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« La vie intelligente sur une planète ne peut naître qu’une fois qu’elle a appréhendé les raisons de sa propre existence [8] . »

Richard Dawkins, Le Gène égoïste, 1976.

Ce qui fut officiellement enregistré comme une « panne générale du système » se produisit à Hoffmann Investment Technologies à 19 heures pile, heure normale d’Europe centrale. Au même instant exactement, à plus de six mille kilomètres de là, à 13 heures, heure standard de l’est de l’Amérique du Nord, on détecta une activité inhabituelle à la Bourse de New York. Des dizaines de titres commencèrent à subir une volatilité des cours d’une telle ampleur que cela déclencha automatiquement un dispositif appelé Liquidity Replenishment Points, soit un « mode ralenti » permettant de « faire le plein de liquidités » pour chaque action cotée. Lors de son témoignage ultérieur devant la commission du Congrès, la présidente de la SEC, organe régulateur des marchés boursiers américains, expliquerait que :

« Les LRP sont souvent considérés comme des “ ralentisseurs ” et sont destinés à amortir la volatilité d’une action donnée en interrompant temporairement le trading automatique pour revenir aux courtiers dès qu’une action évolue trop à la hausse ou à la baisse. Il en résulte alors qu’à la Bourse de New York, les opérations vont “ ralentir ” afin de permettre aux teneurs de marché désignés de solliciter des apports de liquidités avant de retourner aux automates de marché[9]. »

Il ne s’agissait cependant que d’une intervention technique sans rien d’exceptionnel et qui, à ce stade, restait relativement mineure. Ils furent très peu aux États-Unis à se rendre compte de ce qui se passa au cours de la demi-heure suivante, et aucun des analystes quantitatifs d’Hoffmann Investment Technologies n’en eut même conscience.

*

L’homme qui avait appelé Hoffmann devant sa batterie de six écrans était titulaire d’un doctorat d’Oxford et s’appelait Croker. Hoffmann l’avait recruté au Rutherford Appleton Laboratory, lors de ce même voyage où Gabrielle avait trouvé l’idée de faire de l’art avec des scanners. Croker avait essayé de passer outre l’algorithme et de reprendre le contrôle manuel afin de commencer à liquider leur position excessive sur le VIX, mais le système lui avait refusé l’accès.

— Laissez-moi essayer, dit Hoffmann.

Il prit la place de Croker au clavier et entra son propre mot de passe, censé lui donner un accès illimité à tous les composants du VIXAL, mais le système repoussa même sa demande d’opérateur privilégié. Il essaya de dissimuler sa peur.

Pendant qu’Hoffmann cliquait en vain sur la souris et tentait d’autres voies pour entrer dans le système, Quarry vint regarder par-dessus son épaule, rejoint par van der Zyl et Ju-Long. Il se sentait étonnamment calme, résigné même. Une part de lui avait toujours su que cela arriverait, de la même façon que, chaque fois qu’il attachait sa ceinture dans un avion, il s’attendait à périr dans un crash. À partir du moment où l’on se soumet à une machine pilotée par quelqu’un d’autre, on acceptait son destin. Au bout de quelques minutes, il lâcha :

— Je suppose que l’option radicale est de débrancher tout le bazar ?

— Mais si on fait ça, répondit Hoffmann sans se retourner, on arrête carrément les transactions, point final. On ne revient pas sur nos positions actuelles : on reste figés là où elles sont.

Des exclamations de surprise et d’inquiétude se faisaient entendre dans toute la salle. Un par un, les quants abandonnaient leurs terminaux et venaient voir ce qu’Hoffmann faisait. Un peu comme des badauds rassemblés autour d’un immense puzzle, quelqu’un se penchait de temps à autre pour avancer une suggestion : Hoffmann avait-il pensé à mettre ça ici ? Est-ce que ça ne serait pas mieux d’essayer de faire l’inverse ? Il n’y prêtait aucune attention. Personne ne connaissait le VIXAL mieux que lui ; il en avait conçu chacun des aspects.

Sur les écrans géants, la retransmission de la séance de l’après-midi de Wall Street se poursuivait normalement. Le sujet qui concentrait toute l’attention était encore les émeutes à Athènes contre les mesures d’austérité prises par le gouvernement grec — savoir si la Grèce allait se retrouver en cessation de paiement, si la contagion allait s’étendre et l’euro s’effondrer. Et le hedge fund continuait de gagner de l’argent. C’était d’une certaine façon le plus curieux de tout. Quarry se retourna un instant pour consulter le compte de résultats sur l’écran voisin : il avait pris près de 300 millions de dollars pendant cette seule journée. Il ne pouvait s’empêcher, dans un petit coin de sa tête, de se demander pourquoi ils cherchaient à tout prix à stopper le VIXAL. Ils avaient créé le roi Midas avec des puces électroniques. Comment sa rentabilité phénoménale pourrait-elle aller à l’encontre des intérêts humains ?

