CHAPITRE IX

À San-Diego où il arriva après quatre mille cinq cents kilomètres de voyage à deux heures de l’après-midi, un lieutenant de la Navy-police l’attendait à l’aérodrome. Il se nommait Sturgens.

— Le F.B.I. s’est mis en rapport avec nous, et nous travaillons ensemble sur cette affaire. Du moins en ce qui concerne Sigmond et Brown.

— Du nouveau ?

— La femme et la fille de Sigmond ont disparu depuis plusieurs jours déjà. Nous saurons aujourd’hui certainement si elles sont quitté les States.

Kovask n’y attachait aucune importance.

— Edgar Brown ?

— Nous avons cherché la petite bête et le F.B.I. en a fait autant.

Sturgens souriait.

— Un type tout à fait régulier et sans histoire. Impossible de lui imputer une contravention pour stationnement non autorisé ou pour s’être engueulé avec ses voisins de palier. Il était un peu farfelu et distrait, mais c’est tout ce qu’on peut lui reprocher. D’ailleurs vous verrez son assistant, David Wilhelm, qui vous parlera longuement de lui. Le pauvre garçon est effondré par la disparition de son patron.

Ils s’installèrent dans une voiture militaire conduite par un marin.

— Qui était au courant de la mission de l’Evans II ?

— Tout La Jolla. Une campagne se prépare longtemps à l’avance, surtout au point de vue scientifique. Henderson était un as de ce côté-là.

— L’ordre de rejoindre le port de Woods-Hole était-il contenu dans celui prescrivant la campagne ou différent ?

— Différent et postérieur de plusieurs jours. Évidemment la campagne se préparait à La Jolla depuis des mois, mais l’autorisation n’est arrivée qu’une semaine avant le départ. Vous savez bien comment ça marche …

Kovask tressaillit intérieurement. Peut-être pourrait-il progresser malgré la publicité faite autour du départ de l’Evans II.

— Oui ? Alors ?

— Je crois que l’ordre de passer le Canal et de joindre Woods Hole n’est arrivé que la veille ou l’avant-veille.

Une question se présenta immédiatement à Kovask.

— Sigmond était déjà à bord ?

— Il a remplacé au dernier moment un quartier-maître malade. Un certain Klein.

— Vous l’avez interrogé ?

— Pas encore, avoua son compagnon avec embarras.

— Comment Sigmond aurait-il pu apprendre aussi vite le but final de cette mission, être soudoyé par ceux qui s’en effrayaient ?

Sturgens se tourna vivement vers lui.

— Sigmond était aux transmissions. Peut-être était-il payé depuis longtemps pour surveiller les ordres de missions reçus, et alerter qui de droit dès qu’il était question du « Canal de Panama. »

— Dans ce cas dit Kovask, il doit exister à Woods Hole le pendant de Sigmond, son frère jumeau en trahison. Il faudra les prévenir.

— Je vais aussi interroger le quartier-maître Klein. Sigmond l’a peut-être payé pour pouvoir prendre sa place.

— C’est fort certain, car cette maladie est venue bien à propos. Faites aussi une enquête pour savoir comment l’ordre de joindre Woods Hole est parvenu au lieutenant-commander Henderson, et qui en a eu connaissance. Je veux d’abord rendre visite à l’assistant de Brown.

Sturgens consulta sa montre.

— Il se trouve au laboratoire de l’institut. Je vais vous y conduire.

Les laboratoires de physique et de chimie occupaient tout un étage de l’institut, et ils découvrirent David Wilhelm dans une des salles en enfilade. C’était un jeune homme brun, d’apparence délicate. Il avait l’air timide, mais devint plus à Taise avec Kovask au bout de quelques minutes.

— Mon patron était un grand bonhomme. Je dis était, car je suis certain qu’il est mort. Il ne se serait jamais prêté à aucune combine contre l’intérêt de son pays. Il avait une volonté immense sous son apparence farfelue.

Kovask le suivit dans un petit bureau au désordre épouvantable. Wilhelm alluma une cigarette, s’appuya contre les étagères croulant sous le poids des livres.

— Admettez un instant qu’il vous ait trompé, qu’il ne soit pas l’homme que vous vous imaginez. Comment aurait-on pu le posséder ?

