9. La Fille fantôme

Témoignage de Bill Smith.


Il y avait un de ces stands à sandwiches non loin de la salle de conférences. C’est là qu’on choisit d’aller, faute de temps, faute de mieux. J’ai toujours observé ce genre d’établissement dans tous les aéroports, de LAX à Orly et je me suis toujours demandé pourquoi les gens tenaient tellement à rester debout pour manger leur hot-dog rassis. Je suppose que la réponse est évidente : ils étaient pressés. Comme nous.

Je me pris un truc qui se voulait du rosbif puis passai un bon bout de temps à déchirer puis presser ces petits sachets contenant de la moutarde, du ketchup et une espèce de sauce blanchâtre non identifiable pour tâcher de masquer le goût gluant de la viande. Tom avait pris un chili-dog qu’il dut bouffer avec des couverts en plastique.

« T’étais déjà au courant de cette histoire ? lui demandai-je.

— En partie. J’avais dans l’idée que c’était ce qu’il dirait.

— Et qu’est-ce que t’en penses ? »

Tom prit son temps pour me répondre. J’étais intéressé parce que sa spécialité, c’est la surveillance au sol et l’exploitation et qu’en outre il en connaît un bout sur l’électronique en général – domaine qui, je l’avoue, n’est pas mon fort. Il est diplômé du MIT en informatique, quand de mon côté je fais partie de la dernière génération à savoir encore à quoi ressemblait une règle à calcul. On est obligé d’en connaître un minimum en matière d’ordinateurs dans ma branche, et c’était le cas pour moi, mais je n’étais jamais arrivé à aimer ces bécanes.

« Ça pourrait se produire, finit-il par dire.

— Penses-tu que ça a été le cas ?

— Je l’ai cru, si c’est ce que tu me demandes. Nous pouvons même obtenir une corroboration par l’ordinateur. Ça demandera un certain boulot ! »

Je ruminai sa remarque. « D’accord. Supposons que ce soit vrai. À ton avis, qui doit-on pendre pour ça ?

— Hein ? C’est une devinette ?

— Pourquoi pas ?

— Merde, je ne sais pas si on peut pendre qui que ce soit. Il est encore trop tôt, tu comprends. Il se pourrait qu’on découvre en fin de compte quelque chose qui…

— Officieusement, Tom. »

Il acquiesça. « D’accord. Il se pourrait quand même qu’on ne trouve pas de responsable.

— Écoute, Tom. Si une tornade surgit brusquement dans un ciel limpide et détruit un avion, je concéderai que ce n’est la faute à personne. Si un aérolithe tombait sur un appareil, sans doute ne pourrait-on pas y faire grand-chose. Si…

— Épargne-moi ce laïus. Je l’ai déjà entendu. Et s’il s’avère que les responsables, c’est nous ? Toi et moi et le Conseil ?

— Ça a déjà été moi. Ce le sera encore. » Je ne poursuivis pas parce que je savais de quoi je parlais. Parfois nous sommes incapables de trouver ce qui a pu déconner et on ne sait jamais si ce n’est pas simplement faute d’avoir assez cherché. Ou bien encore, on trouve la cause, on la met dans le rapport, on le dit aux types censés y remédier et ils n’en font rien. On les pousse au cul pour qu’ils fassent quelque chose, mais on ne saura jamais non plus si on ne les a pas suffisamment poussés. Est-ce qu’on les a vraiment mis au pied du mur, est-ce que ça valait le coup d’y risquer sa place… et ainsi de suite. Jusqu’à présent, le cas ne s’est jamais nettement présenté d’un accident d’avion dû à une négligence de ma part, d’un truc que je n’aurais pas dû laisser faire. Mais il y a eu quantité d’accidents pour lesquels je me demande encore : et si j’avais simplement insisté un peu plus…

— Eli dit qu’il a déjà vu ça, m’interrompit Tom.

— L’a-t-il rapporté ? » Je veux dire, Eli était un ami, mais il y a des limites.

