Chapitre XIV

Hiroko repoussa la cloison de papier et s’avança vers Furuki. Avec, dans la main droite, une longue baïonnette japonaise effilée et fine. Le prisonnier l’observa avec terreur, mais il était si faible qu’il n’eut même pas la force de redresser la tête. Convaincu qu’elle avait perdu la raison, mais malheureusement aucun des autres membres du Sekigun ne semblait le réaliser…

Hiroko glissa la lance de la baïonnette entre les liens qui le retenaient au poteau de bois et les trancha d’un coup sec. Sans un mot. Surpris, Furuki s’effondra en avant sur le plancher de bois de la véranda, puis roula sur le sable bien peigné du jardin zen. Il resta prostré, tremblant de froid, ahuri de douleur, n’osant pas lever la tête, se demandant ce que dissimulait cette soudaine magnanimité.

— Relève-toi, ordonna Hiroko.

Furuki se mit d’abord à quatre pattes, puis se redressa en s’appuyant au poteau où il avait été attaché. Hiroko alla dans un coin de la véranda et en ramena une pioche qu’elle tendit à Furuki. Ensuite, elle lui désigna le rectangle de gravier du jardin zen :

— Tu vas creuser ici. Un trou de deux mètres sur soixante centimètres, un mètre de profondeur.

Furuki n’osait pas comprendre. La terreur lui donna le courage de demander :

— Pour quoi faire ?

Hiroko le fixa avec une expression impénétrable :

— Les traîtres doivent creuser leur tombe eux-mêmes.

Elle s’éloigna un peu et s’assit sur une grosse pierre, le surveillant. Comme Furuki ne bougeait pas, elle lui cria :

— Creuse ou je t’arrache les yeux.

Il donna un faible coup de pioche. Ignorant s’il s’agissait d’un bluff macabre ou si c’était vraiment la fin. Après neuf jours de supplice…


* * *

Une carte à grande échelle de Tokyo avait été épinglée sur un des murs du bureau de Tom Otaku. Le chef du Kohan prit une baguette et expliqua à Malko :

— Vous partirez de votre hôtel. Dès que vous sortirez de l’immeuble de Sharon-san, vous activerez l’émetteur radio cousu dans votre veste en appuyant sur le premier bouton. Cet appel alertera les hommes à pied qui surveilleront les alentours, les équipes dans différents véhicules tout autour et mon bureau.

« À partir de ce moment, tout le dispositif de surveillance ne vous lâchera plus. En plus des voitures et des gens à pied, trois hélicoptères seront en alerte, sur le toit du ministère, prêts à décoller avec un préavis d’une minute. Chaque appareil aura huit tireurs d’élite de l’armée, équipés de fusils à lunette. Si vous partez par le métro, les hommes à pied vous suivront. Ils sont assez nombreux pour ne pas vous perdre. Nous avons mobilisé tous les gens de la « Tranche K ». Tous sont équipés de radios reliées à mon P.C. Si vous étiez amené à prendre le train, les hélicoptères prendront le relais.

— Quelles sont leurs consignes ? demanda Malko.

Tom Otaku se rassit et fixa Malko.

— Abattre Hiroko et ses complices dès qu’ils seront en position de le faire.

Malko se souvint des Jeux Olympiques de Munich. Là aussi, il y avait un déploiement incroyable de forces policières… Cela avait quand même fini très mal.

— Et si vous me perdez dans le métro ?

Le policier japonais eut un sourire rassurant.

— Il y a un policier dans chaque station ! Dans la veste, il y a des pastilles. Si quelque chose d’imprévu s’est passé, vous en prenez une, vous la laissez tomber par terre et vous l’écrasez. Trente secondes après, elle dégagera une épaisse fumée orange qui alertera le policier de garde à la station. Il y a très peu d’étrangers dans notre métro. Vous serez facilement reconnaissable… De toute façon, votre émetteur radio enverra des tops toutes les dix secondes. Or, nous aurons cent vingt véhicules, voitures et motos, tous munis de radios qui quadrilleront tout Tokyo, se déplaçant en même temps que vous.

— Bien, dit Malko avec philosophie. Espérons qu’il n’y aura pas d’impondérable.

Quand les Japonais s’y mettaient, c’était le bulldozer. Tom Otaku retira ses lunettes et croisa les jambes. Malko se dit qu’il avait des cuisses monstrueuses… Le chef du Kohan, s’il était inquiet, dissimulait en tout cas parfaitement ses craintes.

