11. Voici l’Homme

Sherman dit : « Appelle-moi Jésus. »


Je lui balançai ma cigarette – simplement parce que je n’avais rien de plus lourd sous la main. Le mégot ne l’atteignit même pas. Il y a un petit laser dans un coin de ma chambre, couplé à un petit radar et un petit cerveau ; il repéra le mégot, et le pulvérisa en plasma avant qu’il ait parcouru cinquante centimètres. Je sais, je sais, que va encore inventer la science moderne, mais ça bat à plate couture les bons vieux cendriers.

« Attends une minute, que je t’appelle une ambulance.

— Il y a certaines choses qu’honnêtement je ne peux pas te dire, Louise.

— Qu’est-ce que tu peux me dire, alors ? »

Il parut y réfléchir un instant.

Je lui soufflai : « Ton message t’a-t-il vraiment dit que tu ne devais en révéler à personne la teneur ?

— Oui. Avec certaines exceptions.

— Comme ?

— Comme toi. Je suis autorisé à te dire certaines choses. À certains moments.

— Pour me manipuler ?

— Oui.

Je le considérai, interdite, et il me rendit mon regard. J’admets à son crédit qu’il n’en paraissait pas plus fier.

« Il y a tellement de niveaux…, commençai-je.

— Oui.

— Enfin, que tu déclares – que tu reconnaisses devant moi – que tu peux me dire certaines choses à certains moments, dans un but de manipulation… c’est déjà de la manipulation.

— Oui.

— Ça me donne une telle impression de… de responsabilité ! Je sais que tu te sers de moi et je suis forcée de supposer que c’est pour une bonne raison, donc je devrais faire ce que tu veux que je fasse… mais comment puis-je le savoir ?

— Tu n’as qu’à te comporter naturellement. Faire ce que tu aurais fait en temps normal.

— Mais ce que tu viens de me dire altère les termes de l’équation. Maintenant que je sais que tu me guides – même de manière subtile – le simple fait d’en être consciente me pousse à agir autrement que si…» Je m’arrêtai en bafouillant. Il me considérait toujours du même regard candide.

« Je dois donc supposer que toutes ces strates de confusion font simplement partie de ton plan, quel qu’il puisse être…» Une fois encore, je tournais en rond.

« Oh, et puis va te faire foutre.

— Merveilleux », et il se frotta les mains. « Te voilà revenue à de saines dispositions. »

Je ne pus que sourire.

« Je m’en vais te faire fondre et, avec les bouts, je me fabriquerai une boîte en fer-blanc et après je donnerai des grands coups de pied dedans…

— Bien, bien, déballe tout !

— Ta mère était une vulgaire rôtissoire et ton père un distributeur automatique.

— Mon Dieu, mais c’est que ce programme du XXe fait des merveilles. Tous les petits détails vrais de la vie quotidienne au bout des lèvres. »

Je le gratifiai de quelques autres insultes en langue moderne, mais c’était en vain et le cœur n’y était plus. On ne peut pas discuter avec Sherman. Le simple fait d’essayer est déjà frustrant et c’était bien la dernière chose dont j’avais besoin. Aussi essayai-je de me purger l’esprit de toutes ces idées pour repartir de zéro.

« Bon, d’accord. Jésus, c’est toi. Vas-tu me dire ce que tu entends par là ?

— Oui. Jésus-Christ était une figure mythique primordiale au XXe siècle, le Fils de l’Être Suprême, adoré par une secte dont les principaux fétiches étaient une croix, un calice ou Graal et…

— De la couille, oui. Je sais tout ça. Leur grand thème c’était : “il est mort pour la rémission de nos péchés”. » Je pris un air encourageant : « Et alors, c’est ce que tu avais en tête ?

— Pas précisément. J’avais en tête son rôle en tant que sauveur de l’humanité. »

Je le regardai. Qu’on se souvienne qu’à ce stade, ses traits n’étaient qu’une simple esquisse, un croquis si inepte que Walt Disney avait dû s’en retourner dans sa suspension cryogénique. Certaines parties de son individu semblaient droit sorties du Magicien d’Oz. Je n’irai pas jusqu’à dire qu’il grinçait en marchant, mais au premier coup d’œil on voyait tout de suite qu’il était le descendant en droite ligne d’un jeu vidéo de café. Et c’était cette entité qui se présentait devant moi comme le sauveur de l’humanité.

