Vingt

— Vous allez tomber, m’a dit Mauser.

Il n’avait pas retiré son vilain manteau couleur moutarde dont le col était relevé. Ses cheveux jaunes se raréfiaient. Ils semblaient peignés au clou avec des mèches en arrière qui lui donnaient l’air d’un jeune vieux branché. Ses yeux me détaillaient sans vergogne, tandis que ses doigts feuilletaient machinalement les documents que je lui avais remis.

— Vous allez tomber de tellement haut que vous allez avoir le temps de regretter d’être jamais monté, si peu que ce soit.

Ça ne lui plaisait pas. On le voyait au pli amer de sa bouche, de même qu’à l’expression de ses yeux. Ils n’étaient pas complaisants. Mauser n’avait jamais passé pour un magistrat complaisant. Ce que ses yeux disaient de moi, je le pensais depuis longtemps. Je n’étais pas beaucoup monté. Je me rappelai mon visage tel que l’avait vu Bess, des yeux suppliants que démesurait une barbe de plusieurs nuits, des joues caves, la peau flasque et grise. Rien d’aimable. J’avais un café devant moi et Mauser avait pris un demi d’Heineken auquel il avait à peine touché. Il avait lu de bout en bout ce que je lui avais tendu. Il a dit :

— Je ne voyais pas la fin de cette façon. Ce pays se fout des scandales quand bien même ce sont ceux qui ont la garde de la paix publique qui les provoquent. Votre ami témoigne d’une minutie de comptable.

— Une minutie de flic.

— Si vous voulez. Beaucoup de noms sont connus. Certains très connus. Il y aura enquête. Elle sera longue, minutieuse, détaillée. Vous le savez. Certains tomberont, d’autres pas. Il y aura une enquête fiscale. Des éclaboussures.

Je savais qu’il pensait à Calhoune. Mauser parlait en magistrat. Il était plus jeune que moi de dix ans, mais déjà touché par la sagacité, et l’amertume qui en est souvent le pendant. Dans sa tête, il organisait déjà les recherches. Il réfléchit :

— Certains ont déjà payé… Ali-Baba Mike, le fonctionnaire international. Votre ami n’a pas eu la main légère.

— Il a agi comme un commando. Il ne lui restait plus rien à vivre.

— Quelques heures. Pourquoi avez-vous assisté à son autopsie ?

— Je voulais savoir ce qu’il avait dans le ventre.

Mauser a tiqué. Il était un peu moins amer et aguerri que je l’imaginais. Pour autant, il n’a pas baissé son masque. J’ai posé les mains à plat sur la petite table qui nous séparait. Nous étions convenus d’un rendez-vous dans un troquet pas très éloigné du Palais de justice, dans Saint-Michel. On pouvait s’en aller par-derrière. Il y avait des gosses autour — ce que j’appelle des gosses. Entre dix-huit et vingt ans, l’âge des miens. On dirait que le monde et le lendemain matin sont encore un peu à eux, et même le lendemain soir. Ils sont gracieux et affairés. On ne faisait pas attention à Mauser et à moi. Un jeune cadre ambitieux et à la mode, et une espèce de cow-boy séché, émacié, sans plus d’avenir qu’un jeton de taxiphone.

— Oui, a fait Mauser à part soi. Enquête. On remontera jusqu’à cet homme que vous appelez Lampe-Torche. On démantibulera les modes de financement, on mettra tout à plat. Probablement, nous n’irons pas très haut. Il est peu vraisemblable qu’on atteigne la tête.

— Si vous l’atteignez, vous vous rendrez compte que l’homme sert aussi d’intermédiaire dans des passations de commandes avec le Proche-Orient.

— Hadj.

— Lui aussi est un fusible.

— Vous en savez long.

— Trop long.

— Mais vous n’avez pas de preuves.

— Non, pas de preuves.