Soudain, Hoffmann leva théâtralement les mains de son clavier comme un pianiste plaquant lors d’un récital le dernier accord d’un concerto.

— Ça ne marche pas. Il n’y a pas de réaction. Je pensais pouvoir au moins procéder à une liquidation ordonnée, mais ce n’est visiblement pas possible. Il faut arrêter complètement tout le système et le mettre en quarantaine jusqu’à ce que nous trouvions ce qui ne va pas.

— Comment allons-nous nous y prendre ? questionna Ju-Long.

— Pourquoi ne pas le faire à l’ancienne ? proposa Quarry. On déconnecte le VIXAL et on demande par téléphone et par mails aux courtiers de ramener toutes nos positions.

— Il va falloir fournir une raison plausible pour expliquer pourquoi nous revenons au parquet au lieu d’utiliser l’algorithme.

— C’est très simple, dit Quarry. On débranche tout et on dit qu’on a eu un problème catastrophique d’alimentation électrique dans la salle des ordinateurs. On doit donc se retirer du marché jusqu’à ce que ce soit réparé. En plus, comme tous les bons mensonges, ça a le mérite d’être presque vrai.

— En fait, commenta van der Zyl, il faut seulement qu’on tienne encore deux heures et cinquante minutes, ensuite les marchés seront fermés de toute façon. Après-demain, ce sera le week-end. D’ici lundi matin, le carnet d’ordres affichera neutre et on sera hors de danger — pour autant que les marchés n’enregistrent pas une forte hausse entre-temps.

— Le Dow a déjà perdu 1 %, annonça Quarry. Pareil pour le S&P. Et il y a toute cette connerie de dette souveraine qui arrive de la zone euro. Il est impossible que le marché puisse clore la journée à la hausse.

Les quatre cadres de la compagnie se consultèrent du regard.

— Alors on y va ? On est d’accord ?

Ils acquiescèrent tous.

— Je vais le faire, dit Hoffmann.

— Je viens avec toi, proposa Quarry.

— Non. C’est moi qui l’ai branché ; c’est moi qui le débrancherai.

La traversée de la salle des marchés lui parut très longue jusqu’à la salle des ordinateurs. Il sentait les yeux de tous peser sur son dos, et il songea que, dans un film de science-fiction, il ne pourrait même pas avoir accès aux cartes mères. Mais lorsqu’il présenta son visage au scanner, les verrous s’écartèrent et la porte s’ouvrit. Dans l’obscurité froide et bruyante, la forêt d’yeux d’un millier d’unités centrales clignota à son approche. Il avait l’impression d’être sur le point de commettre un meurtre, comme des années plus tôt, au CERN, quand on l’avait obligé à tout arrêter. Il ouvrit néanmoins le boîtier métallique et saisit la manette du disjoncteur. Il se dit que ce n’était que la fin d’une phase : l’œuvre se poursuivrait, et, si ce n’était pas sous sa direction, ce serait sous celle de quelqu’un d’autre. Il remonta la manette et, en moins de deux secondes, les voyants et les ronronnements eurent cessé. Seul le bruit du climatiseur troublait encore le silence glacé. Hoffmann se serait cru dans une morgue. Il se dirigea vers la lueur de la porte ouverte. Lorsqu’il fut tout près du groupe de quants rassemblés autour de la batterie de six ordinateurs, tout le monde se tourna vers lui. Il ne put déchiffrer leurs expressions.

— Qu’est-ce qui s’est passé ? demanda Quarry. Tu n’as pas pu t’y résoudre ?

— Si, je l’ai fait. Je l’ai éteint.

Il regarda derrière le visage dubitatif de Quarry. Sur les écrans, le VIXAL-4 poursuivait ses opérations. Stupéfait, il s’approcha du terminal et passa d’un écran à l’autre.

— Allez vérifier, d’accord ? ordonna Quarry à voix basse à l’un des quants.

— Je suis encore capable de soulever une putain de manette, Hugo. Je ne suis quand même pas dingue au point de ne pas faire la différence entre marche et arrêt. Bon Dieu… Regarde ça.

Le VIXAL poursuivait ses opérations sur tous les marchés. Il vendait les euros à la baisse, entassait les bons du Trésor et renforçait sa position sur les futures du VIX.

À l’entrée de la salle des ordinateurs, le quant cria :

— L’électricité est bien coupée.

Un murmure excité parcourut l’assemblée.

— Où est l’algorithme s’il n’est pas dans nos ordinateurs, alors ? interrogea Quarry.

Hoffmann ne répondit pas.

— Je crois que c’est une question que les régulateurs ne manqueront pas de poser, intervint Rajamani.