« Tu me permettras d’en douter.

— Peut-être, mais c’est la vérité. Le message de ma capsule temporelle était tout à fait circonstancié. Il retraçait les événements de ces derniers jours avec force détails et se poursuivait en décrivant les événements des… six prochains jours. L’ayant lu, je vis aussitôt ce que je devais faire – et quand le faire – pour sauver la race humaine. Jouant avec cette idée, je fus dès lors frappé par le parallèle avec l’histoire biblique de Jésus, peut-être est-ce hubris de ma part, et je n’ai pas l’intention d’insister trop là-dessus, mais si l’on veut bien considérer que le Grand Ordinateur est Dieu, alors il n’est pas déraisonnable de me voir – moi, le seul robot à jamais avoir reçu le message d’une capsule temporelle – comme son seul et unique fils, engendré, non pas créé.

— Et c’est toi qui étais censé me psychanalyser. Est-ce que tu t’es écouté ? Tu n’es pas plus unique qu’une Ford T. Un sauveur avec un numéro de série !

— Grand Ordinateur, pour Toi toute chose est possible ; décharge-moi de ce calice et qu’il en soit fait désormais non plus selon ma volonté, mais selon Ta volonté. »

Cette fois, j’aurais voulu avoir un cendrier ; malgré tout, je me retins de lui balancer la cigarette ; elle était à moitié fumée et c’eût été pécher que de gâcher du bon tabac.

« Je n’ai pas demandé à recevoir une capsule temporelle, Louise ; pas plus que toi. Tu joues tes cartes selon ta donne. Je dois en faire de même. »

Je restai un moment à fumer en silence, faisant mon possible pour déchiffrer ce masque qui lui servait de visage. Et je jure qu’au bout d’un moment, il finit par me sembler presque humain. Je me mis à le plaindre. Si la moitié seulement de ce qu’il disait était vraie, il avait hérité d’un fardeau considérablement plus lourd que le mien. Je lui demandai :

« Peux-tu m’apporter une preuve quelconque de ce que tu avances ?

— Aisément. Bien que je ne garantisse pas de pouvoir tout prouver. Tu es trop sceptique pour ça. Mais je peux te dire le contenu de ta capsule temporelle. »

Et il me l’énonça, mot pour mot. Je le laissai aller jusqu’au bout, y compris le passage sur la gosse et cette histoire de ne pas baiser avec lui sauf si j’en avais envie.

« Est-ce que je vais…

— C’est une des choses qu’il m’est interdit de te dire.

— Mais tu sais.

— Oui, je sais. »

Je l’observai encore. À quoi bon mentionner les dédales de probabilités, de mensonges et d’illusions entre lesquels dut naviguer mon esprit pendant que je t’étudiais ainsi car en fin de compte je me retrouvai à mon point de départ.

« Le Grand Ordinateur aurait pu te dire ce qu’il y avait dans ma capsule temporelle.

— Tu crois qu’il ferait ça ? Avec l’ordre strict du Conseil de n’en rien faire ?

— Je sais qu’il pourrait le faire, il est donc tout à fait possible qu’il l’ait fait.

— Merveilleux », dit Sherman, et il avait l’air sincèrement ravi. « Ton esprit soupçonneux te servira bien à l’avenir, tout comme il t’a déjà servi par le passé.

— Ce qui signifie que si ça ne me fait pas de bien ça ne peut pas me faire de mal ?

— Tout juste. » Il se pencha et me considéra en arborant la raisonnable approximation d’un air innocent. « Louise, je ne te demande pas d’aimer cette situation. Je ne l’aime pas moi-même.

— Toi ? Ou le Grand Ordinateur ?