— Je ne sais pas. Il était célibataire et ne s’intéressait pas aux femmes. Il ne buvait pas. Il ne pensait qu’à son métier. Bien sûr, on aurait pu lui permettre de poursuivre ses expériences dans des conditions plus favorables … Il aurait refusé.

L’assistant de Brown eut un geste circulaire.

— Il aimait ce labo, ce fouillis. Il avait ses habitudes et ses manies.

— Quelle était sa spécialité ?

— L’eau de mer. Il accumulait les analyses d’échantillons. C’était surtout les boues et les vases en suspension dans le milieu océanique. On le baptisait chimiste, mais il était aussi bon physicien que biologiste. Il étudiait sans relâche les effets des Forces de Van Der Waals.

Kovask eut un demi-sourire de profane.

— Toutes ces particules chargées d’électricité se repoussent normalement, mais il arrive aussi souvent qu’elles se touchent et s’agglutinent, d’où la formation de boues, de vases. Il était passionné, recherchait l’origine de cet effet Van Der Waals. Il expliquait qu’un jour on découvrirait le moyen de purifier certaines eaux, et d’extraire de ces boues les richesses qu’elles contiennent.

Il se dirigea vers la salle voisine.

— Tenez, voilà des boues ordinaires. Kovask ne voyait qu’un peu d’eau sale dans une sorte d’aquarium.

— Décembre 1958. Plus de deux ans qu’elles sont là et elles n’ont pas encore floculé. Il faudra des années pour obtenir un dépôt, mais ici, dans ce bac en quelques jours c’était fait. Le même prélèvement pourtant. Si je soufflais un peu de gaz carbonique là-dedans, je chargerais à nouveau les particules d’électricité et j’obtiendrais, pour combien de temps, l’eau sale du récipient voisin.

Il marchait toujours.

— Ici un dépôt de boue corallienne … Mon patron se passionnait aussi pour les coraux … Comme moi d’ailleurs, et il envisageait de se rendre dans un atoll dans les prochains mois. Nous devions y aller ensemble.

Puis il pivota sur ses talons et revint vers Kovask.

— Je vous ennuie ? S’excusa-t-il. Mais comment vous expliquer ce qu’était Edgar Brown, si ce n’est en vous faisant voir les travaux auxquels il se livrait. Tout cela est bien pacifique n’est-ce pas ?

Kovask était prêt à le croire, mais Brown n’était pas parmi les victimes de l’Evans II. Il avait disparu avec le premier maître Sigmond. Pourquoi cet homme, justement paisible et éloigné des contingences quotidiennes ? Kovask avait envie de creuser cette idée jusqu’à extirper la matière valable.

— L’équipe de l’Evans se composait d’un physicien, John Parker, d’un biologiste Marscher Hugo et d’un géologue Anton Hume. Vous me disiez que votre patron était aussi bien biologiste que physicien.

— Oui, mais entendons-nous bien. Biologiste parce qu’il découvrait dans l’eau de mer des éléments vivants, physicien parce que c’était indispensable pour une étude complète.

— La géologie ?

— Un peu toujours pour la même raison. C’était un véritable océanographe et la mer était sa passion.

Kovask était déçu. Il avait cru tenir un fil, mais il lui échappait. Un instant il s’était demandé si on n’avait pas fait disparaître le corps de Brown, justement pour l’aiguiller sur une fausse piste. Pour laisser supposer aux enquêteurs qu’un chimiste aurait pu découvrir le danger, menaçant le canal. C’était aller un peu loin dans la découverte des intentions cachées. Cela se savait que votre patron était polyvalent ?

Oui et non … Il est catalogué chimiste par l’administration.

Sigmond ? Un être fruste trouvant suffisante cette affirmation. Brown était chimiste et rien d’autre. C’était le renseignement qu’il avait pu transmettre aux chefs de l’Unitad. Les autres s’en étaient contentés. Mais alors quelle était la nature du danger imminent ?

Wilhelm le fixait avec curiosité. — Vous paraissez perplexe.

Kovask aurait donné sa paye d’un mois pour que Sigmond soit retrouvé. Le premier maître pouvait tout éclaircir. C’était lui qui avait saboté tous les instruments de navigation et qui, au moment du drame, se trouvait en tenue d’homme grenouille prêt à se jeter à l’eau. Sigmond aurait pu indiquer pourquoi Edgar Brown avait disparu. Peut-être le premier maître était-il au courant de ce qui se tramait contre le Canal.

