système de la sélection naturelle.

Sophie regarda Alberto en silence. Elle réfléchissait qu'il était décidément bien étrange d'être en vie maintenant, de ne vivre qu'une seule fois et de ne plus jamais revenir sur cette terre. Elle s'écria soudain :

Que signifie alors l'éternelle création?

Emporter l'être créé et le réduire à rien ?

Alberto lui jeta un regard sévère :

Tu ne dois pas parler comme ça, tu viens de prononcer les paroles du diable.

Du diable?

De Méphistophélès dans le Faust de Goethe :

Was soll uns denn das ew'ge Schaffen !

Geschafïenes zu nichts hinwegzurafïen !

Mais qu'est-ce que ça veut dire exactement?

Au moment de mourir, Faust jette un regard en arrière sur toutes ses actions et clame d'un ton triomphant :

Je pourrais alors dire au Moment : Demeure donc, tu es si beau ! La trace de mes jours terrestres ne peut être anéantie dans les

[Éons...

Dans le pressentiment d'une si grande félicité Je jouis maintenant du plus sublime moment.

C'est joliment exprimé.

Mais c'est au tour du diable de prendre la parole. Faust n'a plus longtemps à vivre, lanœ-t-il :

Fini ! Mot absurde. Pourquoi fini ? Fini et pur néant sont absolument identiques. Emporter l'être créé et le réduire à rien ? «C'est fini ! » Que faut-il entendre parla ? C 'est comme si cela n avait jamais été, Et cependant cela s'agite dans le cercle comme si cela existait. J'aimerais mieux encore le vide éternel.

Quel pessimisme ! Je préférais encore la première citation. Même si sa vie était terminée, Faust voyait un sens dans les traces qu'il avait laissées derrière lui.

Au fond, n'est-ce pas indirectement une conséquence de la théorie de Darwin sur l'évolution si chaque forme de vie, si infime soit-elle, participe à sa façon à quelque chose d'infini ment plus grand ? La planète vivante, c'est nous, Sophie ! Nous sommes le grand bateau qui navigue autour d'un soleil brûlant au sein de l'univers. Mais chacun d'entre nous est aussi un bateau qui traverse la vie avec son chargement de gènes. Si nous parvenons à livrer la marchandise à bon port, nous n'aurons pas vécu en vain. Le grand poète norvégien du xixe siècle, BiOrnstjerne BjOrnson, exprima la même idée dans son poème Psaume II:

Honore le court printemps de la vie Qui est à l'origine de toute chose sur terre ! Le plus infime connaîtra lui aussi une résurrection,

Seules les formes se perdent. Les générations engendrent de nouvelles générations, Laissant s 'épanouir l'humanitéplus a vant ; L'espèce engendre l'espèce Pendant des millions d'années. Les mondes déclinent et renaissent.

Mêle-toi à lajouissance de la vie, toi qui pus fleurir En son printemps, Sa voure chaque instant comme un hommage de l'éternel Offert à la condition des hommes ; Apporte ta modeste contribution Au tourbillon infini, Même faible et insignifiant,

Enivre-toi De l'éternité de cette journée !

Comme c'est beau !

Bon, assez parlé. Je dis « Coupez » !

Allez, arrête avec ton ironie.

« Coupez ! » j'ai dit et il faut m'obéir.

31 Freud

... ce désir inavouable et égoïste qui avait surgi en elle...

Hilde MOller Knag sauta au bas du lit en tenant toujours le classeur serré dans ses bras. Elle le posa sur son bureau, prit en passant ses vêtements pour se rendre à la salle de bains, resta deux minutes sous la douche et s'habilla à toute allure. Puis elle descendit.

— Le petit déjeuner est servi, Hilde !

— Je veuxjuste d'abord faire un tour en barque.

— Mais enfin, Hilde !

Hilde sortit en courant et traversa le jardin. Elle détacha les amarres du bateau et sauta dedans. Puis elle fit le tour de la baie en donnant de grands coups de rames énergiques jusqu'à ce qu'elle sente le calme revenir en elle.

La planète vivante, c'est nous, Sophie! Nous sommes le grand bateau qui navigue autour d'un soleil brûlant au sein de Funivers. Mais chacun de nous est aussi un bateau qui tra verse la vie avec son chargement de gènes. Si nous parvenons à livrer la marchandise à bon port, nous n'aurons pas vécu en vain...