— Il est parfois vain de vouloir établir une distinction. Mais j’éprouve effectivement des sentiments. Je n’ai pas à aimer ce que je dois faire et, en même temps, je sais fort bien que je n’ai pas d’autre choix.

« Des jours difficiles nous attendent. Nous nous dirigeons vers un désastre irrémédiable, totalement inévitable. Et pourtant, dans le même temps, il existe une issue. Nous ne pourrons l’atteindre tant que cette triste et désolante représentation ne sera pas achevée, mais, à la fin, je saurai mener l’humanité à la terre promise.

— L’humanité. Un chouette grand mot. J’ai bossé toute ma vie pour sauver l’humanité. » J’écrasai ma cigarette. « Mais et moi, alors ? » Je n’étais pas sûre d’avoir vraiment envie de le savoir, mais il fallait que je demande.

« Pour toi, Louise, tu connaîtras des moments difficiles. Je ne peux pas être plus précis. Mais, en définitive, il y aura un dénouement heureux.

— Pour moi ? » J’étais incrédule. Une fin heureuse. C’était bien la dernière chose à laquelle je pouvais m’attendre.

« Plus heureux que tu ne pourrais jamais l’escompter. Cela te suffit-il ? »

Pour quelqu’un comme moi, depuis toujours le cœur blindé, pessimiste dans l’âme, je suppose que c’était oui. Du moins ; je me sentais incontestablement mieux, même si pas un seul instant je ne pus m’imaginer une fin autre que douce-amère. Mais l’avantage d’être pessimiste, c’est que même ça, c’est déjà un progrès.

« D’accord, dis-je enfin. Mais tu t’emmêles avec tes allusions bibliques. Tu as dit que tu allais nous conduire vers la terre promise. Jésus n’a jamais fait une chose pareille. »

Sherman parut aussi surpris qu’un pape réputé infaillible tenant en main un ticket de tiercé perdant. Cela satisfaisait mon côté pervers ; je veux dire, peut-être que son histoire du futur n’avait pas inclus cette réplique-là.

« Appelle-moi Moïse », me répondit-il.

Ce fut donc la fenêtre B. La décision fut prise comme le sont beaucoup d’autres dans notre organisation sans formalisme : par consensus.

Il existait au XXe siècle une nation qui se faisait appeler la République populaire de Chine. C’était une dictature du prolétariat – expression symbolisant pour moi le pire de chacun des systèmes – dans laquelle les décisions étaient prises au travers des processus de critique autocritique, analyse dialectique et autres fariboles de la même eau. En théorie, la réponse qui en émergeait devait exprimer la volonté des masses. En fait, la Réponse Politiquement Correcte s’avérait toujours celle du Président, quelle que fût d’ailleurs l’identité de celui-ci.

Très tôt dans ma carrière au sein du projet, j’avais pu noter que, formalisme ou pas, les choses se réalisaient toujours d’une certaine manière. Je me mis à étudier ça. Et en faisant le rapprochement avec mes connaissances implantées concernant la République populaire au XXe siècle, je pus apprendre un certain nombre de choses sur le meilleur moyen de parvenir à un consensus : vous leur bottez le cul jusqu’à ce qu’ils se décident tous à agir dans le sens que vous désirez.

On botta donc quelques culs. Personne n’eut besoin de savoir que j’avais absolument exclu un retour vers la fenêtre C. Il se trouva simplement, une fois la poussière retombée, que la démarche évidente était de recourir à l’option B.

Je reconnais volontiers que l’absence d’objection de la part de Sherman m’y a aidée. Et je voyais bien qu’il risquait de se poser un problème pour peu que ce voyage échoue également et qu’il ne nous reste qu’une ultime solution, mais comme on dit dans le métier, demain, c’est demain.


Lundi 12 décembre, aéroport international d’Oakland.

J’y suis allée déjà ce jour-là, de huit à neuf heures du matin, mais pour moi, c’était presque avant hier. Il fallait que je garde ce détail en tête car pour Bill Smith, ça ne faisait qu’un écart de cinq heures. Il était donc susceptible de me reconnaître s’il avait la moindre mémoire des visages. Je devais le supposer car mon visage et mon corps sont on ne peut plus mémorables.