« Il dit que oui. Il ne l’a vu qu’une seule fois, mais il a entendu parler de deux ou trois autres cas semblables. C’était simplement un de ces petits pépins que personne n’a jamais pris la peine de résoudre. Tu sais, le problème général de la surcharge des ordinateurs fait oublier ce genre d’anicroche particulière. Il y en a un dossier entier à Washington.

— Tu l’as vu ?

— Ouais. Je me suis même amusé à chercher une solution, mais je ne sais pas si ça marcherait. Faute de matériel neuf.

— Ça signifie ?

— C’est un coup d’une fois sur un million : ça peut arriver lorsque deux appareils sont dans le même secteur du ciel et à la même distance de l’antenne du radar. La station au sol interroge les répondeurs de bord, ceux-ci répondent effectivement et les deux signaux atteignent le sol au même instant. Il faut que ce soit vraiment ric-rac, au millième de seconde. Et alors, parfois, dans ce cas seulement, il arrive que l’ordinateur se plante : il confond les deux signaux et n’affiche pas les bons chiffres sur l’écran. Selon le vieux principe de programmation : erreur en entrée, erreur en sortie. »

Je savais de quoi il parlait, mais je n’étais pas sûr qu’il eût raison. Contrairement à ce qu’on a pu vous raconter, les ordinateurs ne sont pas malins. Ils sont simplement rapides. On peut les programmer pour agir intelligemment, mais c’est en fait le programmeur qui est intelligent, pas la machine. Pourvu que vous lui laissiez assez de temps pour ruminer dessus, un ordinateur résoudra n’importe quel problème. Et vu que pour lui, longtemps ça représente autour d’un millionième de seconde, il donne effectivement l’illusion d’être malin.

« D’accord, dis-je. Donc les informations reçues par l’ordinateur étaient erronées, ou tout du moins susceptibles d’induire en erreur. Un ordinateur de centre de contrôle aérien ne devrait pas accepter une information manifestement erronée.

— Mais en l’occurrence, était-ce si manifeste que ça ? Et n’oublie pas qu’il était en rideau. Peut-être qu’il repartait de zéro, auquel cas le changement de position des deux appareils pouvait apparaître parfaitement raisonnable.

— Ça aurait dû être évident.

— Bon, fit Tom avec un soupir, ça aurait effectivement paru évident aux nouveaux ordinateurs et pour commencer, ils ne seraient pas tombés en panne. »

Je le dévisageai un moment et durant ce moment il continua de mâchonner son hot-dog qui semblait manifestement plus coriace que n’importe quel hot-dog digne de ce nom.

« Tu dis que les nouveaux ordinateurs auraient pu maîtriser ça ?

— Fichtre oui. Ils le font tous les jours. Ceux qu’on a installés. Merde, il y a sept ou huit ans, on avait déjà des bécanes qui ne se seraient pas foutues dans le pétrin où s’est mise celle-ci.

— On aurait dû insister plus.

— Jusqu’à quel point peux-tu insister ? »

Il évoquait une réunion qui s’était tenue six mois plus tôt. À cause d’un ordinateur en surcharge dans le secteur aérien de Boston, une situation s’était créée qui avait attiré notre attention. En l’espèce, il n’y avait pas eu de collision. Simplement, les deux appareils avaient joué au « premier qui craque est un pleutre » avant qu’un des pilotes ne tire le manche à temps. Si bien qu’une fois encore on avait reposé la question du remplacement des ordinateurs.

La plupart des ordinateurs de la F.A.A.[8] avaient été achetés et installés en 1968. Quelqu’un avait eu ce qui avait paru une excellente idée à l’époque, à savoir d’acheter le matériel au lieu de le louer. Tant et si bien que le gouvernement américain s’était bientôt trouvé posséder l’équivalent de plusieurs millions de dollars en ordinateurs – dont il avait en plus la charge et l’entretien.

Les années passèrent.

Si vous vous y connaissez un peu en informatique, vous savez qu’un ordinateur construit il y a dix ans pourrait tout aussi bien dater de l’âge de pierre. Peu importe que la machine ait été bien entretenue et qu’elle fonctionne impeccablement selon les spécifications initiales : elle ne vaut plus un pet de lapin. Estimez-vous encore heureux si vous pouvez la fourguer au prix de la ferraille, car qui a envie d’acheter une énorme bécane incapable de faire la moitié du boulot que pourra faire aujourd’hui, et mieux, une machine cent fois plus petite ?

