Tu veux bien que je te passe nos trois heures de mer, à bord de ce coursier des flots ? La façon magistrale que je me dirige rien qu’à la boussole, et aussi grâce aux cartes marines trouvées dans la boîte fourre-tout de l’embarcation ? Ça vaut le coup de te préciser notre arrivée sur une plage calabraise et Béru cachant sa nudité avec seulement une ceinture de sauvetage ? Comme je suis sans artiche, tu sais quoi ? Je vends le Riva à un Belge en vacances qui se faisait dorer le Maneken-Pisse au soleil. Nanti de cet argent récupéré sur mes kidnappeurs, j’achète de beaux atours à Béru. Un bloudgine avec des empiècements de cuir multicolores dûment javellisé. Il me dit que les bloudgines, c’est comme les bonnes femmes : le plus duraille c’est d’y entrer la première fois. Il va mieux. Je le trouve légèrement moins cochon et il a presque oublié Mathilde. Ensuite, je téléphone au Vieux, ce qui ne me prend que douze heures d’attente, qu’on passe dans un petit établissement où le poisson est aussi frais que le chianti. J’ai un entretien détaillé et même circonstancié avec le dirluche, lequel, à l’issue du, me vote quelques félicitations qui ne tombent pas dans l’oreillette d’un sourd sans cœur. Nous arrêtons un nouveau petit plan de bataille, juste pour dire. Je me sens dans un uniforme éblouissant. Deux plombes après cette utile conversation, nous prenons le barlu assurant la liaison avec Messine.

Sicile encore, si, signore !

* * *

Parvenu à vingt mètres de la maison, on se fout à chialer, le Gros et moi.

Sans raison aucune. Cette réaction résulte du fait que la brave Mme Convolvolo est en train d’éplucher des oignons.

Son vieux père prend un bain de pieds dans la marmite où tout à l’heure, ces plantes à bulbe cuiront en compagnie de tomates et de courgettes.

Elle paraît soucieuse, dame Convolvolo, à l’intérieur de sa graisse.

— Donato n’est pas là, me lance-t-elle d’une voix tranchante, qu’à peine j’ai passé son seuil.

Elle ajoute, après s’être refait un peu d’oxygène de premier secours :

— J’en ai marre, tous ces gens qui demandent après lui depuis deux jours, et ce sacripant qui est parti hier avec une salope blonde, lui qui en raffole, et qui n’est pas rentré, qu’il va sûrement me rechoper une couchetapiana carabinée comme l’an dernier avec cette étrangère qui se disait pourtant allemande, mais que pour lui servir de leçon, il faudrait que la bibitte lui tombe du ventre, à ce saligaud, coureur de jupons, qui est pire qu’un chat de gouttière en rut, que la moitié de ce qui naît dans le quartier est sûrement de lui et l’autre moitié peut-être seulement, qu’à la longue il trouvera pas à s’établir, car il ne lui restera plus qu’une vérole à la place des génitoires et que je serai grand-mère à la Saint-Glinglin, d’autant que ma fille, la pute, a décidé de ne se marier qu’avec un vieux veuf plus tard lorsqu’elle aura perdu ses dents, ses poils et pris les quatre-vingts kilogrammes de graisse auxquels n’échappent pas les femmes de notre famille, puisque ma mère, ma grand-mère, mon arrière-grand-mère et sa défunte mère sont mortes en emportant chacune trois quintaux dans la tombe, que c’est pas une sinécure d’être aussi grosse, regardez-moi, jeune fille j’avais une taille de guêpe et puis voilà la vie, quoi, enfin tant qu’on a la santé, de nos jours, quand on a la chance d’être pauvre, on arrive à la conserver, que c’est rapport à la nourriture, plus vous mangez simple, plus vous mangez sain, moi, ce qui me perd, c’est l’huile, mais comme elle est d’olive, y’a que demi-mal, et puis quoi, j’arrive à un âge où il faut manger pour s’occuper, que j’ai plus d’homme, mon défunt étant mort, plus d’homme pour une femme en possession de ses sens, c’est dur, mais les Siciliennes sont douées pour être veuves, d’ailleurs toute l’Italie est une pépinière de veuves respectables, l’important, chez nous, c’est le sens du devoir et le respect de Dieu, que moi, côté devoir, j’ai rien à me reprocher, ç’a été dur parce que j’avais deux enfants rétifs, mais je les ai menés à bien, puisque ma fille est la meilleure putain de la région, en tout cas la plus demandée, qui se consacre aux hommes arrivés bien qu’ils bandent moins que les autres et mettent plus de temps à jouir, et mon fils est devenu un voleur professionnel de grand talent, qui n’a presque jamais de démêlés avec la police et que quand il en a c’est pour des délits mineurs, tels que coups et blessures ou viol, c’est ma consolation, ces enfants dont je me demande ce qu’ils fichent, et à propos, ma garce de fille, qu’en avez-vous fait ?