— Prenez votre veste, dit-il. Elle sera votre meilleure protection.

Il se leva et lui tendit ce qui semblait être une veste de tweed. Malko faillit la laisser tomber : elle pesait environ dix kilos. Sous le tissu, il y avait plusieurs couches de nylon intercalées avec de minces plaques d’acier spécial. Seules, les manches n’étaient que partiellement blindées. La doublure recelait encore un puissant émetteur transistorisé, automatique, avec son antenne dont les fils étaient répartis dans la veste.

Malko ôta la sienne et la mit. Il faillit éclater de rire : les manches étaient ridiculement courtes et il pouvait à peine enfiler les épaules.

— Nous avons pris la plus grande, se hâta de dire Tom Otaku.

Heureusement, Malko aurait un imperméable par-dessus. On remit la veste dans un sac, et le chef du Kohan secoua la main de Malko à l’arracher.

— Tout se passera bien, affirma-t-il.

Malko sortit de son bureau avec une légère sensation de malaise. Une chose était claire : les Japonais voulaient se débarrasser de Hiroko à n’importe quel prix. Sa sécurité à lui passerait au second plan. Il risquait de se trouver pris entre deux feux. En traversant Hibaya Park, il pensa au superbe caveau qu’il avait fait aménager dans la chapelle du château de Liezen, pour y être enterré à côté de ses ancêtres.

Cela risquait d’être sa dépense la plus utile.


* * *

M. Yamoto avait le regard humide derrière ses lunettes, toujours tiré à quatre épingles, le cheveu soigneusement calamistré. Il tira sur son gilet et se gratta la gorge.

— Kawashi-san vous prie d’accepter tous ses voeux de réussite, dit-il. Il m’a chargé de vous remettre un très modeste présent afin de vous encourager dans cette épreuve difficile.

Malko chercha ce qu’il voulait dire. Le Japonais avait les mains vides. Il l’avait trouvé dans le hall de l’Imperial, sagement assis sur une banquette, en rentrant de chez Tom Otaku. La veille, il avait averti ses alliés de l’offre d’Hiroko. En faisant préciser à Kawashi que les cinq cent mille dollars lui resteraient dus. À condition qu’on le retrouve. Il savait que le gangster japonais désapprouvait son initiative. Si la police arrêtait ou tuait Hiroko, il aurait perdu définitivement la face…

— Le cadeau est déjà dans votre chambre, précisa Yamato.

Malko remercia, prit sa clef et tendit la main à Yamato.

— Dites à M. Kawashi que je le remercie de son attention et que je l’invite à dîner chez Maxim’s demain. Pour fêter notre victoire…

Il avait insisté sur le « notre ». Yamato plongea dans une courbette particulièrement prononcée.

— Je vous souhaite Mille Années de Bonheur, Malko-san.

Une dizaine ne serait déjà pas si mal… Malko monta dans l’ascenseur. Le temps semblait tout à coup s’écouler très vite. Il ouvrit la porte de sa chambre et demeura interdit sur le seuil. Mademoiselle Riz Précoce lui faisait face, assise sur ses talons à même la moquette, au pied du lit, drapée dans un kimono rouge, maquillée avec soin, une lueur ingénument perverse dans ses yeux bridés.

Elle s’inclina jusqu’à ce que sa perruque noire touche terre, se releva, trottina jusqu’à lui, s’inclina profondément et gazouilla quelques mots incompréhensibles d’une voix mal assurée.

Brusquement, Malko se souvint d’un livre qui se trouvait dans la bibliothèque de Liezen, sur le Japon ancien. Une vieille prescription du Bushidô, code d’honneur des samouraï, recommandait d’offrir à ceux qui allaient mourir une vierge à peine nubile.


* * *

Furuki avait presque terminé de creuser la tombe. Les cailloux blancs et le sable bien peigné du jardin zen avaient fait place à une fosse grossière. Dix fois, Furuki s’était presque évanoui d’épuisement. Il avait des vertiges, des éblouissements. Chaque fois qu’il s’était arrêté de creuser, la voix impitoyable de Hiroko l’avait rappelé à l’ordre. Un soleil radieux brillait sur Tokyo, mais le froid sec paralysait Furuki. Plus que la peur. Il s’était habitué à l’idée de la mort. Comme un grand malade.