Elle s'en souvenait par cœur. Il faut aussi dire que ça lui était spécialement adressé, et non à Sophie.

Elle ramena les rames et les laissa glisser dans le fond de la barque. Puis elle se laissa dériver, bercée par le clapotis des vagues.

A l'image de cette modeste barque qui flottait sur la surface d'une petite baie à Lillesand, elle-même n'était qu'une coquille de noix dérivant à la surface de la vie.

Que devenaient Sophie et Alberto dans cette image ? Oui, où étaient-ils à présent ?

Elle ne pouvait se résoudre à accepter l'idée que ces deux êtres n'étaient que des « impulsions électromagnétiques » dans le cerveau de son père, qu'ils n'étaient que des créa tures d'encre et de papier produites par la machine à écrire portative de son père. A ce compte, elle-même n'était-elle que la somme de protéines combinées entre elles qui un jour avaient pris forme dans un « petit étang aux eaux tièdes » ? Elle était quand même autre chose que ça. Elle était Hilde MOller Knag !

Certes, le grand classeur était un cadeau d'anniversaire vraiment fantastique. Elle devait admettre que son père avait touché en elle une corde sensible, mais elle n'aimait pas sa manière de se moquer d'Alberto et de Sophie.

Elle allait lui donner un peu de fil à retordre sur le chemin du retour. Elle leur devait bien ça, à tous les deux. Elle se représentait son papa à l'aéroport de Copenhague, arpentant les longs couloirs, perdu comme un lutin en vadrouille.

Hilde se sentit bientôt complètement apaisée. Elle reprit les rames et retourna amarrer la barque à la jetée. Ensuite elle prit tout son temps pour déjeuner avec sa mère. Quel repos de pouvoir dire des banalités du genre : l'œuf à la coque était délicieux, mais il aurait pu cuire une minute de plus...

Tard dans la soirée elle rouvrit le grand classeur. Il ne lui restait plus tellement de pages à lire.

On frappa de nouveau à la porte.

Et si on se bouchait les oreilles ? demanda Alberto. La personne finira par se lasser.

Non, j'ai envie de savoir qui c'est.

Alberto la suivit.

Sur le perron à l'extérieur, il y avait un homme nu. Il se tenait dans une pose extrêmement digne, mais tout ce qu'il avait sur lui était une couronne sur la tête.

Eh bien? Que pense la noble assemblée du nouveau cos tume de l'empereur?

Alberto et Sophie étaient muets d'étonnement. Ce silence irrita l'homme nu qui s'écria :

Vous ne faites même pas la révérence !

Alberto prit son courage à deux mains :

Très juste, mais l'empereur est nu comme un ver.

L'homme nu se contenta de garder un maintien très digne.

Alberto se pencha vers Sophie et lui souffla à l'oreille :

Il s'imagine être un homme très comme il faut.

L'homme nu fît soudain la moue :

Pratique-t-on une sorte de censure dans cette maison ? demanda-t-il.

Malheureusement, répondit Alberto, nous avons dans cette maison l'esprit particufièrement clair et nous sommes plus que jamais à l'écoute de nos sens. C'est pourquoi, dans une tenue aussi scandaleuse, l'empereur ne peut espérer passer le seuil de cette maison.

Sophie trouva la pose de l'homme nu si ridicule qu'elle ne put se retenir de rire. Comme s'il s'agissait d'un signal secret, l'homme à la couronne sur la tête comprit enfin qu'il n'avait aucun vêtement sur lui. Il mit vite ses deux mains sur son sexe, courut vers la forêt et disparut Peut-être qu'il allait retrouver -bas Adam et Eve, Noe, le Petit Chaperon rouge et Winnie l'Ourson.

Alberto et Sophie restèrent un moment- à rire sur le perron.

Allez, rentrons, finit par dire Alberto. Je voudrais te par ler de Freud et de sa théorie de l'inconscient.

Ils retournèrent s'asseoir près de la fenêtre. Sophie regarda l'heure et dit :

Il est déjà deux heures et demie et j ' ai encore beaucoup à faire pour préparer la fête au jardin.

Moi aussi. Je vais juste te dire quelques mots sur Sigmund Freud.

