Nous ne connaissons ni le jour ni l'heure

c'était ce que répétait Raphaël. Parfois me revient à l'esprit la prophétie du Conseiller avant l'expulsion de Campos, telle que me l'avait racontée Raphaël. Un rêve tellement effrayant que le vieil homme était apparu tout nu sur le seuil de sa maison, le corps en sueur, les yeux grands ouverts et vides, comme s'il était devenu fou. Dans son rêve, le volcan était sorti de son sommeil de cinquante ans et s'était mis à vomir lave et cendres sur la Vallée, par une brèche ouverte dans la montagne, ensevelissant les champs et la ville sous un flot noir.


Après vingt-cinq ans d'absence, je reviens. Une vie passée à enseigner l'histoire et la géographie dans le Collège Alphonse-Allais de Blainville (département de Seine-Maritime). Ma mère s'est éteinte doucement, douloureusement, des suites d'une maladie qui l'a rongée de l'intérieur (cancer du rectum). Elle a rejoint ma grand-mère Germaine et mon grand-père Julien au cimetière de Montreuil, où la famille Bailet possède une concession perpétuelle. En rangeant les papiers accumulés dans le petit pavillon, j'ai retrouvé des documents concernant mon père, Alain Sillitoe. Des photos, des papiers, et quelques lettres, dont une, envoyée par ma mère et portant, à côté d'une adresse postale à la zone du canal de Panama, un cachet rouge qui disait : undelivered, return to sender. Je m'en souviens, c'était une chanson chantée par Elvis Presley dans mon adolescence. Je n'ai pas osé ouvrir l'enveloppe et lire la lettre qu'elle contenait.

Je savais qu'Alain Sillitoe n'avait pas été un héros. J'ai cessé très tôt de croire à la légende pieuse de sa mort à la guerre. J'ai su, je ne me souviens pas comment — peut-être une allusion de mes camarades de classe — qu'il s'était enfui à l'étranger, qu'il avait eu une autre vie. Ma mère n'a jamais reçu de pension, ni de décoration. Elle n'avait jamais menti, sa seule compromission a été d'accepter — sous la contrainte de sa belle-mère — que je marque, dans tous les documents me concernant pour l'école, à la rubrique « profession du père » la mention : décédé.

Ce père fluctuant, vagabond, infidèle — le temps de toute façon ayant fait son oeuvre — ne me causait aucun problème, juste une légère amertume quand je pensais au vide qu'il avait laissé dans le cœur de ma mère. Voyant cette enveloppe revenue sans avoir touché son destinataire, j'ai eu un éclair de lucidité : c'était donc pour ça, pour cette adresse au bout du monde, que j'avais décidé d'aller en Amérique centrale, que j'avais choisi le fleuve Tepalcatepec pour mon travail de recherche à l'OPD. La futilité de ma décision m'est apparue, et je crois en avoir même souri.


Je n'ai pas le désir de remonter la piste. J'ai brûlé dans la cheminée toutes les lettres, les papiers, les photos. J'ai préféré imaginer quelque part dans le vaste monde, dans un pays que je ne connaîtrai jamais, une vieille femme, des enfants, mes demi-frères et mes demi-sœurs. Je ne sais pourquoi, cette idée m'a fait du bien. Il me semblait qu'elle s'accordait à mes convictions, à ma foi dans la communauté du réservoir génétique humain, donc à la négation de toute tribu ou de toute race. Et puis il y avait là une part de hasard qui est pour moi la valeur philosophique fondamentale. J'ajoute, pour l'anecdote, que n'ayant pas engendré d'enfants, je me sentais dégagé de tout risque futur de consanguinité.