Maintenant, appuyé sur sa pioche, il cherchait à maîtriser le vertige qui l’empêchait de se tenir debout. Il eut envie de s’écrouler dans la tombe sans plus lutter.

Il regarda le mur qui entourait le jardin ; il n’était pas très haut. Il entendait les bruits de la rue, des enfants qui s’interpellaient, des voitures qui passaient, ignorant l’horreur de cet îlot de sauvagerie médiévale en plein Tokyo…

Hiroko se leva et vint vers lui, la longue baïonnette à la main. Furuki la regarda s’approcher sans bouger. Même pas tenté de la frapper avec le manche de la pioche.

Résigné.

Elle s’arrêta à un mètre de lui.

— Le tribunal révolutionnaire t’a trouvé coupable d’avoir trahi le Sekigun, de nous avoir tous mis en danger et de manquer d’ardeur révolutionnaire…

Furuki écoutait machinalement. D’après la doctrine du Sukatzu, chaque chef d’accusation méritait la mort… Hiroko marqua une pause et ajouta :

— Le tribunal t’a condamné à la mort.

Ce n’était pas une surprise. Furuki lâcha la pioche et dit mécaniquement :

— Je ne suis pas coupable. Je demande l’indulgence du tribunal.

Il voulait encore croire que tout cela n’était qu’une des pompeuses mascarades qu’affectionnait Hiroko, pour se donner de l’importance.

Un éclair de satisfaction passa dans les yeux d’Hiroko. Furuki venait de tomber dans son piège. Elle avait la légalité – leur légalité – avec elle.

— Le tribunal ne peut pardonner à un traître, dit-elle douceureusement. Moi, je te pardonnerais volontiers, mais les autres ne l’accepteraient pas. Il faut que tu te sacrifies pour la Révolution.

Furuki écoutait les phrases creuses, voyait les yeux pleins de méchanceté, croyait entendre le ronflement des réacteurs du « 747 » qui l’amenait au Japon, à la mort. Il se dit qu’il aurait dû protester plus, ne pas se laisser emmener à l’abattoir. Mais c’était trop tard.

Hiroko s’avança, tenant la baïonnette à deux mains à l’horizontale. Elle en appuya la pointe entre les côtes de Furuki, appuya d’un coup sec, enfonçant la pointe d’un bon centimètre. Furuki poussa un cri, recula, trébucha dans la fosse ouverte, tomba à genoux. Hiroko, sans se presser, le rejoignit et enfonça de nouveau la pointe aiguë dans la peau blafarde. Là où un filet de sang coulait déjà. Comme si elle se servait d’un tournevis.

Pour fuir la pointe de la baïonnette, Furuki inclina le torse en arrière, de plus en plus, jusqu’à ce qu’il se retrouve couché sur le dos avec le froid de la terre contre sa peau nue. Hiroko accompagna le mouvement, sans chercher à enfoncer plus la baïonnette. Un filet de sang suintait de la blessure. Puis, pesant de tout son corps sur le manche de l’arme, Hiroko l’enfonça d’un coup dans la poitrine de Furuki.

Celui-ci eut un râle bref, saisit la baïonnette à deux mains, les yeux révulsés. L’aorte sectionnée, le sang envahissait sa cage thoracique. Il eut quelques spasmes désespérés et, les deux mains crispées sur l’arme, comme pour l’arracher de sa poitrine, il mourut.

Hiroko se redressa, tirant à elle la lame couverte de sang. Cela s’était passé tellement vite. Elle fixa Furuki, déçue qu’il ne bougeât plus. Puis, la baïonnette au bout du bras, elle se dirigea vers la maison. Une nouvelle période s’ouvrait devant elle…


* * *

Mademoiselle Riz Précoce observait Malko par-dessous, avec un sourire jocondien, les mains cachées dans les manches de son kimono. Elle avait une bouche très grande pour son âge, relevée légèrement aux commissures, en une espèce de sourire figé.

La conversation n’était pas facile. Soudain, elle s’avança vers lui et commença à défaire les boutons de sa chemise, avec une dextérité inattendue, émettant un gazouillis totalement hermétique. Il voulut la repousser, mais elle s’accrocha, protestant d’une voix véhémente et aiguë.