C'était un philosophe?

Oui, en quelque sorte. Freud est en 1856 et il étudia la médecine à l'université de Vienne. C'est qu'il vécut presque toute sa vie, à une époque cette ville était un des grands centres culturels d'Europe. Très vite il se spécialisa dans la branche de la médecine qu'on appelle la neurologie. Vers la fin

du xixe et durant une bonne partie du xxe siècle, il travailla à sa psychologie des profondeurs ou psychanalyse.

Je compte sur toi pour me donner quelques explications.

Le terme de « psychanalyse » recouvre à la fois une des cription de l'âme humaine en général et une méthode pour soi gner les souffrances nerveuses et psychiques. Je n'ai pas l'inten tion de te brosser un tableau complet de Freud ou de ses activités. Mais sa théorie de l'inconscient est tout à fait indis pensable pour comprendre ce qu'est l'homme.

Tu as piqué ma curiosité, alors continue !

Freud pensait qu'il existe toujours une relation conflic tuelle entre un homme et son milieu. D s'agit plus exactement d'un conflit entre, d'un côté, les pulsions et les désirs de l'homme et, de l'autre, les exigences du monde qui l'entoure. On peut dire sans exagération que Freud est le premier à avoir découvert la vie pulsionnelle des hommes. Cela fait de lui un des représentants les plus importants des mouvements natura listes qui ont tant marqué la fin du xixe siècle.

Qu'est-ce que tu entends par la « vie pulsionnelle » des hommes?

Il n'y a pas que la raison pour guider nos actions.

L'homme n'est pas un être purement rationnel comme ont voulu nous le faire croire les rationalistes du xvIIIe siècle. Bien souvent, ce sont des impulsions irrationnelles qui déterminent ce que nous pensons, rêvons ou faisons. Ces impulsions irra tionnelles peuvent être l'expression d'instincts ou de désirs profonds. La pulsion sexuelle de l'être humain, par exemple, est quelque chose d'aussi fondamental que le besoin de succion chez le nouveau-.

Je comprends.

En soi, ce n'est peut-être pas quelque chose de nouveau,

mais Freud montra que ce genre de besoins fondamentaux peu vent apparaître déguisés, masqués, et ainsi diriger nos actions sans que nous en soyons conscients. D montra en outre que les petits enfants aussi ont une sorte de sexualité. Qu'il ait osé parler de « sexualité infantile » ligua toute la bonne bourgeoisie de Vienne contre lui et le rendit très impopulaire.

Ça ne m'étonne pas.

Nous parlons de l'époque dite « victorienne » (c'est-à-dire sous le règne de la reine Victoria d'Angleterre) tout ce qui avait trait à la sexualité était tabou. Freud avait pris conscience de la sexualité des enfants dans le cadre de son travail en tant que psychothérapeute. D possédait aussi certains éléments de nature plus empirique, en remarquant que de nombreuses formes de névroses ou de souffrances psychiques pouvaient remonter à des conflits dans l'enfance. Petit à petit, il mit au point sa méthode thérapeutique en pratiquant ce que nous pourrions appeler une « archéologie de l'âme ».

Ça veut dire quoi au juste ?

Un archéologue essaie de retrouver les traces d'un loin tain passé en pratiquant des fouilles à travers différentes couches de civilisations. Il tombera peut-être sur un couteau du xvlf. En creusant plus profondément, il trouvera un peigne du xive siècle et encore en dessous, qui sait, une cruche du ve siècle.

Ah!

Ainsi avec l'aide de son patient, le psychanalyste peut creuser dans la conscience de ce dernier pour faire resurgir les expériences qui ont un jour provoqué des souffrances psy chiques chez cette personne. Car, selon Freud, nous gardons enfouis au plus profond de nous tous les souvenirs du passé.

Je comprends mieux maintenant.

Il fait remonter à la conscience du patient une expérience douloureuse que ce dernier a essayé d'oublier pendant toutes ces années, mais qui est finalement restée enfouie dans les pro fondeurs et a miné de l'intérieur les capacités de cet homme. En Élisant resurgir cette « expérience traumatisante » dans le champ de la conscience, en la mettant pour ainsi dire sous le nez de son patient, ce dernier peut enfin « régler son compte » avec elle et guérir.