J'ai donc entamé mon deuxième voyage de géographe, au terme de mon existence. Si la croyance des Africains (des Peuls notamment, selon Amadou Hampâté Bâ) est avérée, et que je sois effectivement, passé soixante-trois ans, un mort ambulant, j'ai tout lieu de penser que c'est là mon dernier voyage. Je ne ferai pas de coupe à travers une vallée aride, ni de carte pédologique d'une île. Peut-être ferai-je une conférence sur la deuxième plus grande barrière de corail du monde, celle du Belize, pour la Société géographique de Rouen, en souvenir de l'explorateur Camille Douls.


Le temps n'est plus le même. Du moins, j'ai le sentiment qu'aujourd'hui le temps m'est trop court À Belize, je n'ai pas cherché un bateau de pêche pour renouveler le voyage du Laughing Bird. J'ai implement chartérisé une avionnette Piper pour me rendre d'un coup d'aile sur l'île de la Demi-Lune. Vu de mille mètres de haut le lagon est une merveille. Il peut ressembler, pour un esprit porté à la rêverie, à un miroir inversé sous un ciel nocturne. Sur le bleu laiteux, les chapelets d'îlots flottent comme des constellations, d'Ambergris jusqu'aux récifs de Tabacco, Colombus, Mosquito.

Mon pilote est un ex-militaire de l'armée de l'air israélienne. Il parle un anglais rugueux, manœuvre brutalement. Quand il a su mon métier, il a voulu me donner une leçon de géographie vivante, et il a basculé son avion pour me montrer la grande barrière. Il est habitué à conduire les touristes aux lieux de plongée, à Amber-gris, à Turneffe. Que je sois monté dans l'avion sans le barda habituel du plongeur l'a laissé perplexe.

L'atoll du Phare est envahi par les bateaux de tourisme, vedettes rapides, catamarans. Ce sont eux qui ont pris la place des pêcheurs de langoustes. Quant aux trafiquants de drogue, ils ont été relégués dans le folklore. Aujourd'hui l'autoroute des dealers va directement de la Colombie jusqu'au cœur des grandes villes nord-américaines. Il ne reste guère que de vieilles barques aux voiles rapiécées qui abordent les bateaux des touristes pour essayer de leur vendre la même pacotille qu'on trouve sur toutes les avenues, et des cigarettes rances importées du Brésil.

Sur le Cayo de la Demi-Lune, par un hasard miraculeux, il n'y a personne. L'avionnette atterrit contre le vent sur la piste de corail, au milieu d'un vol de mouettes. L'îlot est désertique, rasé par les alizés. Tandis que mon pilote somnole sur le siège de l'avion, je marche le long des récifs noirs jusqu'à la pointe la plus au nord. Traverser l'île est impossible à cause de la broussaille et des lianes.

Par endroits, je trouve les restes de pique-niqueurs indélicats : boîtes de bière rouillées, bouteilles, sachets de plastique. J'avance courbé sous le bruit du vent et de la mer, et à cet instant je me demande comment les voyageurs de l'arc-en-ciel, malgré toute leur bonne volonté, ont pu croire qu'ils allaient fonder sur ce caillou aride les bases de leur futur royaume. Je ne vois même pas les oiseaux qui ont rendu l'île célèbre, ces fous à pattes rouges, dont les habitudes sont, il est vrai, plutôt nocturnes.

La plage sous le vent est maintenant devant moi, une maigre bande de corail concassé plutôt grise que blanche, qui réverbère la lumière du soleil. Je reste un bon moment, le dos au vent, à rêver au bûcher sur lequel s'est consumé le corps du Conseiller. Ce qui subsistait de ses ossements a dû finir broyé dans ce faux sable, à moins que cela n'ait été emporté par les seuls habitants terrestres de l'île, les crabes tourlourous.

