UN PISTOLET PEUT EN CACHER UN AUTRE

Elle est à la tribune.

Putain, cette secousse ! Un tailleur légèrement parme, chemisier jaune. Des micros en arc de cercle devant son pupitre. Elle cause. Bien ! De choses fortes qui viennent t’agacer le bout du cœur. Elle déclare à ces doctes glandeurs rassemblés que le tiers-monde, c’est pas de la nourriture qu’il faut lui porter, mais les moyens d’en fabriquer. Et elle ajoute que celui qui agit par pitié avec les déshérités de la planète ferait mieux d’aller se faire cuire un œuf. Les crève-la-faim elle affirme, Marie-Marie, c’est pas des dons qu’il leur faut,mais leur dû ! Et les birboches ponctuent ses déclarations d’applaudissements nourris (eux !). Note que les birbes le sont vachement aussi. Y a que les niacouais qui la pilent sur leurs terres ingrates.

Moi, elle me fascine, ma merveilleuse. Sa personnalité s’est affirmée. On la sent vibrante d’énergie. Passionnée. Promise à un grand destin.

Au fond de la salle, y a un gazier debout près de moi. Un chafouin poilu, avec les yeux qui se croisent les bras, et des sourcils qu’il n’a pas recoiffés depuis huit jours. Il grommelle des trucs. Je tends l’esgourde. Il murmure : « Elle se prend pour Marie-France Garaud, cette gonzesse. Elle ferait mieux de tailler des pipes ! »

Prenant l’attention que je lui voue pour un intérêt complice, il a le tort de me prendre à témoin :

— Ces pétroleuses qui jonglent avec les grands sentiments humanitaires, moi j’ai envie de leur coller ma queue dans la bouche pour les rendre muettes. Feraient mieux de se faire enfiler que de nous interpréter leur berceuse. D’autant que celle-là est bien foutue, vous ne trouvez pas ?

— Si, conviens-je, avec un maximum de sincérité.

— Vous ne lui colleriez pas la grosse, vous ?

— Si, répété-je.

— Et moi donc ! Vous avez vu son pétrousquin quand elle est montée а la tribune ? Vous voulez que je vous dise ? Car on sent qu’on peut parler avec vous ! Ce que j’aimerais, c’est la prendre en levrette. Je m’y vois déjà.

— Pas moi, assuré-je.

— Vous ne vous y voyez pas ?

— Moi, si, mais c’est vous que je ne vois pas dans cette posture, vieux ! C’est pas le genre de môme à se farcir des chimpanzés !

Il cesse de sourire et de bavocher. Il attend que je compte jusqu’à dix et finit par lancer :

— Pardon ?

— Hein ? je lui demande.

— Vous avez dit que c’était pas le genre de fille à se taper des chimpanzés ?

— Ben, oui. C’est l’évidence même. Un vilain-pas-frais comme vous lui ferait une propose, elle en gerberait son quatre-heures, la pauvrette !

— Vous me cherchez ?

— Absolument pas.

— Vous croyez peut-être que je vais me contenter de ça ?

— Si ce n’est pas suffisant, je peux y ajouter ceci.

Comme je me tiens à son côté, t’ai-je dit, j’exécute un demi-pas en avant, afin de me détacher de lui, je replie mon bras droit et lui balance mon coude dans le tarbouif. Mais alors, la toute grande pétée. Il accueille cette livraison d’os avec un cri escamoté.

— Chut, fais-je, n’importunez pas l’oratrice.

Ce qui l’impressionne le plus, c’est que je ne me suis même pas retourné pour apprécier les éventuels dégâts. Je reste debout à côté de lui, offert а ses représailles.

— Sors dehors ! il m’enjoint, la voix ébréchée.

— Si je sors dehors, je te rentre dedans, rigolé-je, ce qui n’est pas nouveau comme humour, mais qui remplit toujours son office.

Dès lors, il se croit autorisé à m’administrer un ramponneau à l’estomac. Jeu d’enfant que de le parer d’une minuscule esquive pivotante. Me souvenant opportunément que je porte mon ravissant trench-coat d’officier, à épaulettes, qui me donne l’air grand reporter sous la une, j’en palpe les poches. Mes gants de cuir fourré s’y trouvent. Je sélectionne le droit, l’enfile posément tandis que cette basse charogne me file un coup de saton dans le mollet. Moi, qu’à peine ébranlé, je dirige ma dextre gantée en direction de sa braguette et, non sans répulsion, lui saisis les bourses. Il en trimbale un beau paquet, façon sous-préfet[1]. J’attrape l’ensemble de ma main puissante et me livre simultanément à une double action : je comprime et tords.

Ton ami Sana a toujours joui d’une force peu commune dans les mains. Il déchire comme une pochette d’allumettes les jeux de cinquante-deux cartes et broie une poignée de noix pour en extraire deux litres d’huile !