Les ordinateurs de la F.A.A. étaient devenus des éléphants blancs. Ils fonctionnaient – même si c’était à la limite de leurs capacités – d’où quantité de retard dans l’acquisition des données. Leur remplacement était en cours, mais ça coûte cher et les budgets sont serrés. Ça prendra du temps.

Et alors ? Dans ce domaine, vous n’avez pas le temps d’enlever la housse et de brancher la bécane que quelqu’un d’autre aura trouvé sur le marché deux fois mieux à moitié prix. On finit par se retrouver en train de guetter ce qui va sortir l’année prochaine en se demandant si ça ne vaudrait peut-être pas le coup d’attendre encore un peu.

Je m’étais opposé au plan à long terme. Je voulais qu’on les remplace tous dans l’année et tant pis pour les modèles de l’année prochaine. Mais ça ne valait pas le coup non plus d’y jouer ma place.

Cherche bien et tu finiras par trouver un responsable.


À notre retour, ils étaient prêts à jouer la copie de la bande du C.V.R. du 747.

Tout le monde se réunit de nouveau – on était encore plus nombreux ce coup-ci ; je ne sais pas comment ça se fait, mais chaque enquête semble attirer les gens comme un chien attire les puces – et on lança la bande. Il y avait un important souffle cyclique, mais elle restait en gros audible.

Quatre personnes étaient présentes dans le poste de pilotage. Toutes ayant l’air de bien se marrer, bavardant, échangeant des plaisanteries.

Gil Crain, le pilote, fut pour moi le plus facile à situer. Je l’avais connu et en plus il s’exprimait avec un fort accent du Sud. Il avait bien raison, d’ailleurs. La moitié des pilotes de ligne se croient obligés d’adopter un accent de Virginie occidentale, parlant d’une voix traînante comme Chuck Yeager qui a lancé ça dans les années 50. Les autres adoptent un patois émis sur un ton chantonnant et désabusé – j’ai fini par appeler ça l’argot des chasseurs du Vietnam –, il y a des moments, on croirait entendre un paquet de routiers derrière leur C.B. Mais Gil Crain était né et avait grandi sur le sol de Dixie. Et il allait bientôt y reposer.

Il passa un bon bout de temps à parler de ses gosses. Pas facile à écouter, sachant ce qui allait lui arriver. Je me rappelle encore la bande de la catastrophe de San Diego : ils discutaient d’assurance-vie, ignorant à quel point ils allaient en avoir besoin quelques minutes plus tard.

Le mec qui gloussait tout le temps, c’était Lloyd Whitmore, le mécanicien. John Sianis, le copilote, avait une trace d’accent étranger – vaguement levantin, je pense – et un débit net et précis.

Le dernier, c’était Wayne DeLisle. Il était enregistré comme observateur, disons plutôt qu’il voyageait gratis : c’était un pilote de la PanAm qui faisait le vol assis sur le strapontin du poste de pilotage. Il devait prendre son service à San Francisco le lendemain, pour assurer le vol de Hong Kong. Il ne se trouvait pas très près du micro et sa voix n’était pas très distincte, mais il parlait tellement que je n’eus bientôt aucun mal à le repérer parmi les autres.

Les ennuis commencèrent en gros de la même façon : le commandant Crain voulut d’abord contester l’ordre de Janz, vu que pour lui il ne rimait à rien, mais je savais qu’il n’aurait pas hésité longtemps. Il devait supposer en effet que le contrôleur au sol, assis derrière son écran radar, en savait certainement plus sur la situation que lui, Crain, perdu dans une formation nuageuse, une épaisse purée de pois derrière son pare-brise.

L’ambiance dans le poste de pilotage devint aussitôt silencieuse et affairée.

Crain dit : « Je me demande ce qui lui est passé par la tête. » Il commença de dire autre chose puis s’interrompit. Le bruit s’amplifia au moment de la collision. Apparemment, l’équipage n’avait même pas eu le temps d’apercevoir l’autre appareil. Du moins ne l’ont-ils jamais mentionné.

