— Naturellement. Mais pourquoi êtes-vous si pressés?
Alberto expliqua ce qu'ils avaient à faire et la vieille femme
dit:
— Ah ! pour une fois qu'on voyait des visages nouveaux ! Mais il va falloir bientôt couper le cordon ombilical avec votre origine charnelle. Nous ne dépendons plus de la chair et du sang des hommes. Nous appartenons au peuple invisible.
rai après, Alberto et Sophie retrouvaient la cafétéria Cinde- rella et la voiture rouge. Juste à côté, une maman énervée aidait son petit garçon à faire pipi contre une autre voiture.
En prenant quelques raccourcis à travers champs et fourrés, ils arrivèrent rapidement à Lillesand.
L'avion SK 876 de Copenhague atterrit très exactement à 21 h 35. Au moment du décollage, le major avait ouvert la dernière enveloppe qu'il avait trouvée collée sur le comptoir d'embarquement, adressée :
Au major Knag, à son passage au comptoir d'embarque ment, le soir de la Saint-Jean 1990.
Il avait lu :
Cher Papa,
Tu t'attendaispeut-être à me voir apparaître en chair et en os à Copenhague. Mais le contrôle quej'exerce sur tes faits et gestes est plus subtil que ça. Je te vois partout, Papa. En effet, j'ai rendu visite à une vieille famille tzigane qui a vendu, il y a bien longtemps, un miroir magique en laiton à mon arrière-grand-mère. Je me suis en outre procuré une boule de cristal. Je peux voir que tu viens tout juste de t'asseoir dans ton fau teuil. Aussi vais-je simplement te rappeler que tu es prié d'attacher ta ceinture de sécurité et de garder le dossier de ton siège relevé jusqu a ce que le signe Fasten seat- belt soit éteint. Dès que l'avion aura pris sa vitesse de croisière, tu pourras faire basculer ton siège et t'accor- der un petit somme. Il serait sage d'arriver reposé à la maison. Il fait à Lillesand un temps splendide, mais la température est inférieure de quelques degrés à celle du Liban. Je te souhaite un agréable voyage.
Ta petite sorcière préférée, Reine du Miroir et Grande Protectrice de l'Ironie,
qui t'embrasse.
Albert ne savait toujours pas s'il était vraiment en colère ou simplement mort de fatigue. Soudain, il se mit à rire. Il rit si fort que les passagers autour de lui se retournèrent et le regardèrent d'un air surpris. Puis l'avion décolla.
Elle lui avait tout bonnement rendu la monnaie de sa pièce. Mais ça faisait un drôle d'effet. Certes, il avait manipulé Sophie et Alberto, mais eux n'étaient que le produit de son imagination.
Il fit ce que Hilde lui avait conseillé de faire. Il fit basculer le dossier de son siège et piqua un somme.
Il ne se réveilla tout à fait qu'après avoir passé le contrôle des passeports, quand il se retrouva dans le hall d'arrivée. Il fut alors accueilli par une véritable manifestation.
Ils étaient environ une dizaine, la plupart de l'âge de Hilde. On pouvait lire sur les pancartes : « BIENVENUE À LA MAISON, PAPA! », « HILDE T'ATTEND DANS LE JARDIN » et « L'IRONIE CONTINUE ».
Le pire, c'était qu'il ne pouvait pas sauter dans un taxi. Il devait attendre ses bagages. Et pendant tout ce temps, les camarades de classe de sa fille tournaient autour de lui, l'obligeant à lire et relire ces pancartes. Mais quand une des filles vint lui donner un bouquet de roses, il fondit. Il glissa la main dans un des sacs en plastique et distribua les choco lats à tous les manifestants. Il n'en restait plus que deux pour Hilde. Quand il eut enfin récupéré ses bagages sur le tapis
roulant, un jeune homme s'avança, expliqua qu'il agissait sur ordre de la Reine du Miroir et qu'il avait pour mission de le ramener à Bjerkely. Les autres manifestants se perdirent dans la foule.
Ils prirent la E18. Au-dessus de tous les tunnels et tous les ponts, des banderoles disaient : « BIENVENUE À LA MAISON ! », « LA ONDE TATTEND », « JE TE VOIS, PAPA ! ».
Quand ils arrivèrent enfin à Bjerkely, Albert Knag poussa un soupir de soulagement et glissa au chauffeur un billet de cent couronnes ainsi que trois canettes de bière Carlsberg en guise de remerciement.
Sa femme Marit l'attendait sur le pas de la porte. Il l'embrassa longuement avant de demander :
— Et elle, où est-elle?
— Elle est sur la jetée, Albert.
Alberto et Sophie garèrent la voiture de sport rouge sur la place du Marche à Lillesand, devant l'hôtel Norge. Il était dix heures moins le quart. Ils aperçurent un grand feu de joie sur une des îles de la côte.
— Comment allons-nous faire pour trouver Bjerkely? demanda Sophie.
— Il suffit de chercher. Tu te souviens du tableau dans le chalet du major?
— Mais il faut se dépêcher. Je voudrais être là-bas avant lui.
Ils prirent des petites routes, mais coupèrent par des collines
et des rochers. Une chose était sûre : Bjerkely se trouvait au bord de la mer.
Tout à coup Sophie poussa un cri :
— C'est là ! Nous l'avons trouvé !
— Je crois que tu as raison, mais il ne faut pas crier comme ça.
— Bah ! Personne ne peut nous entendre.
— Ma chère Sophie, après tous les cours de philosophie que je t'ai donnés, ces conclusions hâtives me déçoivent de ta part.
— Mais...
— Tu ne crois tout de même pas que cet endroit est totale ment dépourvu de lutins, de trolls, d'esprits des bois et de bonnes fees ?
— Oh, pardon !
Ils traversèrent la porte du jardin et remontèrent l'allée de gravier devant la maison. Alberto gara la voiture sur la pelouse a côté de la balancelle. Un peu phis loin dans le jardin, une table était dressée pour trois personnes.
— Je la vois! chuchota Sophie. Elle est en bas sur la jetée, exactement comme dans mon rêve.
— Vois-tu à quel point ce jardin ressemble au tien, allée des Trèfles?
— Oui, c'est vrai. La balancelle et tout. Je peux aller la retrouver?
— Évidemment Je t'attends ici...
Sophie courut vers la jetée. Elle faillit trébucher et bousculer Hilde, mais elle se calma et s'assit tranquillement à côté d'elle.
Elle était en train de jouer avec les amarres d'une barque attachée à l'embarcadère. Dans la main gauche, elle tenait un petit papier. Il était clair qu'elle attendait. Elle regarda plu sieurs fois sa montre.
Sophie trouva qu'elle était si belle ! Ses longs cheveux blonds tombaient en boucles sur ses épaules et ses yeux brillaient d'un bel éclat vert clair. Elle portait une robe d'été jaune. Elle lui fai sait un peu penser à Jorunn.
Sophie essaya de lui dire quelque chose, bien qu'elle sût que c'était inutile.
— Hilde ! C'est moi, Sophie !
Aucune réaction.
Sophie se mit à genoux et essaya de lui crier dans les oreilles :
— Tu m'entends, Hilde? Ou est-œ que tu es sourde et aveugle?
Il lui sembla lire un certain étonnement dans son regard.
N'était-ce pas le signe qu'elle avait entendu quelque chose, même très faiblement?
Hilde se retourna, fit un brusque mouvement de tête sur la droite et regarda Sophie droit dans les yeux. Mais son regard ne faisait que la traverser, à la recherche d'autre chose.
— Pas si fort, Sophie !
C'était Alberto qui lui parlait de là-haut, à côté de la voiture de sport rouge.
— Je ne veux pas voir ce jardin envahi par des sirènes.
Sophie resta sflencieuse. Elle était heureuse de pouvoir enfin
être assise à côté de Hilde.
Soudain, on entendit une grave voix d'homme :
— Ma petite Hilde chérie !
C'était le major, en uniforme et avec son béret sur la tête. D était là-haut dans le jardin.
Hilde bondit sur ses pieds et courut à sa rencontre. Entre la balanœlle et la voiture de sport rouge, ils se jetèrent dans les bras l'un de l'autre. Puis il la fît tournoyer dans les airs.
