Elle dépose son appareil sur un meuble de verre et se dirige vers le bar du living pour se servir un porto exceptionnel, réservé uniquement à son usage personnel.
Le rare breuvage a été transvasé dans un flacon ingrat pour passer inaperçu. Quand elle a des invités, elle leur sert un scotch de qualité, puis se verse une forte dose de son nectar, laissant entendre à ses hôtes qu'il s'agit d'une vague mixture, presque d'une médication. Elle va jusqu'à réprimer une grimace de dégoût en l'avalant.
Son verre en main, elle revient à sa télé interne. Une petite fumée, assez faible, inscrit ses volutes dans la geôle.
Elle actionne la touche chargée d'élargir le champ. Plan général de la pièce. L'Anglaise découvre son prisonnier au sol. Il gît, à demi déculotté et baignant dans son sang.
Lors, elle achève son rarissime porto et se rend dans la chambre du meurtre télécommandé.
Odeur d'explosif et de mort.
Elle en raffole. Une griserie l'emporte. Elle regarde la pièce dévastée, confusément surprise par les caprices de l'explosion. Le lit de cuivre déchiqueté en son milieu ; l'homme foudroyé a eu la région du bas-ventre saccagée. Il continue de perdre son sang en abondance.
La Britiche vient jusqu'au cadavre d'un pas glissant. Trouve le spectacle d'une réelle beauté. Ce sexe magnifique, dont les proportions la rendent nerveuse, n'a pas abdiqué et reste dilaté, tendu dans l'agonie. Des spasmes l'agitent. Tableau tragique, féroce ! La meurtrière s'agenouille, trempe le bout de ses doigts dans l'affreux liquide avant de porter la main à sa gorge et d'y tracer des arabesques pourpres. Puis, suce sa dextre shakespearienne en poussant des râles de jouissance.
Elle agit avec une lenteur indicible, de plus en plus proche de la pâmoison.
Après avoir réitéré de nombreuses fois cette répugnante manœuvre, elle prend le phallus dans sa bouche et lui accorde une fellation que les plus suaves courtisanes des XVIIe siècle et arrondissement n'ont même pas soupçonnée.
Qu'en découle-t-il ? si l'auteur libertin peut s'exprimer ainsi.
Le blessé passe de la mort « cruelle » à la mort « voluptueuse ».
Mais oui, messieurs-dames, c'est comme ça.
J'étais commotionné par l'explosion : le cerveau dévissé ; les yeux en billes de grelot ; la notion de tout submergée par la notion de rien ; les feuilles de chou débranchées ; des fourchettes à escarguinche enfoncées dans les tympans ; la manne liquoreuse tournée sauce gribiche.
Malgré cela, je me devais la vie sauve.
A moi et à personne d'autre. Sais-tu porqué ?
Parce qu'à la révélation de la bombinette implantée dans ma cuisse, je n'ai fait ni douze ni treize. Ai sorti, en douce, mon Opinel, l'ai ouvert, et me suis livré, sans défaillir, à un charcutage de ma personne. Dur, dur, mon pote, d'enquiller de l'acier dans sa viande et de s'y découper un morcif d'homme de trois centimètres de diamètre sur deux d'épaisseur. Sans me vanter, je connais pas des masses de gus capables d'une telle automutilation.
La Mémé ne se pose pas de questions. Elle me démoniaque le nougat en fauvissant du tarbouif. Une lionne en rut !
Cette décapeuse d'aubergines, mamma mia ! Elle dévore, fouissant, rugissant, glapissant, tout en se barbouillant de mon raisin.
J'ai dû m'évanouir lorsque j'ai eu pratiqué ce trou dans mon cuissot. Et ce, sans cesser de jacter pour donner le change, je te le fais remarquer !
Eh bien, ton Sana éblouissant, mon très cher frère, il emplâtre miss Siamoise avec un tel brio que la rombiasse pousse des gueulées d'orfraie. Elle déclare, à s'en fissurer les cordes vocales, les soufflets et la gargante, qu'elle n'a jamais joui d'une manière aussi forte. Mon dard (que j'appelle également « mon gros Frédéric ») est un épieu incandescent planté dans sa babasse. Sa moulasse est loin d'être du produit de tripier. C'est vachement flexible, brûlant, captateur. Préhensile, tiens, je cherchais. Kif une main ! Sûr qu'afler pareille ramonée, va falloir la mettre en hibernation, Coquinette ! Qu'elle refroidisse un brin après cette traversée de l'enfer. Elle serait en métal, elle fondrait !
L'emplâtrage cosaque la rend si bruyante que ses larbinuches se pointent, craignant un assassinat. J'ignore s'ils avaient vu tirer leur patronne auparavant, mais je peux te déclarer sous la foi du serment et le tiroir de la commode, qu'ils n'en reviennent pas. Faut dire que l'exercice de Mémé époustouflerait l'homme-tronc qui a gravi l'Everest l'an dernier !
Vient de se mettre à la califourche sur ma chopine, la darlinge. Les cuisses ouvertes à l'extrême. Elle a déchiré le haut de sa robe pour dégager ses bouées de signalisation marine. Divine surprise : comparés à ses flotteurs, ceux de Mlle Ferrari auraient l'air de deux blinis froids. Tu croives que c'est à la violence de son excitation qu'on doit d'aussi extravagantes protubérances, Hortense ?
Pardonne-moi de ne pas pousser plus avant mon descriptif salace, mais il risquerait de choquer les gens huppés qui me lisent, telle Son Altesse la princesse Pilar, sœur du roi d'Espagne, en compagnie de laquelle j'ai eu le privilège de dîner récemment.
Notre étreinte se poursuit, puis se prolonge et, peu après, se répète sans qu'en diminue la farouche intensité.
Les valets se sont assis en tailleur (de pipes) sur le parquet et regardent se développer nos figures. Cette baise dantesque, perpétrée à l'aide d'une carabine à viande d'un calibre insoupçonné d'eux, les émerveille, sidère, intimide, pétrifie. Se retiennent de broncher et de parler. Ont conscience d'assister à un haut fait de la race blanche. Grâce à nous, l'Occident retrouve sa place prépondérante. Imagine-toi la scène, Arsène : ce couple ruisselant de sang et de sueur, en folie de rut. Tragique allégorie de l'amour triomphant des affres de la mort ! Nous sommes peints en rouge comme des Indiens en fate, fous d'une exaltation indicible. Mémé jette toutes ses réserves dans la joute, fait feu de la chatte et du michier.
Je cherche à identifier ses plaintes et ses cris. Qu'exprime-t-elle ? Un mot, un seul, qui comporte quatre lettres en français et trois en anglais :
— Tout ! Tout ![22]
Et sais-tu ce que c'est, « Tout », en pareille aventure ? Non ? Approche ton oreille, sois vraiment conque pour une fois ! « Tout », ça signifie : « Fondons-nous en un seul corps, prends ma substance et donne-moi la tienne ! Qu'un seul feu nous consume ! »
Seigneur, combien cette criminelle est sublime dans son total dépassement : cet être du Mal, cette tueuse glacée est ennoblie par sa folie des sens. Ce « don vorace » de soi confine à une rédemption. Déesse de la brosse, elle rayonne.
Nous nous abîmons dans le plus profond épuisement. Un à un, les domestiques, fascinés, se retirent pour annoncer au monde qu'ils ont assisté au plus formidable coït depuis que l'homme a marché sur la terre !
C'est à peine si, dans mes tréfonds, une question vacillante se pose à moi :
« Et maintenant ? »