CHAPITRE XII

À huit heures, Clayton et Kovask étaient sur les lieux mêmes du désastre. L’accident s’était produit à la première écluse d’entrée, côté baie de Limon. Tout de suite, le lieutenant réalisa que c’était une chance. Du côté lac de Gatun, l’ouverture d’une porte aurait été catastrophique, avec la pression d’une eau contenue à 26 mètres au-dessus du niveau de la mer.

Le cargo italien Santa-Clara était en travers dans le premier sas, avec sa poupe coincée dans l’angle que faisait la porte démantibulée avec le bajoyer de droite. Les tracteurs électriques de la compagnie s’affairaient, dont plusieurs sur la large chaussée bétonnée qui séparait les écluses parallèles. Le trafic continuait par les sas de gauche, et dans les deux sens.

On les conduisit à l’ingénieur responsable, un type assez jeune malgré son crâne dégarni. Il les accueillit sans grand enthousiasme.

— Le Santa-Clara s’est engagé dans le sas à cinq heures trente. Il manœuvrait avec ses projecteurs de proue, et grâce à ceux que nous utilisons. C’est entre cinq heures trente et six heures que l’accident s’est produit. Le sas était à hauteur et on allait ouvrir les portes d’amont.

Kovask lui tendit une cigarette qu’il refusa.

— Ce que je ne comprends pas, c’est pourquoi la porte s’est rabattue en contresens du courant. Normalement aurait dû s’ouvrir en dehors du sas avec la pression de Peau.

C’était remuer le fer dans la plaie. L’ingénieur tapa du poing dans la paume de son autre main.

— Bien sûr… C’est ce qui s’est produit une fois l’équilibre des eaux revenu, la porte s’est lentement rabattue, parce que le système de verrouillage avait tenu le coup à la base. Le cargo s’était déjà mis en travers.

— Il a du mal ?

— Le safran de son gouvernail brisé, ce n’est pas très grave. Pour le sortir de l’écluse, on va monter un safran sur l’étrave.

L’ingénieur consulta sa montre. Il paraissait nerveux.

— L’ingénieur en chef de la compagnie n’est pas encore là … Peut-être les deux roulements seront-ils complètement démontés quand il arrivera. Je suis allé les examiner … C’est tout bonnement incroyable. On a l’impression qu’un gars s’est acharné dessus pendant des heures, avec une meule portative. Hypothèse invraisemblable, car leur accès est très difficile. Mais vous verrez. Ils ont exactement l’aspect de ces morceaux de fer retirés de la mer après un séjour de plusieurs mois … La rouille en moins évidemment.

Kovask descendit l’échelle de fer, examina les deux roulements éclatés. Il ne s’étonnait plus maintenant que des pièces aussi épaisses aient pu céder. Elles étaient usées, crevassées. Brusquement, il remonta vers les deux hommes.

— Les pivots de l’autre porte ont-ils été vérifiés ?

— Non … By Jove ! … Vous avez raison … Venez.

Suivis par un ouvrier qui portait l’échelle, ils coururent vers les deux portes d’amont, traversèrent le sas. L’ingénieur était tellement impatient de descendre qu’il arracha l’échelle des mains de l’homme, la fixa dans les crampons prévus.

Une fois en bas, il poussa un autre juron.

— Deux encore !

Il remonta à toute vitesse. Kovask comprit ce qu’il allait faire et le suivit. Clayton était quelque peu éberlué de les voir courir, en direction de l’écluse parallèle où se trouvaient deux remorqueurs.

Kovask était pâle.

— Pourvu qu’ils ne cèdent pas maintenant, hein ?

L’ingénieur serra les dents. Les vannes s’ouvraient, vidant le sas. Les deux remorqueurs descendaient lentement au niveau de la baie de Limon. L’ingénieur les planta soudain là et courut vers le poste de commande. Brusquement, une série de signaux rouges se mirent à clignoter.

Les passages sont suspendus …

Les portes s’ouvraient et les moteurs des deux remorqueurs éclatèrent avec une force brutale. L’un après l’autre ils sortirent du sas, longèrent la digue de séparation. Ils venaient certainement prendre la succession des tracteurs électriques.

