L'hôtel du Dragon Couillonné à Hong Kong.
Dans la salle réservée au karaoké.
Une dizaine de clients, en partie asiates, sinatrisent Strangers in the night, ravis de se découvrir une admirable voix. L’interprète qui chante le plus fort est un Japonais gras comme un sumo, aux cheveux oléaginés, dont les yeux doivent être la réplique doublée de son trou du cul. Il est accompagné d’une mignonne entraîneuse au nom poétique de Gling-Gling, ce qui. traduit du mandarin, signifie : « éjaculation matinale sur une feuille de nénuphar ».
Nonobstant ce couple d'un soir, sont également présents : une famille pakistanaise, deux jeunes mariés italiens en voyage de noces, un évêque anglican avec sa tétineuse de membrane, et enfin un Français corpulent (mais moins que le Japonouille), originaire de Normandie, rouge et à l'étroit dans un smoking n'ayant pas suivi les péripéties de sa surcharge pondérale.
L'air fameux emplit la pièce. Des éclairages compliqués ponctuent la musique de diarrhées lumineuses.
Les assistants se divertissent au sein de cette cacophonie à laquelle ils contribuent. Les hommes, tu l'auras peut-être noté, sont toujours disposés à se croire parés de dons. Ceux-là ne se savaient pas crooners et c'est un grand sujet de fierté pour eux que de le constater. L'inventeur de cet appareil a fait énormément pour la vanité universelle.
Et voilà qu'au plus poignant de la chanson, il se passe une chose stupéfiante, donc rarissime : au beau milieu d'une strophe, le Japonouille explose.
Je sais, cette déclaration paraît difficilement concevable par un individu comme toi, qui baise sa femme à l'horizontale et prend ses vacances en août. Pourtant elle est incontournable. L'obèse vient bel et salement d'éclater ! Le bruit a été sourd tel un pet sous les draps. Sur l'instant, on pense qu'il s'est pris une bastos explosive dans le baquet. Mais non. La détonation s'est produite à l'intérieur de son ventre. Un cratère considérable s'opère dans sa bedaine. Sa limouille au plastron amidonné, sa large ceinture noire, le haut de son futal à bande de soie, déchiquetés, ne contiennent plus ses entrailles fumantes, lesquelles glissent lentement sur le tapis avec un gargouillement « silencieux », semblable à celui que provoque un pénis en éruption dans une chaglatte venant de jouir.
Curieusement, l'homme conserve sa verticalité, probablement parce qu'il n'est point mort. La douleur plisse ses paupières.
Les chanteurs se sont tus. La dame pakistanaise s'évanouit, vu que son sari blanc et or est instantanément couvert de sang et de matières qui couperaient l'appétit à un chacal affamé. L'horreur croît. L'évêque gerbe. La musique imperturbable continue de se dévider.
Le gros Français au smoking trop juste se précipite pour retenir « l'explosé ». Son mouvement brusque fait éclater son bénouze, découvrant à l'assistance prostrée un cul inslipé mais toisonné d'astrakan.
Réaction inévitable : la plupart des clients se sauvent, redoutant probablement une seconde déflagration.
Le Japonais n'en finit pas de clamser. Ces gens-là ont tellement l'habitude de s'harakirier qu'ils parviennent à vivre un certain temps avec la brioche béante.
Sa copine Gling-Gling, de saisissement, fait pipi sur le tapis tout en claquant des ratiches.
Un serveur qui apportait des rafraîchissements laisse choir son plateau à la vue du drame. Le gros Franchouillard pète si fort que le barman se jette à plat ventre, croyant à une détonation d'arme à feu.
Bientôt la Police se pointe et le tohu-bohu se calme.