La Porte me déposa dans une pièce peu fréquentée à l’intérieur de l’aérogare. J’avais quelque peu discuté… je me demandais si réellement ils avaient recalibré la Porte aussi finement qu’ils le prétendaient. Mais au bout du compte, j’avais laissé Lawrence en faire à sa guise, après tout c’est lui l’expert. Arrivé à un certain point, il faut bien se fier à l’opinion d’un spécialiste. Je ne considérais pas ce point comme suffisamment important pour exiger dessus un « consensus ».

Il avait finalement eu raison. J’étais à quinze centimètres de l’endroit qu’il avait visé. Et la Porte était apparue en silence comme Lawrence me l’avait garanti. Je jetai un rapide coup d’œil circulaire pour m’assurer que je n’avais pas été observée et descendis le corridor en direction de la salle allouée au N.T.S.B. pour ses réunions privées.

Mon chemin me fit traverser la majeure partie du terminal, qui était bondé. Ça allait empirer dans les prochains jours. Nous étions au milieu de la période de fête dite de Noël et qui semblait prendre tout le mois de décembre. Il y avait un arbre gigantesque décoré de lumières et divers autres ornements accrochés aux façades. Noël était une période pour dépenser de l’argent, voyager, et se saouler. Il s’était agi à l’origine de célébrer la mort de Jésus-Christ, mais dans les années 1980, tout cela avait été largement oublié et s’y était substitué un nouveau totem, vêtu d’un costume rouge et portant une fausse barbe.

Tout le monde autour de moi avait une mine plutôt lugubre – en accord avec l’air du temps : les plus lugubres d’entre les lugubres s’amassaient autour d’un guichet qui vendait des assurances-vie. Il ne devait pas y avoir grand monde dans l’aérogare qui n’eût pas en tête la récente catastrophe aérienne. Bon nombre des passagers avaient décidé d’acheter une police d’assurance – qui à vrai dire n’assurait rien du tout et se résumait au bout du compte à un simple pari sur votre survie passé avec une grande compagnie : pour gagner, vous deviez mourir. Peut-être que ça m’aurait paru plus cohérent si j’avais escompté avoir une descendance.

Parvenir à la réunion ne présentait aucune difficulté : Je dus franchir plusieurs portes marquées : accès réservé au personnel autorisé, et à un moment, je dus affronter un garde du corps posté là pour écarter les journalistes et autres importuns. Mais j’étais littéralement bardée de pièces d’identité, je portais les vêtements qui convenaient et je connaissais tous les noms qu’il fallait lâcher. Nous avions soigneusement épluché l’organigramme de l’enquête et nous savions qui avait assez de poids pour se permettre d’enfreindre les règlements. Il me suffit donc de présenter vite fait ma carte d’identification et d’adresser au garde un éclatant sourire de mes dix-huit dents (à peu près) en lui annonçant que monsieur Smith m’attendait pour qu’il me laisse entrer.


Un rien de temps plus tard, j’étais ressortie.

Ma jolie petite robe était imbibée de café, mais j’étais assez contente de moi. Laurel et Hardy n’auraient pas fait mieux ; l’un des plus beaux gadins des annales : le plateau avait atterri exactement là où j’avais visé. Personne ne réécouterait cette bande de sitôt.

Cette bonne impression ne dura pas, toutefois.

Ce putain de voyage était bien le plus dingue de tous. Les deux fois précédentes, j’avais espéré récupérer le twonky et ainsi mettre un terme au paradoxe. Cette fois, tout ce que j’avais pu tenter, c’était de créer une diversion et sans doute en pure perte. Il y avait sur cette bande des choses sur lesquelles nous préférions ne pas voir M. Smith s’interroger. Nous avions estimé que plus tard dans la journée il les entendrait, moins il serait sur ses gardes et moins il serait susceptible d’y attacher une quelconque importance.

Même pour moi, ça me semblait bigrement tiré par les cheveux. Il y avait même le risque que l’outrance de mon comportement attirât au contraire son attention sur les paroles prononcées par DeLisle.