Personne ne saurait par la suite depuis combien de temps il les observait. Quelqu’un assura qu’il n’avait jamais quitté son bureau : on l’avait vu écarter les lames des stores du bout des doigts et observer Hoffmann pendant qu’il s’adressait aux quants. Quelqu’un d’autre assura qu’il était tombé sur lui devant un terminal isolé, dans la salle de conférence, et qu’il copiait des données sur un périphérique de stockage de grande capacité. Un autre analyste encore, indien comme lui, avoua même que Rajamani l’avait approché dans la cuisine commune pour lui demander s’il accepterait d’être son informateur à l’intérieur de la compagnie. Dans l’atmosphère quelque peu hystérique qui commençait à s’emparer d’Hoffmann Investment Technologies, où les hérétiques, les disciples, les apostats et les martyrs trouveraient chacun leur place respective, il deviendrait parfois difficile d’établir la vérité. La seule chose sur laquelle tout le monde s’accorderait serait que Quarry avait commis une grave erreur en ne faisant pas reconduire à la sortie par la sécurité le directeur des risques, à l’instant même où il l’avait mis à la porte. Dans le chaos général, il l’avait tout simplement oublié.

Rajamani se tenait sur le seuil de la salle des marchés avec un petit carton contenant ses effets personnels — les photos de sa remise de diplôme, de son mariage et de ses enfants ; une boîte de thé Darjeeling qu’il conservait pour son usage personnel dans le frigo commun et auquel personne n’avait le droit de toucher ; un cactus qui semblait lever les pouces en signe de victoire ; et une lettre manuscrite encadrée du chef du Bureau des fraudes graves de Scotland Yard, qui le remerciait de son concours dans l’enquête sur une affaire bénigne censée ouvrir une nouvelle ère dans la réglementation de la City, mais qui avait été rapidement étouffée en appel.

— Je croyais vous avoir demandé de déguerpir, fit Quarry d’une voix rauque.

— Eh bien, je pars tout de suite, rétorqua Rajamani, et vous serez heureux d’apprendre que j’ai rendez-vous au ministère des Finances de Genève dès demain matin. Laissez-moi vous prévenir que chacun d’entre vous risque des poursuites, des peines de prison et des amendes de millions de dollars si vous persistez à faire tourner une entreprise qui ne devrait pas effectuer d’opérations. Nous avons visiblement affaire à une technologie dangereuse, totalement incontrôlée, et je peux vous promettre, Alex et Hugo, que la SEC et la FSA vont vous interdire l’accès à tous les marchés américains et anglais en attendant qu’une enquête soit ouverte. Vous devriez avoir honte, tous les deux. Vous devriez tous avoir honte.

Il fallait reconnaître à Rajamani son assurance : il parvint à prononcer son petit discours au-dessus d’une boîte de thé et d’un cactus victorieux sans perdre une once de dignité. Il balaya ensuite l’assemblée d’un dernier regard plein de fureur et de mépris, redressa le menton et se dirigea d’un pas décidé vers la réception. La scène rappela à plus d’un témoin des images d’employés quittant Lehman Brothers avec leurs affaires dans un carton.

— Oui, c’est ça, dégage ! lança Quarry derrière lui. Tu verras qu’avec 10 milliards de dollars, on peut avoir tous les avocats qu’on veut. Et c’est toi qu’on va poursuivre pour avoir violé les clauses de ton contrat ! Putain, on va te faire plonger !

— Attendez ! s’écria Hoffmann.

— Laisse-le, Alex, conseilla Quarry. Ne lui donne pas cette satisfaction.

— Mais il a raison, Hugo. Ça devient très dangereux. Si le VIXAL a d’une façon ou d’une autre échappé à tout contrôle, ça pose un vrai problème de risque général. Il faut qu’on ait Gana avec nous jusqu’à ce qu’on ait compris ce qui se passe.

Ignorant les protestations de Quarry, il se lança à la poursuite de Rajamani, mais l’Indien avait accéléré le pas et il le manqua à la réception. Il l’aperçut près des ascenseurs. Le couloir était désert.

— Gana ! appela-t-il. S’il vous plaît. On peut discuter.

— Je n’ai rien à vous dire, Alex.

Rajamani serrait le carton devant lui, le dos tourné à la cabine d’ascenseur. Il appuya sur le bouton d’appel avec son coude.

— Je n’ai rien contre vous personnellement. Je regrette.

Les portes s’ouvrirent. Il se retourna et s’avança vivement entre les panneaux coulissants, puis disparut instantanément. Les portes se refermèrent.

Hoffmann resta une seconde immobile, doutant de ce qu’il venait de voir. Il s’avança avec hésitation dans le couloir et appuya sur le bouton d’appel. Les portes s’ouvrirent sur le tube de verre vide de la cage d’ascenseur. Il se pencha et scruta une cinquantaine de mètres de colonne translucide qui s’enfonçaient ensuite dans l’obscurité et le silence du parking souterrain.

— Gana ! appela-t-il désespérément.