Ça paraît logique.

Mais je brûle les étapes. Examinons tout d'abord la des cription que fait Freud de l'âme humaine. As-tu déjà observé un nouveau- ?

J'ai un cousin qui a maintenant quatre ans.

Quand nous venons au monde, nous manifestons de façon directe et sans la moindre gêne tous nos besoins physiques et psychiques. Si l'on ne nous donne pas du lait, nous crions. Meme chose si notre couche est mouillée. Nous exprimons par ailleurs de manière claire et directe que nous désirons un peu

de tendresse et de chaleur. Ce « principe de pulsion », de « plai sir » en nous, Freud l'appelle le ça. Le nouveau- n'est prati quement qu'une forme de « ça ».

Continue !

Le ça, ou ce principe de plaisir, nous le gardons en nous et traversons toute notre vie d'adulte avec. Mais progressivement nous apprenons à modérer nos désirs et à nous conformer aux règles du monde qui nous entoure. Nous apprenons à laisser s'effacer le principe de plaisir devant le principe de réalité. Freud dit que nous construisons un moi qui exerce cette fonction régu latrice. Même si nous avons envie de quelque chose, nous savons que nous ne pouvons pas tout simplement nous asseoir

et hurler jusqu'à ce que nous obtenions la satisfaction de nos désirs ou de nos besoins.

Bien sûr que non.

Il nous arrive souvent de désirer ardemment quelque chose que le monde extérieur nous refuse. Nous sommes donc obligés de refouler nos désirs. C'est-à-dire que nous essayons de les écarter de nous et de les oublier.

Je comprends.

Mais Freud mit en évidence une troisième instance dans l'âme de l'homme. Dès notre enfance, nous sommes confrontés aux exigences morales des adultes et de notre milieu. Si nous nous y prenons mal pour faire quelque chose, les parents s'exclament : « Mais pas comme ça! » ou « Ce que tu peux être bête! ». Ainsi, en grandissant, nous traînons derrière nous toutes ces exigences et ces préjugés moraux. C'est comme si nous avions Uni par intérioriser toutes ces attentes du monde extérieur sur le plan moral et qu'elles étaient devenues une par tie de nous. C'est ce que Freud a appelé le surmoi.

Est-ce qu'il voulait parler de la conscience?

La conscience fait partie du surmoi, mais pour Freud le surmoi nous prévient quand nous avons des désirs « sales » ou « de mauvais goût ». Cela concerne surtout, il va sans dire, les désirs érotiques ou sexuels. Et, comme je l'ai dit, Freud souli gna le fait que ces désirs déplacés ou « pervers » étaient déjà latents au stade de l'enfance.

Explique !

Nous savons et nous voyons aujourd'hui que de tout jeunes enfants aiment toucher leurs organes sexuels. Il suffit

d'aller sur n'importe quelle plage pour s'en rendre compte. À l'époque de Freud, l'enfant de deux ou trois ans recevait en général une petite tape sur les doigts accompagnée de : « Oh ! le vilain petit garçon! » ou : « Tu n'as pas honte? » ou encore : « Allez, mets tes mains bien à plat sur le drap ! »

Mais c'est complètement fou !

On crée de cette façon un sentiment de culpabilité lié à tout ce qui a trait aux organes sexuels et à la sexualité. Et comme ce sentiment de culpabilité reste dans le surmoi, beau coup de personnes (Freud pense qu'il s'agit en fait de la majo rité) vivront toute leur vie avec ce sentiment de culpabilité lié à la sexualité, alors que les désirs et les besoins sexuels font partie intégrante du corps de l'homme tel qu'il a été conçu. D', ma chère Sophie, l'éternel conflit entre le désir et la culpabilité.

Tu ne crois pas que ce conflit est quand même devenu moins violent depuis l'époque de Freud?