Elle récite à travers des senteurs d’oignons très intenses. Ça ne la fait même plus pleurer. La vie lui a atrophié les glandes lacrymales. Le vieux s’essuie les pinceaux à l’aide d’une serpillière. Il pète un coup et reprend sa chique qu’il avait déposée sur le bord de la table.

Une sensation de bonheur douillet se constitue, malgré la pauvreté du lieu (ou à cause d’elle) et la simplicité des gens.

Pauvre Mme Convolvolo… Elle ignore que ses enfants sont morts…

Je n’ai pas le courage de la tuer en lui assenant la vérité. Donato ne lui avait pas parlé de la fin de Lila. Alors, motus. Laissons-lui quelques jours de sursis. Mieux vaut qu’elle les espère disparus, partis en des contrées enrichisseuses…

Je sors de la fraîchecaille de ma fouille. Des billets tout neufs que mon acheteur belge n’avait même pas pliés pour ne les point abîmer et qui restent collés les uns à l’autre. J’en étale une bath pincée sur la table, autour des courgettes. Le vieux se rapproche en gargouillant de la chique, ça lui draine un filet de bave brune aux commissures. La Gravosse interrompt son épluchage. Elle me regarde.

Ne saisit pas. S’alarme, malgré sa cupidité.

— Eh bien quoi ? Eh bien, quoi ? clapote-t-elle.

— De la part de Donato, il m’a chargé de vous remettre ça.

— Je ne comprends pas…

— Un sale truc leur est arrivé, à lui et à sa sœur.

Elle pare au plus pressé, et se signe énergiquement.

— Mais quoi ? Mais quoi ?

— Vous savez, dom Cesarini ?

— Et alors ?

— Vous connaissez la nouvelle ?

Elle acquiesce.

— Oui, il est mort.

Je baisse le ton.

— C’est Donato qui lui a fait son affaire.

Elle ne se résigne pas, mais se re-signe.

— Ne dites pas de folie, c’est impossible.

— Si.

Alors, tu sais quoi ? Elle s’écarte de la table, tombe à genoux sur le plancher infâme. La v’là qui ressemble à un énorme sac d’anthracite. Elle joint ses mains boudinées.

— Notre père qu’êtes soucieux, attaque-t-elle…

Puis, s’interrompant.

— Mais pourquoi il aurait fait une chose pareille ?

— Le dom a manqué de respect à sa sœur.

J’ai virgulé ça en l’air. Un peu chétif, l’argument, eu égard à la profession de la pseudo-victime.

— Manqué de respect ! Mais ma fille n’a pas besoin de respect puisqu’elle est pute, signore ! Elle suce des messieurs encore plus vieux que le dom qui était bel homme. Elle a, dans sa clientèle, un eczémateux de septante ans passés auquel elle met le doigt dans l’oignon tout en lui chatouillant le dessous des testicules avec une queue d’écureuil ; elle se fait aussi le papa du notaire qui est paralysé ; et puis le capitaine des carabiniers qui fait de l’anémie graisseuse…

Je taris ce flot objecteur.

— Le dom a giflé Lila, Donato a vu rouge. Bref, il a eu un geste malheureux. Alors nous les avons aidés à fuir à l’étranger.

Mme Convolvolo secoue sa chevelure à l’huile d’olive, agrémentée de peignes en plastique.

— Le monde ne sera pas assez grand pour qu’ils échappent à la maffia.