Elle prit sa ceinture à deux mains et commença à la défaire. Il eut toutes les peines du monde à l’en dissuader. Comme il la repoussait, il vit de grosses larmes perler dans ses yeux trop maquillés… De guerre lasse, il se replia jusqu’au téléphone et composa un des numéros de M. Yamato. Par chance, le Japonais était à son bureau. Malko le remercia d’abord pour le « cadeau », tentant de lui expliquer qu’il ne pensait devoir en profiter. M. Yamato l’écouta avec patience, puis demanda à parler à Mademoiselle Riz Précoce. La conversation fut sèche et brève. Finalement, Mademoiselle Riz Précoce lui tendit le récepteur, une lueur de triomphe dans ses yeux noirs.

— C’est très ennuyeux, Malko-san, expliqua M. Yamato. Elle dit que vous la trouvez laide, que c’est une perte de face qui lui portera malheur.

— Je ne la trouve pas laide, fit Malko, excédé, mais je n’ai pas encore l’habitude de déflorer les petites filles de douze ans !

— Elle en a treize, remarqua onctueusement Yamato. Elle est très sensible. Elle est capable de se tuer, si vous lui faites perdre la face.

Dans d’autres pays, c’était plutôt le contraire. Malko renonça à argumenter et raccrocha. Aussitôt, pleine d’espoir, Mademoiselle Riz Précoce grimpa sur le lit et s’assit sur ses talons, en face de Malko.

Elle entreprit de le déshabiller comme si elle avait vingt ans de métier, pépiant comme un oiseau. Lorsqu’il fut entièrement nu, elle le contempla avec une admiration muette.

Ne disposant pas de paille de riz, elle se contenta de soupeser dans ses mains fines les parties nobles de Malko, appréciant d’un hochement de tête déjà connaisseur. Puis elle s’activa à un jeu moins innocent. La première amorce de résultat lui arracha un petit cri de satisfaction.

Se penchant ensuite sur lui, elle officia gravement jusqu’à ce qu’elle juge les préliminaires bien engagés. Malko avait l’impression de célébrer un rite païen insolite, tant cette copulation artificielle était bizarre… Mademoiselle Riz Précoce n’éprouvait sûrement aucun plaisir sexuel. Elle n’était que l’humble réceptacle du guerrier…

Elle se redressa, une lueur de fierté dans les yeux, contempla son oeuvre quelques secondes, puis, dans le même mouvement, se laissa aller en arrière, toujours appuyée sur ses talons, jusqu’à ce que son chignon touche le lit. Alors, à deux mains, elle écarta le lourd kimono brodé, se découvrant jusqu’au nombril. Malko vit que le renflement glabre de son mont de Vénus avait été soigneusement épilé. Comme il ne réagissait pas à cette invite muette, elle l’interpella d’un ton comminatoire.

Résigné, il s’approcha. Aussitôt, Mademoiselle Riz Précoce l’enserra entre ses jambes fines, avec une force inattendue.

Le reste se fit presque tout seul. Mademoiselle Riz Précoce respirait fortement les yeux fermés, soulevant les reins pour aller à sa rencontre. Lorsqu’il la toucha, elle poussa un petit cri extasié. Puis l’instinct fut le plus fort, et il cessa de se retenir et la traita comme une femme. À sa grande surprise, il ne rencontra pas la résistance physiologique qu’il craignait.

Mademoiselle Riz Précoce demeura totalement immobile tout le temps qu’il la prit, en dépit de sa position inconfortable, le corps tendu en arrière, en arc de cercle. Puis, lorsqu’il s’arracha, elle se remit à genoux, comme une poupée mécanique, et s’inclina respectueusement devant lui. Sage comme une première communiante.

Malko se dit, pour tranquilliser sa conscience, qu’il l’avait sauvée du suicide… Mais ce n’était pas une bonne action dont il se vanterait dans les salons de Vienne. Il avait déjà assez mauvaise réputation…

Marchant à reculons, Mademoiselle Riz Précoce s’éloigna vers la porte, s’inclina trois fois et sortit. Satisfaite du devoir accompli. Il restait tout juste à Malko le temps d’enfiler sa veste pare-balles-radio et de glisser son pistolet extra-plat entre sa ceinture et sa chemise.


* * *

Le nez pointu de Max Sharon semblait s’être encore allongé. Il scruta Malko d’un air inquisiteur, la pipe à la bouche, les mains dans les poches de son manteau.

— Vous êtes prêt ?

— Quel est le programme ? demanda Malko.

— Vous me suivez, dit Max Sharon.

Ils sortirent du bureau, prirent l’ascenseur. Il soufflait un vent violent et glacial. Discrètement, dès qu’il fut dehors, Malko appuya sur le premier bouton de sa veste, déclenchant le signal radio alertant les forces de police. Max Sharon ne semblait s’être aperçu de rien.