Hilde avait finalement décidé d'attendre son père sur la jetée. Depuis que son père avait atterri sur le sol norvégien, elle s'était mentalement représenté, au quart d'heure près, ses moindres faits et gestes ainsi que ses réactions. Elle avait noté tous ses horaires sur un bout de papier qu'elle n'avait pas lâché de la journée.
Et s'il se mettait en colère? Mais il devait bien se douter qu'après lui avoir écrit un livre aussi étrange les choses ne pouvaient plus être comme avant.
Elle regarda encore une fois sa montre. Il était dix heures et quart. Il devait arriver d'un instant à l'autre.
Mais qu'est-ce que c'était? N'entendait-elle pas un faible souffle, tout comme dans le rêve de Sophie ?
Elle tourna rapidement la tête. Il y avait vraiment une pré sence, elle en était sûre. Mais une présence de quoi ?
N'était-ce que le charme mystérieux d'une soirée d'été?
L'espace de quelques secondes, elle se crut douée de voyance.
— Ma petite Hilde chérie !
Elle tourna la tête de l'autre côté. C'était son père ! Il l'attendait là-haut dans lejardin.
Hilde se leva et courut vers lui. Ils se retrouvèrent près de la balanœlle, il la souleva de terre et la fît tournoyer dans ses bras.
Hilde avait les larmes aux yeux et le major avait lui aussi du mal à retenir ses larmes.
— Comme tu as grandi, Hilde ! Une vraie petite femme, dis donc !
— Et toi, tu es devenu un vrai écrivain, répondit Hilde en s'essuyant les yeux avec la manche de sa robe jaune.
— Alors on est quittes ?
— On est quittes !
Ils se mirent à table. Hilde voulut savoir en détail tout ce qui s'était passé à l'aéroport de Copenhague et sur le chemin du retour. Ce fut une succession de fous rires.
— Alors tu n'as pas trouvé l'enveloppe dans la cafétéria?
— Je n'ai pas eu une minute pour m'asseoir et boire quelque chose, petite peste, va ! Je meurs littéralement de faim.
— Pauvre petit Papa !
— Le coup de la dinde farcie, c'était une blague, hein?
— Mais non ! J'ai tout préparé. Aujourd'hui, c'est Maman qui fait le service.
Puis il fut bien sûr question du grand classeur et de l'his toire de Sophie et d'Alberto. Pendant qu'ils dissertaient en long et en large, la dinde fut servie avec la salade Waldorf, du vin rose et le pain en forme de tresse.
Son père était en train de dire quelque chose à propos de Platon, quand il fut interrompu par Hilde :
— Chut!
— Qu'y a-t-il?
— Tu n'as pas entendu ? On aurait dit le cri d'une souris...
— Ah?
— Je suis sûre d'avoir entendu quelque chose. Bon, ce n'était peut-être qu'une souris.
— Mais, tu sais, Hilde, le cours de philosophie n'est pas tout à fait terminé.
— Qu'est-ce que tu veux dire?
— Cette nuit, je vais te parler de l'univers.
Avant d'attaquer le repas, il ajouta :
— Hilde est peut-être trop grande à présent pour être sur les genoux de son père, mais pas toi !
Et en disant cela, il attira sa femme Marit sur ses genoux. Elle dut rester là un bon moment avant d'avoir le droit de tou cher au repas.
— Et dire que tu vas avoir quarante ans...
En voyant Hilde courir rejoindre son père, Sophie eut les larmes aux yeux.
Elle ne pourrait jamais l'atteindre!
Elle enviait tellement Hilde d'être une vraie personne en chair et en os...
Au moment où Hilde et le major passèrent à table, elle enten dit Alberto klaxonner de la voiture.
Sophie leva les yeux. Et Hilde, ne faisait-elle pas de même ?
Elle sauta dans la voiture et s'assit à côté d'Alberto.
— On va rester là un petit moment pour voir quelle tournure prennent les événements, dit-il.
Sophie acquiesça
— Tu as pleuré ?
Sophie fît un nouveau signe de tête.
— Mais que se passe-t-fl?
— Elle en a de la chance d'exister réellement... Elle va gran dir et devenir une vraie femme. Elle pourra certainement un jour avoir des enfants...
—... et des petits-enfants, Sophie. Mais chaque chose a deux faces. C'est ce quej'ai essayé de te faire comprendre tout au début de ce cours de philosophie.
— À quoi penses-tu ?
— Je reconnais comme toi qu'elle a de la chance. Mais celui qui garnie le gros lot de la vie gagne du même coup le lot de la mort. Car le lot de la vie, c'est la mort.
— Mais cela ne valait-il pas la peine d'avoir vécu, même si ce n'était pas une vraie vie, plutôt que pas du tout?
— Nous ne pouvons pas vivre comme Hilde... ou, disons, comme le major. En revanche, nous ne mourrons jamais. Rap- pelle-toi ce que disait la vieille femme, là-bas dans la forêt Nous appartenons au peuple invisible. Elle-même disait avoir presque deux cents ans. Mais lors de la fête de la Saint-Jean, j'ai reconnu des personnages qui avaient plus de trois mille ans...
— Peut-être que ce que j'envie le plus chez Hilde, c'est... sa vie de famille.
— Mais toi aussi, tu as une famille. N'as-tu pas aussi un chat un couple d'oiseaux et une tortue?
— Nous avons quitté cette réalité-là.
— Pas du tout Le major l'a quittée, c'est différent II y a mis un point final, mon enfant. Et qu'il ne s'imagine pas pouvoir nous retrouver !
— Tu veux dire qu'on pourra y revenir?
— Autant qu'on veut. Mais nous allons d'abord nous faire de nouveaux amis dans la forêt, derrière la cafétéria Cinderella à Fiane.
La famille MOller Knag s'était mise à table. Un court instant, Sophie craignit que le repas ne tourne mal comme lors de sa fête philosophique, allée des Trèfles. Le major semblait en effet décidé à renverser Marit sur la table. Mais il la fit vite se ras seoir sur ses genoux.
La voiture était un peu à l'écart de la famille, toute à son dîner. Des bribes de phrases leur parvenaient. Sophie et Alberto restèrent à contempler lejardin. Ils eurent le temps de revivre tous les événements de la pitoyable fête au jardin.
H fallut attendre minuit pour que la famille Knag quitte la table. Hilde et le major se dirigèrent vers la balanœlle, en fai sant un signe de la main à la mère de Hilde qui s'éloignait vers la maison.
— Allez, va te coucher, Maman ! Il nous reste encore telle ment de choses à discuter.
Le big bang
... nous aussi sommes poussière d'étoiles...
Hilde s'installa confortablement dans la balancelle à côté de son père. Il était presque minuit. Ils laissèrent longtemps leur regard flotter sur la mer tandis que dans le ciel brillait la faible clarté des étoiles. Ils entendaient le doux clapotis des vagues contre les rochers monter jusqu'à eux.
Ce fut son père qui brisa le silence :
— Ça fait drôle de penser que nous vivons sur une petite planète perdue dans l'univers.
— Oui...
— La Terre n'est qu'une des nombreuses planètes qui tour nent autour du Soleil. Et pourtant seule notre planète est vivante.
— Elle est la seule dans tout l'univers?
— Oui, il y a de fortes chances. Mais il se peut que l'uni vers bouillonne de vie, car l'univers est immensément grand. Les distances sont telles que nous les mesurons en « minutes- lumière » et en « années-lumière ».
— Ça veut dire quoi exactement ?
— Une minute-lumière est la distance que parcourt la lumière en une minute. Et c'est beaucoup quand on sait que la lumière parcourt trois cent mille kilomètres en une seule seconde. Ce qui fait qu'en une minute la lumière parcourt soixante fois trois cent mille kilomètres, c'est-à-dire dix-huit millions de kilomètres. Quant à l'année-lumière, cela fait presque dix billions de kilomètres.
— Quelle distance y a-t-il jusqu'au Soleil?
— Un peu plus de huit minutes-lumière. Les rayons qui réchauffent notre joue par une belle journée de juin ont par
conséquent voyagé dans l'univers pendant huit minutes avant de nous atteindre.
— Continue !