Il n’obtint pas de réponse. Il tendit l’oreille, mais n’entendit personne crier. Rajamani avait dû tomber si rapidement que personne n’avait rien remarqué.

Il se précipita dans le couloir vers l’escalier de secours et, moitié courant, moitié sautant, dévala les volées de marches de béton jusqu’au sous-sol puis fit irruption dans le garage souterrain et fonça vers l’ascenseur. Il glissa les doigts dans l’interstice et s’efforça d’écarter les portes, mais elles ne cessaient de se refermer sur lui. Il recula et chercha du regard ce qu’il pourrait utiliser. Il envisagea de briser la vitre d’une voiture pour avoir accès au coffre et récupérer un cric. Puis il repéra une porte métallique portant le symbole d’un éclair et l’essaya. Elle ouvrait sur un réduit de rangement — des balais, des pelles, des seaux, un marteau. Il découvrit une sorte de grand pied-de-biche de près d’un mètre de long et le porta en courant à l’ascenseur. Il en introduisit l’extrémité entre les deux portes et le poussa en faisant des mouvements de va-et-vient. Les panneaux s’écartèrent juste assez pour qu’il puisse glisser son pied, puis son genou. Il força pour enfoncer toute sa jambe dans l’espace. Cela déclencha un mécanisme automatique, et les portes s’ouvrirent complètement.

La lumière qui tombait des étages supérieurs éclairait Rajamani, couché, face contre terre, au fond de la cage d’ascenseur. Une flaque de sang grosse comme une assiette semblait jaillir du sommet de son crâne. Les photos gisaient, éparpillées autour de lui. Hoffmann sauta près de lui, et des bouts de verre crissèrent sous ses pieds. Il respira une odeur de thé incongrue. Il s’accroupit pour prendre la main de Rajamani, d’une douceur et d’une chaleur perturbante, et, pour la deuxième fois de la journée, chercha un pouls qu’il ne trouva pas. Dans son dos, juste au-dessus, les portes se refermèrent avec fracas. Hoffmann jeta un regard affolé autour de lui au moment où la cabine d’ascenseur entamait sa descente. Le tube lumineux diminuait rapidement alors que la cabine dévalait les étages — le cinquième, puis le quatrième. Hoffmann saisit le pied-de-biche et essaya de le glisser à nouveau entre les portes, mais il perdit l’équilibre et tomba en arrière à côté du corps de Rajamani, les yeux rivés sur le fond de la cabine qui se précipitait vers lui, maintenant la barre de fer à deux mains dressée au-dessus de sa tête comme une lance pour repousser une bête en train de charger. Il perçut un souffle graisseux sur son visage. La lumière se voila puis disparut, quelque chose de lourd heurta son épaule, et la barre de fer eut un sursaut avant de se fixer aussi fermement qu’un étai. Pendant plusieurs secondes, il sentit le pied-de-biche résister. Il hurlait de toutes ses forces dans le noir absolu, contre le fond de la cabine qui ne devait se trouver qu’à quelques centimètres de son visage, et s’arc-boutait pour empêcher que la barre ne ploie ou ne dérape. Mais alors le mécanisme s’inversa, la note tenue par le moteur se mua en vrombissement, le pied-de-biche lui retomba entre les mains et la cabine se mit à monter, accélérant à mesure qu’elle s’élevait jusqu’en haut de la cathédrale de verre, révélant des étages successifs de lumière blanche qui se déversait dans le puits.

Hoffmann se releva et fourra à nouveau la barre entre les portes, forçant pour la faire entrer dans l’interstice et parvenant à écarter légèrement les deux panneaux. L’ascenseur venait d’arriver tout en haut et s’immobilisa. Il y eut un bruit métallique et Hoffmann l’entendit entamer une nouvelle descente. Il se hissa contre les portes et enfonça les doigts dans l’étroite ouverture. Il s’accrocha, jambes écartées, muscles tendus, puis il rejeta la tête en arrière et rugit sous l’effort. Les portes cédèrent de quelques centimètres avant de s’ouvrir brusquement. Une ombre passa derrière son dos et, dans un grand souffle d’air et un vrombissement de machine, il se jeta en avant sur le sol du garage.

*

Leclerc se trouvait dans son bureau, au commissariat, et était sur le point de rentrer chez lui quand il reçut un appel l’informant qu’on avait trouvé un corps dans un hôtel de la rue de Berne. Il devina tout de suite, à sa description — visage hâve, catogan, manteau de cuir —, qu’il s’agissait de l’homme qui avait agressé Hoffmann. La cause de la mort était apparemment la strangulation, mais il était encore trop tôt pour déterminer s’il s’agissait d’un meurtre ou d’un suicide. La victime était allemande : Johannes Karp, cinquante-huit ans. Leclerc téléphona pour la deuxième fois ce jour-là à sa femme afin de la prévenir qu’il était retenu au travail, puis partit à l’arrière d’une voiture de police dans la circulation des heures de pointe en direction de la rive nord du Rhône.