L’ingénieur n’attendait pas que les portes soient complètement plaquées. Il descendait, pénétrait même dans l’eau. Kovask se penchait vers lui et vit son visage devenir douloureux.

— Ceux-là … aussi … Un miracle qu’ils aient tenu … les deux remorqueurs auraient pu s’éventrer.

Il hocha la tête en désignant l’autre côté du bief.

— L’ingénieur-chef Flanighan … Heureusement que j’ai mes rapports de vérification en date d’avant-hier …

L’ingénieur en chef ressemblait à Farouk avec ses lunettes noires et sa graisse. Il répugna à traverser la passerelle et attendit que son subordonné arrive jusqu’à lui. Son triple menton posa une question au sujet de Clayton et de Kovask. Ce dernier intervint sèchement.

— Je vous présente l’inspecteur-officier Clayton, de la Section spéciale … Lieutenant Kovask de la Navy … ajouta-t-il en se désignant.

Les grosses lèvres huileuses de l’homme esquissèrent une moue.

— Je vous rappelle que la Navy s’occupe, pour une période indéterminée, des questions de sécurité, selon l’ordre d’état d’urgence secret qui a dû vous être notifié.

Flanighan avala l’avertissement, balança entre une manifestation de son autorité et une soumission totale, opta pour un compromis.

— Enchanté … Ingénieur en chef Flanighan … J’espère que nous allons tous ensemble faire la lumière sur ce malheureux incident … C’est le plus grave depuis presque cinq années que je suis dans la zone.

Dans son dos, l’ingénieur remercia Kovask d’un clin d’œil. Il paraissait soulagé de la tournure que prenaient les choses.

— Vous avez vos rapports de vérification ?

— Oui, monsieur … Si vous voulez bien m’accompagner jusqu’à mon bureau.

Un quart d’heure plus tard, Kovask avait la certitude que tout était parfaitement clair dans l’exposé de l’ingénieur. On ne pouvait à priori relever une charge contre lui. D’ailleurs, malgré son intervention auprès de Flanighan, il réservait son opinion sur l’ingénieur, ce dernier étant le suspect numéro un.

Les vérifications avaient été faites normalement, et on n’avait relevé aucune détérioration.

— Ces roulements sont en place depuis combien de temps ?

— Un an … Voici la copie des autorisations relatives à leur utilisation …

Kovask aperçut, à travers la baie vitrée du bureau, deux ouvriers qui se dirigeaient vers eux, portant une sorte de court brancard.

— Je crois qu’on nous amène les pièces défectueuses.

Quand Flanighan se pencha vers les pièces métalliques, il sursauta, ôta ses lunettes de soleil. Kovask l’observait, goguenard.

— Incroyable ! … Véritablement incroyable !

Il se redressa, faisant tournoyer ses lunettes entre ses doigts potelés.

— Même si aucune vérification n’avait eu lieu depuis des mois, nous n’aurions pas ceci … Je n’ai jamais vu une chose pareille. Seule l’action prolongée d’un acide … un abrasif … Mais il aurait fallu des heures … Le canal est surveillé. Même un homme-grenouille ne pourrait s’approcher des écluses pendant la nuit sans être immédiatement repéré.

— Pourtant le fait est là, dit Clayton. Il faut croire que nos saboteurs sont rudement forts.

— Un sabotage, fit Flanighan rêveur … Mais pourquoi ? Dans quelles conditions …

— Tous les gonds des portes océanes sont dans le même état, dit l’ingénieur qui avait réservé sa bombe.

Le visage de l’ingénieur en chef se coupe-rosa de taches presque violettes.

— Tous les gonds ? …

— Je fais vérifier ceux des autres portes, mais j’ai la certitude qu’ils sont intacts.

— Vous avez un laboratoire d’analyses ? Demanda Kovask.

— Oui, très modeste, mais suffisant pour l’analyse de l’eau. Ce que nous craignons évidemment le plus, c’est le degré d’acidité.

— Avez-vous fait des analyses ces derniers temps ?