— Nous allons prendre le métro à Hibaya Park, annonça-t-il.

De l’autre côté de Hibaya Avenue, Malko repéra une fourgonnette arrêtée en face du marchand de fleurs. Peut-être des policiers. Il chercha dans la foule ceux qui le suivaient, sans les voir. Ce qui le rassura. Max Sharon marchait à côté de lui, impénétrable. Absolument impénétrable. Malko essaya d’en savoir davantage.

— Nous allons dans leur « planque » ?

— Non, répondit Sharon, sans sortir la pipe de sa bouche.

Il se ferma comme une huître et ne dit plus rien jusqu’au métro. Une douzaine d’autres voyageurs patientaient sur le quai. La rame arriva. Ils montèrent, s’assirent côte à côte sur une banquette de velours. Le métro de Tokyo était remarquablement propre et silencieux, tous les wagons communiquant entre eux par des soufflets, ce qui donnait au train l’aspect d’un énorme serpent creux. Il y avait pas mal de monde, mais, apparemment, il était le seul étranger. Au bout de trois stations, Max Sharon se leva.

— Nous descendons.

Malko suivit. Le nom de la station était en caractères occidentaux : Hamamatsucho.

Ils émergèrent en bordure d’un parc, dans une rue animée. Malko voyait qu’ils ne se trouvaient pas loin du port, mais c’était la seule indication, outre la longueur du trajet. Au bout de cent mètres, ils stoppèrent devant la vitrine d’un marchand de kimonos. Des choses affreuses et bon marché, avec, au milieu de l’étalage, un petit taxiphone rouge.

— Que se passe-t-il ? demanda Malko.

— Nous attendons là, dit Sharon sans plus d’explication.

Malko se plongea dans la contemplation des kimonos. Pendant ce temps, les hommes du Kohan devaient grouiller de tous les côtés. Il s’appliqua à ne pas regarder autour de lui, pour ne pas donner l’éveil à Sharon.

Le téléphone rouge se mit à sonner. Aüssitôt, Max Sharon décrocha, écouta quelques secondes, puis raccrocha.

Rien ne se passa pendant deux ou trois minutes.

Puis un taxi arriva, vide. Il stoppa en face du marchand de kimonos. Aussitôt, Max Sharon poussa Malko vers le véhicule, dont la portière arrière s’était ouverte automatiquement, commandée par le chauffeur, comme sur tous les taxis.

— Montez.

À peine furent-ils à l’intérieur que le taxi démarra brutalement. Vingt mètres plus loin, il tourna à droite, dans un sens interdit, frôlant une voiture qui arrivait en sens inverse. Soudain, Malko réalisa que le taxi s’était arrêté avant que Sharon ne lui fasse signe… Celui qui le conduisait appartenait à la bande d’Hiroko ! Il regarda son visage dans le rétroviseur. Un visage rond, jeune, attentif à la conduite.

Le taxi – probablement volé – se faufila hors du sens interdit, fila le long du port, slalomant entre les obstacles. Cherchant visiblement à déjouer toute filature. Malko pensa aux policiers lancés à ses trousses. Pourvu que sa radio fonctionne bien ! À cause du métro, il n’avait pas dû être suivi par beaucoup de gens.

Inquiétant.

Le taxi continua encore cinq minutes, puis stoppa devant un bâtiment d’où partait une voie de ciment en surélévation. Sharon sortit le premier.

— Allons-y.

Malko ressentit un petit picotement désagréable dans la colonne vertébrale. Cette fois, il ne pouvait plus reculer.

— Où ? demanda-t-il.

— Nous prenons le monorail pour Haneda, dit Sharon. Ensuite, nous recevrons d’autres instructions…

Le monorail serpentait du centre de Tokyo à l’aéroport de Haneda, en grande partie au-dessus du port.

Max Sharon prit deux tickets pour Haneda. Le monorail ne s’arrêtait qu’une fois avant, à Okeiba Jomae. Ils montèrent jusqu’à la plate-forme de départ. Une demi-douzaine de personnes étaient déjà assises dans la voiture. On apercevait les frondaisons du parc Shubaouschi et l’eau du port. Malko se demanda si on avait pu le suivre… Le taxi était reparti aussitôt. Max Sharon se tourna vers Malko.

— Donnez-moi l’arme que vous avez.

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