Là-bas, ma chère Marie-Marie lance sa conclusion à la tribune, de sa belle voix chaleureuse et harmonieuse.

— Comprenons-le bien, dit-elle. Chaque enfant du monde qui souffre de la faim devient automatiquement notre enfant !

— Vrouhhhaa ! fait l’assistance conquise en applaudissant à tout rompre, comme on dit.

Que je me demande à quoi ça correspondait, ce « tout rompre » au départ.

— Vraouiouiouilllle ! hurle le gonzier dont j’exprime le jus de bumes.

Lui, il n’applaudit pas : il s’évanouit sous l’intensité de la douleur et glisse entre quelques personnes et moi.

— Il est malade ! s’exclame un Belge opportun qui a de la présence d’esprit.

Je remets mon gant avec l’autre.

— La chaleur, dis-je, au Belgium. Y a des gens qui ne supportent pas.

— Il écume ! note le vaillant fils du roi Boudin.

— Alors ce doit être du delirium, diagnostiqué-je.

— Il faut aller chercher du secours ! conclut le Belge[2].

— Inutile, certifié-je. Ça va lui passer comme ça lui est venu.

— Il est tout vert.

— Parce que ses symptômes s’accompagnent d’une poussée chlorophyllique à dégagement poreux.

— Vous êtes docteur ?

— En épiphanie concentrée ; c’est moi qui ai opéré le conservateur de la tour Eiffel lorsqu’il a eu une inflammation de la pointe.

Mon interrolocuteur me dédie une mimique de considération. Dès lors, nous enjambons le chafouin pour nous retirer, car la conférence est terminée.

Je m’attarde dans l’immense hall du palais des causettes jusqu’à ce qu’apparaisse ma bien-aimée. Elle est cernée par une armada de vieux crabus qui la complimentent et la sollicitent pour d’autres prestations.

Je fends la foule des admirateurs.

— Mademoiselle, fais-je, votre voiture est avancée ; vous avez tout juste le temps si vous voulez avoir votre vol.

De me voir surgir au milieu de ses podagres, ça la scie, Marie-Marie. De surprise, elle ouvre les yeux et la bouche. Mais avant qu’elle profère, je la happe et l’entraîne.

Fectivement, je dispose d’une guinde dans le parking, muni d’un chauffeur. Il est vaudois, mon taximan, avec des favoris blond cendré, une casquette sommée d’un petit bistougnet marrant, des lunettes posées au bord de son tarin fourbi au saint-saphorin. Il porte un gros cache-nez de laine bleue et il écoute religieusement sa radio qui raconte le dernier match de Xamax contre les Constipés de Bavière.

Marie-Marie prend place. Je claque la portière, contourne l’arrière du bahut pour aller m’asseoir à son côté.

— L’aéroport, dis-je.

Elle laisse éclater sa surprise.

— Toi à Genève, si je m’attendais !

— Il faut toujours t’attendre à tout de ma part !

— Tu vas prendre l’avion ?

— Textuel.

— Pour Paris ?

— Montréal.

— Tu pars pour le Canada ?

— Toi aussi !

Je tire de ma vague deux billets Swissair, first classe, les feuillette.

— Je ne rêve pas : il y a bien ton nom écrit là-dessus, non ?

— Mais, Antoine !

— Il n’y a pas de « mais », ma chérie !

— J’ai des rendez-vous, cet après-midi !

— Je te les ai décommandés.

— Je n’ai pas pris mes bagages !

— Ils sont dans le coffre du taxi !

— Mon hôtel…

— Je l’ai réglé.

— II ne fallait pas, je suis prise en charge par…

— Par moi ! Les autres n’existent pas, n’ont jamais existé, n’existeront jamais !

— Tu es fou !

— Totalement, et de toi !

— Qu’est-ce qui t’arrive ?

— Une enquête. Une de plus. Excitante ! Une affaire très bizarre.

Et, chemin roulant, je lui narre la mésaventure survenue à Justin Petipeux, fermier ardéchois, de même que l’attentat perpétré contre le général Boniface Chapedelin à Bruxelles.

— Le type de la voiture de sport jaune et son compagnon de voyage ont parlé de l’aéroport de Genève. Je me suis rabattu sur l’aérogare. Dans le parking de durée illimitée j’ai déniché une Lotus jaune, immatriculée dans les Alpes-Maritimes et pourvue d’un porte-bagage chromé. Comme l’un des occupants annonçait son départ pour Montréal, je me suis fait remettre la liste des gens qui ont pris le vol d’hier. Astucieux, hein ?

— Et alors ? veut-elle en savoir plus.

— L’un des noms correspondait avec celui du propriétaire de la Lotus que la préfecture de Nice m’a fourni.

Elle sourit, éblouie.

— Tu es vraiment un flic de premier ordre, Antoine !

— Penses-tu l’enfance de l’art ! Même ton oncle Béru aurait agi de la sorte.