— Pas depuis une semaine, avoua l’ingénieur. En principe, le règlement n’en prévoit que trois par mois. Mais avec un peu d’habitude, on sait reconnaître une eau douteuse. Après l’acidité, le plus empoisonnant ce sont les couches huileuses et graphiteuses. Vous ne pouvez imaginer ce que les cargos peuvent lâcher comme cochonnerie. Mais ce sont ces rapports d’analyse et leur fréquence qui justifient les réparations auxquelles nous nous livrons.

Flanighan désigna les pièces.

— Je vais les emporter. Vous n’y voyez aucun inconvénient ?

Kovask secoua la tête.

— Le laboratoire de la compagnie, installé à Cristobal nous donnera une réponse rapide.

— Dans combien de temps pouvez-vous avoir un rapport ? Demanda Kovask.

— Avant la fin de la journée. Je vais tâcher de tout emporter pour que les hommes du labo puissent se partager la besogne. Où faudra-t-il transmettre le résultat ?

— Au génie maritime.

Une dernière fois le lieutenant de L’O.N.I. se pencha vers les roulements.

— C’est incroyable ! Murmura-t-il.

Quand ils sortirent, le cargo était complètement dégagé et manœuvrait grâce aux deux remorqueurs.

— Combien d’immobilisation ? Demanda Clayton.

— Minimum une journée. Il faut tout remplacer.

— N’avez-vous pas l’impression que les gonds des portes d’amont ont moins souffert que ceux de l’aval ?

L’ingénieur le regarda avec surprise.

— Vous avez remarqué ça ? À première vue on ne s’en aperçoit guère … Ce qui explique que les portes océanes de l’écluse aval aient mieux résisté.

Clayton et Kovask rejoignirent la voiture de l’inspecteur du F.B.I. Une fois au volant, il bâilla à s’en décrocher la mâchoire.

— Quelle vie ! … Que pensez-vous de tout ça ?

— Rien de bon, dit Kovask. Vous avez des nouvelles de l’agresseur de Wilhelm ?

Clayton démarra brutalement.

— Oui, j’oubliais de vous en parler. Merico a avoué qu’il avait passé quelques semaines dans la propriété du señor Domingin à Pueblo-Mensabé. Vous savez à quoi faire ?

Kovask secoua la tête. Il n’avait même plus la force de parler.

— À s’entraîner comme de vulgaires commandos. Un truc assez poussé d’après ses explications.

— L’ordre de tuer Wilhelm, d’où venait-il ?

— Merico dit qu’il a suivi l’embarquement du chimiste à bord du chaland, puis qu’il a suivi ce dernier une fois dans les eaux du lac Miraflores. Il a pu ainsi deviner où se trouvait le laboratoire de Wilhelm … Quant à l’ordre, il reconnaît l’avoir reçu d’un certain Perez … Kovask fronçait les sourcils.

— Déjà entendu ce nom…

— Oui … Le captain Dikson avait aussi eu affaire à lui. Avec ça, nous ne progressons guère. Le signalement de ce Perez pourrait s’appliquer à n’importe quel Panaméen.

Kovask fumait en silence. Il songeait à David Wilhelm. Serait-il aussi capable que son patron ? La tentative de meurtre contre le chimiste était en quelque sorte rassurante. Les autres avaient peur de ses analyses trop poussées et de ses connaissances.

— Pourquoi pas un microbe ? On a parlé de la maladie de la pierre … Les monuments célèbres en sont tous plus ou moins atteints, dit-on …

Clayton lui jeta un regard inquiet.

— Vous galéjez ou quoi ?

— Pas du tout … À moins que ce soit à la fonderie qu’on ait incorporé une drogue nocive …

— Et c’est dans la flotte du canal qu’on en retrouverait la preuve ? Je ne le crois pas. Le procédé doit être plus simple et terriblement efficace.

Kovask ouvrit complètement sa glace pour jouir de l’air relativement frais de la course.

— Si on se jetait un petit café ? Nous allons faire un détour par Frijoles, proposa Clayton, vous avez hâte d’être de retour à Panama ?