Il était en service depuis près de vingt heures et se sentait complètement claqué. Mais la perspective d’une mort suspecte, ce qui n’arrivait pas plus de huit fois par an à Genève, le requinquait toujours. Dans une explosion de gyrophare, de sirène hurlante et de rugissement de moteur, la voiture de police remonta avec importance le boulevard Carl-Vogt, franchit le pont et coupa la voie de gauche de la rue de Sous-Terre, forçant les voitures qui arrivaient en face à s’écarter de son chemin. Ballotté sur la banquette arrière, Leclerc appela le chef de la police et lui laissa un message pour l’informer qu’on avait apparemment retrouvé le suspect de l’affaire Hoffmann, mort.

Dans la rue de Berne, il régnait presque une atmosphère de carnaval devant l’hôtel Diodati : quatre voitures de police au gyrophare bleu éblouissant dans la pénombre de ce début de soirée couvert ; une foule assez dense rassemblée de l’autre côté de la rue et comprenant plusieurs prostituées noires et lustrées aux vêtements aussi courts que criards, qui plaisantaient avec les gens du coin ; des lignes vibrantes d’adhésif rayé noir et jaune destinées à interdire l’accès du lieu du crime aux curieux. De temps à autre, un flash éclatait. Leclerc songea en descendant de voiture qu’on aurait dit des fans attendant l’arrivée de la star. Un gendarme souleva l’adhésif, et Leclerc passa dessous. Quand il était jeune, il avait sillonné ces quartiers à pied et connaissait toutes les filles par leur nom. Il se disait que certaines devaient être grands-mères à présent ; mais, en y réfléchissant, certaines étaient déjà grands-mères à l’époque.

Il pénétra dans le Diodati. L’établissement s’appelait autrement dans les années quatre-vingt. Il n’arrivait pas à se rappeler comment. Les clients avaient tous été rassemblés dans la réception et n’étaient pas autorisés à partir tant qu’ils n’avaient pas fait de déposition. Il y avait là de toute évidence plusieurs prostituées, ainsi que deux types bien fringués qui auraient mieux fait de ne pas se trouver là et se tenaient à l’écart, taciturnes et gênés. Leclerc n’aima pas beaucoup l’allure du petit ascenseur et préféra prendre l’escalier, s’arrêtant à chaque étage désert pour reprendre son souffle. Devant la chambre où l’on avait découvert le corps, le couloir grouillait de policiers en uniforme, et l’inspecteur dut enfiler une combinaison blanche, des gants en latex et des chaussons en plastique transparents par-dessus ses chaussures. Il se refusa à mettre la capuche. Putain, j’ai l’air d’un lapin blanc, songea-t-il.

Il ne connaissait pas le flic en charge du lieu du crime — un nouveau qui s’appelait Moynier et n’avait apparemment pas plus de trente ans, même si c’était difficile à évaluer vu qu’il avait remonté sa capuche et que seul l’ovale de son visage poupin était visible. Il y avait aussi, dans la chambre, le médecin légiste et le photographe, deux anciens, même s’ils n’étaient pas aussi vieux que Leclerc ; personne n’était aussi vieux que Leclerc ; il se sentait aussi vieux que le Jura. Il examina le cadavre pendu à la poignée de porte de la salle de bains. La tête avait noirci au-dessus de la ligne mince de la ligature, qui était enfouie dans la chair du cou. Il y avait plusieurs coupures et des écorchures sur le visage. L’un des yeux était très enflé. Sa carcasse maigre ainsi pendue, l’Allemand ressemblait à un vieux corbeau mort accroché par un fermier pour décourager les autres charognards. Il n’y avait pas d’interrupteur dans la salle de bains, mais on distinguait tout de même le sang qui maculait la cuvette des toilettes. La tringle du rideau de douche était à moitié arrachée, tout comme le lavabo.

— Un voisin jure qu’il a entendu des bruits de bagarre vers 15 heures, annonça Moynier. Il y a aussi du sang près du lit. Je conclus provisoirement à un meurtre.

— Beau travail, commenta Leclerc.

Le médecin légiste toussa pour dissimuler son rire.

Moynier n’y vit que du feu.

— Est-ce que j’ai eu raison de vous appeler ? demanda-t-il. Pensez-vous qu’il s’agisse de l’homme qui a agressé le banquier américain ?

— Il me semble, oui.

— Eh bien, j’espère que vous n’y verrez pas d’objection, Leclerc, mais j’étais ici le premier, et je voudrais que ce soit bien clair que c’est mon affaire, maintenant.

— Mais, mon cher, je vous en prie.