En marchant vers la piste, à la pointe sud, j'ai découvert dans un creux de rocher, au pied d'un cocotier, un vieux filao rabougri, noirci, noueux, et j'ai sans aucune raison imaginé qu'il avait été planté là par Raphaël, en mémoire de Jadi. Pendant le vol de retour, j'ai interrogé mon pilote sur ce qu'il savait des gens qui avaient habité ici autrefois. J'ai dû mal expliquer, parce qu'il m'a parlé des camps de mennonites de Blue Creek et de Spanish Lookout, dans la forêt, en ajoutant qu'il pouvait m'y conduire sans problème. J'ai bien compris que le peuple arc-en-ciel n'avait laissé aucun souvenir, que le vent les avait emportés. J'ai décidé de ne pas retourner à la Vallée. Il y a des endroits où, qu'on y ait été heureux ou malheureux, il n'est pas possible de revenir, de se contenter d'être de passage. Les nouvelles que j'en ai reçues de seconde main ne sont pas bonnes. La crise économique, l'émigration, le pouvoir grandissant des banques ont fait leur œuvre. L'Emporio a changé de domicile. Après la mise à l'écart de Don Thomas, les anthropologues ont décidé que la vieille demeure patricienne des Verdolagas, avec ses hauts plafonds tendus de toile et sa fontaine d'azulejos, n'était pas assez académique. Ils ont construit à grands frais un édifice moderne, façon bunker en ciment, hors de la ville, sur d'anciens terrains maraîchers. En changeant de domicile, l'Emporio a changé de nom. Il s'intitule désormais, un peu pompeusement, El Centro de Docientes, c'est-à-dire le Centre du Savoir. Quant à Don Thomas, il s'est retiré dans son village de Quitupan, aux sources du río Tepalcatepec. Il vit là-haut, au milieu de ses livres, entouré de ses petits neveux et de ses petites nièces, et reçoit la visite de quelques fidèles.

Juan Uacus, à qui j'ai téléphoné via la cabine longue distance d'Arantepacua, m'a dit qu'il avait vu Don Thomas quelques jours auparavant. Il va bien, sauf qu'il a pratiquement perdu la vue à cause de son diabète. Il paraît qu'il a parlé de moi et a dit à Uacus qu'il s'attristait de ne pas recevoir de lettres. J'ai réalisé qu'il a à peu près l'âge du Conseiller au moment de son expulsion de Campos. Il m'a semblé que, d'une certaine façon, il y avait un lien logique entre l'aventure de l'Emporio et celle de Campos.


Je marche sur la plage verte, en portant Cattleya sur mes épaules. C'est la fin du jour, les vagues tombent mollement sur le sable. Un vol de pélicans est passé au ras de l'eau, une escadrille lourde qui avançait en caquetant, et j'ai couru le long de la plage en tenant Cattleya par les mains, et elle riait aux éclats. La rumeur de la ville de San Juan nous parvient en un grondement assourdi, cela pourrait être aussi bien le bruit de la mer en train de ronger les récifs.

Cattleya est la dernière adoptée par Dahlia. Sa mère est morte à l'hôpital quand elle avait dix mois. Les prises de sang ont révélé qu'elle était atteinte elle aussi. De son vrai nom elle s'appelle Catalina, mais Dahlia a choisi de lui donner un nom de fleur, peut-être en souvenir de l'amour de Swann et d'Odette que je lui avais fait lire quand nous habitions ensemble. Elle est aussi brune que la fleur est blanche, mais je trouve que le nom lui va bien. Elle est pleine d'amour. Elle a quatre ans, une drôle de frimousse et une tignasse toute frisée. Elle m'a tout de suite adopté. Elle m'appelle son oncle Dani. Chaque matin, je viens la chercher à la maison de Loíza, et je l'emmène au bord de mer. Je lui montre les oiseaux, nous ramassons les coquillages laissés par la marée. Au début, elle court dans le sable en criant, et au bout d'un moment elle se fatigue, et je la juche sur mes épaules. Et puis c'est moi qui suis fatigué.