Il a hoché la tête de façon machinale. Je l’avais vu souvent faire ce geste lorsqu’il enregistrait les déclarations d’un prévenu. Ses yeux étaient toujours rivés sur moi. J’ai allumé une Camel tant bien que mal et je l’ai regardé. Au bout d’un quart de siècle, un flic en sait long. Il pourrait chanter beaucoup de choses si l’envie lui en prenait. Je n’en avais pas envie. Si Franck n’avait pas mentionné le nom d’Hadj dans son carnet (avec les dates et les heures de ses contacts, de même qu’un bref résumé de leurs entretiens), je n’en aurais pas fait état. Pas une donneuse.

Mauser m’a taxé d’une cigarette. Il se l’est allumée avec mon Zippo. Là se bornaient ses largesses. Il a remarqué :

— On va dire que vous avez trouvé le moyen en vous confiant à moi de… mettons, vous venger.

— On le dira. On dira des choses bien pires. On dira qu’en me présentant à vous j’ai allumé un contre-feu. On dira que j’ai sans doute voulu passer un accord pour me défarguer de tout ou partie de l’addition et que vous aurez refusé. N’est-ce pas ?

Il se rappelait comment je répondais. Il a dit :

— Correct.

— Pas de deal, Mauser. Vous ferez ouvrir une information si vous le jugez bon. Il y aura une enquête. Je ne sais pas à qui elle sera confiée et je m’en fous. Il y aura des inculpations, peut-être. Lundi matin, je vous tiendrai en main propre le carnet de Franck, ou je vous le ferai remettre par une tierce personne.

— Léon.

— Peut-être. Vous ferez ce qu’il y a à faire.

— Je ferai ce qu’on me laissera faire. Savez-vous où se trouve l’argent ?

— Affirmatif. L’argent, le vélo-dog qui a servi à tuer Franck. Le corps de l’homme que Franck a tué.

— Beaucoup d’argent.

— Énormément d’argent. Des dollars américains. Je n’y ai pas touché. Je ne les ai pas comptés. Dans ce genre de transaction, le vendeur passe des échantillons pris au hasard au détecteur de faux billets. (Mauser a eu un mince sourire, presque insignifiant.) De vrais dollars américains. Si j’en crois Franck, l’équivalent de six millions de francs lourds.

— Vous n’y avez pas touché.

— Non. En perquisitionnant, vous trouverez chez moi, si elle y est encore, une enveloppe d’instructions. Lampe-Torche me l’a donnée. Il était question que j’interroge les types chargés de la surveillance de l’opération. Ce sont des deuxièmes couteaux, ils pourront vous apporter peut-être un peu de biscuit.

— Peut-être. Vous les avez interrogés ?

— Non. Il y a aussi un peu d’argent.

— Vos frais de mission. Vous n’y avez pas touché non plus.

— Non. Vous trouverez aussi un cafard mort dans le bac à légumes du frigo et il ne vous apprendra rien. Vous trouverez également l’annulaire gauche d’une femme dont le corps se trouve actuellement à la morgue. C’est Lampe-Torche qui me l’a apporté dans un emballage cadeau fabriqué sur les Champs. C’était censé m’inciter à plus de coopérativité.

C’était la nuit. Je ne l’avais jamais vraiment quittée. Il ne me restait plus grand-chose à déclarer et Mauser s’en est rendu compte. Bien sûr, que j’allais tomber — que j’étais déjà tombé. J’y avais mis beaucoup de suivi et d’application. On lâche un peu la rampe, pour une raison ou une autre, les autres vous dépassent en maugréant comme dans un escalier mécanique du métro où le moindre traînard bouchonne, on les voit bien continuer à monter en hâte, emportés qu’ils sont par des choses minutieuses et précises qui vous resteront à jamais mystérieuses et impénétrables, et bientôt il n’y a plus personne. On est seul et c’est la nuit. C’est en tombant qu’on se rend compte, pas quand on est pressé et qu’on maugrée. C’est dans la nuit qu’on comprend le mieux, quand il n’y a plus personne autour.

— J’ai connu un bon flic, m’a confié Mauser. Un homme solide et franc. Vous ne lui ressemblez plus.