Très certainement. Mais un grand nombre des patients de Freud vécurent ce conflit de manière si dramatique qu'ils déve loppèrent ce que Freud appelle des névroses. Une de ses patientes par exemple était secrètement amoureuse de son beau-frère. Quand sa sœur mourut des suites d'une maladie, elle se dit : « Le voilà enfin libre de m'épouser! » Mais cette pensée se heurta à son surmoi qui la trouva indécente et la refoula sur-le-champ, écrivit Freud. Il veut dire par qu'elle rejeta cette idée dans son inconscient. « La jeune femme tomba malade, présentant de graves symptômes d'hystérie et, en ia soignant, je m'aperçus qu'elle avait complètement oublié îa scène elle se tenait au chevet de sa sœur et ce désir inavouable et égoïste avait surgi en elle. Mais au cours du trai tement, cela lui revint en mémoire : elle reproduisit alors dans une extrême agitation ce moment pathologique et fiit guérie par ce traitement. »

Je comprends mieux ce que tu as voulu dire tout à l'heure en parlant darchéologie de 1 âme ».

Nous pouvons à ce stade brosser un tableau de l'âme humaine en général. Après des années d'expérience au contact de ses patients, Freud parvint à la conclusion que la conscience de l'homme ne constitue qu'une infime partie de l'âme humaine. Ce qui est conscient peut se comparer à la partie émergée de l'iceberg. Sous la surface de l'eauen deçà de la

conscienceil y a tout ce dont nous ne sommes pas conscients, le subconscient ou encore l'inconscient.

L'inconscient, c'est donc ce que nous avons en nous, mais que nous avons oublié et dont nous ne pouvons plus nous sou venir?

Toutes nos expériences ne sont pas présentes en perma nence dans notre conscience. Mais toutes les pensées ou les expériences qui peuvent nous revenir en mémoire, pour peu que nous nous donnions la peine de nous concentrer, forment ce que Freud appelait le préconscient. Il n'utilisait le terme inconscient que pour parler de ce que nous avons refoulé, c'est- à-dire toutes ces pensées et ces choses que nous nous sommes efforcés d'oublier parce qu'elles étaient inconvenantes et dépla cées, voire dégoûtantes. Quand un désir est rejeté par la conscience ou le surmoi, nous le reléguons à l'étage inférieur. Bon débarras !

Je comprends.

Ce mécanisme fonctionne chez tous les êtres en bonne santé. Mais certains doivent déployer de tels efforts pour refou ler des pensées dérangeantes ou interdites qu'ils finissent par éprouver de réelles souffrances nerveuses. Car le refoulé tente constamment de remonter à la conscience et les personnes s'épuisent à maintenir cet équilibre artificiel entre leurs désirs et la réalité. Lorsque Freud fit des conférences aux États-Unis en 1909, il cita un exemple de ce mécanisme de refoulement

Eh bien, je t'écoute.

Il dit à ses auditeurs qu'il fallait s'imaginer la présence d'un élément perturbateur dans la salle qui en riant, en inter venant à tout bout de champ et en frappant du pied, gênerait son exposé au point d'obliger l'orateur à s'arrêter. Quelques solides gaillards se lèveraient probablement pour conduire manu militariX'mtrm dans le couloir. Il serait donc refoulé et l'orateur pourrait poursuivre en paix sa conférence. Pour être même bien sûrs qu'il n'y ait pas de nouvelle intrusionc'est- à-dire que le refoulement a réussi —, ces mêmes hommes s'ins talleraient avec leurs chaises devant la porte d'entrée pour ser vir de « barrage ». Il suffit de nommer la salle le « conscient » et le couloir linconscient » pour avoir une bonne image du pro cessus de refoulement.

Je reconnais que c'était une bonne image en effet

Mais le « trouble-fête » n'a pas dit son dernier mot, Sophie. C'est en tout cas ce qui se passe avec les pensées et les pulsions refoulées. Nous vivons sous la pression constante de ces pensées refoulées qui essaient de se frayer un chemin jusqu'à la conscience. C'est pourquoi il nous arrive souvent d'avoir « la langue qui fourche », c est-à-dire de faire des lap sus. C'est ainsi que des réactions inconscientes peuvent guider nos sentiments et nos actions.

De quelle manière ?

Freud met au jour différents mécanismes de cet ordre. Il y a d'abord ce qu'il appelle les mauvaises réactions. Nous disons ou faisons de nous-mêmes quelque chose que nous avons autre fois essayé de refouler. D cite l'exemple de cet ouvrier qui devait un jour porter un toast à son patron. Le problème, c'était que personne n'aimait ce patron. Il était même ce que certains qua lifient sans hésiter de « salaud ».

