Pour faire passer le temps, j’écoute la conversation de mes gardes. L’un d’entre eux montre à l’autre un article dans la rubrique « Sciences » du journal Le Monde : « Des souvenirs oubliés peuvent renaître sous l’effet de stimulations électriques du cerveau. » Apparemment, un homme traité pour obésité au moyen d’électrodes intracérébrales a revécu une scène vieille de trente ans. Cela s’est passé au Canada : le patient a retrouvé, en couleurs, le souvenir d’un épisode où il était dans un parc avec des amis. Il a reconnu sa petite amie de l’époque parmi les gens présents qu’il voyait marcher et entendait parler sans comprendre précisément ce qu’ils disaient. Lui-même observait la scène sans se voir. Il faut absolument que je me rende au Western Hospital de Toronto pour stimuler mon hypothalamus. Mais avant, il faut que je mange beaucoup pour devenir obèse. Je commence à crever de faim et à perdre la boule.
Puisque ma fille me rend la mémoire, j’en déduis qu’un enfant active une électrode intracérébrale. La regarder envoie probablement des décharges électriques dans mon cerveau. Définition possible de l’amour : un électrochoc qui ressuscite le souvenir.