— Et tu vas à Montréal pour retrouver le bonhomme en question ?

— Gagné !

— Tu feras quoi de lui, si tu le déniches ?

— J’essayerai d’apprendre qui a tué le général Chapedelin, et pourquoi. Au besoin, je préviendrai d’autres actions de ce genre, car je pressens une machination.

— Et qu’est-ce qui motive mon déplacement à moi ?

— L’amour que je te porte, Tourterelle à col bleu.

— Tu sais que j’ai des occupations…

— Je le sais puisque je suis ta principale occupation. Tu dois t’occuper de moi, Marie-Marie. J’en ai besoin.

Elle pose sa tête contre mon épaule. Sa main cherche la mienne, nos doigts s’entrecroisent. A la radio, il passe une déclaration de Gilbert Facchinetti, le big boss du Neuchâtel-Xamax, rapport à l’achat d’un joueur bulgare qui viendrait renforcer sa défense la saison prochaine. Le chauffeur se retourne pour nous dire que c’est une belle acquisition. Lui, s’il avait l’argent, il n’hésiterait pas. Je lui réponds que je saurai quoi lui offrir pour Noël. Il rigole et je roule une pelle à ma conférencière.


Le vol doit faire escale à Zurich. Partant à treize plombes de Genève, nous devrions nous poser à quinze heures trente à Montréal par le jeu du décalage. J’achète une belle boîte de Suchard[3] en duty free à ma compagne. Elle fait semblant d’être contente, mais les petites frangines de cet âge ont trop le souci de leur ligne pour se laisser envahir par des calories de complaisance. On passe dans le satellite qui nous concerne en parcourant un long cheminement sur le tapis roulant. Ce départ à deux m’émoustille bougrement. Ça ressemble déjà à un voyage de noces ; sauf que la noce sera pour le retour !

On attend dans la grande rotonde vitrée. Notre zinc est à pied d’œuvre, avec les gonziers habituels qui s’agitent autour pour les bagages, le plein de schizophrène (comme dit Béru), les vérifications diverses. Une vingtaine de minutes s’écoulent, puis le vol est appelé. Comme on voyage en first, nous laissons grimper les touristes avant nous. Ils queuleuleutent, leur brème çl’embarcade à la main. Ça s’écoule assez vite car le gros des passagers grimpera à Zurich.

Juste au moment où l’on annonce que ça va être au tour des first, un mec courtaud, trapu, broussailleux, survêtu d’un imper blanc dûment constellé de taches, s’avance en trimbalant un commandant — case noir. Il marche précautionneusement, kif le funambule traversant sur un fil le Grand Canyon du Colorado.

Nos regards s’accrochent et on frémit. Le mec en question n’est autre que le chafouin à qui j’ai malmené les roustons, y a une heure. C’est tellement énorme de se retrouver dans ce satellite, en partance pour le Canada, lui et moi, que notre animosité passe au second plan.

— Le monde est petit ! il me lance.

— Non, fais-je, c’est le hasard qui est grand !

Il vient d’apercevoir Marie-Marie à mon côté et pige, rétrospectivement, la motivation de mes réactions belliqueuses pendant la conférence.

Et alors tu sais quoi ?

— Je m’excuse, il murmure, je ne pouvais pas savoir…

Je lui décroche la mâchoire, lui passe les claouis au mixer, et il s’excuse, le chéri !

— C’est moi qui vous demande pardon, riposté-je.

Il a un sourire douloureux.

— J’aurais tant aimé avoir des enfants, il dit.

— Vous croyez cette aspiration compromise ?

— Hum, j’en ai peur. Arrivé à Montréal, j’irai consulter.

Je lui adresse un clin d’œil amical :

— Dans l’hypothèse où vous seriez inapte à la reproduction, je me ferais un devoir d’assurer votre descendance à votre place.

— Merci, mais si j’en juge d’après madame, je ne pense pas que ma bonne femme soit votre genre.

Et il presse tant bien que mal le pas pour aller tendre sa carte à l’hôtesse.

Marie-Marie, curieuse comme une pie borgne, me demande des explications. Je les lui fournis. Quand elle sait qu’elle est à l’origine de la découillation du chafouin, elle se sent lourde de remords.

— Tu es d’une jalousie féroce !

— Si j’avais été tellement jaloux, c’est le larynx que je lui aurais broyé, ma chérie !


On bouffe un frichti… de première, arrosé d’une tête de cuvée pas dégueu. N’ensuite on somnole, tempe contre tempe jusqu’au-dessus du Labrador, féerique de blancheur sous le soleil.

Pendant sa dorme, la Musaraigne m’a désuni et sa tête est maintenant appuyée contre le volet baissé de l’hublot.

Du temps qu’elle en écrase, je décide d’aller changer l’eau du poisson rouge. Les chiches des « first » étant occupées, je me rabats sur celles des « business ».