— Plus vraiment.

Il n’y avait pas de mépris dans ce qu’il disait, et ses propos avaient le ton d’un simple constat empreint de lucidité. Ça n’aurait servi à rien d’expliquer. J’ai sorti quelques pièces de monnaie. Il me restait de quoi payer, mais Mauser m’en a empêché :

— Laissez. Vous aurez bien d’autres choses à régler. Plus chères.

Je l’ai regardé. Mauser était un bon magistrat. Un homme solide et franc. Il ferait de son mieux, ce qu’on lui laisserait faire tout au moins. J’avais confiance en lui comme j’avais eu confiance en moi. Il a souri, mais de façon moins automatique, avec un peu plus de chaleur.

— Vous auriez pu vous taire. Faire le canard, comme on dit chez vous. Vous aviez touché le pactole. Même avec Hadj aux fesses, vous aviez quelques belles journées devant vous.

— Quelques belles nuits.

— Vous ne l’avez pas fait. Pourquoi ?

— Franck n’aurait pas aimé. Le Franck solide et franc que j’ai connu n’aurait pas aimé. Et je n’aurais pas aimé donner raison à l’autre, celui qu’il était devenu.

— Qui a tué Franck ?

— Le même qui a supprimé Farida.

— La voix de Mickey ?

— Quelle voix de Mickey ?

Mauser a souri. Il m’a donné l’impression d’un cabriolet de sport qui se met en pleins phares.

— Votre ligne à l’Usine était sur écoutes. Celle de Farida également. Celle de Franck aussi.

— Calhoune ?

— Oui.

À mon tour, j’ai bougé la tête et un peu les épaules, sans gaieté. On ne sort pas de la nuit, jamais, sauf pour une autre nuit qui n’est peut-être ni pire ni plus malveillante, ni plus dépourvue de mystère, et dans laquelle on rentre couché et les pieds en avant. Elle nous a accompagné tout du long, comme une maîtresse fidèle, la seule peut-être qui ne vous ait jamais abandonnée, la seule maîtresse des vrais hommes, à coup sûr le seul refuge. Mauser m’a dit :

— J’ai obtenu les bandes. Une copie des bandes. Non sans mal. La voix est chanstiquée. Pourquoi ?

— Pour qu’on ne la reconnaisse pas.

— Voilà, a soupiré Mauser. Qui a tué François Novack ?

— Celui dont la voix était chanstiquée.

— Quelqu’un qui savait. Qui pouvait savoir ?

Je n’avais pas touché à mon café. Il était froid et huileux. La mer l’est aussi, également étale, certaines nuits, dans les ports aux eaux sales. Si j’avais eu le temps, j’aurais fini par acheter un bateau. Celui ou celle dont la voix était chanstiquée. J’ai répondu à Mauser :

— Je n’ai jamais rien affirmé que je ne sois en mesure de prouver.

— Bien sûr. Mais dans les marges… Vous avez une idée.

— Une idée.

— Est-ce qu’elle vous réjouit ?

— Non.

— Vous viendrez, lundi ?

— Peut-être.

— Si vous ne venez pas, on ira vous chercher.

— Ça ne sera pas utile.

Mauser a fini sa bière. Il m’a regardé en face.

— Que voulez-vous au juste ?

— Seulement la nuit.

— Ils ne vous la laisseront pas. En rentrant chez vous, vous trouverez une convocation pour dix heures trente demain au siège de votre division. Ils ne vous laisseront même pas votre trou à la nuit, même pas votre carte de pêche et votre pistolet. Calhoune a obtenu du parquet général qu’on vous retire votre habilitation d’officier de police judiciaire. Elle ne l’a pas obtenu facilement à cause de votre dossier. En revanche, il lui a été facile de décrocher votre suspension du directeur PJ. Voilà : demain matin, vous allez être suspendu. Proxénétisme aggravé et corruption passive pour commencer. La procédure de révocation est entamée. Elle trouvera le moyen de vous faire inculper…

J’ai regardé mes doigts à plat sur le formica marron qui se donnait bien inutilement des airs de faux bois. La gauche et la droite formaient comme deux donnes, aussi pourries l’une que l’autre, aussi peu propices à la moindre relance. Mauser a poursuivi sur un ton de persiflage :

— Il vous faudra un ténor du barreau. Tixier est mort…

— Pas de bavard, Mauser.

