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13, rue du Horla – Deuxième étage – Bureaux de l’Association
— Allô ? Jules ! Enfin ! Mais où étais-tu passé ?
— Je suis désolé, mademoiselle Rose. J’étais en train de suivre la piste de Nina, hier soir, quand mes parents m’ont téléphoné. Ils s’inquiétaient. J’ai dû rentrer chez moi.
— Tu aurais pu me prévenir. Je me suis fait beaucoup de souci.
— J’ai complètement oublié. Il faut dire que j’ai eu droit à une bonne engueulade…
— Tu m’appelles pour présenter tes excuses ?
— Non. Enfin si ! Mais pas seulement. J’ai retrouvé Nina, mademoiselle Rose !
— La bonne nouvelle ! Je t’écoute, Jules.
— Mes parents se lèvent tôt pour partir au travail… Je suis retourné à l’endroit où j’avais abandonné mes recherches et j’ai remonté la piste.
— Elle t’a conduit à Nina ?
— Pas seulement, mademoiselle Rose. La piste passait par l’avenue Mauméjean…
— Jasper !
— Ça va, mademoiselle Rose ? Vous avez une voix bizarre !
— C’est très important, Jules : as-tu croisé le chemin de trois Auxiliaires à proximité de l’avenue Mauméjean ?
— Vous avez envoyé des Auxiliaires chez Jasper ?
— Réponds à mes questions, Jules. Es-tu monté jusqu’à l’appartement ?
— Non. Je n’en ai pas eu besoin : Jasper est sorti de l’immeuble à toute vitesse, avec Nina et un garçon balèze que je ne connais pas.
— Pourquoi tu n’as pas appelé immédiatement ?
— Je n’y ai pas pensé, mademoiselle Rose. Ça me demande des efforts, d’être discret ! Quand je traque une cible, je suis totalement concentré sur elle.
— Je comprends. Continue, Jules.
— Je les ai suivis jusqu’à l’hôtel Héliott.
— Porte de Vouivre ?
— Exactement. Ensuite, ils sont descendus dans les sous-sols. Je ne leur ai pas collé le train très longtemps ! Ça s’est mis à barder, là-dessous.
— À barder ?
— Genre grosse bagarre. Sur fond de hurlements de garou… Je suis sorti de l’hôtel et je vous ai appelée. Que voulez-vous que je fasse, mademoiselle Rose ?
— Rien. Tu restes où tu es et tu me préviens si un Anormal ou un Paranormal quitte l’hôtel.
— Vous n’allez pas aider Nina et Jasper ?
— Ce n’est pas ce que j’ai dit. J’ai dit que ta mission à toi était terminée. La mienne commence…
13, rue du Horla – Troisième étage – Appartement de mademoiselle Rose
— Ah ! Les choses se précisent, on dirait, sorcière. Depuis combien de temps n’as-tu pas revêtu ta tenue de combat ?
— Bien longtemps, démon.
— Je te préfère comme ça ! Tu révèles ta vraie nature, sauvage et violente.
— Ce ne sont qu’un pantalon en Kevlar et une côte de mailles en titane-argent, démon.
— Tu oublies les bottes en cuir, les gantelets de fer et le pistolet dans son étui sombre. Tu l’as chargé avec des balles thermoluminescentes ou des balles d’argent liquide ?
— Les deux. Vampires et garous sont les grands pénibles du moment.
— J’en conclus que Jasper n’est plus ta priorité…
— Il en fait partie. Mais la situation s’est compliquée.
— D’où le wakizashi que tu portes dans le dos, Sorcière ?
— Lame en alliage rare : antimoine et titane. Contre les démons de ton espèce ! Je ne sais pas encore à quoi je vais être confrontée.
— Pourquoi ne pas prendre d’ustensiles magiques, dans ce cas ?
— J’en emporte, démon. Je ne compte pas me balader en ville avec cet attirail sans un voile d’illusion. D’ailleurs, ce lourd bâton d’if chaussé de fer et casqué de plomb ne te rappelle rien ?
— Le tisseur de sorts…
— Inutile de reculer, démon, ce miroir n’a pas de fond. Et puis tu ne risques rien. Je t’ai déjà terrassé. Ce n’est pas mon genre de m’acharner sur un ennemi vaincu.
— Cet état d’esprit t’honore, sorcière ! Encore une fois, laisse-moi te remercier. Libère-moi et je combattrai à tes côtés !
— Plutôt avoir un troll en rut pour compagnon d’armes, démon.
— Comme tu veux, sorcière. Moi, j’essaye juste de t’aider. Est-ce que Walter se joindra à toi ?
— Walter reste malheureusement injoignable. Les événements se précipitent. Je ne peux pas me permettre de compter sur son retour…
— Quel dommage ! Pardon, je voulais dire : quel dommage… Mais qu’est-ce que tu fais, sorcière ?
— J’active le sort de destruction enchâssé dans le miroir, démon. Si je ne reviens pas pour le désamorcer, tu cesseras d’exister.
— Pourquoi, sorcière ?
— Tu es trop dangereux. Un sorcier maladroit ou inexpérimenté pourrait te laisser échapper. Mais assez bavardé, il est temps d’y aller.
— Garde-toi, sorcière ! Tu as tout ce qu’il te faut ? Je te trouve sous-équipée ! Tu devrais prendre un bouclier et aussi un… Eh ! Tu m’entends ? Bonne chance !