Une fois encore, ma seule consolation était qu’on n’avait rien d’autre. L’unique possibilité restante était la fenêtre C.

Et là aussi, il y avait quelque chose que je n’aimais pas. J’avais très nettement senti ces ficelles, là-bas dans la salle. Les ficelles tirées par le ou la marionnettiste du temps, Madame la Prédestination, le Professeur Destin, Karma, le Grand Magicien noir – quel que soit le nom qu’on veuille bien lui donner. Qui ou quel qu’il fût, je me sentais manipulée entre ses mains.

Il y avait eu cet instant…

Accroupie par terre à côté de lui, tandis qu’il posait sur moi son regard perplexe…

Mais qu’est-ce que tu fous ici ? Je m’étais posée la question. Et pourquoi me regarde-t-il comme ça ?

J’étais en train de me faire avoir. Pas à tortiller. Impossible de voir le présent voyage autrement que comme une préparation à celui vers la fenêtre C. Ne baise pas avec lui à moins d’en avoir envie. Parle-lui de la gosse. Ce n’est qu’un légume.

Le marionnettiste tirait sans douceur. Et son nom était Sherman.


Je ne fus pas plus surprise de découvrir que Sherman avait changé. Je franchis la Porte et il m’attendait. Son visage ne sortait plus d’un dessin animé même s’il était loin encore d’être humain. Je m’étais plus ou moins attendue à le voir ressembler à Bill Smith – j’avais cru surprendre son fantôme dans sa première incarnation – mais non. Ce n’était qu’un androïde, mais cette fois du genre à prendre au sérieux.

Tout le monde d’ailleurs le traitait en conséquence. On s’écartait de son passage tandis qu’il me menait vers une pièce où nous pourrions discuter en privé.

« Comment ça s’est passé ? me demanda-t-il.

— Pourquoi ne me le dis-tu pas, tôt ?

— Fort bien. Tu as réussi à le distraire la première fois que les paroles de DeLisle sont apparues sur la bande. Il t’a vue de près et t’a reconnue. Ton visage est désormais irrémédiablement gravé dans son esprit. Il va toujours continuer à penser que les paroles prononcées par DeLisle à son retour dans le poste de pilotage étaient bizarres, mais qu’en fait ça n’était pas très important. Il n’aura pas de mal à écarter ce problème car désormais tout va l’y inciter. C’est Tom Stanley qui va résister le plus longtemps, mais en définitive il décidera, comme les autres, que DeLisle est simplement devenu fou.

— Je ne vais pas y aller, Sherman. »

Il poursuivit, comme si je n’avais rien dit.

« Le nouveau membre du Conseil, M. Petcher – ou plutôt Gordy, comme il préfère qu’on l’appelle –, ne sera pas en Californie dans la soirée du douze. À son plus grand déplaisir, M. Smith va devoir tenir une conférence de presse ce soir-là. Ce sera le vain exercice habituel. Smith n’a rien à leur fournir et ils vont le harceler avec leurs spéculations. Il va passer la soirée à leur dire qu’il n’a rien à dire.

— Je n’irai pas, Sherman.

— Durant cette conférence de presse, Smith va pour la première fois rencontrer, brièvement, M. Arnold Mayer, le physicien mystique, l’illuminé bien connu. Les questions de Mayer lui paraîtront idiotes, mais le visage et le nom resteront gravés dans son esprit. Ça ne ferait pas de mal qu’un autre nom, un autre visage, le marquent plus encore cette nuit-là. Nous faisons des progrès, Louise, mais nous sommes loin d’être sortis de l’auberge.

— Je n’irai pas. »

Il me dévisagea un long moment, en silence. Enfin, il mit le bout des doigts en pont, en un geste terriblement humain, posa dessus le menton et se mit à se balancer. Et, vous me croirez si vous voulez, il poussa un soupir. Et dit :

« Parle-lui de la gosse, Louise. Ce n’est qu’un légume. »

Je me levai, prête à me jeter sur lui pour le démanteler, mais je suppose que me lever aurait été une erreur. Je m’évanouis.

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