— Pluton, la planète la plus éloignée dans notre système solaire, se trouve à plus de cinq heures-lumière de nous. Quand un astronome aperçoit Pluton dans son télescope, il observe en réalité quelque chose tel qu'il était cinq heures auparavant. En d'autres termes, l'image de Pluton met cinq heures à arriver jusqu'à nous.
— C'est un peu difficile à s'imaginer, mais je comprends dans les grandes lignes.
— Tant mieux, Hilde. Mais nous avons tout juste com mencé à nous orienter, tu sais. Notre propre Soleil est une des quatre cents milliards d'étoiles dans cette galaxie que nous avons appelée la Voie lactée. Cette galaxie ressemble à un grand disque constitué de plusieurs bras en forme de spirale et notre Soleil est sur un de ces bras. Si nous observons le ciel par une claire nuit d'hiver, nous voyons une large ceinture d'étoiles, parce que nous traversons tous ces anneaux du regard, vers le centre de la Voie lactée.
— Ce qui explique à présent pourquoi la Voie lactée se dit « le Chemin d'hiver » en suédois.
— Notre plus proche étoile dans la Voie lactée est située à quatre années-lumière. Qui sait si ce n'est pas cette étoile que nous apercevons au-dessus de cette île là-bas ? Imagine un astronome nous observant d'un puissant télescope de là-bas : il verrait Bjerkely comme c'était il y a quatre ans. Il verrait peut-être une petite fille de onze ans se balancer dans le jardin en battant des jambes.
— C' est stupéfiant !
— Et encore, je ne te parle que de la plus proche étoile. Toutes les galaxies, ou ce « brouillard d'étoiles » comme nous l'appe lons, s'étendent sur quatre-vingt-dix mille années-lumière. C'est le temps que mettra la lumière pour aller d'un bout à l'autre de notre galaxie. Quand nous regardons une étoile située dans la Voie lactée à plus de cinquante mille années-lumière du Soleil, nous regardons cinquante mille années en arrière.
— J'ai mal à la tête rien que d'y penser.
— Quand nous observons l'univers, nous regardons en fait le passé. Nous ne pouvons pas faire autrement. Nous n'avons aucun moyen de connaître l'univers comme il est, nous pou vons seulement le connaître tel qu'il était. L'étoile que nous apercevons à des milliers d'années-lumière nous permet en réalité de voyager dans l'histoire de l'univers en remontant dans le temps.
— C'est difficile à concevoir.
— Tout ce que nous voyons, nous le percevons parce que des ondes lumineuses parviennent à nos yeux. Et ces ondes lumineuses mettent du temps à parcourir l'espace. On peut faire une comparaison avec le tonnerre. On entend toujours le grondement du tonnerre après avoir vu l'éclair. Car, quand j'entends le tonnerre, j'entends le bruit de quelque chose qui s'est déjà passé il y a un moment. C'est la même chose avec les étoiles. Quand j'aperçois une étoile située à des milliers d'années-lumière de nous, c'est comme si je voyais le « ton-; nerre » d'un événement qui s'est produit des milliers d'années plus tôt.
— Je comprends.
— Mais nous n'avons jusqu'ici parlé que de notre propre galaxie. Les astronomes estiment qu'il existe une centaine de milliards de ces galaxies au sein de l'univers, et chacune de ces galaxies est composée d'une centaine de milliards d'étoiles. La galaxie la plus proche de la Voie lactée est ce qu'on appelle la nébuleuse d'Andromède. Elle se trouve à deux millions d'années-lumière de notre propre galaxie. Comme nous l'avons vu, cela revient à dire que la lumière de cette galaxie met deux millions d'années à venir jusqu'à nous. Cela veut aussi dire que nous remontons deux millions d'années dans le temps quand nous observons le Nuage d'Andromède là-haut dans le ciel. Et si un petit futé pouvait nous observer de là-bas avec son télescope — tiens, je l'ima gine très bien tout là-haut — ce n'est pas nous qu'il verrait; il, pourrait tout au plus apercevoir quelques ancêtres de l'homme au cerveau minuscule.
— C'est terrible.
— Les plus lointaines étoiles que nous connaissons aujourd'hui se trouvent à environ dix milliards d'années- lumière de nous. Quand nous captons des signaux de ces galaxies, nous regardons par conséquent dix milliards d'années en arrière dans l'histoire de l'univers. Ce qui corres pond à presque deux fois le temps d'existence du système solaire.
— Ça me donne le vertige.
— Il est bien sûr difficile de se représenter de telles unités de temps et d'imaginer qu'on remonte si loin dans le passé. Mais les astronomes ont trouvé quelque chose qui a encore une plus grande importance pour notre conception du monde.
— Qu'est-ce que c'est?
— Il s'avère qu'aucune galaxie dans l'univers n'est immo bile. Toutes les galaxies dans l'univers se déplacent à toute vitesse les unes par rapport aux autres. Plus elles sont éloi gnées de nous, plus elles paraissent se mouvoir rapidement. En d'autres termes, la distance entre les étoiles devient de plus en plus grande.
— J'essaie de me représenter tout ça.
— Si tu dessines des ronds noirs sur un ballon et que tu le gonfles, tu verras ces ronds noirs progressivement s'éloigner les uns des autres. C'est la même chose avec les galaxies de l'univers. Nous disons que l'univers est en expansion.
— A quoi c'est dû?
— La plupart des astronomes s'accordent à reconnaître une seule explication à l'expansion de l'univers : il y a environ quinze milliards d'années, toute la matière de l'univers se trouvait ramassée dans un tout petit espace. La matière avait alors une densité inimaginable et la pesanteur ainsi que la chaleur atteignaient des sommets inimaginables. D'un seul coup, tout explosa. Cette explosion, on l'appelle l'explosion originelle, en anglais the bigbang.
— Y penser me donne la chair de poule.
— Toute la matière se trouva projetée dans l'univers dans toutes les directions et, en se refroidissant, cette matière donna les étoiles, les galaxies, les lunes et les planètes...
— Mais tu as dit que l'univers continuait à s'étendre.
— C'est justement la conséquence de ce qui s'est produit il y a des milliards d'années. Car l'univers n'a pas de topogra phie intemporelle. L'univers est un événement, une explo sion. Et les planètes continuent à s'éloigner les unes des autres à toute vitesse.
— Et ce sera comme ça jusqu'à la nuit des temps ?
— C'est une possibilité parmi d'autres. Tu te souviens peut-être qu'Alberto parla à Sophie de deux forces qui, réunies, font que les planètes tracent une trajectoire constante autour du Soleil ?
— Oui, la loi de la gravitation et la loi d'inertie, n'est-ce pas?
— La même chose se produit pour les galaxies. Car bien que l'univers continue à s'étendre, la pesanteur agit dans l'autre sens. Et un jour, dans quelques milliards d'années, quand l'effet du big bang commencera à décroître, la pesan teur rapprochera peut-être à nouveau les corps célestes. Nous aurons alors le contraire d'une explosion, c'est-à-dire une implosion. Mais ce n'est pas pour demain, étant donné la mesure du temps de l'univers. C'est comme un film au ralenti infini. Imagine si tu préfères un ballon qui se dégonflerait tout doucement.
— Est-ce que toutes les galaxies vont s'aspirer mutuelle ment et se concentrer en une seule masse à nouveau ?
— Oui, tu as compris. Mais après ?
— Il y aura peut-être une nouvelle explosion qui permettra à nouveau à l'univers de s'étendre. Parce que les lois phy siques resteront toujours les mêmes. Et ainsi de nouvelles étoiles et de nouvelles galaxies devraient se former.
— C'est un bon raisonnement. En effet, concernant l'ave nir de l'univers, les astronomes envisagent deux cas de figure : soit l'univers continuera à s'étendre indéfiniment de sorte que les galaxies seront de plus en plus éloignées les unes des autres, soit l'univers va se ramasser sur lui-même.
Ce qui est décisif, c'est la masse de l'univers, et c'est encore une inconnue pour les astrophysiciens.
— Mais on peut alors imaginer que l'univers s'est déjà plu sieurs fois étendu puis ramassé sur lui-même ?