— Je ne sais plus … J’espère que le travail des quatorze gars dans la salle des archives ne sera pas tout à fait inutile. Il y a bientôt douze heures qu’ils sont sur ces rapports. Je ne pensais pas qu’il y avait tant d’incidents techniques au cours d’un seul mois.

— Vous êtes peut-être tombé sur une série noire.

Kovask ricana :

— Pas certain que ce soit seulement la fatalité qui s’en soit mêlée. Quels seraient pour l’Unitad les avantages d’une immobilisation du trafic ?

Clayton avait l’air de penser qu’ils étalent nombreux.

— Primo, un succès de prestige. L’Unitad n’a eu de succès que parmi les riches propriétaires des divers états où il opère. La masse populaire est plus réticente. Seulement, l’obsession est identique chez le péon et chez le riche señor. Ils sont tous antiaméricains. Remarquez que certains de nos compatriotes méritent de sérieux coups de pieds dans le c … et notamment les puissants dirigeants et sous-dirigeants de l’United Fruit qui commet des ravages, impunément, dans la plupart des États centraux. Pour en revenir à l’Unitad, l’immobilisation du trafic lui rapporterait aussi l’adhésion des gros milliardaires du coin, qui se prennent pour des Trujillo à la petite semaine. Avec le foie, on fait beaucoup de choses. Enfin ils toucheraient la masse qui applaudirait évidemment.

Un convoi militaire venait en sens inverse.

Half-tracks munis de mitrailleuses et camions bourrés de marines.

— L’Amirauté se montre un peu là ! Fit Clayton sarcastique. Les gens du coin vont immédiatement se douter qu’il y a quelque chose qui cloche.

Kovask pensait lui-même que ce déploiement de forces était inutile pour le moment et ne ferait qu’accroître la tension.

— Voilà exactement ce que souhaite Unitad et son chef Ramon Ponomé … Que nous nous affolions, qu’il y ait des frictions avec les Panaméens habitant la zone. Oh ! Ils ne se font guère d’illusions sur les résultats d’éventuelles rencontres armées. L’avantage serait pour nous, mais à quel prix ? Et les pays centraux sont à L’O.N.U., et ils font souvent cause commune avec les pays du bloc afro-asiatique … Et ils sont soutenus par L’U.R.S.S. et ses satellites … Un vrai détonateur en somme que ce canal. Tout pourrait être remis en question. Si l’on parle de l’Unitad à L’O.N.U., il acquerra peu à peu le même prestige que le F.L.N. algérien.

Kovask avait maintenant une meilleure vue d’ensemble des Circonstances.

— Certainement pourquoi le naufrage suspect de l’Evans II a inquiété Washington. Il fallait aller jusqu’au bout des choses, et quand nous serons certains de la conduite à tenir, il faudra frapper vite et fort.

— C.Q.F.D. ! Dit Clayton. On va enfin pouvoir savourer un café.

Pendant une demi-heure ils avalèrent un solide déjeuner, liquidèrent un pot de café noir très fort. Quand il sortit du bar, Kovask se sentait en bien meilleure forme. Il était un peu plus de dix heures.

— Nous allons essayer de retrouver ce fichu chaland. Je voudrais voir où en est Wilhelm.

Un peu avant l’écluse de Pedro Miguel, la route surplombait le canal. Clayton immobilisa sa voiture.

— Un navire n’a pas le droit de stopper dans les parages. Sauf les bâtiments de surveillance.

Le sabot arriva enfin à l’allure impressionnante de quatre nœuds à l’heure. Clayton et Kovask se trouvaient sur la berge et le commandant de bord les reconnut. Le chaland s’immobilisa à leur hauteur.

Kovask sauta sur le pont. L’enseigne de deuxième classe fit signe de son pouce par-dessus son épaule.

— Toujours dans son labo … Il a fallu lui porter son petit déjeuner. Nous ne l’avons vu qu’à l’écluse de Pedro Miguel où il a prélevé de pleins seaux de flotte.

Wilhelm ne parut même pas surpris de le voir pénétrer dans la minuscule pièce. Il eut un sourire tranquille, regarda autour de lui d’un air satisfait.

