Un ciel sans bougie
J’avais promis à ma mère de ne pas quitter l’appartement pour le Jour de l’an.
Je n’ai pas obéi.
Ombe ne me parlait plus. Elle avait disparu pour de bon. J’avais envie de hurler.
Et puis le ciel était trop bas ; la pluie coulait comme des larmes le long des nuages gris.
J’ai mis ma cornemuse dans un sac en plastique et, perdu dans mes pensées, j’ai marché un long moment dans la ville morte.
Je me suis arrêté sur les quais, avec comme seule compagnie celle des arbres trempés.
J’ai accordé l’instrument en ajustant les bourdons, je l’ai calé sous mon bras, j’ai soufflé pour remplir la poche. Et puis debout, face au fleuve, j’ai joué ce qui me passait par la tête, sur des paroles silencieuses : « Ne fait-il pas plus froid ? La nuit n’est-elle pas plus noire ? Pourquoi faut-il allumer les lanternes dès le lever du jour ? »
Le son, si puissant d’habitude, parvenait tout juste à percer la brume. Peut-être que c’était moi qui jouais moins fort, à cause du poids sur la poitrine.
Le poids des heures grises qui ressemblent à des deuils, sans bougie et sans joie.
Où s’en allaient mes notes et mes pensées ? Qu’importe. Cette pâle musique que je tirais de ma cornemuse, j’en suis sûr, dérangeait les ténèbres et c’est tout ce qui comptait…
À quoi servent les notes d’une musique, à quoi servent les mots d’une chanson, sinon à remplir la mer que d’autres ont vidée ? À repeindre des horizons qui ont été effacés ? À forger les maillons de la chaîne qui nous rattache au soleil ?
À ériger un lieu habitable sur les territoires du néant…