— C'est un raisonnement fort séduisant. Mais là aussi il y a une autre possibilité, à savoir que l'univers ne s'étend qu'une seule fois. S'il s'étendait ainsi pour l'éternité, la question sur l'origine du monde serait entièrement à reconsidérer.
— Et d'où vient ce qui a explosé ?
— Pour un chrétien, l'explosion originelle est considérée comme le moment de la création du monde. Il est écrit dans la Bible que Dieu dit : « Que la lumière soit ! » Tu te rappelles peut-être qu'Alberto montre que le christianisme a une vision linéaire de l'histoire. D'un point de vue chrétien, il serait logique de penser que l'univers continuera à s'étendre.
— Ah bon?
— En Orient, on a davantage une conception cyclique de l'histoire. On pense que l'histoire se répète indéfiniment. Il existe par exemple en Inde une vieille croyance selon laquelle le monde s'étend en permanence jusqu'au moment où il se ramasse sur lui-même. Ainsi alternent ce que les Indiens appellent « le jour de Brahma » et « la nuit de Brahma ». Cette croyance correspond bien sûr davantage à un processus cyclique de l'univers. Il faut s'imaginer un gros cœur cos mique qui bat et bat...
— Je trouve les deux théories aussi passionnantes et incon cevables l'une que l'autre.
— Et on peut les comparer au grand paradoxe sur l'éter nité, tel que le présentait Sophie : soit l'univers a de tout temps existé, soit il est né tout à coup à partir de trois fois rien...
— Aïe!
Hilde se toucha le front.
— Qu'est-ce que c'était?
— J'ai cru que j'avais été piquée par un taon.
— Qui sait si ce n'était pas Socrate qui essayait de te sortir de ta torpeur?
Sophie et Alberto étaient restés assis dans la voiture de sport à les écouter disserter sur l'univers.
— Est-ce que tu t'es rendu compte que les rôles sont à pré sent inversés ? demanda Alberto après un moment.
— Qu'est-ce que tu veux dire par là?
— Avant, c'était eux qui nous épiaient et nous ne pouvions pas les voir. Maintenant, c'est nous qui les épions et eux ne peu vent pas nous voir.
— Et ce n'est pas tout.
— À quoi penses-tu ?
— Au début, nous ne savions pas qu'il existait une autre réa lité dans laquelle vivaient Hilde et le major. Maintenant, c'est eux qui ignorent notre réalité.
— Ah ! ça fait du bien de se venger un peu !
— Mais le major pouvait intervenir dans notre monde...
— Notre monde n était pas autre chose que son intervention.
— Je ne veux pas abandonner tout espoir de pouvoir aussi intervenir dans leur monde.
— Mais tu sais bien que c'est impossible. Tu ne te rappelles pas la scène au café CindereDa ? Je te revois très bien t'echiner à soulever la bouteille de Coca-Cola.
Sophie resta silencieuse et écouta le major parler du big rang. Quelque chose dans cette expression lui donna une idee.
Elle se mit à fouiller la voiture.
— Qu'y a-t-il ? demanda Alberto.
— Rien.
Elle ouvrit la boîte à gants où elle trouva une clé anglaise, sortit de la voiture et vint se planter devant Hilde et son père. Elle essaya de capter le regard de Hilde, mais c'était impos sible. Alors elle leva la clé anglaise bien haut au-dessus de sa tête et assena un grand coup sur le front de Hilde.
— Aïe ! cria Hilde.
Sophie s'empressa de faire la même chose avec le major mais il n'eut aucune réaction.
— Qu'y a-t-il? demanda-t-il.
— Je crois que j ' ai été piquée par un taon.
— Qui sait si ce n'était pas Socrate qui essayait de te sortir de ta torpeur?
Sophie se coucha dans l'herbe et essaya de donner des coups de pied dans la balancelle. Mais elle ne bougea pas d'un pouce. Ou avait-elle tout de même bougé d'un millimètre?
— Je commence à avoir des frissons dans le dos, dit Hilde.
— Voyons, il fait si doux ce soir...
— Ce n'est pas ça. Je sens comme une présence.
— Nous ne sommes que tous les deux dans cette douce nuit d'été.
— Non, il y a quelque chose dans l'air.
— Que veux-tu que ce soit?
— Tu te souviens du plan secret d'Alberto?
— Comment pourrais-je l'oublier?
— Ils disparurent de la fête et c 'était comme si la terre les a vait engloutis...
— Mais...
— Comme si la terre les a vait engloutis...
— Il fallait bien arrêter l'histoire à un moment Oh ! tu sais, ce ne sont que des mots.
— Ces mots-là, oui, mais pas ce qui s'est passé ensuite. Et s'ils étaient ici maintenant?...
— Tu crois ça?
—Je le sens, Papa.
Sophie retourna vers la voiture en courant.
— Impressionnant, dut avouer Alberto quand elle remonta dans la voiture avec la clé anglaise. Cette fille doit avoir des dons particuliers.
Le major passa son bras autour de Hilde.
— Tu entends comme les vagues font un drôle de bruit ce soir?
— Oui.
— Demain, il faudra mettre la barque à l'eau.
— Mais tu entends comme le vent semble murmu rer quelque chose? Regarde comme les feuilles du hêtre tremblent...
— C'est ça, une planète vivante !
— Tu as écrit quelque chose à propos de ce qui se trame « entre les lignes »...
— Ah bon?
— Il y a peut-être quelque chose entre les lignes dans ce jardin aussi.
— La nature est en tout cas pleine d'énigmes. Nous étions en train de parler des étoiles dans le ciel.
— Bientôt il y aura des étoiles dans l'eau aussi.
— C'est ce que tu appelais la lumière des étoiles, quand tu étais petite. Tu n'avais pas tort, en un sens. Car tous les orga nismes sur la Terre viennent de matières premières qui ont autrefois servi à former une étoile.
— Nous aussi ?
— Oui, nous aussi sommes poussière d'étoiles.
— C'est poétique.
— Quand les radiotélescopes captent la lumière qui pro vient de galaxies situées à des milliards d'années-lumière, ils établissent la carte du monde tel qu'il a été à l'origine, juste après le big bang. Tout ce qu'un homme peut observer dans le ciel, ce sont des fossiles cosmiques qui remontent à des mil liers et à des millions d'années. La seule chose que puisse faire un astrophysicien, c'est de lire dans le passé.
— Parce que les étoiles d'une constellation se sont éloignées les unes des autres avant que leur lumière ne nous parvienne?
— Il suffit de remonter à quelques millénaires pour consta ter que les étoiles étaient notées à un autre emplacement qu'aujourd'hui.
— Je ne savais pas.
— Si la nuit est claire, nous remontons des millions, oui, des milliards d'années dans le temps, dans l'histoire de l'uni vers. Nous regardons en quelque sorte en direction de là d'où nous venons.
— Explique-toi mieux.
— Nous aussi, nous sommes issus du big bang. Car toute la matière de l'univers est une unité organique. En regardant le ciel, nous essayons de retrouver le chemin qui nous a fait naître.
— C'est une drôle de façon de dire les choses.
— Toutes les étoiles et les galaxies dans l'espace sont for mées de la même matière. Il peut y avoir des milliards
d'années-lumière d'une galaxie à l'autre, mais toutes ont la même origine. Toutes les étoiles et les planètes sont de la même famille...
— Je comprends.
— Quelle est cette matière du monde? Qu'est-ce qui a explosé un jour voici plusieurs milliards d'années? D'où venait cette matière ?
— Cela reste la grande énigme.
— Mais il y a quelque chose qui nous concerne directe ment. Car nous sommes faits de cette matière. Nous sommes une étincelle de ce grand feu qui a embrasé l'univers il y a plusieurs milliards d'années.
— Ça aussi, c'est plutôt poétique.
— Mais nous ne devons pas nous laisser emporter par tous ces chiffres. Il suffit de tenir une pierre dans sa main. L'uni vers aurait été tout aussi inconcevable s'il s'était limité à la taille de cette pierre, pas plus grosse qu'une orange. La ques tion cruciale serait restée la même : d'où vient cette pierre?
Sophie se redressa soudain et montra du doigt la mer :
— J'ai envie d'essayer la barque, s'écria-t-eDe.
— Elle est amarrée. De toute façon, nous ne pourrions même pas soulever les rames.
