Prologue

Témoignage de Louise Baltimore.


Le DC-10 n’avait pas une chance. C’était un bon appareil, bien qu’à ce point dans le temps sa réputation fût encore entachée par les controverses résultant des incidents de Paris et Chicago. Mais quand vous perdez cette longueur d’aile, vous n’êtes plus un engin volant, vous êtes un pavé d’aluminium. Car c’est ainsi que le Dix descendit : tout droit, en vrille.

Mais le 747, comme je le disais à Wilbur Wright pas plus tard que l’autre jour, se classe, avec le DC-3 Gooney Bird[1] et le Fokker-Aérospatiale HST[2] , parmi les plus fiables tas de boulons jamais dessinés. Certes celui-ci était sorti de la collision en meilleur état que le DC-10 et il ne fait aucun doute qu’il était mortellement blessé. Mais l’imposant vieux cachalot parvint quand même à rétablir son assiette pour reprendre un vol horizontal et s’y maintenir. Qui sait ce qui aurait pu advenir s’il n’y avait pas eu cette montagne en travers de sa route ?

L’intégrité structurelle de la cellule s’était remarquablement bien maintenue malgré l’impact sur le ventre suivi d’un roulé-boulé, manœuvre que personne chez Boeing n’avait envisagé d’intégrer dans les contraintes de construction. La preuve en était dans le surprenant état de conservation des passagers : près de trente sans un seul membre arraché ! L’appareil n’aurait pas pris feu, on aurait peut-être même retrouvé quelques visages intacts.

J’ai toujours pensé que cela pouvait constituer un fabuleux spectacle à vivre pour ses dernières secondes. Ça vous plairait vraiment mieux de mourir dans votre lit ?

Bon, enfin peut-être. Mourir pour mourir, les deux doivent se valoir.

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