— Je reviendrai, monsieur Wilhelm. Peut-être aurai-je grandement besoin de vous.

C’est à San-Diego qu’il retrouva le lieutenant Sturgens dans les locaux de la police maritime. Le quartier-maître Klein était là et paraissait inquiet.

— Il prétend que Sigmond ne lui a donné que cent dollars pour se porter raide. La raison ? Sigmond voulait ramener de la marihuana de Panama. Ou c’est un pigeon, ou il essaye de nous rouler.

— Mon lieutenant … j’vous jure que c’est la vérité … J’ai fait le c …, mais sans savoir que ça irait si loin. Parole mon lieutenant !

Sturgens se tourna vers le lieutenant de l’O.N.I. et l’interrogea du regard.

— Laissez-le filer … Consignez-le quelque part qu’il n’aille pas raconter son histoire dans les bars du port.

Quand ils furent seuls, Sturgens sortit une liste de sa poche.

— Les noms de ceux qui ont eu connaissance de la nouvelle affectation de l’Evans II, et de son transit par Panama à La Jolla, avant qu’il parvienne au lieutenant-commander Henderson.

Sturgens paraissait jubiler et il jeta un coup d’œil sur la liste. Il se crut l’objet d’une illusion, épela chaque nom et jura.

— Et Sigmond ? Vous l’avez oublié ou quoi ?

— Pas du tout. Il ne pouvait être dans le coup, puisqu’il suivait un cours de perfectionnement détecteur, ici à San-Diego.

— Damned ! … Il a donc reçu un ordre ?

— Voilà. C’était tout de même étonnant qu’un simple premier maître, avec l’intelligence moyenne de Sigmond, ait eu la responsabilité de l’affaire.

Sturgens pointa deux noms sur la liste.

— Mercedes Llanera … Rico Deban. Tous deux d’origine espagnole. Je ne veux pas croire que les autres, de purs Américains, aient pu tremper dans l’affaire. Évidemment nous ne ferons pas d’exclusive. Mais autant commencer par les deux Espagnols.

— Vous avez entrepris quelque chose ?

— Oui. L’ordre est arrivé ici à l’Amirauté. Et le commodore responsable l’a fait enregistrer par sa secrétaire…

— Mercedes Llanera ?

— Ouais. L’ordre enregistré passe au bureau de l’officier d’administration, deuxième Américain, le lieutenant Yalles. Puis le papier est envoyé à La Jolla, au commodore commandant la base océanographique de la Navy. Troisième Américain qui a comme officier d’administration un maître principal, Rico Deban. Une précision, les trois Américains sont des officiers de valeur. Rico Deban passe pour être un type peu recommandable avec des relations dans les milieux louches de San-Diego.

— Et la femme ?

— Célibataire, jeune et jolie … Quelques aventures discrètes.

— Rien entre Deban et elle ?

— Non. Il y a d’autres membres d’origine espagnole dans le personnel. Ils se fréquentent normalement.

Kovask pointa le nom de la jeune femme sur la liste.

— Si nous commencions par elle ?

— Bien. Elle habite en banlieue, La Mesa-Road. Un petit pavillon. Il paraît qu’elle mène un train de vie assez important vu ses ressources.

Une pelouse d’un vert soyeux s’étendait devant le bungalow à un seul étage. Un tourniquet répandait une pluie fine sur l’herbe. Sur le côté gauche un pin parasol abritait un transatlantique. Une fille en bikini s’y trouvait.

Quand ils firent crisser les graviers roses et bleus de l’allée, elle s’assit et Kovask la détailla avec admiration. Elle était de taille moyenne avec de longs cheveux noirs qui flottaient sur des épaules rondes et bronzées. Ses seins plantureux étaient presque libres sous la bande d’étoffe du maillot, et le slip réduit découvrait l’arrondi des hanches et du ventre.

Son regard noir alla de l’un à l’autre, parut hésiter sur le visage de Sturgens.

— Miss Llanera je me présente, lieutenant Sturgens de la Navy police et mon compagnon Kovask. Il est chargé d’une mission spéciale par le gouvernement.