Quelqu’un cria quelque chose puis tout le monde se mit à l’œuvre pour maintenir en vol l’appareil désemparé.

Nous les écoutâmes pendant que trois d’entre eux s’affairaient. Ils suivaient les consignes : Crain testait les commandes, pour voir ce qui lui restait, répétant à voix haute chacune de ses manœuvres, et graduellement, il parut manifester un certain optimisme. Son appareil perdait toujours de l’altitude, mais il se battait pour lui relever le nez et pensait avoir assez de ressources pour le redresser. Dans l’état de mes connaissances, je ne lui donnais pas tort, mais je savais également une chose que lui ignorait et c’était qu’il n’avait plus de gouvernail et que droit devant se trouvait une montagne qu’il ne pourrait pas éviter. Et puis j’entendis DeLisle.

« Remontez un peu plus haut sur la bande, demandai-je. Qu’est-ce qu’il a dit ?

— Quelque chose comme “voir les passagers” », suggéra quelqu’un. La bande redémarra et l’on entendit Gil parler de la commande du gouvernail. Je me penchai en avant pour mieux saisir la réplique suivante qui allait être celle de DeLisle lorsqu’une voix me parla à l’oreille :

« Voulez-vous un café, monsieur Smith ? »

Je l’avais encore ratée. Je me retournai, furieux, prêt à gueuler qu’on fasse sortir cette connasse… et me retrouvai nez à nez avec mon hôtesse-star de ciné du hangar. Elle avait un sourire superbe, aussi innocent et candide que celui d’une sainte. Je trouvai ça plutôt bizarre, venant de quelqu’un qui avait détalé comme un voleur la dernière fois qu’on s’était vus, quelques heures à peine plus tôt.

« Qu’est-ce que vous fichez…

— Il a dit : “Je vais aller voir les passagers” », m’informa Jerry, sur mon autre côté. « À ton avis, pourquoi… Bill ? Est-ce que tu écoutes ? »

Une partie de moi-même avait écouté, mais le reste était sous le charme de cette fille. J’étais partagé en deux. Je regardai Jerry, puis la fille, qui s’éloignait déjà avec son plateau et ses tasses.

« À ton avis, pourquoi aurait-il dit ça ? répéta Jerry. La situation était déjà suffisamment difficile.

— On le verrait plutôt en train de resserrer sa ceinture », renchérit quelqu’un. Toute mon attention s’était reportée sur ce problème. Je remarquai :

« Il ne sert pas à grand-chose de se demander pourquoi il est parti. Aucune tâche ne le retenait dans le poste de pilotage, donc on ne peut rien lui reprocher. Il était un poids mort, mais peut-être estimait-il pouvoir aider les agents de bord en cabine.

— Je suis simplement surpris qu’il y ait pensé si vite, intervint Craig.

— Pas moi, dit Carole. Réfléchissez un instant : lui, un pilote, il se trouve dans un poste de pilotage où il est inutile. Tout dans son entraînement lui demande de faire quelque chose, mais c’est le boulot du commandant. Puisqu’il a été formé à secourir les passagers, il sort du poste de pilotage où il ne peut être d’aucune aide et réintègre la cabine où il peut faire quelque chose. »

J’acquiesçai. Ça se tenait. Tom aussi était d’accord.

« Ça pourrait coller, dit-il. Mais du point de vue du règlement, il ne fait pas partie de l’équipage et son premier réflexe aurait dû être de faire ce qu’on lui demandait et non de décoller de sa propre initiative. Il aurait dû attendre les ordres de Crain.

— Crain était bien trop occupé pour émettre des suggestions. »

On en discuta encore quelque temps jusqu’à ce que je rappelle tout le monde à l’ordre : « Continuez la bande. »

Celle-ci durait plus longtemps que l’autre. C’était pis en un sens. On sentait bien que Gil croyait vraiment s’en tirer. Il annonçait les relevés de l’altimètre et ceux-ci semblaient se stabiliser. Son angle d’attaque s’améliorait. Son copilote lançait des appels, à la recherche d’un endroit où se poser en catastrophe ; il se demandait s’ils pourraient atteindre les hauts-fonds de la baie, le fleuve Sacramento ou une autre étendue d’eau ; ils parlaient de champs et de routes de campagne… et soudain l’alarme de proximité du sol se mit à beugler. Et la montagne était là.