— Soyez sans crainte, madame, je leur ai trouvé une cachette sûre, seulement ils ne pourront vous donner de leurs nouvelles avant longtemps, par précaution, vous le comprenez ?

Elle acquiesce, vaguement rassurée.

À cause du fric étalé sur la table, elle me croit ; ne pouvant imaginer qu’un étranger lui donnerait une aussi forte somme sans contrepartie.

— Merci de ce que vous avez fait pour mes petits, amis. Merci, la Madone vous en sera reconnaissante, et un jour vous vous retrouverez assis à la droite de Dieu.

Y’a des moments, je me demande qui il peut bien avoir à sa gauche, Dieu ?

Fortifié par mon pieux mensonge qui, tout en créant des alarmes dans ce cœur de mère, lui épargne le plus ignominieux des chagrins, je passe à la partie de l’opération qui m’intéresse.

— Donato m’a, avant de me quitter, fait prêter serment, madame Convolvolo, pour que je m’engage à vous protéger…

— Me protéger ?

— Ces gens qui vous harcèlent veulent les papiers que Donato vous a confiés. Ils constituent un grave danger. Mais mon ami Alexandre-Benoît et moi-même allons nous installer ici et veiller au grain.

J’attends sa réaction.

Elle tarde.

Mais vient.

— Je ne comprends pas, pour les papiers… Donato ne m’a rien confié du tout.

Je lui souris avec incrédulité ; regarde, comme ça. Tu vois ? En dégageant ma fossette gauche et en riant de l’œil droit.

— Mais je vous le jure sur la mémoire de mon cher défunt qui est mort et aussi sur celle de ma chère mère, sur la tête de mon pauvre papa ici présent, sur la vie de mes enfants, sur la Madone que vous voyez en photographie, là, contre ce mur, sur la sainte croix, sur la tiare pontificale du Saint-Père, sur tous les saints du paradis, les anges, archanges et autres, sur le drapeau italien, sur la Sicile ma terre natale, sur le souvenir du grand Mussolini, sur ma vertu de veuve sans pension, sur…

Je l’arrête.

— Je crois que cela ira comme ça, pour la caution, madame. Je vous crois.

Car, oui, je la crois.

Et la bannière.

Mais je suis surpris. Pour moi, le suicide de Donato, c’était un acte d’amour filial. Je pensais qu’il s’était tranché les veines pour éviter de compromettre sa mère vénérée, la tenir à l’abri de ce sac d’embrouilles. Eh ben, tu vois, je me suis carré le finger in the hole. Bon, soit, mais en ce cas, c’est quoi la fameuse planque à ce fripon ?

T’as une idée, toi ?

Moi, je sèche comme un os de seiche au soleil d’Afrique.

Enfin, installons-nous toujours céans, nous verrons bien.

— C’est de la ratatouille que vous préparez ? demande Béru, lequel a passé la scène ci-dessus à rassembler les éléments de cette phrase à l’aide de son petit dictionnaire français-italien.

— Si, signore.

— Et elle accompagne quoi t’est-ce, comme viande ?

— Pas de viande, signore.

Bouille béruréenne…

Le Gros déclare :

— J’ sais pas si que le mouton a fait son apparition en Sicile, je vas me renseigner à la boucherie de la place.

Il va et revient portant un gigot gros comme un jambon.

* * *

Bon, alors là, du temps passe.

Vingt-quatre plombes.

On les utilise à récupérer. Nous bénéficions d’une paix royale. Onc ne vient porter la guerre dans ce modeste foyer. Le grand-père chique et picole sans moufter. La Grosse au contraire, prolixe, nous bonnit la vie complète de toute sa dynastie et celles de ses voisins immédiats. Le gars Béru fait la tambouille avec elle. Il a oublié complètement Mathilde et se remet à manger du cochon. Moi, tu l’as compris, petit déluré, je mets à profit notre présence chez la mère Convolvolo pour explorer minutieusement sa cahute. Tout y passe, avec minutie. Tu me connais ? Je suis un fouilleur farfouilleur diabolique. J’ai le sens des planques. Pas de cachette qui puisse échapper à ma sagacité. Un vrai compteur Geiger, Sana. Et Dieu sait que ça n’est pas fastoche, dans le capharnaüm qu’est la resserre à receler.