Oh!

L'ouvrier se leva le verre à la main et déclara solennelle ment : « Et maintenant buvons à la santé de notre cher salaud ! »

Ça alors !

L'ouvrier non plus n'en est pas revenu. En fait il avait juste dit ce qu'il pensait réellement, mais il n'avait jamais eu l'intention de le faire. Tu veux un autre exemple?

Volontiers,

Dans la famille d'un pasteur il y avait beaucoup de filles douces et bien élevées, on attendit un jour la visite d'un évêque. Cet homme avait vraiment un nez incroyablement long. Ordre fut donné aux filles de ne surtout pas faire allusion à son nez. Et tu sais qu'il n'y a rien de tel qu'un enfant pour vous envoyer vos quatre vérités en pleine figure, tout simplement parce que chez un enfànt le mécanisme de refoulement n'est pas aussi au point que chez un adulte. L'évêque se rendît chez le pasteur, et les petites filles si adorables et bien élevées s'appliquerent terrible ment pour ne pas faire de commentaires sur son long nez. Mais ce n'est pas tout : elles s'évertuèrent à ne pas regarder le nez du tout, à faire comme s'il n'existait pas tout en ne pensant qu'à ça Mais voilà qu'une des filles devait faire passer le sucre pour le café. Elle se posta devant l'évêque si digne en demandant : « Vous prendrez bien un peu de sucre avec votre nez ? »

Oh ! la la ! Ça a être vraiment pénible.

Une autre solution consiste à rationaliser. C'est-à-dire que nous nous donnons toutes sortes de mauvaises raisons pour jus tifier nos actes à nos yeux et à ceux des autres, tout simplement parce que la vraie raison serait trop terrible à avouer.

Un exemple, s'il te plaît!

Je peux sous hypnose te faire ouvrir une fenêtre. Je com mence par t'hypnotiser et te dire que tu devras te lever pour ouvrir la fenêtre dès que je tambourinerai sur la table. Je le fais et tu vas ouvrir la fenêtre. Je te demande alors pourquoi tu es allée ouvrir la fenêtre. Tu me répondras peut-être que c'est parce que tu trouvais qu'il faisait trop chaud. Mais ce n'est pas la vraie raison. Tu ne voudras pas reconnaître que tu as exécuté sous hypnose un de mes ordres. Tu auras « rationalisé ».

Je comprends.

C'est ainsi que chaque jour nous avons un « double lan gage».

Je t'ai déjà parlé de mon cousin de quatre ans. Je crois qu'il n'a pas tant d'amis que ça avec qui jouer; il est en tout cas drôlement content quand je viens le voir. Une fois j'ai dit qu'il fallait vite que je rentre chez ma maman à moi. Tu ne sais pas ce qu'il m'a répondu?

Je t'écoute !

« Elle est bête », il a dit.

C'est en effet un bon exemple de ce que j'entends par « rationalisation ». Le garçon ne pensait pas vraiment ce qu'il disait. Il trouvait que c'était bête que tu t'en ailles, mais il avait honte de l'avouer. Il nous arrive aussi de projeter.

Tu peux traduire, s'il te plaît?

Le terme « projeter » signifie ici que nous prêtons à d'autres des sentiments ou des pensées que nous avons refoulés en nous-mêmes. Quelqu'un de très avare, par exemple, reconnaî tra vite l'avarice chez autrui. Un homme ou une femme qui aura honte d'avouer qu'il ou elle s'intéresse à la sexualité aura tôt fait de critiquer les autres et les traiter d'obsédé(e)s sexuel(le)s.

Je vois ce que tu veux dire.

Freud prétend que notre vie quotidienne fourmille de tels exemples d'actions inconscientes. Nous oublions constamment le nom d'une certaine personne, nous tortillons nos vêtements pendant que nous parlons ou nous déplaçons sans nous en

rendre compte certains objets apparemment anodins. Sans par ler de toutes ces fois notre langue fourche et nous disons des mots pas si innocents que ça. Tout cela, ce ne sont selon Freud que des symptômes. Ces lapsus d'action ou de langue tra hissent en fait nos secrets les plus intimes.

J'ai intérêt dorénavant à faire attention à ce que je vais dire.