Si elle était coupable, son sang-froid était admirable. Elle eut un sourire enjôleur et une œillade évaluatrice pour le lieutenant Kovask, leur désigna des fauteuils de toile.

— Si vous le permettez, je vais aller enfiler une robe.

Le regard de Kovask se durcit.

— Non. Peut-être tout à l’heure, si nous décidons de vous emmener.

Le visage de la jeune femme s’altéra.

— Je ne comprends pas et … Je vais me sentir gênée d’être à demi-nue …

— Aucune importance … Une question. Quand avez-vous connu le premier maître Sigmond ?

Il remarqua que sa respiration se précipitait et que sa poitrine généreuse devenait haletante.

— Sigmond ? … Mais je ne connais personne …

— Inutile, miss. Bien qu’il nie absolument tout ce qui lui est reproché, Sigmond ne cache pas qu’il vous connaît. Il se trouve au Panama en ce moment, mais dans un jour au plus vous serez confrontés.

Elle ferma à demi les yeux.

— Je m’en veux terriblement … Je ne comprends rien absolument à ce que vous me dites … Ce Sigmond …

— Sturgens, voulez-vous aller fouiller le bungalow ?

Cette fois il savait qu’il avait eu raison de bluffer. La jeune femme n’avait pu réprimer un frisson. À demi nue elle pouvait difficilement dissimuler ses réactions physiques.

— De quel droit ? Balbutia-t-elle … Il vous faut un ordre de perquisition …

— Vous êtes bien renseignée. Vous aurez tout le loisir de vous plaindre par la suite, mais je ne pense pas que vous en ayez envie. Qui vous paye ? Dominguin ? Ponomé ?

Brusquement il eut l’impression d’avoir dit une bourde. En quelques secondes la jeune femme reprenait du poil de la bête, comme si elle venait d’avoir la certitude qu’ils en savaient moins qu’ils voulaient bien le dire.

Kovask décida de frapper le grand coup.

— Dominguin est en notre pouvoir … Nous avons usé d’illégalité pour l’arrêter, mais c’est chose faite.

Mercedes Llanera regardait du côté de son pavillon. C’était là-bas qu’ils découvriraient l’essentiel.

— Accompagnez-nous.

— Je refuse … Je ne veux pas entrer chez moi en compagnie de deux hommes.

Kovask eut un rire sardonique.

— Ne craignez rien. Je déteste faire l’amour avec des suspectes.

Elle lui lança un regard meurtrier. Il sentait qu’ils étaient sur la bonne piste, mais quelque chose clochait. Sturgens apparut à la fenêtre. Il fit un signe négatif de la tête. Ça ne marchait pas.

— Occupez-vous d’elle. Laissez-la enfiler une robe, mais méfiez-vous.

Le bungalow comprenait une cuisine, un living, une chambre et une salle d’eau. Un garage préfabriqué était accolé à la façade arrière.

Sturgens avait fouillé partout dans les pièces habitables. Il sortit par la porte de derrière, pénétra dans le garage. Une petite voiture européenne, une Floride, y était entreposée. Il fouilla l’intérieur, ouvrit le coffre. Un paquet de vêtements soigneusement plies et entourés d’une ficelle attira son attention.

D’un coup de canif il trancha l’attache, déplia le tout. D’abord confondu par sa découverte, il se sentit brusquement faible sur ses jambes. Il passa sa main sur son visage, la retira poisseuse de transpiration.

— Salope !

Les vêtements sous le bras il fonça vers l’appartement. Dans une robe d’un gris léger, profondément décolletée, un sourire dédaigneux sur les lèvres, Mercedes Llanera faisait des effets de jambes pour Sturgens.

Quand Kovask entra, elle pâlit affreusement en voyant ce qu’il apportait. Le lieutenant lui jeta ces vêtements à la face et elle poussa un cri horrifié.

— Où sont-elles ? Tu vas le dire immédiatement sinon j’écrase ta belle gueule à coups de talon.

Elle se protégea de son bras, mais il lui envoya quand même une gifle.

— Vite, si tu savais combien tu m’écœures !

Sturgens, complètement abasourdi, ramassait les vêtements, les examinait un à un. Ce fut quand il découvrit une robe de petite fille, de sous-vêtements enfantins qu’il comprit. Son visage se pétrifia et il s’avança vers Mercedes Llanera.