— Et si on essayait quand même? Allez, c'est la Saint- Jean...
— On peut toujours descendre au bord de la mer.
Ils sortirent de la voiture et traversèrent lejardin en courant.
Sur la jetée, ils tentèrent de desserrer les amarres qui étaient attachées à un anneau d'acier. Mais ils ne purent même pas soulever une extrémité de la corde.
— C'est comme si c'était cloué, dit Alberto.
— Mais on a du temps devant nous.
— Un vrai philosophe ne s'avoue jamais battu, je sais... Ah ! si seulement on pouvait soulever ça...
— Il y a encore de nouvelles étoiles dans le ciel, dit Hilde.
— Oui, c'est parce que la nuit d'été est d'un noir intense à présent.
— Mais en hiver elles brillent d'un éclat particulier. Tu te rappelles la nuit avant que tu ne partes au Liban? C'était le premier janvier.
— C'est ce jour-là que je me suis décidé A T'ÉCRIRE un livre de philosophie. J'étais allé dans une grande librairie à Kristiansand et à la bibliothèque. Mais je n'ai trouvé aucun livre de ce genre pour les jeunes.
— On dirait que nous sommes assis tout à l'extrémité d'un des poils tout fins de la fourrure du lapin blanc.
— Crois-tu qu'il existe quelqu'un là-bas à des années- lumière d'ici?
— Oh ! regarde ! La barque s'est détachée !
— Ça alors !
— C'est impossible. J'étais tout à l'heure en bas etj'ai moi-même contrôlé que les amarres étaient bien fixées juste avant ton arrivée.
— Vraiment?
— C'est comme lorsque Sophie avait emprunté la barque d'Alberto et qu'elle l'avait laissée dériver au beau milieu du lac, tu te rappelles ?
— Qui te dit qu'elle n'a pas encore fait des siennes ?
— Tu dis ça en plaisantant ! Moi, j'ai senti comme une pré sence toute la soirée.
— Il va falloir aller récupérer la barque à la nage.
— On y va ensemble, Papa ?
Index
A
Abraham (XIXe s. av. J.-C. ?) 180, 182 Absurde, absurdité 501, 502 Académie 102,103,1 13,1 28,197, 200 Acropole 92-97, 107, 187, 188, 210, 431 Adam (et Eve) 181, 448, 455 ADN 461-463 Agnostique 82, 307 Agora 95, 97, 153 Albert le Grand 216
Alexandre le Grand (v. 356-323 av. J.-C.) 152,153,156 Alexandrie 154, 155, 160,188, 201 Aliénation 435 Allah 179
Allégorie de la caverne 110,111,162
Alliance 182,184,189
Âme 46, 62, 63, 97, 101, 108, 109, 111, 112, 114, 123, 130, 138, 1
164, 181, 186, 205, 256, 268, 273-275, 306, 367, 473 Amour (et haine) 53, 55 Anatomie 231
Anaxagore (v. 500-428 av. J.-C.) 54, 55, 63, 81 Anaximandre (v. 610-547 av. J.-C.) 48 Anaximène (v. 570-526 av. J.-C.) 49, 53 Andersen, Hans Christian (1805-1875) 388, 413, 428 Andromède (nébuleuse d') 551 Anges(s) 213, 301, 302, 538, 539 Angélus Silesius (1624-1677) 162 Angoisse (angoisse de la mort) 159, 498 Antibiotiques 459
Antiquité tardive 153, 154,160, 203 Antisthène (v. 455-360 av. J.-C.) 155,156 Antithèse 401 Apollon 42, 71
Archimède (t 212 av. J.-C.) 346 Aréopage 94,187, 188, 282 Aristippe (v. 435-350 av. J.-C.) 158 Aristocratie 140
Aristophane (v. 450-385 av. J.-C.) 94
Aristote (v. 384-322 av. J.-C.) 48, 80,113, 1 28-140,152,154,155, 200 201, 208-214, 233, 240, 256, 267, 268, 270, 282, 295, 331, 353, 366 386, 399, 447, 460, 503 Armstrong, Neil (1930-) 504 AsbjOrnsen 388 Asclépios 42
Association d'idées 302-304 Associations libres 477 Athée-athéisme 55, 163,164, 497 Athéna 42, 93, 95
Athènes 80, 81, 85, 88, 92-94, 96, 102, 152, 155, 186-188, 210 Atomes, théorie des atomes 60-63,159 Attributs de Dieu 284
Augustin, saint (354-430) 202-208, 266, 274
B
Bach, Johann Sébastian (1685-1750) 381 Bacon, Francis (1561-1626) 234, 253 Banquet (le) 113 Baroque 259-261, 380, 381 Beauvoir, Simone de (1908-1989) 496, 500, 501 Beckett, Samuel (1916-1989) 501 Beethoven, Ludwig van (1770-1827) 381 Bénédictins (ordre des) 197
Berkeley, George (1685-1753) 267, 294, 295, 300, 314-317, 330, 331
360, 388, 393 Bien et ma! 39, 50, 82, 104, 203, 234, 312, 369, 439 Big bang 552, 553, 557
Bingen, Hildegarde de (1098-1179) 214, 215, 335 BjOrnson, BjOrnstjerne (1832-1910) 465 Bôhme, Jakob (1575-1624) 385
Bohr, Niels (1885-1962) 404 Bonheur 139 Bonne volonté 371
Bouddha (v. 565-485 av. J.-C), bouddhisme, 178, 306, 416 Bourgeois, bourgeoisie 229, 433, 435, 436 Breton, André (1896-1966) 480 Bruno, Gîordano (1548-1600) 232, 233, 251, 385 Byzance, 200, 201
c
Ça 472
Calderon de la Barca, Pedro (1600-1681) 262, 263
Camus, Albert (1913-1960) 501
Capitalisme, capitaliste 433-439
Carpe diem 260
Castes 112
Causalité (loi de, principe de) 309, 363, 364, 370, 371
Cause (efficiente, finale, formelle, matérielle, première) 62, 133
Cause immanente 285
Cellule, division cellulaire 456, 463
Cellule originelle 461
Changement, problème du changement 47, 49, 60, 63
Chaos (forces du) 39
Chaplin, Charles (1889-1977) 502
Chose en soi (Dinganslch) 363, 371, 381, 382, 397
Chose pour moi (Ding furmich) 363
Chrétienté, christianisme 38, 94, 152, 163, 175, 179-181, 186, 188,
189, 197-199, 202, 209,245, 280, 414. 418, 421, 496, 505, 554 Cicéron (v. 106-43 av. J.-C.) 86,1 57 Cogito ergo su m 271
Coleridge, Samuel Taylor (1772-1834) 382 Communisme 434, 436, 438, 439 Communiste (Manifeste du parti) 435, 436 Conception mythique du monde 38, 39, 42 Condorcet Marie Jean, Antoine Caritat (1743-1794) 354 Connais-toi toi -même 71, 230 Connaissance (forme de la, matière de la) 364,
(philosophie de la) 213 Conscience 471, 472, 474, 477, 481, 499 Conscience absolue 406
Constantin (v. 270-337 av. J.-C.) 197 Constantinople 197, 200 Copernic, Nicolas (1473-1543) 235, 236, 362 Coran 179
Corps célestes (mouvements des) 235, 236 Credo quia absurdum 418
Cyniques 155-158,160
D
Damaris 188
Darwin, Charles (1809-1882) 243, 347, 442-457, 460, 461, 464, 465, 483
Darwin, Erasmus (1731-1802) 446
Darwinisme 483
Dass, Peter (1647-1707) 263
David (v. 1000 av. J.-C.) 182,183
Déclaration des droits de l'homme 353
Dégénérescence 459
Déisme 353
Delphes (oracle de) 71, 88 Démocratie 81, 82,140
Démocrite (v. 460-370 av. J.-C.) 55, 60-66, 80,104,105, 158-160,
256, 264, 306, 366, 394, 429 Descartes, René (1596-1650) 259, 265-276, 283, 284, 286, 294, 295, 297, 298, 304, 305, 315, 345, 350, 353, 360, 366, 367, 385, 397, 401, 417