Je laisse ma vessie s’exprimer à loisir et, ensuite, me lave les mains, selon les principes que m’a inculqués Félicie, laquelle est une maniaque de l’hygiène. Ayant procédé à ces ablutions, j’empare des feuillets de papier destinés à sécher mes mains, les jette ensuite dans le réceptacle réservé à cet usage. N’aussitôt, j’émets un juron charretieur.

Il y a de quoi ! En me fourbissant les phalanges, j’ai enlevé ma chevalière, cadeau de m’man, et l’ai balancée en même temps que le faf froissé. J’aurais dû me méfier. Depuis que j’ai maigri de trois kilogrammes, elle ne tient plus bien à mon auriculaire. On peut pas croire, la façon que ça se répartit (ou départit), le poids ! Tu perds six malheureuses livres qui ne modifient pratiquement pas ton apparence, et tes bagouzes se font la malle !

Alors bon, je décroche le réservoir à déchets et, pour gagner du temps, le renverse sur le sol de la minuscule salle d’eau. Fébrilement, je défroisse les serviettes usagées, ce qui me permet de découvrir deux Tampax en fin de carrière, un glave qui ferait chialer de jalousie un belon triple zéro, et, enfin — Dieu en soit loué —, ma chevalière.

Soucieux de la conserver, je la passe dans la chaîne d’or à maillons marine que m’a offerte une dame fortunée particulièrement satisfaite de la manière dont je lui avais amidonné le frigounet.

A présent, il s’agit de tout remettre en place. Je refous droit le bac émaillé et entreprends de ramasser les rectangles de papelard souillé. Au moment de les jeter dans le récipient, je reste en inachevance de geste. Façon chien Pluto, avec une papatte à l’équerre et les oreilles en ailes de cigogne. Je suis un policier en arrêt. A force d’arrêter les autres, je finis par m’arrêter moi-même.

Tu conviendras qu’il y a de quoi, lorsque je t’aurai dit qu’au fond du vide-ordures se trouve scotché un pétard gros comme la bite à Béru. T’admettras bien que ce genre de découverte n’arrive qu’à moi, hein ? Enfin quoi ! Je viens licebroquer dans un cagoinsse qui ne se trouve pas dans mon secteur ; je me lave les pognes, m’essuie, perds ma chevalière, m’en aperçois illico, la cherche ! Et…

La somme de hasards qui m’a conduit infailliblement à dénicher cette rapière pour safaris est prodigieuse. Cosmique ! C’est toi qui viens d’ajouter cosmique ? Eh ben t’as raison : c’est cosmique, en effet.

J’arrache le sparadrap pour récupérer l’arme. Tu parles d’un joufflu hors gabarit ! Fabrication italienne ! Y a qu’un bersagliere pour se trimbaler une telle bombarde sur la hanche ! Je retire le chargeur. Huit bastos dont chacune est de la dimension de mon petit doigt. T’en glaviotes une dans le pucelage de l’avion (Béru dixit) et le zinc part en sucette !

Je retire les quetsches du chargeur et les empoche. N’ensuite, je sors mon knif suissaga et me mets à bricoler le percuteur du feu de telle sorte que si on lui confie un nouveau chargeur plein, il ne sache plus qu’en faire. Après quoi, j’efforce de remettre les choses en état ; me faut lutter avec les bandes adhésives qui adhèrent plus lerchouille, mais bon, ça peut cadrer.

Je replace les détritus, et me voilà sorti des chiches avec l’air béat d’un constipé sauvé par le Pursénide Sandoz.

De retour à ma place, je hèle l’ouvreuse, une blonde jolie toute pleine, comme dit le Mammouth, qui se nomme Gretter, si l’on en croit le macaron fixé sur son flotteur gauche.

Je lui refile en douce ma carte professionnelle dans le creux de la main. Au début, elle croit qu’il s’agit d’un billet polisson comme quoi j’aimerais lui faire craquer la moniche en arrivant à Montréal, mais la texture du document l’en dissuade.

— Voulez-vous montrer ceci au commandant de bord et lui dire que j’aimerais lui parler d’urgence, et discrètement ?

Étant suisse alémanique, elle met un bout de temps à concevoir mon propos. Pour faciliter le transit cérébral, je lui répète en allemand, en espagnol et en anglais. Alors elle risque une zœillée sur ma carte, sourit à la photo avenante qui l’illustre, devient grave à la lecture du mot police qui le traverse et s’en va vers le poste de pilotage.

En moins de jouge, et encore, elle me prie que le commandant Ziebenthal m’attend.

C’est un gars de belle prestance, la quarantaine, le cheveux dense et blond, le regard pâle. Il est en bras de chemise et ses muscles en saillie font comprendre qu’il n’est pas encore la proie des charançons. Il me conçoit d’un regard pénétrant et me salue d’un hochement.