Elle aurait été déjà dure à éviter même avec un gouvernail. Crain essaya tout ce qu’il avait à sa disposition, toutes ses gouvernes d’attitude : déporteurs, ailerons, volets, élevons, cherchant désespérément à faire basculer l’énorme bête. Le dialogue dans l’habitacle devint encore plus rapide, mais toujours aussi discipliné, tandis que s’échinaient Crain et son équipage.

Il décida de relever le nez, d’abaisser les volets, réduire les moteurs pour essayer de plaquer l’appareil au sol, l’aplatir sur le flanc de la colline, en espérant qu’il ne glisserait pas trop bas. Dès ce moment, il avait éliminé les solutions favorables et semblait uniquement préoccupé désormais de limiter la casse.

Et là, on entendit un bruit des plus surprenants : quelqu’un hurlait dans le poste de pilotage. J’étais pratiquement certain que c’était une voix d’homme et le cri était hystérique.

Les mots déferlaient maintenant presque trop vite pour être compréhensibles. Je me retrouvai assis tout au bord de la chaise, paupières serrées, dans un effort désespéré pour tâcher de percevoir ce que disait la voix. Je l’avais déjà identifiée comme étant celle de DeLisle. Il était revenu.

Mais pourquoi ? Et qu’est-ce qu’il disait ?

C’est à ce moment-là que la bande s’arrêta brutalement tandis que quelque chose de pesant me heurtait de côté. Je sursautai de surprise, rouvris les yeux et regardai entre mes jambes. Il y avait une tasse en plastique renversée. Le café chaud imbibait mon pantalon.

« Je suis tellement confuse… oh ! mon Dieu ; tenez, laissez-moi vous aider… Oh ! je suis une telle gourde, pas étonnant qu’ils n’aient pas voulu de moi comme hôtesse ! »

Et elle continua un moment sur ce ton, accroupie à côté de moi, sans cesser de m’éponger l’estomac à l’aide d’un mouchoir minuscule.

Un instant, je restai désemparé. La seconde d’avant, totalement absorbé par ces pauvres gars dans leur poste de pilotage et puis, brusquement, en prendre (littéralement) plein la gueule pour pas un rond. Elle était à quelques centimètres de moi, me dévisageant avec un drôle d’air, et elle me caressait les cuisses avec son mouchoir humide. Je ne pouvais que la fixer, muet. « Ça va, ça va, finis-je par dire. Un accident, ça peut arriver.

— Oui, mais c’est toujours à moi que ça arrive », fit-elle d’un ton plaintif.


Pour un accident, c’était un sacré bel accident.

Elle avait trébuché sur le cordon secteur, d’où l’arrêt brutal du magnéto. Son plateau était parti d’un côté et elle, une tasse dans la main, de l’autre. Elle avait atterri par terre près de moi tandis que le plateau avait achevé sa trajectoire en répandant son contenu sur la machine.

Je me précipitai pour évaluer les dégâts.

« J’ai plus qu’à trouver une autre machine, dit le technicien. Putain de stupide pétasse. C’est une bécane de cinq mille dollars que j’ai là, et c’est pas le café qui va l’arrang…

— Et la bande ? » J’eus un frisson rétrospectif. Une fois, j’avais passé la bande originale avant de l’envoyer au labo de Washington. J’avais une sacrée chance que ce ne fût qu’une copie. Personne au Conseil n’aurait trop apprécié de voir une bande échapper à une collision en vol pour finir ruinée par du marc de café.

« Ça devrait aller. Je vais la rembobiner et la sécher à la main. » Il consulta sa montre. « Donnez-moi une demi-heure. »

J’acquiesçai et me retournai pour retrouver la fille, mais elle avait disparu.

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