Leclerc se demanda comment l’occupant de cette chambre minable avait pu croiser le propriétaire d’un manoir de soixante millions de francs à Cologny. Sur le lit, les affaires du mort avaient été réparties dans des sachets de plastique transparent et disposées pour être examinées : des vêtements, un appareil photo, deux couteaux, un imperméable dont le devant avait apparemment été tailladé. Leclerc se rappela qu’Hoffmann en avait porté un semblable quand il s’était rendu à l’hôpital. Il s’empara d’un adaptateur secteur.

— C’est une prise d’ordinateur, non ? demanda-t-il. Où est-ce qu’il est ?

— Il n’y en avait pas ici, répondit Moynier avec un haussement d’épaules.

Le téléphone portable de Leclerc se mit à sonner dans la poche de sa veste. Il n’arrivait pas à l’attraper à travers sa fichue combinaison de lapin. Il baissa la fermeture à glissière avec irritation et arracha ses gants. Moynier commença à protester à cause de la contamination, mais Leclerc lui tourna le dos. C’était son assistant qui l’appelait, le jeune Lullin, qui était encore au bureau. Il lui signala qu’il venait de vérifier les rapports de l’après-midi. Une psychiatre, le docteur Polidori, à Vernier, avait appelé deux heures plus tôt au sujet d’un de ses patients qui présentait des symptômes schizophréniques potentiellement dangereux. Elle disait qu’il s’était battu. Mais, quand la patrouille était arrivée à son cabinet, l’homme avait disparu. Il s’appelait Alexander Hoffmann. La psy n’avait pas d’adresse récente, mais elle avait donné une description.

— A-t-elle précisé s’il avait un ordinateur avec lui ?

Il y eut un silence, puis un bruissement de feuilles de papier, et Lullin finit par répondre :

— Comment le saviez-vous ?

*

Sans lâcher le pied-de-biche, Hoffmann monta rapidement l’escalier conduisant du sous-sol au rez-de-chaussée avec l’intention de donner l’alerte au sujet de Rajamani. Il s’arrêta à la porte de la réception. Par la vitre rectangulaire, il repéra une escouade de six gendarmes en uniforme noir, gros brodequins et arme au poing, qui traversaient la réception au pas de course pour gagner l’intérieur du bâtiment ; les suivait un Leclerc essoufflé. Dès qu’ils eurent franchi le tourniquet, la sortie fut bloquée, et deux autres policiers armés se postèrent de chaque côté.

Hoffmann fit demi-tour, redescendit l’escalier et retourna dans le parking. La rampe qui menait à la rue se trouvait à une cinquantaine de mètres, et il prit cette direction. Il entendit bientôt derrière lui un doux crissement de pneus tournant sur le béton. Une grosse BMW noire sortit de son emplacement, redressa sa trajectoire et arriva derrière lui, feux allumés. Sans prendre le temps de réfléchir, Hoffmann se jeta devant pour la forcer à s’arrêter, puis il courut à la portière du conducteur et l’ouvrit à la volée.

Quel spectacle devait offrir le président d’Hoffmann Investment Technologies, couvert de sang, de cambouis et de saleté, une longue barre de fer à la main ! Le conducteur quitta sa voiture sans demander son reste. Hoffmann jeta le pied-de-biche sur le siège passager, enclencha la position de conduite automatique et écrasa l’accélérateur. Dans un sursaut, la grosse voiture s’engagea sur la rampe. La porte d’acier commençait tout juste à remonter et il dut piler pour attendre qu’elle s’ouvre entièrement. Il vit dans le rétroviseur le propriétaire de la voiture, dont l’adrénaline avait transformé la peur en fureur, remonter la rampe pour en découdre. Hoffmann bloqua les portières, et l’homme se mit à cogner contre la vitre en hurlant. L’épaisse vitre teintée étouffait ses cris et lui donnait un aspect subaquatique. La porte d’acier arriva en haut, et Hoffmann lâcha la pédale de frein pour appuyer sur l’accélérateur, tellement pressé de partir qu’il l’écrasa cette fois encore trop fort. La BMW franchit le trottoir en tressautant puis vira sur deux roues dans la rue à sens unique déserte.

*

Au cinquième étage, Leclerc et son escouade sortirent de l’ascenseur. Il pressa le bouton de l’interphone et leva les yeux vers la caméra de sécurité. La réceptionniste habituelle était rentrée chez elle et ce fut Marie-Claude qui les fit entrer. Effarée, elle porta la main à sa bouche en voyant les hommes armés la dépasser en courant.

— Je cherche le docteur Hoffmann, annonça Leclerc. Il est ici ?

— Oui, bien sûr.

— Vous voulez bien nous conduire à lui, s’il vous plaît ?

Elle les mena à la salle des marchés. Quarry se retourna en entendant l’agitation. Il se demandait pourquoi Hoffmann traînait autant. Il avait supposé qu’il se trouvait toujours avec Rajamani et avait pris son absence prolongée comme un bon signe : à la réflexion, il pensait aussi qu’il vaudrait mieux persuader leur ancien directeur des risques de ne pas s’attaquer à eux à un moment aussi critique. Mais lorsqu’il vit arriver Leclerc et ses gendarmes, il sut que les carottes étaient cuites. Néanmoins, décidé à perpétuer l’esprit de ses ancêtres, il était prêt à tomber avec dignité.