Désir, désirs refoulés 27,11 2,1 59, 470, 472, 480
Destin 65, 66, 70-72, 157, 205
Déterminisme, déterministe (conception) 284, 285
Dialectique 401
Dialogue (art du) 84
Dickens, Charles (1812-1870) 428
Dictature du prolétariat 438
Dieu(x) 22, 28, 38, 39, 42, 46, 50, 51, 66, 72, 134, 138, 161-163, 176, 178-179, 204-206, 209-215, 227, 231, 232, 243-245, 263, 271-273, 281-285, 287, 295, 298, 304, 316, 317, 352, 366, 367, 388, 447, 454, 554
Diogène (v. 400-325 av. J.-C.) 156 Dionysos (théâtre de) 42, 94 Diotima 113
Dostoïevski, Fiodor (1821-1881) 420 Double langage 476 Droit naturel 157, 298 Dualisme, dualité 157,160, 273, 283, 371 Dynamique (de Galilée) 240
E
Échelle de la nature 137, 213
Écologie, courant écologique catastrophe écologique 458,459, 504
Égalité entre les sexes 214, 298, 357, 402 Éléates 49, 60, 400
Empédocle (v. 490-430 av. J.-C.) 51-53, 55, 56, 63,104, 394, 401 Empirisme, empirisme logique, méthode empirique 233, 294, 295,
300, 301,311,315, 360, 361, 372, 401, 503 Encyclopédie 352
Engels, Friedrich (1820-1895) 430, 435, 443 Épicure (v. 341-270 av. J.-C.) 158,159, 429 Épicurien 158,160,187, 188 Érasme de Rotterdam (v. 1469-1536) 244, 246 Éros 109
Eschyle (v. 525-456 av. J.-C.) 94
Espace et temps 362
Espèces (De l'origine des) 446, 452, 454
Esprit du monde 385-387, 396, 399, 401, 405, 406, 411, 429, 430
État 111, 112, 139, 206, 299, 405
Éternelles (idées) 110, (vérités) 397
Éternité (angle de I') 281, 288
Éthique 73, 139, 155, 164, 282, 283, 311
Éthique du devoir 371, 420
Être double 273
Être parfait 272, 273, 366
Euripide (v. 480-406 av. J.-C.) 94
Évolution (théorie de I') 443-445, 449
Exil babylonien 182
Existentialisme, existentialiste 347, 496, 497, 500, 501, 503 Expérience mystique 162-164 Expérience sensible 301, 307, 362, 368 Exploitation 351,436
F
Femme(s) 46,113,140, 214, 215, 354-357, 402, 403,440, 500, 501 Féodalisme 199
Fertilité (dieu, déesse de la) 38 40,177 Fichte, Johann Gottlieb (1762-1814) 388 Ficin, Marsile (1433-1494) 230, 245 Finalité 134
Foi 189, 202, 204, 209, 244, 245, 307, 353, 366, 417, 418
Forme 130-134,138
Forme a priori 362,417
Franklin, Benjamin (1706-1790) 452
Freud, Sigmund (1856-1934) 347.443, 469 481, 509
Freyia 39-42,177
G
Galilée (1564-1642) 234, 237-240, 242, 269 Géocentrique (image) 235
Goethe, Johann Woifgang von (1749-1832) 190, 384, 464 Gombrowicz, Witold 0904-1969) 501 Gouges, Olympe de (1748-1793) 354, 356 Gravitation (loi de, force de) 241, 251, 553 Grimm (les frères) 387
H
Hamlet 262
Hamsun, Knut (1859-1952) 211, 212 Haendel, Georg Friedrich (1685-1759) 381
Hegel, Georg Wilhelm Friedrich (1770-1831) 347, 373,394, 396 406,
410, 411, 413-415, 418, 429, 430, 434, 496, 498, 524 Heidegger, Martin (1889-1976) 496 Héliocentrique (monde) 236
Hellénisme 152,153,189 Héphaïstos 42, 94 Héra 42 Héraclès 42
Héraclite (v. 540-480 av. J.-C.) 50-52, 63,156,160, 400 Herder, Johann Gottfried (1744-1803) 386,387 Hérédité 450, 456 Hermès 80
Hérodote (v. 484-424 av. J.-C.) 72 Hésiode (milieu du vllle s. av. J.-C.) 42 Hindouisme 163,178 Hippocrate (v. 460-377 av. J.-C.) 72 Hippocrate (serment d') 73
Histoire 179,180, 206, 207, 397-403, 406, 414, 430, 433
Historicisme 414, 496
Hobbes, Thomas (1588-1679) 264
Hoffmann, Ernst Theodor Amadeus (1776-1822) 388
Holberg, Ludwig (1684-1754) 262, 263
Homère (v. 700 av. J.-C.) 42, 48
Humanisme, humanistes 157, 206, 228, 230, 245, 351, 381, 497 Hume, David (1711-1776) 267, 295, 300-313, 350, 351, 360, 361, 363, 364, 368, 370, 385, 397, 399, 401, 503, 508
I
Ibsen, Henrik (1828-1906) 389, 419 Idéalisme 263, 264, 429
Idées (fausses) 303, (réflexives) 296, (sensorielles) 296
Idées (monde des) 106, 108, 109, 111, 128, 160, 263, 496 (théorie
des) 106, 160,204,431
Image mécanique du monde 264
Impératif catégorique 369, 370
Impressions simples 296, 304
Imprimerie 229
Inconscient, théorie de l'inconscient, 470, 474, 476 478, 480, 481, 509,510
Individualisme, individualiste 231, 405, 413 Indo-européen 175-180 Inertie (loi de I) 237, 242, 553 Infrastructure 431 433 Inné, idée innée 129-131, 294
Ionesco, Eugène (1912-1993) 501
Ironie (de Socrate) 85
Ironie romantique 389, 407, 415, 419
Isaïe (vllles. av. J-C.) 183
Islam 163,179, 181,200
Israël 180-183
J
Jérusalem 180,182,184, 200
Jésus 45, 83-86, 94, 141, 175, 183-186, 188, 189, 197, 200, 209, 281 430
Judaïsme 163, 179, 181, 280, 281 Juif 175, 179-182 Jupiter 176 Justice 427, 439
K
Kant, Emmanuel (1724-1804) 267, 300, 347, 350, 360-373, 376, 381,
382, 385, 397, 399, 401, 420 Kepler, Johannes (1571-1630) 236, 237, 240
Kierkegaard, SOren (1813-1855) 347, 373, 413-421, 429, 495-498, 503
L
Lamarck, Jean-Baptiste (1744-1829) 446, 450, 457 La Metîrie, Juiien Offroy de (1709-1751) 264 Laplace, Pierre Simon (1749-1827) 264 Lapsus 475, 477
Leibniz, Gottfried Wilheim (1646-1716) 265, 295, 413 Lénine, Vladimir Ilitch Oulianov (1870-1924) 430
Liberté de pensée 298
Locke, John (1632-1704) 267, 295-299, 315, 350, 351, 360 Logique 129,136 Logos 51,177 Lois (tes) 113
Lois naturelles 47, 285, 286, 308, 309 Lois de la nature 62, 366
Lumières (siècle des) 263, 300, 347, 350, 351, 380, 381
Luther, Martin (1483-1546) 244-246
Lutte des classes 433
Lyell, Charles (1797-1875) 447, 443, 450
M
Macrocosme 157 Mahomet (570-632) 200 Maïeutique 84
Malthus, Thomas (1766-1834) 451, 452 Manichéen 203 Mao 430
Marc Aurèle (v. 121-180 av. J.-C.) 157 Marx, Karl (1818-1883) 347, 428-440, 442, 443, 496 Marxisme, marxistes 430, 496 Marxisme-léninisme 430, 438, 439
Matérialisme, matérialiste 62, 66, 263-265, 315, 366, 386, 429, 430,
432, 503 Matérialisme dialectique 432 Matérialisme historique 429, 430 Mathématique (méthode) 269, 283 Matière 45, 131, 132, 134, 269, 315, 316, 385 Mécanique (image m. du monde) 264 Mémento mori 260 Messie 182-184 Microcosme 157 Mîlet 48, 49 Mill, John Stuart 299 Mode (de la pensée) 284 Moe, JOrgen (1813-1882) 388 Moïse (v. 1200 av. J.-C.) 182, 189 Monarchie 140 Monastique (ordre) 198