Nous nous asseyons sur la plage. En été les touristes sont rares, à cause du mauvais temps. Quelques vendeurs ambulants, parfois des familles dont les enfants se baignent à la lame en poussant des cris stridents. J'aime bien Cattleya. Elle n'a pas besoin de creuser le sable, de faire des pâtés. Elle peut rester assise des heures, à compter ses coquillages, ou simplement à regarder autour d'elle. Elle parle toute seule, un drôle de babil où elle mêle les mots en anglais, en espagnol, les quelques mots de français que Dahlia lui a enseignés. J'écoute sa langue chantée, et je me souviens de ce que les gens de la Vallée avaient dit à Raphaël et à Oodham, quand ils avaient entendu la langue d'elmen : je parlais comme cela quand j'étais petit. Sans doute les enfants sont-ils toujours prêts à réinventer le langage.

Je suis venu à Porto Rico sans savoir exactement pourquoi. Non par nostalgie, ni par curiosité. Je dirais par hasard, si cela signifiait quelque chose. La maison de Loíza est bien telle que la décrivait Dahlia autrefois.

C'est une grande case de bois avec varangue et balcons, et un toit de tôle ondulée peint à la rouille. II n'y a pas de ces fioritures ni de ces balustres que les gens riches de San Juan font ajouter à leurs villas pour faire colonial. C'est une maison ordinaire d'autrefois, avec de hautes portes-fenêtres qui ferment mal, et qu'il faut protéger avec des volets mobiles à chaque fois qu'un ouragan menace. Dahlia me dit que du temps de sa grand-mère Roig, c'était un magasin de comestibles et de quincaillerie, avec les chambres à l'étage. À la mort de sa mère, les frères de Dahlia voulaient vendre le terrain à des promoteurs qui auraient construit une résidence d'appartements à louer. Mais elle a tenu bon. Elle était revenue au pays pour cela. Elle a commencé par accueillir des enfants en difficulté, des familles, surtout des femmes abandonnées ou battues, parfois droguées. Elle s'occupait en même temps des sidéennes à l'hôpital. Maintenant, la maison est trop petite. Elle sert de crèche pour des enfants très jeunes, d'école maternelle. Dahlia a recruté des aides dans tous les pays, en Amérique latine, en Europe, au Viêt Nam. Elle a même un professeur de chant, une Japonaise du nom de Michiko.

Quand je suis arrivé, je n'ai pas reconnu immédiatement Dahlia. Pourtant, je n'ai eu aucune hésitation. Elle a toujours ses yeux d'un brun très clair et très doux. Sa vivacité, cette façon qu'elle a de marcher avec nonchalance, en traînant ses chanclas, la tête un peu penchée de côté.

Elle n'a pas eu l'air étonnée. Elle ne m'a pas posé de questions sur ma vie, elle n'a pas évoqué le passé. Elle est prise dans un tourbillon, elle n'a pas le temps de s'attendrir. J'étais venu pour une journée, deux tout au plus. Je suis resté. C'est Cattleya qui m'a retenu. Pour moi qui ai traversé l'existence sans me reproduire — je crois que j'en avais même fait ma justification, ne pas avoir contribué au surpeuplement et au malheur de cette planète —, l'irruption de cette poupée vivante et solitaire m'a ému à un point que j'ai du mal à admettre.

Dahlia n'a pas eu d'autre enfant. Fabio est aujourd'hui un homme, il est agent commercial dans une grande maison d'import-export en Floride, il s'est marié, il a des enfants. Son père, l'ex-révolutionnaire, est anthropologue, il enseigne à Tegucigalpa, à moins qu'il ne soit déjà, lui aussi, à la retraite. Quant à Angel, personne ne sait rien de lui, mais je n'ai pas de mal à l'imaginer chauffeur de taxi à San Salvador. C'était le sort de beaucoup d'anciens combattants de la révolution sandiniste.