— Quelque chose qui ne va pas ? s’informe-t-il avec un accent germanique qui pourrait resservir encore cinq ou six fois sans avoir besoin de passer à la vérification de gutturance.

Je tire la poignée de balles de ma fouille et les jette dans sa casquette posée à l’envers sur une console d’excroissance.

— Oui, ça ! lui dis-je.

Un grand « V » se dessine au-dessus de son nez aquilin. Son copilote, du genre poupin, fait entendre un « tssst tsssst » réprimandeur, comme t’en adresses un au garnement qui fout le feu au journal de son grand-père pendant qu’il s’est assoupi. Le radio, lui, ses écouteurs aux oreilles, ne s’est aperçu de rien. Il continue « d’alfa tanguer » imperturbablement.

J’explique au commandant la nature de ma découverte.

— Vous aviez des doutes ? il s’enquiert.

— Non. C’est le hasard.

Mais il ne me croit pas. Je ne serais pas poulardin, d’accord, il admettrait la fortuité. Mais un drauper qui lui ramène une poignée de balles en chiquant au hasard, lui, ça lui ferait souiller son beau slip blanc à fines rayures bleues que raffolent les hôtesses.

N’en moins, il prend pas la rose en chiant, le commandant Ziebenthal.

— Vous pensez que nous devons redouter une tentative de détournement ?

— C’est à craindre.

— Ce qui me déconcerte, c’est que nous voilà au-dessus du continent américain où, Cuba excepté, et encore j’en doute, aucun État ne consentirait à accueillir des pirates de l’air.

— Soyons vigilants tout de même. Dans combien de temps arrivons-nous à Montréal ?

— Deux petites heures. Pour quelle raison avez-vous laissé le pistolet en place ?

— Pour avoir une occasion d’arrêter l’homme qui chercherait à détourner l’avion. S’il ne trouvait pas l’arme, il renoncerait à son projet.

— Vous avez un moyen de le neutraliser ?

Je lui montre ma paire de poings.

— A partir du moment où son feu est inutilisable, ces deux bricoles devraient suffire.

— Et s’ils sont plusieurs ?

— Vous allez prévenir les stewards. J’ai cru remarquer qu’ils étaient jeunes et convenablement baraqués. Donc, ouvrons l’œil. Pourrais-je disposer d’un tournevis ?

— Pour quoi faire ?

— Convenablement manié, il peut devenir une arme.

L’officier me désigne un trappon dans la cloison sur lequel se silhouette une clé à molette.

— Servez-vous.

Je tombe alors sur une trousse à outils bien garnie. M’empare d’un tournevis et d’un marteau à manche court. Je pose ce dernier près du commandant.

— Confiez ce machin-là à l’un de vos garçons de cabine ; il le passera dans sa ceinture, sur le côté, ça ne tient pas de place et c’est d’une grande efficacité quand il le faut !


Ma mie vient de se réveiller et consulte le magazine de Swissair obligeamment distribué aux passagers. Là-dedans, y a un reportage formide sur l’élevage de la moule à crinière espagnole.

— D’où viens-tu ? demande-t-elle.

— Visite de politesse au commandant.

Le dommage, c’est que je tourne le dos au chiotte où est planqué le pistolet. Je ne peux pourtant pas monter la garde devant !

Un à un, les stewards se rendent dans le poste de pilotage où les a mandés le commandant. Je loue la mine indifférente qu’ils affichent en sortant. Rien, sur leur visage, ne trahit la plus légère contrariété.

Sur l’écran, on lit la marche de l’avion au-dessus de la planète. Il s’inscrit sur une carte de l’Amérique du Nord, s’efface pour reparaître une seconde plus tard, et le pointillé qui le suit s’est imperceptiblement allongé.

— Tu sembles aux aguets, note ma fine mouche.

J’aime qu’elle soit consciente de mes sentiments. Alors, très succinctement, je lui raconte l’historiette.

— Tu crois qu’il va y avoir un coup de main ?

— Ça me paraît assez inévitable. Loger cette arme dans la poubelle des toilettes représente une performance ; on ne l’a pas accomplie pour la peau !

Elle ne semble pas effrayée le moins du monde, ma gonzesse.

— Ce ne sera pas un homme isolé qui agira, dit-elle.

— Pourquoi ?

— Seule une organisation structurée peut bénéficier de complicités extérieures, tu ne crois pas ?

— Certes, mais qui nous prouve que la mission du terroriste impliqué ne peut pas être perpétrée par un seul individu ?

Elle se saisit de ma dextre.

— Mon Dieu, Antoine, sais-tu à quoi je pense ? Suppose qu’il y ait d’autres armes dans d’autres toilettes ?

Boum ! La bombe ! Et messire l’Antonio, bellâtre de pacotille, qui pavanait comme un caon (ou un pon), M’sieur Tonio, sûr de lui et dominateur, tout aise d’avoir neutralisé un feu, chique les guerriers blasés.