Monisme, monistes 157,283 Monothéisme 163,179,180
Montesquieu, Charles de Secondât (1689-1755) 299, 350,351
Morale, loi morale 311, 369-372,420
Mort de Dieu 497
Mouvements alternatifs 505, 507
Moyen Âge 190,196-203, 207, 208, 215, 230-232, 235
Mutation 457
Mystique (occidentale, orientale) 163, 383, 507 Mythe 37-43, 47, 51, 177, 178, 388 Mythique (monde) 37, 230 Mythologie 42, 82
N
Nature 46, 47, 52-54, 61, 62, 130, 137, 138, 232-235, 282-285, 287,
309, 352, 353, 385, 386 Naturalisme 443, 470 Négation 400, 405 Négation de la négation 401 Néo-darwinisme 456, 457, 503 Néo-marxisme 503
Néo-platonisme, néo-platoniciens 160,188, 201, 203, 204, 386 Néo-thomisme 503 Névrose 471,473 New Age 505, 507
Newton, Isaac (1642-1727) 240-243, 251, 264, 350, 352 Nietzsche, Friedrich (1844-1900) 496, 497 Nihiliste 499
Noé 182,442
Novalis, Friedrich (1772-1801) 382, 384, 386, 389
o
Odin 39, 42 Œdipe 71,94 Optimisme culturel 352 Overland, Arnulf 488
P
Panthéisme, panthéistes 178, 232, 282, 385, 411, 413
Parménide (v. 515-450 av. J.-C.) 49 52, 56, 60, 373
Partage du pouvoir 299
Parthénon 93, 94, 431
Particule élémentaire 62
Paul (f vers 62) 94, 186-189, 197, 205, 282
Pensée négative 524
Philosophes (philosophie de la nature) 46, 81, 82, 86,103
Philosophie analytique 503
Pic de La Mirandoie (1463-1493) 230
Plaisir (principe de) 472
Platon (v. 427-437 av, J.-C.) 80, 83, 84, 95, 97-114,123,128-131,139, 140,152, 154, 155, 160, 162, 175, 177, 179,186, 197, 200, 201, 203, 204, 208, 210, 236, 263, 266, 267, 269-272, 331, 399, 431, 432, 447 Piofin (v. 205-170 av. J.-C.) 160-162, 164, 175, 178, 204, 205, 333, 385
Plus-value 436 Politique 70,139 Polythéisme 176 Postulat pratique 367 Portique 156 Préconscient 474 Prédestination 70
Présocratiques 80, 103, 105, 160, 400, 443, 503 Processus dialectique 400
Production (conditions de, mode de, moyens de, rapports de) 432
Projet philosophique 46, 86, 104
Prolétaires 433, 436, 438
Propriété privée 438
Protagoras (v. 485-410 av. J.-C) 82
Protestantisme 366
Psychanalyse 470, 480, 503
Pulsion, vie pulsionnelle 470, 472
Pythie 71
Q
Qualités (primaires, secondaires) 297, 315
R
Radhakrishnan, Sarvapalli (1888-1975) 164
Raison 50, 51, 62, 107, 108, 111, 112, 131, 185, 209, 266, 270, 274,
307, 352, 361, 365, 381, 411, 430, 483 Raison (dynamique, objective, subjective) 404, 406 Rationalisme, rationalistes 50, 88,11 2, 266, 233, 294, 295, 298, 306,
350, 351, 360, 361, 366, 372, 401, 470 Rawls, John 439 Réalité (principe de) 472 Réforme 227, 244, 366 Refoulé, refoulement 472-475, 477, 478
Renaissance 198, 201, 227, 229-233, 245, 259-261, 267, 380, 381,
385, 497, 498, 506 République (la) 111
Rêve (contenu latent, contenu manifeste) 478, 479 Révolution 350, 354 Rhétorique 81
Romantisme, romantiques 347, 372, 380, 381, 383 388, 393, 396, 405,419
Rousseau, Jean-Jacques (1712-1778) 300, 350-352, 331, 385 Ruskin, John (1819-1900) 456 Russell, Bertrand (1872-1970) 311
S
Salomon (v. 970-931 av. J.-C.) 182
Sartre, Jean-Paul (1905-1980) 347, 496-501, 503
Saul 182
Scepticisme, sceptiques 82, 268, 510
Schelling, Friedrich Wilhelm Joseph von (1775-1854) 385, 386, 388,
396,399,415,429 Schiller, Friedrich von (1759-1805) 382 Sémites 179-181 Sénèque (v. 4 av. J.-C.-65) 157 Sens (monde des) 108,11 1,128,129, 160, 263 Shakespeare, William (1564-1616) 261, 262 Snorre, Sturlasson (v. 1179-1241) 176, 177,199 Social-démocratie 438, 439
Socialisme 438 Société (critique de la) 82
Socrate (v. 470-399 av. J.-C.) 80-90, 94-99, 101 -104, 111, 113, 152, 155, 156-158, 160, 185, 186, 206, 266-268, 272, 276, 282, 351, 415, 420, 429, 478, 503, 554, 555 Sophia215, 335, 336
Sophistes 81, 82, 86, 87, 89,1 03,1 04, 268 Sophocle (v. 496-406 av. J.-C.) 94
Spinoza, Baruch (1632-1677) 259, 265, 267, 280-285, 287, 288, 294,
295,315,360,385,397,413 Stade (éthique, esthétique, religieux) 419-421 Staline, Joseph Vissarionovitch Djougatchvili (1879-1953) 430 Stoïciens 156-158, 160, 187, 188, 203, 285, 351, 366 Subconscient 474 Sub specia alternitatis 288
Substance, substance élémentaire 47, 52-56, 63, 283-285, 295, 400
Superstructure 431 -433 Surréalisme (Premier Manifeste du) 480 Surréalistes 483, 509 Syncrétisme 154 Synthèse 401
T
Tabula rasa 296 Taoïsme 163
Tchouang-tseu (ive s. av. J.-C.) 263 Thalès (v. 625-545 av. J.-C.) 48, 49, 53, 394 Thèse 401
Thomas d'Aquin (1225-1274) 208-210, 212-214, 216, 227, 267, 274, 366, 503
Thucydide (v. 460-400 av. J.-C.) 72 Tolérance 281,298 Tragédie 71
Transmutation des valeurs 496 Traumatisme 477 Triade 401
Thor 38-42
u
Un 161,162 Univers 32
V
Védasl76
Vérités subjectives 416, 418 Vidéo 177,178
Vinci, Léonard de (1452-1519) 246 Vivekananda, Swami (1862-1902) 163 Volonté (libre exercice de la) 66,111, 287,316 Voltaire, François Marie Arouet (1694-1778) 300, 350, 351 Vrai et faux 82,368,370, 402
W
Welhaven, Johann Sébastian (1807-1873) 383 Wergeland, Henrik (1808-1845) 383
X
Xénophane de Colophon (v. 570-480 av. J.-C.) 42 Xerxès, roi perse (v. 519-465 av. J.-C.) 93
Z
Zenon (v. 335-264 av. J.-C.) 156 Zeus 42,176
(Photo © Jerry Bauer/Seuil)
Fiche d'identité
Jostein Gaarder est né à Oslo en 1952. Il enseigne la philo sophie et l'histoire des idées dans la région de Bergen, en Norvège. Il mène parallèlement ses activités d'enseignant et sa carrière littéraire, les deux lui apparaissant indissociables. En tant qu'écrivain, il se sent en effet investi d'une mission pédagogique au meilleur sens du terme.
Pour Jostein Gaarder, enseigner la philosophie aux enfants et aux jeunes gens est une nécessité urgente. C'est seulement si nous situons nos brèves vies dans la perspective globale de l'humanité que nous pouvons supporter l'idée de la mort. Il tente de combattre cette idéologie qui consiste à juger les gens sur ce qu'ils FONT plutôt que sur ce qu'ils SONT.
Le Monde de Sophie, qui l'a définitivement consacré auprès de la critique et du public, témoigne particulièrement bien de l'objectif pédagogique qu'il s'est fixé.