J’usine pendant les siestes de la grosse.

Pendant ses sorties, ses bavassages dans la cour avec les autres commères du quartier. La noye aussi.

Mais rien n’y fait.

Faut-il en conclure que Donato aurait planqué les fameux papiers ailleurs que dans son antre ? Un coffre bancaire ? Une consigne ? Chez un pote ? Hum, douteux. C’était un gars assez fruste, qui ne devait avoir confiance qu’en son petit monde à lui. Pas du tout le genre banque. Un voleur professionnel, voyons !

Alors ?

Alors rien…

Je me gratte la cervelle sans en faire jaillir d’étincelle. C’est la grève du génie, mon pauvre vieux, que veux-tu. On ne peut pas être éblouissant vingt-cinq heures sur vingt-quatre, si ?

Le plus emmerdant, à vrai dire, ce sont les puces.

Un vrai élevage, chez les Convolvolo. Les bathouses, bien dodues, d’un brun riche. Elles t’arpentent de jour, de nuit, te pompent à mort. Que t’as des cloques grosses commak. Irrassasiables, ces chiottes !

Et la seconde nuit vient.

Elle ensevelit Catane dans ses gnagnas de velours chplok qui dans la douceur de l’été chose truquemuchent j’ sais pas quoi d’estrêmement poétal et fuligineux, enfin, quoi, finis de mouiller, j’arrive.

Que j’éprouve toujours des scrupules littéraires d’y aller à la tartine lénifiante.

Bref, tout de même, la nuit enchanteresse, tu vois le topo ? Comme toutes les nuits méditerranéennes. Et, pour couronner le côté film hollywoodien d’avant-guerre, avec Dorothy Lamour, une voix s’élève dans le silence, qui pour le coup cesse. Pure, cristalline, accompagnée à la mandoline. C’est si tellement féerique que je me lève de mon grabat pour visionner la source de ces angéliques modulations. Et qu’est-ce j’aperçois, au clair de lune, devant la lourde des Convolvolo ? Un énorme mec, d’au moins trois cents livres (et ces livres-là, espère, ne sont ni des sterlinges ni des Sanantonio) donnant la sérénade. Il est petit, avec des jambes arquées, une tripotée de mentons et des bras de pingouin, si courts que je me demande, quand il va licebroquer, s’il n’actionne pas la fermeture de sa braguette avec une tirette à rideaux. Les gars de la base le verraient, ils le kidnapperaient dare-dare pour en faire un éléphant. La merveilleuse voix céleste sort de ce tas de sanie. On dirait le soliste des Petits Brameurs à la Croix de Bois. Il joue de la mandoline, mais il est si gros, si gros, ce mec, que sur sa monstrueuse bedaine, l’instrument disparaît et qu’il a l’air de jouer de la cuillère à café.

Tout à coup, un volet claque contre une façade, et l’organe furax de la mère Convolvolo éclate, grondant, dominateur, torrentiel, c’est le jet du balayeur municipal refoulant dans de sombres égouts la fleurette tombée d’un bouquet.

Elle hurle qu’elle veut en écraser, que la chansonnette, c’est plus de son âge, qu’elle en a rien à branler de l’aubade de ce boudin, qu’il aille porter ses bramances dans un cabaret de nuit et pour ponctuer, elle virgule sur l’artiste le contenu de son pot de chambre qui n’est pas uniquement liquide. Un étron se file dans la mandoline, bloquant les cordes ; le jus, c’est dans le clapoir que l’artiste le dérouille. C’est la fin du concert. Il suffoque. D’une voix d’eunuque, il geint comme ça que Ramella Convolvolo a un cœur de pierre pour ne pas mesurer l’étendue de son amour. Que voilà des années et quine qu’il grossit à force de passion pour elle. Il en devient obèse, le pauvre Loulou. Il aurait les bras plus longs, il se pognerait à la santé de la veuve, mais quand la nature n’y met pas du sien tu tournes paria. T’es répudié hors caste.

À la fin, comme elle le lapide avec des tomates pourries, il se casse.

Le silence redevient tu sais quoi ? Meuble.

Oui : comme aux Galeries Barbès.

Je me zone, toute dorme envolée de mes paupières.