Il a compris. Un jour ou l’autre, on paye, pas toujours pour ce qu’on vous reproche, et même parfois pour des faits que tout le monde ignore. Certains crimes sont imprescriptibles, du seul fait que ceux qui les ont commis ne les ont pas oubliés. J’avais encore besoin d’un peu de chaleur. Je n’ai pas détesté ma voix. C’était celle d’un bluesman qui avait eu du talent.

Je me suis rappelé :

— Pas de bavard, Mauser. (J’ai allumé une cigarette.) C’était en 1961. Fin 1961. Nous savions que cette saleté de guerre allait finir. C’était un soir dans le sud des Aurès. Le temps était froid et très clair. Les ombres s’allongeaient. Nous avions été engagés contre une des dernières bandes de l’ALN. C’était le soir. De l’autre côté du talweg, il y avait un piton rocheux et au sommet du piton, un chouff. Un veilleur assis en tailleur, appuyé à son fusil tout droit, avec un chèche blanc. Il devait garder le passage. Il y avait des bruits parfois dans les lentisques et les buissons de lauriers-roses, comme une petite troupe qui ne se méfie pas. L’homme gardait le passage. C’était un tir difficile, à plus de six cents mètres.

Je me suis tu un peu. Le ciel en fer-blanc où la nuit montait, le blanc cru du chèche. Pas de vent comme souvent au crépuscule, donc pas de dérive du projectile, pas de dérive due à une cause extérieure. J’avais fait déployer mes hommes. C’était un problème de pure balistique. La nuit ne tombe pas, elle monte. Les grandes ombres mauves s’étendaient à des kilomètres et celle du veilleur était plus longue que les autres. Nous pouvions encore engager la bande de fells, puisqu’elle ne semblait pas se méfier. Lentisques, asphodèles odorants, lauriers-roses. Le fond du talweg était comme un ramassis d’ossements, déjà laiteux.

— Un de mes hommes était doté d’un 49–56 de snipper. Une belle arme, à l’ajustage parfait, avec un affût tripode. À Blida, j’avais fait fabriquer et monter dessus un modérateur de son comme on n’en trouvait guère en dotation. C’était un tir très difficile, dont je n’étais pas capable. J’ai donné l’ordre d’ouvrir le feu. Presque pas de bruit, pas de fumée. Il ne s’est rien passé. Le chouff est resté là où il était et nous aussi. Le soleil s’était éteint complètement. Toute la nuit, nous avons entendu les fells remuer et puis vers l’aube ils ont décroché. Au matin, le chouff était toujours là-haut, immobile en haut de son piton, à croire qu’il y avait passé toute la nuit. Une immobilité de pierre. Personne n’en est capable. Il nous a fallu une heure pour arriver à lui.

Mauser regardait ailleurs. C’était pour lui une histoire sans portée, très loin de ce qui nous occupait à présent.

— L’homme était mort. La balle l’avait touché et lui avait crevé l’œil gauche. Il y avait un peu de sang sec sur sa joue de parchemin, comme une sorte de grosse larme brune. C’était un homme sans âge, très décharné. Il s’appuyait toujours à son vieux fusil à silex. La balle avait eu juste assez de force pour le toucher et le tuer net, mais pas celle de lui traverser la tête et de le coucher. Une seule balle, à plus de six cents mètres. Un tir impossible. Inutile. On a rejoint la bande de fells. Un troupeau de chèvres que le vieux gardait. Ceux qu’on poursuivait réellement, on a su plus tard qu’ils avaient décroché bien avant notre arrivée et nul ne les a jamais retrouvés avant l’indépendance. Un pur problème de balistique. J’étais jeune sous-lieutenant et j’avais donné l’ordre de tirer. Celui qui a pressé sur la détente s’appelait François Novae.