Le soir, Dahlia et moi nous parlons un peu, assis sous la varangue, en écoutant la rumeur de la ville. Je crois qu'elle a eu des amants et des amantes, et qu'ils ont glissé sur elle sans laisser de traces. L'action qu'elle avait entreprise pour reconquérir sa dignité et arracher Fabio à l'emprise d'Hector est devenue peu à peu le centre de sa vie, la raison qu'elle a trouvée pour justifier son passage sur la terre (cela dit un peu grandiloquemment, car pourquoi y aurait-il une raison à un phénomène naturel ?).

Dahlia est une vieille femme. Mais le temps ne l'a pas usée. Elle qui était maigre et nerveuse comme une chatte de gouttière est devenue une femme corpulente. Sur son visage les traits des mélanges se sont accentués. Elle a quelque chose de Marian Anderson, dans le front bombé, le regard, la masse des cheveux qu'elle coiffe en chignon. Elle a aussi le teint cuivré des Caraïbes, l'aigu du profil andalou. Ce qui n'a pas changé, c'est le dédain qu'elle manifeste pour les emblèmes de la soi-disant féminité : elle ne porte toujours pas de bijoux ni de boucles d'oreilles. Ses habits sont la version adoucie, pour ainsi dire quotidienne, de la tenue de combat : un pantalon de grosse toile « relax fit », une chemise à manches longues aux poches bourrées de papiers, de crayons à bille. Aux pieds, des tongs.

Elle me parle des enfants qu'elle a vus grandir, des filles qu'elle arrache au trottoir, des femmes qu'elle accompagne jusqu'à la mort à l'hôpital. Je comprends qu'elle a troqué sa vie pour la vie des autres. Elle les écoute, elle est leur intermédiaire avec les fonctionnaires et les politiciens. Elle écrit des lettres, elle sollicite des emprunts aux banques, des moratoires pour les dettes impossibles à payer. Elle gêne sûrement, et j'imagine que pour beaucoup elle est l'ennemie.

C'est dix heures du soir, je suis avec elle, et il y a encore des filles qui viennent lui parler, des appels au téléphone, des décisions à prendre. Tout à coup je m'aperçois que les années qui nous séparent n'ont pas d'importance. Pour certains êtres, le temps ne s'écoule pas de la même manière. L'amour que j'ai ressenti pour Dahlia s'est arrêté à un point, il y a très longtemps, et n'a plus changé.

Elle doit penser la même chose, ou bien c'est la cubita que nous buvons en souvenir d'autrefois, parce qu'elle dit en riant à moitié : « En d'autres temps, c'est toi que j'aurais dû épouser. »

Vers minuit, elle m'a accompagné jusqu'à l'avenue où se trouve mon hôtel. Nous avons erré dans les rues du quartier, dans l'odeur des flamboyants. Elle me tenait par la main comme jadis, je sentais la même paume large, les tendons des doigts, la chaleur de son corps. Je m'aperçois que cela a fait bouger quelque chose au fond de moi, une chose que je croyais enfouie pour toujours.

Cela m'a ramené à l'époque où nous étions sur la route d'Ario, pour assister au départ en exil du peuple arc-en-ciel. Depuis ce jour, le monde a bougé. La révolution tant attendue n'aura pas lieu, ni l'éruption annoncée par le Conseiller (encore qu'elle ne soit pas tout à fait impossible). Je me souviens de la plaisanterie que mon prof de géologie servait à chaque nouvelle génération d'étudiants : Qu'est-ce qu'un volcan mono-éruptif ? Un volcan qui n'a pas encore eu sa deuxième éruption.

En attendant, les régions les plus pauvres de la planète continuent à sombrer dans les guerres larvées et l'insolvabilité. Il n'y a plus qu'un grand mouvement d'exode, une sorte de vague de fond qui se brise continuellement sur l'écueil de la frontière. Il n'y a pas de quoi être optimiste. Pourtant, ce qui nous unit encore, Dahlia et moi, ce qui nous permet d'espérer, c'est la certitude que le pays d'Ourania a vraiment existé, d'en avoir été les témoins.

Saint-Martin — San Juan, 1945–2009

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