— Dans quelle toilette as-tu déniché le pistolet, chéri ?

— Business tribord.

Elle se lève.

— Je vais aller regarder au businesse bâbord.

Je la laisse dégager. Le qui-vive me cogne aux tempes. Pourquoi cette pensée ne m’est-elle pas venue ? Tu trouves que je suis réellement un commissaire d’élite, toi ? J’aurais pas un peu de mou dans la corde à nœuds, des fois ?

Penché dans la travée, je regarde s’éloigner ma compagne. Elle se rend devant le gogue déterminé. Il est occuped. Elle poireaute. Ce que voyant, une connasse d’hôtesse de merde lui indique du doigt que le second chiche est libre. Alors, prompt comme un éclair au chocolat, je fonce vers le deuxième cagoinsse et y entre. Du temps que j’y suis, je vais vérifier si le pétard est encore là.

Il n’y est plus !

Conclusion : le coup de main va se produire ! A moins que le terroriste fonctionne seul et qu’il se soit aperçu que le pistolet n’est pas chargé. Mais s’il avait constaté la chose, n’aurait-il pas laissé l’arme en place, puisque, non seulement elle ne peut lui servir à rien, mais qu’en outre elle est susceptible de le faire repérer si on la découvre en sa possession ?

Boudiou ! Ce qu’il faut penser vite et beaucoup dans ce putain de métier ! Penser en trombe ! Penser d’instinct. Penser sans y penser !

Marie-Marie me rejoint, perplexe.

— II existait un second pistolet, fait-elle, et on l’a déjà récupéré.

— Comment sais-tu qu’il y en avait un ?

— Du papier adhésif en boule dans la poubelle des toilettes !

Bien cadré ! Digne de devenir femme de flic, la merveilleuse !

Qu’en désespoir (d’angoisse et) de cause, elle tire sa minaudière de son sac pour se refaire une beauté. Comme si elle en avait besoin ! Si belle, avec des traits purs, et plein de jeunesse sur toute sa personne.

Je phosphore comme toute une boîte d’allumettes. S’il y a des pirates de l’air dans ce zinc, que cherchent-ils ? Le commandant Ziebenthal a raison : nous détourner pour aller où ? L’objectif ne saurait être quelque pays arabe : nous n’avons plus suffisamment de carburant pour en rallier un ; et puis il eût été fou d’attendre que nous ayons franchi l’Atlantique pour perpétrer leur forfait. Ils avaient beau jeu de braquer l’équipage peu après le décollage.

J’en suis là, à quelques centimètres près, de mes réflexions, quand voilà un monsieur qui se penche sur moi. Veste sport en cachemire, polo de soie jaune. Il a le visage allongé, les tempes qui commencent à grisonner.

II me braque à l’aide d’un parabellum (ne pas confondre avec un para bel homme) qui n’est pas l’arme que j’ai neutralisée.

— Celui-ci fonctionne parfaitement, m’avertit-il en anglais.

La phrase est d’une éloquence gigogne. Elle sous-entend qu’il sait que j’ai découvert et rendu inopérant l’autre feu.

Il ajoute :

— Madame est arrivée trop tard dans la seconde toilette.

Il a un regard noir, avec un petit serti vert pâle autour de l’iris d’un effet étrange. Cela incommode.

Il reprend :

— Vous allez vous lever et venir avec moi dans la cabine de pilotage pour expliquer au commandant que cette arme est parfaitement opérationnelle et qu’il doit, pour la sécurité de tous, se conformer à mes indications. Car vous lui avez parlé du premier pistolet et il se tient sur ses gardes. Je sais que vous êtes un homme impulsif, mais vous auriez tort de jouer les héros, vous n’ignorez pas les conséquences que peut avoir une balle tirée dans le fuselage d’un avion pressurisé ?

Je fais la moue. J’enrage ! Fabriqué comme un bleu !

C’est le moment choisi par Marie-Marie pour balancer le contenu de sa minaudière dans la frime de l’homme. Un nuage de poudre ocre nous sépare. Le gusman a morflé la cargaison dans les châsses, la bouche, les narines. II suffoque comme un phoque loufoque baissant son froc sous le foc. Prenant appui des deux mains sur mes accoudoirs, je réussis une poussée de bas en haut qui ferait chialer de joie Archimède. Mon crâne télescope son menton. Coup de feu ! Merde ! Le zig fléchit sur ses genoux comme s’il m’implorait. L’arme qu’il tenait a chu. La balle tirée à la désespérée s’est enfoncée dans le dossier du siège placé devant moi. Pas de conséquences fâcheuses. Merci, Seigneur ! J’administre à mon tagoniste une manchette sur la nuque. Ça le foudroie.

Je le refoule dans la travée. M'incline pour ramasser le pétard gisant sur le sol. Un pied se pose dessus. Je relève la tête. Un second zig, armé d’un pistolet, me darde vilainement. Miséricorde (à piano) ! L’arme n’est pas non plus celle que j’ai cigognée naguère !