Folle de terreur en présence des deux hommes, elle ouvrit la bouche sur un cri qui ne voulut pas sortir.

— La mère et la fille … Tu avais peur hein ? Elles étaient au courant ? La mère surtout … Sigmond avait dû lui faire quelques confidences, et comme il a disparu depuis plusieurs jours, elle devait être folle d’inquiétude. Tu as craint qu’elle ne se livre à quelques indiscrétions ? Tu les as assassinées, toutes les deux …

Mercedes s’écroula à genoux et se mit à sangloter. Pendant des heures elle avait dû se maîtriser, jouer le jeu. Kovask ramassa la robe de fillette.

— Ces taches de sang … À coups de couteau certainement ? Salope !

— Où sont-elles ? Demanda Sturgens se penchant vers la jeune femme prostrée.

— Le jardin … Au fond de la pelouse …

— Toute seule, tu es arrivée à les enterrer ? À qui espères-tu faire croire ça ?

— Si … Toute une journée j’avais arrosé l’endroit. J’ai creusé un mètre environ. Je ne voulais pas les laisser là … Mais il fallait que j’attende.

— Attendre quoi ? Aboya Sturgens.

— L’argent … On ne m’a payé que la moitié du prix convenu …

Kovask la souleva et la colla dans un fauteuil. Il se souvenait des aveux du captain Dikson.

— Je suppose qu’il n’y a pas eu que l’histoire de l’Evans II. Qu’as-tu encore vendu et à qui ?

— Tous les transferts de grosses unités …

— À qui ?

— Un certain Jorge, boîte postale 117 à San-Diego. C’est tout ce que je sais.

— Et l’argent ?

— Quand je rentrais le soir, je trouvais un paquet dans ma boîte aux lettres et les instructions nouvelles. C’est Jorge qui m’a ordonné d’attirer chez moi la femme et la fille de Sigmond et de les liquider, si je ne voulais pas être supprimée moi-même.

— Comment as-tu été contactée ?

Mercedes regarda autour d’elle avec désespoir. Sturgens la menaça du regard. Kovask avait une rigidité impressionnante.

— Ma famille est originaire de Panama … C’est au cours des vacances que j’ai passées là-bas, il y a trois ans …

Kovask et Sturgens se regardèrent. Trois ans déjà. D’innombrables renseignements avaient dû filer.

— J’ai une amie … Paula Tedou.

Kovask se pencha vers elle. Enfin un lien authentique entre les différents acteurs du drame.

— Continuez !

— Elle m’a avoué qu’elle travaillait pour l’Unitad et que cela lui rapportait beaucoup d’argent. En effet elle vivait luxueusement. Elle m’a démontré combien il était facile pour moi d’en faire autant. Je pouvais recevoir de cent à mille dollars par information.

— Combien pour l’Evans II ?

— Mille. Le maximum.

C’était que l’Unitad attachait une grosse importance au tuyau.

— Et puis ?

— On m’a demandé d’utiliser les services de Sigmond.

Sturgens se fit spécifier le rôle de Klein, le quartier-maître tombé malade.

— C’est exact, dit-elle d’une voix lasse. Klein est en dehors du coup.

Kovask alluma une cigarette.

— Quand avez-vous vu Paula Tedou pour la dernière fois ?

— L’an dernier aux vacances.

— Était-elle déjà la maîtresse du captain Dikson ?

Mercedes Llanera lui jeta un regard de bête traquée. Ils en savaient fort long.

— Oui … Depuis quelques mois.

— Il trahissait déjà ?

— Certainement … Paula a d’ailleurs d’autres amants. Même s’ils sont réticents, elle excelle pour leur tirer des renseignements.

Kovask se promit d’en toucher un mot au colonel Hilton, chef de la section spéciale de sécurité. Le brave homme serait confondu.

— Mercedes Llanera, votre amie est morte. Le choc l’atteignit superficiellement. Trop égoïste pour — se lamenter sur les autres. Kovask éprouva un certain plaisir à lui préciser :

— Et vos petits amis de l’Unitad lui ont réservé une fin atroce. Ils l’ont décapitée.

Cette fois elle encaissa difficilement. Ils la virent accomplir des prodiges de volonté pour ne pas s’évanouir comme toute femme normale.

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