— Soixante quatorze analyses depuis mon départ d’hier. Pas mal, hein ? Je suis en train d’examiner l’eau recueillie à Pedro Miguel. Les résultats sont différents …

— Comment ça ? S’étonna Kovask.

— Moins de poussières en suspension dans l’élément liquide. L’eau est en quelque sorte plus propre, mais on y retrouve les mêmes quantités de corps gras et de salissures. Celle de Miraflores était très dense ! Malheureusement, malgré la stabilité du chaland, les dépôts sont lents à se faire.

Kovask promena son regard sur les bocaux emplis d’eaux sales.

— Vous êtes venu spécialement pour moi ? — Nous venons des écluses de Gatun … Il y a eu un accident là-bas.

— Grave ?

— Une porte d’écluse a lâché et un cargo a été coincé. Ce n’est pas très grave, mais ça pourrait le devenir.

— Pourquoi cette porte a-t-elle lâché ?

— Les roulements étaient usés jusqu’à n’être plus qu’une dentelle de métal.

Les yeux de Wilhelm s’arrondissaient.

— Par exemple ! … Vous les avez vus ?

— Oui mais pourquoi paraissez vous aussi passionné ?

Le chimiste secoua la tête.

— Non, pas encore … Je ne veux pas vous lancer sur une fausse piste.

Kovask s’approcha de lui, l’air menaçant, mais avec, dans le fond, un sentiment d’impuissance. Il savait que la volonté du petit jeune homme maigrichon pouvait être inébranlable.

— Écoutez, si vous avez une opinion déjà établie, il faut me la confier.

— La science ne se contente pas d’opinions … Il me faut des faits précis. Je ne vous dirai rien.

Kovask était furieux.

— Méfiez-vous, Wilhelm, je n’aurai pas toujours la même patience.

— En êtes-vous à cinq heures près ? C’est le temps qu’il nous faudra pour atteindre Gatun … Mes analyses là-bas seront peut-être concluantes … Je vais demander au commandant de pousser la vitesse. Ce sabot peut atteindre ses dix nœuds et nous ne sommes pas chargés … Cinq heures, lieutenant, et peut-être pourrai-je vous répondre.

Il savait qu’il lui fallait en passer par là. Il capitula de mauvaise grâce.

— Soit, mais pas plus … Il est onze heures. Je veux avoir ce rapport à quatre heures cet après-midi.

— Mettez cinq heures … Wilhelm remit le nez dans ses tubes.

— Ce serait une explication logique ? S’inquiéta Kovask.

Le chimiste se redressa, le regard perdu.

— Logique ? Oui … Mais tout de même sensationnelle … Bien que des applications industrielles soient nombreuses … Cependant à cette échelle …

Il avait le chic pour titiller la curiosité des gens. Kovask, plein de rage, se dirigea vers la porte et sortit en la claquant.

Clayton qui bavardait avec l’enseigne lui adressa une interrogation muette.

— Têtu comme une mule, oui !… Et le Président Eisenhower ne pourrait lui arracher un seul mot. Venez, nous rentrons à Panama.

Peu à peu, il reprit son calme et même éclata de rire.

— Désolé, fit Clayton, mais je n’ai pas suivi jusqu’au bout votre bonne blague.

— Non, je pense à Wilhelm. Dans le fond, il a raison et nous pouvons patienter cinq heures. Mais pas davantage. Je crois qu’il a découvert un truc assez surprenant et qu’il n’ose pas en parler tant qu’il n’est pas certain.

— Vous lui avez expliqué d’où nous venons ?

— Justement … Il a paru faire un rapport entre ses propres analyses et la rupture des gonds … Je crois que nous avons bien fait de nous arrêter.

— Vous avez en quelque sorte servi de catalyseur, fit Clayton en appuyant sur l’accélérateur.

Puis ils glissèrent dans les vapeurs d’air chaud, se laissant bercer par le ronronnement du moteur. Kovask pensait qu’il allait essayer de prendre une douche quelque part. Il ne savait où. Il ricana en se disant que pas un seul hôtel de Panama n’avait eu l’honneur de le compter au nombre de ses clients.

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