Dis voir, le D.C. 10 en était truffé ou quoi ?

Le nouveau venu, c’est pas le style du premier. Il a la gueule d’un supporter de l’équipe de foot de Liverpool. Blond-blanc, une peau de rouquin, de la couperose. II avait des projets pour devenir albinos et puis il s’est fait recaler à l’oral. C’est pas un pistolet qu’il m’ajuste à dix centimètres des trous de nez, prêt à m’en confectionner un troisième, mais un revolver à barillet nickelé. Les balles de cuivre scintillent à la lumière de ma lampe de siège.

— On se calme ! dit-il.

Maintenant, ça commence à frémir autour de nous, dans les first. Le premier gonzier avait agi dans la discrétion et passait inaperçu. Cet hooligan en polo vert, aux bras roux tatoués (l’œuvre représente la relève de la garde devant Buckingham Palace) et au jean plus roux que sa peau à l’emplacement de la braguette, ne prend pas de précautions.

Cette fois, je me dis que cette jolie histoire d’amour vire au désastre. Mon prévoyage de noces risque de ressembler à un enterrement sans musique.

Le supporter du Liverpool Football Club attend, sans me quitter de l’œil de son Colt, que son compagnon reprenne ses esprits, ce qui ne tarde pas. Et puis voilà que tout s’île de beuté[4]. Un steward nommé Rudi Menthère, de Lucerne (Bouche-du-Rhône), marié à une fille Teintligen (la grosse chaîne d’épiceries du canton de Berne), père de trois enfants, se pointe délibérément, tenant le marteau que j’ai laissé au commandant.

— Faites gaffe, lui crié-je, ce feu-là est chargé !

Si je lui avais hurlé l’avertissement en allemand, sans doute lui aurais-je sauvé la vie. Hélas ! je le lui ai dit en français-argot, et lui c’est pas son dialecte d’érection. Te dire : quand il a passé la matu, il a eu 2 à sa version française ! N’entravant que pouic, il marche droit au rouquin, le marteau dressé.

L’autre, pas l’ombre d’une hésitance. La praline fatale. Il a défouraillé si vite que j’ai à peine discerné son geste. Déjà il me rebraque. Le malheureux steward a une plaie que n’importe quel romancier de mes deux qualifierait de « béante », en pleine bouille, juste au-dessus du nez. Les passagers d’autour de lui sont tout éclaboussés de sang. Une dame de la bonne société zurichoise (y en a pas de mauvaise en Suisse), avec un chapeau de feutre vert à plumes qu’elle a conservé durant le vol, un foulard Hermès et une laine beige, pousse des cris de trident.

Un troisième personnage s’élabore dans l’affaire. Lui, plutôt le style indien. Barbiche, moustache. Des lunettes noires cerclées d’or. Il tient le pistolet que j’ai chinoisé. Il flanque une formidable mandale à la dame couineuse pour la faire taire.

Bon, va falloir développer ce bigntz, à présent. Que tout s’organise. Le premier type a complètement récupéré, sauf qu’il a des yeux de lapin russe à cause de la poudre que lui a propulsée Marie-Marie. Il récupère son arme et, suivi de l’Indien, gagne le poste de pilotage. Lui suffira de montrer au commandant qu’il dispose de deux feux pour que celui-ci réalise la situation. Le steward а la tronche pétée corroborera la sombre réalité si le pilote se retourne pour mater la travée.

— Tu vois que j’avais raison ? murmure Marie-Marie, d’une voix tranquille.

Nerfs d’acier, volonté d’airain ! C’est pas de la femmelette à tirer l’après-midi de cinq à sept (de saint cassette), mais une frangine décidée. La pure race des amazones ! Filles du feu ! Guerrière ! Walkyrie. Pas besoin de lui faire respirer des sels, de lui bassiner les tempes au vinaigre, comme on faisait aux gonzesses des anciens temps quand elles chopaient leurs vapeurs ! Marie-Marie, la vapeur, elle lui sort des naseaux.

Le gars qui me couche en joue, calme l’effervescence montante en termes d’une grande sobriété et chargés de volonté :

— Vos gueules ! Le premier qui bouge est mort !

Quand tu déclares cela après avoir fait éclater la tronche d’un chef steward, père de trois enfants qu’il emmenait chaque année au cirque Knie, tu es sûr d’être pris au sérieux. Tu les vois démener, les écoutes vociférer : des leaders syndicaux ou politiques, des chefs d’entreprise, des maris trompés, des bavards, des cons, des autres, tu te tapotes le menton. Blabla, zozoterie, fumée ! De la couillerie guimauve ! Des rodomontades rémoulades ! Du vent ! Du pet inodore ! De l’absence en forme de rien du tout ! Les derniers gus que tu prends en considération, c’est le chirurgien t’annonçant qu’il va falloir t’ablationner un rein, ou le contrôleur du fisc t’assurant d’un redressement imminent. Les autres brandisseurs de présages, menaces ou promesses, tu les conchies, les compisses, les enduis d’éjaculations fougueuses et de crachats de belle densité. Tu t’exerces à les haïr, même si tu es un foncièrement gentil ; pour le sport, par honnêteté morale et respect humain.