— Puis-je vous aider, messieurs ? demanda-t-il calmement.

— Nous devons parler au docteur Hoffmann, répondit Leclerc. (Il oscillait de droite et de gauche, hissé sur la pointe des pieds pour essayer de repérer l’Américain au milieu des quants interrogateurs qui détournaient la tête de leurs écrans d’ordinateur.) Que personne ne bouge, s’il vous plaît.

— Vous avez dû le manquer de peu. Il est sorti pour s’entretenir avec un de nos cadres.

— Il est sorti de l’immeuble ? Sorti où ?

— Je pensais qu’il était juste dans le couloir…

Leclerc poussa un juron.

— Vous trois, dit-il aux gendarmes les plus proches, fouillez les locaux. Et vous trois, ordonna-t-il aux autres, venez avec moi. Personne ne doit quitter le bâtiment sans ma permission, lança-t-il enfin à la cantonade. Personne ne donne de coup de fil. Nous nous efforcerons de faire aussi vite que possible. Merci de votre coopération.

Il retourna d’un pas vif vers la réception. Quarry se lança à sa poursuite.

— Pardon, inspecteur… Excusez-moi… Qu’est-ce qu’Alex a fait, exactement ?

— On a découvert un corps. Nous devons en parler avec lui. Pardonnez-moi…

Il quitta les bureaux et pénétra dans le couloir, qu’il trouva désert. Cet endroit lui faisait une impression bizarre. Il fouilla l’espace du regard.

— Quelles sont les autres sociétés qui occupent cet étage ?

Quarry était toujours dans son sillage. Son teint avait viré au gris.

— Il n’y a que nous. On a loué l’ensemble. Quel corps ?

— Il va falloir commencer par le bas et remonter, lança Leclerc à ses hommes.

L’un des gendarmes appuya sur le bouton d’appel de l’ascenseur. Les portes s’ouvrirent, et ce fut l’inspecteur, le regard en alerte, qui vit le danger le premier et lui hurla de ne pas bouger.

— Bon Dieu, souffla Quarry en regardant le vide. Alex…

Les portes commencèrent à se refermer. Le gendarme remit son doigt sur le bouton pour les rouvrir. Leclerc s’agenouilla avec une grimace puis se traîna jusqu’au bord et scruta le fond. Il était impossible de voir quoi que ce fût à cette distance. Il sentit une goutte lui tomber sur la nuque. Il y porta la main et toucha un liquide visqueux. Il leva alors la tête et découvrit le dessous de la cabine d’ascenseur, arrêtée à l’étage du dessus. Quelque chose y était accroché. Il recula précipitamment.

*

Gabrielle avait terminé de faire ses bagages. Ses valises étaient dans l’entrée : une grande valise, une plus petite et un sac cabine, moins qu’un déménagement, mais plus qu’une escapade. Le dernier vol pour Londres devait décoller à 21 h 25, et le site de la British Airways annonçait des mesures de sécurité renforcées après l’attentat sur l’avion de la Vista Airways. Il fallait qu’elle parte maintenant si elle voulait être sûre de l’avoir. Elle s’installa dans son atelier pour écrire un mot à Alex, à l’ancienne, sur du papier d’un blanc immaculé, avec une plume d’acier et à l’encre de Chine.

Elle voulait avant tout lui dire qu’elle l’aimait et qu’elle ne partait pas pour toujours — « peut-être préférerais-tu que je le fasse » —, mais qu’elle avait besoin de quitter Genève quelque temps. Elle était allée voir Bob Walton au CERN — « Ne te fâche pas, c’est un type bien et il s’inquiète pour toi » — et cela l’avait aidée dans la mesure où, pour la première fois, elle commençait à comprendre quel travail extraordinaire il avait entrepris et la tension immense qu’il devait subir.

Elle regrettait de lui avoir reproché le fiasco de son exposition. S’il lui assurait toujours que ce n’était pas lui qui avait tout acheté, bien sûr, elle le croirait. « Mais, mon chéri, es-tu bien certain que ce ne soit pas toi, parce que, qui d’autre aurait pu faire une chose pareille ? » Peut-être souffrait-il de nouveau d’une sorte de dépression, auquel cas elle voulait l’aider. Ce qu’elle ne voulait pas, c’était apprendre par quelqu’un d’autre qu’il avait eu des problèmes, et qui plus est par un policier. « Si nous devons rester ensemble, nous devrons nous montrer plus honnêtes l’un envers l’autre. » Elle n’était venue en Suisse, toutes ces années auparavant, que pour y passer deux mois de stage, mais elle avait fini par rester et organiser toute son existence autour de sa vie à lui. Cela aurait peut-être tourné autrement s’ils avaient eu des enfants. Mais ce qui s’était passé aujourd’hui avait eu au moins le mérite de lui faire comprendre que, pour elle, le travail, aussi créatif qu’il puisse être, ne remplaçait pas la vie, alors que pour lui, elle avait l’impression que c’était exactement le contraire.