Ses principales œuvres, inédites à ce jour en France, sont les suivantes :
— le Diagnostic, recueil de nouvelles (1986) ;
— les Enfants de Sukhavatiet le Château des grenouilles, deux romans dejeunesse (1987) ;
— le Mystère de la patience, roman dejeunesse également qui marque le début de sa percée dans le grand public (1988).
La philosophie : le rock'n roll des années 90 ?
par Jostein Gaarder
Quand j'écrivais le Monde de Sophie, j'avais le souci de ramener la philosophie sur le « forum » — là où elle est née. Mon ambition était d'écrire une simple histoire de la philoso phie occidentale adaptée à la jeunesse à partir de quatorze ans et, de préférence, à toute la famille. Ma devise était : « La philosophie pour tous ».
Pourquoi n'ai-je pas alors écrit un ouvrage philosophique, en d'autres mots, un manuel scolaire facilement assimilable ? Pourquoi ai-je écrit un roman ?
J'ai d'abord essayé d'écrire un manuel scolaire, mais ça ne marchait pas. Je me souviens de la première phrase que j'avais écrite : « Les êtres humains se sont toujours posé des questions existentielles... » Mais, non — il fallait trouver autre chose. Pendant un temps, j'ai écarté ce projet. Puis Sophie m'est apparue, sur le chemin de retour de l'école. Dans la boîte aux lettres, elle trouve une petite note où la question est posée : « Qui es-tu ? » Un peu plus tard le même jour, elle trouve une autre note où est inscrite une nouvelle question : « D'où vient le monde ? » Pour Sophie, ce sont des questions importantes et légitimes. Et dès lors, le roman et l'essai philosophique étaient lancés d'un même jet. Bientôt, la moitié de l'histoire de la philosophie occidentale se trans forme en un cours par correspondance. Sophie rencontre un professeur de philosophie mystique, Alberto Knox, et le ter rain est préparé pour des dialogues philosophiques et une intrigue romanesque plutôt complexe.
Tandis que j'écrivais le Monde de Sophie, j'étais certain d'une seule chose : cet ouvrage ne serait jamais un best-seller. J'étais convaincu que vraisemblablement il « tomberait entre les tabourets », comme on dit en Norvège. Mais je m'étais honteusement trompé : c'est bien en place sur tous les tabou rets qu'il est tombé et on l'a lu à la fois comme un manuel scolaire et comme un roman, comme un ouvrage pour les enfants comme pour les adultes, aussi valable pour l'école que pour les loisirs. En Scandinavie, en Allemagne, en Italie et en France, un nombre considérable d'exemplaires a été imprimé et l'ouvrage est devenu un pur produit populaire.
Je m'empresse de dire que ce succès n'est pas essentielle ment dû au mérite du livre, qui a, bien entendu, ses points forts et ses points faibles. Mais c'est son genre même — ou plutôt l'absence de ce genre d'ouvrage — qui a clairement mis en évidence un manque. Je crois que nous assistons à l'émergence d'un besoin pour un genre radicalement nouveau d'éducation populaire.
Alors que je travaillais au Monde de Sophie, un magazine de mode norvégien intitula un article « Philosophie, le rock'n roll des années 90 ? ». Et j'ai senti que ce titre touchait à quelque chose d'essentiel en cette fin du siècle. Nous voyons aujourd'hui se dessiner une quête tâtonnante pour trouver de nouvelles réponses à de vieilles questions. En Europe occidentale, on atteste qu'une partie du monde se doit de reconstruire une société entièrement nouvelle. Gorbatchev remarquait que l'Occident aussi a besoin d'une « peres troïka » — ou de quelque chose de radicalement neuf. Il avait peut-être raison. Dans ce cas, une profonde réflexion mentale et un approfondissement intellectuel s'imposent.
Nous vivons dans une société qui en aucun cas ne manque de culture. Au contraire : cette génération produit plus de cul ture qu'individuellement assimilable. Mais nous risquons de perdre nos points d'ancrage communs.
Toutes les sociétés ont besoin d'un forum où les pensées et les idées peuvent s'affronter. A l'origine, la place du marché était un lieu de rencontre, de la façon la plus concrète. Dans la société moderne, la place du marché a perdu cette qualité directe. Puis la radio est apparue. Quand j'étais enfant, nous n'avions en Norvège qu'une seule station de radio. Puis est venue la télévision. Radio et télévision ont sans nul doute enrichi notre culture : nous avions trouvé là un nouveau forum, un nouveau « totem ». Puis tout a explosé. En quelques décennies, les stations de radio et les chaînes de télévision se sont multipliées.
Mais est-ce que cela nous a rendus plus avisés pour autant ? Nous avons un champ de liberté de choix qui ne cesse de s'élargir, mais nous avons aussi perdu quelque chose d'essen tiel. Nous avons perdu le lieu de rencontre. Peut-être la tradi tion historique s'est-elle substituée au rôle de tremplin joué par un lieu d'échanges. Même si nous ne savons pas toujours où nous allons, il peut être utile de savoir d'où nous venons.
La philosophie est bien trop importante pour être consignée dans les rassemblements poussiéreux des académies et insti tutions, loin du tumulte extérieur. Où se trouve aujourd'hui la philosophie normative qui ouvre le débat sur ce qui constitue « l'intérêt de la vie » ?
Je crois que bien des philosophes vont regagner la place du marché. En Europe, nous avons eu de nombreux exemples récents de philosophes professionnels qui osent à nouveau être normatifs.
Le but de la mission de la philosophie n'est pas de parvenir à des conclusions pesantes. En soulevant d'importantes ques tions et en encourageant l'analyse critique, cependant, chacun peut progresser dans la compréhension de ce qui est valable et de ce qui est digne d'un engagement.
Il y a quelque chose de profondément démocratique dans le projet philosophique : il a un lien direct avec tous les gens simplement parce qu'il aborde les questions concernant tout le monde.
« Le Monde de Sophie et la critique
Une science consommée du suspense
« Gaarder a eu recours aux ficelles et astuces des meilleurs auteurs de romans policiers. Avec une science consommée du suspense, digne des plus fins limiers, non dénué de sens poé tique proche du Petit Prince, notre auteur a bâti un récit romanesque enveloppé de mystère. Un peu à la manière des poupées russes, les chapitres de "philosophie appliquée" s'emboîtent les uns aux autres dans le récit, sous forme de dialogues "socratiques". Tenu en haleine par le développe ment de l'intrigue principale, le lecteur "avale la potion" sans qu'il y paraisse. »
Vera Kornicker, le Figaro littéraire Ludique et fantastique
« C'est le premier roman sur l'histoire de la philosophie telle qu'on a toujours rêvé qu'on la conte aux enfants... C'est un récit gigogne ludique et fantastique, une fable dont les personnages sont à la fois des paysages mentaux et des êtres de chair, et qui se nomment : Démocrite, Platon, Aris tote, saint Augustin, Copernic, Kant, etc. L'ouvrage est une réponse cinglante à tous ceux qui doutent de la nécessité de rendre la philosophie populaire, accessible à tous, joyeuse et poétique. »
Philippe Petit, l'Evénement du jeudi
La magie est là
« S'il y a assurément un truc, la magie est là : ce livre fait bien bel et bien penser. Il a le rare mérite d'aiguiser chez les jeunes lecteurs le goût d'aller s'abreuver ailleurs, à la source même des idées. Dans un style sans prétention, Gaarder réus sit ce que peu de pédagogues savent faire : éveiller l'interro gation sur soi-même, susciter le désir de réagir à la routine quotidienne, célébrer l'étonnement, qui est, on le sait, le pri vilège des fous, des philosophes et des enfants... Le Monde de Sophie n'est pas le manifeste d'une génération, mais il mérite, en tout cas, de figurer parmi ses livres de chevet. »
Dominique Simonnet, l'Express
Un thriller
« Un thriller qui irait de Démocrite à Sartre, une course- poursuite à la recherche d'une vérité toute proche et perpé tuellement en fuite. Une histoire pour enfants qui n'est autre que l'histoire de la pensée, des Grecs à nous... le mérite du livre est d'être aussi un roman, et pas simplement une intro duction, dialoguée et familière, à la philosophie... Merci, monsieur Gaarder. »
Roger-Pol Droit, le Monde