Et bon, le calme étant imposé, il règne dans les first. La nouvelle de la piraterie ne s’est point encore propagée au-delà du rideau bleu séparant les classes !

Le supporter de l’épique équipe de Liverpool se tient acagnardé au dossier qui me fait face. II dit :

— Plus tard, tu paieras ce que tu as fait à mon ami, et ta pute également. Toi, je te tirerai une balle dans le ventre. T’auras un trou large comme ma main au milieu de tes tripes. Elle, faudra qu’elle me suce à fond avant que je la liquide.

— Tu devrais te méfier, dis-je. Telle que je la connais, elle te coupera le zob d’un coup de dents et tu n’auras plus que ta gueule en guise de tête de nœud !

Il sourit.

— T’es un marrant, hein ?

— On le dit si souvent que ça doit être vrai, réponds-je modestement.

— Ce que j’aimerais te craquer la cervelle tout de suite !

— N’abusez pas trop des coups de feu, une balle malencontreuse risquerait de faire exploser l’avion !

— Et après ?

— Ben, après, plus rien, évidemment.

— Et après ?

Là-dessus, les haut-parleurs du bord retentissent et la voix du commandant, à peine altérée par l’émotion, annonce :

— Ici votre commandant qui vous parle. Un incident va nous contraindre à modifier notre plan de vol. Nous sommes sous la menace de pirates de l’air armés qui exigent que nous changions de cap. Je prie les passagers de conserver leur calme et de se conformer aux exigences des gens qui nous tiennent à leur merci. Que chacun garde confiance.

II a jacté en allemand, répète en anglais, puis en français. C’est à peine si on perçoit un moutonnement de frayeur dans l’appareil. La nouvelle sidère les passagers des autres classes encore ininformés. L'Indien aux lunettes noires sort du poste de pilotage et marche vers l’arrière du D.C. 10 en brandissant le feu inutilisable (mais les gens ne le savent pas).

Je note que la carte de l’Amérique du Nord projetée sur l’écran disparaît. On ne peut plus suivre la marche de l’avion. Le soleil se déplace et notre hublot ensoleillé s’assombrit. J’ai idée que le zinc amorce un radical changement de cap. On piquerait plein nord que ça ne me surprendrait pas.

Sous ma coiffe bretonne s’élabore l’alchimie magique des idées. Un mec d’action, tu peux pas l’empêcher de phosphorer, de combiner, d’échafauder. Moi, froid aux châsses ? Jamais avec mon Damart[5].

Je me dis ceci : les pirates sont au nombre de trois. Celui que je suppose être leur chef reste dans le poste de pilotage, le second me tient à l’œil, tandis que le troisième va chiquer au loup-garou dans les autres classes. Ce dernier possède une arme bidon. Si bien que si je parviens à neutraliser le voyou blondasse, n’ayant rien à craindre de l’Indien, je pourrai ensuite me consacrer au chef.

Diviser pour régner.

Ils se sont eux-mêmes divisés.

J’ai droit à un régime de haute surveillance spécial car ces gentilshommes de fortune savent qui je suis. L’homme aux tempes grises me l’a pratiquement dit.

L’os réside dans l’expérience du supporter liverpoolais (l’hiver poulet). Il en a, c’est évident. La manière qu’il me braque à distance, ne trompe pas. Je serais foudroyé avant de pouvoir terminer un geste désarmeur. D’autant qu’il ne demande qu’à perforer cet « arrangement de chair » (comme écrit Cohen) qui me constitue si harmonieusement. Alors, attendre !

Je prends une position confortable, jambes allongées, mains croisées sur le bas-ventre. J’ai assez de force de caractère pour fermer les yeux.

Le hooligan m’interpelle :

— Hé ! flic !

Je soulève mes stores. Il se fend le pébroque.

— T'espères quoi ? il demande.

— Dormir, que je lui réponds.

Je m’en torche qu’il soit indupe. Ce qui importe, c’est de puiser dans son capital patience, comprends-tu ?

Si on analyse nos deux situations, la sienne, malgré l’appoint du revolver, n’est pas tellement plus enviable que la mienne, après tout. D’abord, il est en plein brigandage, et moi j’ai la parfaite sérénité de l’âme. Il est sur le qui-vive, étant environné de plusieurs centaines de victimes, et moi je n’ai que l’inconvénient de ces trois yeux fixés sur ma personne. Enfin, il est debout, et moi vautré.

Non, je te jure que ça baigne pour ma pomme !

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