Ce qui l’amenait à ce qu’elle voulait dire. D’après ce qu’elle avait saisi des propos de Walton, il avait voué sa vie à essayer de créer une machine capable de raisonner, d’apprendre et d’agir indépendamment des êtres humains. Or, elle trouvait que cette idée même avait quelque chose de proprement effrayant, même si Walton lui avait assuré que ses intentions étaient des plus nobles (« et, te connaissant, je n’en doute pas un instant »). Mais avoir une ambition aussi démesurée et la placer entièrement au service de l’argent — cela ne revenait-il pas à marier le sacré et le profane ? Ce n’était pas surprenant qu’il ait commencé à se comporter bizarrement. Déjà, vouloir posséder un milliard de dollars, sans même parler de posséder effectivement une telle somme, lui apparaissait comme de la folie pure, mais elle était sûre qu’à une époque il aurait été lui aussi de cet avis. Si on inventait quelque chose dont tout le monde avait besoin, eh bien, d’accord, c’était normal de s’enrichir. Mais gagner tout cet argent en jouant (elle n’avait jamais bien compris ce que faisait son entreprise, mais ça semblait se résumer à ça)… ! Elle trouvait une telle avidité pire encore que la folie, elle la jugeait mauvaise — rien de bon ne pourrait en sortir — et c’est pour cela qu’elle devait quitter Genève, avant de se laisser contaminer par cet endroit et ses valeurs…

Elle ne cessait d’écrire, inconsciente du temps qui s’écoulait, le stylo glissant sur le papier fait main suivant le tracé complexe de sa calligraphie. La serre s’assombrit. De l’autre côté du lac, les lumières de la ville commencèrent à briller. La pensée d’Alex, seul dehors avec sa tête blessée, la tourmenta.

Il me répugne de partir alors que tu vas mal, mais si tu ne me laisses pas t’aider, si tu ne laisses pas les médecins t’examiner convenablement, il ne servirait pas à grand-chose que je reste, n’est-ce pas ? Si tu as besoin de moi, appelle-moi. Je t’en prie. N’importe quand. C’est tout ce que je demande. Je t’aime. G.

Gabrielle glissa la lettre dans une enveloppe, la ferma et traça un grand A sur le devant. Puis elle la porta dans le bureau, s’arrêtant brièvement dans l’entrée pour demander à son chauffeur-garde du corps de mettre ses bagages dans la voiture et de la conduire à l’aéroport.

Elle pénétra dans le bureau et posa l’enveloppe sur le clavier de l’ordinateur de son mari. Elle dut presser une touche sans le faire exprès car l’écran s’anima, et elle se retrouva face à l’image d’une femme penchée au-dessus d’un bureau. Elle mit un moment à prendre conscience qu’il s’agissait d’elle-même. Elle regarda derrière elle et au-dessus, en direction de la lumière rouge du détecteur de fumée ; la femme sur l’écran fit la même chose.

Elle frappa plusieurs touches au hasard. Rien ne se produisit. Elle pressa ESCAPE, et l’image se réduisit instantanément à une vignette dans le coin supérieur gauche de l’écran, une case dans une grille de vingt-quatre plans de caméras différentes, légèrement renflée sur les bords à partir du centre, à la façon des images multiples enregistrées par l’œil d’un insecte. Quelque chose semblait remuer légèrement dans l’une des cases. Gabrielle fit bouger la souris et cliqua dessus. L’écran se remplit d’une image de vision nocturne la montrant allongée sur un lit, vêtue d’un peignoir court, jambes croisées et bras derrière la tête. Une bougie brillait, aussi lumineuse qu’un soleil à côté d’elle. Il n’y avait pas de son. Elle défit sa ceinture, laissa choir le peignoir et, nue, ouvrit les bras. La tête d’un homme — la tête d’Alex, intacte — apparut dans la partie inférieure droite de l’image. Lui aussi se déshabilla.

Une petite toux polie retentit.

— Madame Hoffmann ? s’enquit une voix derrière elle.

Elle détourna son regard horrifié de l’écran et découvrit son chauffeur dans l’encadrement de la porte. Deux gendarmes à casquette sombre se profilaient derrière lui.

*

À New York, à 13 h 30, la Bourse commençait à connaître une telle volatilité que le « disjoncteur » constitué par les Liquidity Replenishment Points s’emballa, sortant environ 20 % de liquidités du marché en quelques minutes. Le Dow était en baisse de plus d’1,5 %, le S&P 500 de 2 %. Le VIX était en hausse de dix points.

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