J’ai regardé partout autour, comme si un grand vent chargé des odeurs pourrissantes des asphodèles écrasés s’était levé soudain, avec les grandes ombres mauves. Il régnait surtout des odeurs de pizza, comme partout où on ne mange pas très bien pour pas très cher. En déposant ma cendre dans la soucoupe, j’ai ajouté :

— Nous avons laissé le chibani où il était. Peut-être s’y trouve-t-il encore à veiller sur rien. Ou ses restes appuyés à un fusil sans âge — ou rien.

Mauser m’a touché le revers du blouson.

— Vous ne portez pas vos décorations.

— Jamais.

Je me suis levé. Il ne m’a pas accompagné, mais ses yeux ont suivi les miens. Au dernier moment, il a déclaré :

— Je ne crois pas que vous soyez coupable de quoi que ce soit. Vous allez raquer, mais je ne vous crois pas coupable.

— Pourquoi ?

— Parce que si je croyais en votre culpabilité, je serais forcé aussi de croire en la mienne. Essayez de manger un peu et de dormir. Vous allez en avoir le temps, maintenant. Je n’aimerais pas me croire coupable.

— Tout se paie, Mauser.

— Vous ressemblez à l’homme que j’ai connu. À cet instant, vous lui ressemblez.

Je suis sorti. J’ai remonté sans but le boulevard Saint-Michel. Il y avait du monde, des passants, de la lumière et de la vie. J’ai traîné un grand moment dans des rues qui nous avaient été familières, à Franck et à moi, et à quelques autres. Le vent était sec et froid, taillé en biseau au coin de la rue des Saints-Pères, comme un ciseau à bois, plus large et ample sur les quais, mais dépourvu partout d’animosité et de mémoire. Il me restait à rentrer. On avait fixé la convocation me concernant sur la petite ardoise en plastique où Franck avait marqué ses numéros de téléphone avant de partir.

Elle tenait par un petit aimant carré. Je l’ai prise et retournée en tous sens avant de l’ouvrir. Dessus, on avait marqué au feutre rouge en grosses lettres soulignées : « urgent et important. » J’en avais remis des dizaines de semblables. Elle disait : « À la demande du commissaire principal Vauthier, l’inspecteur divisionnaire Untel est invité à se présenter le tant à dix heures trente à l’adresse indiquée, pour motif le concernant. » C’était aussi la raison que j’inscrivais pour réserver la surprise au client, lorsque je n’étais pas sûr qu’il déférerait, s’il savait au juste pourquoi je me proposais de l’interviewer. C’était signé illisible.

L’adresse était celle de la Division.

Je connaissais le vrai motif.

J’ai regardé mes doigts trembler.

On ne paie pas toujours pour les faits qu’on vous reproche et qu’on n’a pas commis. On paie toujours pour quelque chose, parfois pour des actes qu’on est seul à connaître, si graves et si lourds qu’ils vous pourrissent même la mort. À dix heures trente le lendemain matin, le peu que j’avais encore on me l’enlèverait. Calhoune serait là. Calhoune et ses crimes à elle. Moi et les miens. On n’en finit jamais de finir. J’ai bu deux verres d’eau au robinet. Je ne ressentais ni révolte ni amertume. Ni Calhoune, ni Moll, ni Mauser ne pouvaient me juger et me condamner. Personne ne pouvait le faire à ma place. Je me suis assis à l’endroit où Franck s’était mis, à peu près dans la même posture que lui, j’ai regardé ma place vide de l’autre côté de la table, là où je me tenais toujours d’habitude et où j’avais cessé d’être. Suspendu. Révoqué. Inculpé. À mi-voix, sur un ton de blues, j’ai dit à Franck, ou à moi — à personne peut-être :

— C’est fini, pays. C’est fini…

Fini.

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