LXIII

Adamsberg salua deux flics inconnus qui gardaient le palier de Camille et leur montra sa carte — encore au nom de Denis Lamproie.

Il pressa sur la sonnette. Il avait passé la journée de la veille à reprendre vie dans la solitude et dans un formidable étourdissement, éprouvant des difficultés à renouer le contact avec lui-même. Après ces sept semaines passées dans la tourmente des vents cardinaux, il se retrouvait projeté sur le sable, brossé, trempé, et les plaies du Trident refermées. En même temps qu’abruti et surpris. Il savait au moins qu’il devait dire à Camille qu’il n’avait pas tué. Au moins cela. Et, s’il trouvait un moyen, lui faire savoir qu’il avait débusqué le type aux chiens. Il se sentait mal à l’aise avec sa casquette sous le bras, son pantalon gansé, sa veste aux épaulettes ornées d’argent, médaille à la boutonnière. La casquette couvrait au moins les restes voyants de sa tonsure.

Camille ouvrit sous le regard des deux policiers. Elle leur adressa un signe pour confirmer qu’elle connaissait le visiteur.

— Deux flics me veillent en permanence, dit-elle en refermant la porte, et je n’arrive pas à joindre Adrien.

— Danglard est à la Préfecture. Il boucle un monstrueux dossier. Les flics te garderont pendant au moins deux mois.

Allant et venant dans l’atelier, Adamsberg parvint à peu près à conter son histoire, essayant de contourner Noëlla, emmêlant à nouveau les alvéoles. Il interrompit le récit en son milieu.

— J’ai aussi débusqué ce type aux chiens, dit-il.

— Bon, dit lentement Camille. Comment le trouves-tu ?

— Comme le précédent.

— C’est bien qu’il te plaise.

— Oui, c’est plus facile comme cela. On pourra se serrer la main.

— Par exemple.

— Échanger quelques mots entre hommes.

— Aussi.

Adamsberg hocha la tête et acheva son récit, Raphaël, la fuite, les dragons. Il lui rendit la règle du jeu avant de partir et ferma doucement la porte derrière lui. Son léger claquement le choqua. Chacun d’un côté de cette planche de bois, vivant sur des plaques dissociées, verrouillées de ses propres mains. Ses deux montres, au moins, ne se délaçaient pas, s’entrechoquant en un accouplement discret sur son poignet gauche.

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