Oui, mais tu ne pourras pas échapper à tes impulsions inconscientes. Toute l'astuce consiste justement à ne pas faire trop d'efforts pour rejeter les pensées inavouées dans l'incons cient C'est comme quand on veut|i tout prix reboucher le trou d'une taupinière dans un jardin. A force de vouloir trop bien faire, la taupe fera déboucher sa galerie un peu plus loin, c'est tout. Aussi est-ce plus sain de laisser la porte entrebâillée entre la conscience et l'inconscient.

Et si l'on ferme la porte, c'est que l'on risque de déve lopper des maladies psychiques?

Oui, un névrosé est quelqu'un qui fait tout son possible

E

our chasser de sa conscience tout ce qui le « met mal à l'aise ». e plus souvent, il s'agit d'expériences d'une telle importance qu'il est vital pour la personne de les refouler. Freud appelait ce genre d'expérience particulières des traumatismes. Le terme grecTPcajTla (traumà) signifie « blessure ».

Je comprends.

Lors du traitement de ses patients, Freud tentait de forcer cette porte close ou à défaut d'en ouvrir une autre. Avec l'aide du malade, il essayait de faire remonter à la surface de la conscience ces expériences refoulées. Le patient ne sait pas, lui, ce qu'il refoule. Mais il peut participer et comprendre la démarche du praticien qui est de faire resurgir ces trauma tismes cachés.

Comment s'y prend le médecin?

Freud mit au point ce qu'il a appelé la technique d'asso ciations libres. Le patient est allongé dans une position décon tractée et parle librement de tout ce qui lui vient à l'esprit, de futilités comme de choses graves ou penibles. L'art du praticien va consister à casser ce « couvercle » ou ce « contrôle » qui maintient enfermés les traumatismes. Car ce sont précisément ces traumatismes qui occupent constamment le patient. Ils agis sent en permanence, mais la personne ne s'en rend pas compte.

Plus on fait des efforts pour ne pas penser à quelque chose, plus l'inconscient, lui, se charge d y penser, n'est-ce pas?

Exactement C'est pourquoi il faut écouter les signaux de l'inconscient. La « voie royale » qui selon Freud mène à l'inconsdent, ce sont nos rêves. Son livre le plus important qui parut en 1900 s'intitulait justement l'Interprétation des rêves. Il y explique que nous ne faisons pas des rêves comme ça, par hasard. À travers eux, les pensées inconscientes essaient de se frayer un chemin jusqu'à la conscience.

Continue !

Après avoir passé des années à traiter ses patients et avoir analysé leurs rêves mais aussi les siens, Freud parvient à la conclusion que tous les rêves permettent la réalisation du désir. D suffît, écrit-il, d'observer des enfants. Ils rêvent de glace et de cerises. Le problème chez les adultes, c'est que leurs désirsque leurs rêves permettront de satisfairesont bien sou vent déguisés. Car même quand nous dormons, nous exerçons une censure sévère vis-à-vis de ce que nous nous permettons de désirer. Bien sûr cette censure, ce mécanisme de refoulement, est moindre dans le sommeil qu'à l'état de veille, mais il reste suffisamment fort pour que dans le rêve nous déplacions l'objet du désir que nous refusons d'admettre.

D' la nécessité d'interpréter les rêves ?

Freud indique qu'il faut distinguer entre le rêve tel que nous nous en souvenons le lendemain matin et son sens pro fond. Les images proprement dites du rêve, le « film » ou la « vidéo » de notre rêve, il appelle cela le contenu manifeste du rêve. Ce contenu « apparent » du rêve trouve toujours sa source dans les événements de la veille. Mais le rêve a un sens caché qui échappe à la conscience : c'est le contenu latent Au rêve. Ces pensées cachées, qui sont ce dont parle le rêve, peuvent remon ter très loin, parfois même jusqu'à la petite enfance.

D faut donc analyser le rêve pour comprendre ce dont il est question.

Oui, et dans le cas de malades, il faut accomplir cette démarche avec le thérapeute. Mais ce n'est pas le médecin seul qui interprète le rêve, il le fait avec l'aide du patient. Dans cette situation, le médecin apparaît seulement comme une « sage- femme » au sens de Socrate, c'est-à-dire quelqu'un qui aide à accoucher de l'interprétation du rêve.

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