Et voilà que j’entends soudain autre chose. Des soupirs caractéristiques, des plaintes, des trémolos, et aussi un halètement de locomotive. On se croirait dans la gare Saint-Laguche aux heures de gros trafic.

Je me lève pour vérifier. Ça émane, du local voisin, celui qui sert de chambre à dame Convolvolo.

La porte ne fermant point à clé, je puis l’entrouvrir sans grand mal. Je t’ai dit que la lune brillait comme une vache ?

Bon. Et celle de Béru, donc. Je m’étonnais aussi, de point l’entendre ronfler près de moi. Tu le verrais, le Mammouth, la manière qu’il fait sa fête à notre hôtesse. Ce coup de reluisance seigneurial ! Et il cause en bouillavant, le Somptueux. Entre deux onomatopées extatiques. Il dit à Ramella qu’elle a bien fait de virer le Tino nocturne. Qu’une nana comme elle, à ce pachyderme, ce serait été de la confiture aux pourceaux (il brûle déjà ce qu’il a naguère adoré). Et de limailler frénétique : rrran rrran, dans le bigornuche à crinière. Elle glapit que c’est inhumain à force que c’est bon, une frottée pareille. Que vive la France ! Qu’y a pas d’âge pour prendre son foot. Qu’y faut que ça dure. Elle a le temps. Jusqu’aux aurores elle veut de la tringle, Ramella. Que la cramoche lui tombe, qu’elle en ait les babines traînantes.

Le Trousseur gesticule du dargif. Le poinçonneur des Lilas, si tu pouvais mater. Son énorme prose va et vient et repart à l’attaque d’on ne sait quoi.

Et soudain, le gazier s’arrête.

— Qué ? s’inquiète la fourbie.

— Je chauffe ! dit Béru.

— Qué ?

Il lui explique tant mal que bien, qu’il est freiné dans sa passion par le bandage herniaire qu’elle porte à la suite d’une éventration. Il a le nombril à l’incandescence, de ce fait, Béru. Il endolore de l’abdomen. Dès lors, il risque de devoir abréger, ce qui serait dommage, parti comme les voilà.

Elle s’empresse de se désabretacher. Elle dételle fiévreusement, tandis qu’il lui déguste la monichette pour lui entretenir le sensoriel pendant qu’elle ôte ses harnais. C’est un parfait technicien, Alexandre-Benoît. Il connaît les fâcheuses conséquences d’un coup de fil inopportun ou d’un incident de parcours. En amour, c’est pareil qu’au Creusot : faut pas laisser s’éteindre, sinon c’est râpé. Alors il lui caramélise le baigneur consciencieusement, pendant qu’elle défait ses sangles.

Elle a tellement hâte d’en terminer, que ses salsifis embrouillent.

— Prlllend tlllllon tlllllemps, mllllla grlllllosse ! préconise Cacanova sans cesser de la tyrolier.

Enfin elle arrive à désangler. Un coup de reins pour dégager les brides de derrière. Ça crée un afflux dans la moustache du Gros qui, un instant, se croit à la noyade et cataracte de la glotte à la recherche d’un filet d’air.

La brave femme arrache son équipement et le virgule loin d’elle, d’un geste libératoire. Le harnais me choit sur la poire. Sa Majesté remonte de la cave pour entreprendre une nouvelle figure d’embourbage.

— Scuse-moi de t’ donner du travail, fifille, dit-il, après tout j’eusse pu te calcer façon lévrier Afghan, ça t’aurait éviter d’escrimer.

Je décide de me retirer dans mes appartements.

C’est alors que le destin sur quoi je ne comptais plus (j’y pensais même pas, te dire !) entre en coup de vent dans ma vie.

Pour lui, le signal, c’est ma manière violente de refermer la porte sur l’accouplement des tourtereaux. En agissant ainsi, je bloque le bandage de cuir de la mère Convolvolo de telle manière qu’il éclate. Faut dire qu’elle se le trimbale depuis quinze ans et qu’il est fatigué, le pauvre. Bon, je l’écarte du pied pour fermer, et c’est pour lors que j’en vois jaillir une liasse de feuillets pliés serrés, parmi un foisonnement de crin.

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